Les escaliers n'en font qu'à leur tête (Finn)

Alejandra avait bien changé en l’espace de quelques minutes. Plus Finn y pensait, plus il trouvait son don à la fois effroyable et intéressant. S’il apprenait à mieux le maîtriser, il pourrait en tirer toutes sortes de choses. Bonnes comme mauvaises. Il n’avait pas à coeur de faire du mal à quiconque, en général, et préférait voir son don comme un cadeau, comme une chance pour ouvrir la voie à quelques opportunités ou faciliter l’usage de ses charmes naturels. Mais il y avait un hic. Une peur bien plus profonde: celle que personne ne puisse vraiment l’aimer tel qu’il était. A part  @Siobhán G. K. Almadovar et  @Luke Korrigan qui le connaissaient mieux que quiconque. Hormis ces deux-là, comment pouvait-il être sûr que ses amis l’aimaient pour ce qu’il était, que les nanas tombaient dans ses bras parce qu’il leur plaisait véritablement? On pouvait tout remettre en cause comme ça, y compris son parcours scolaire et sa relation avec les professeurs. Sa vie n’était-elle qu’un simulacre? Un coffre resplendissant et finement décoré mais malheureusement vide?

Alejandra voulait voir ce qui se cachait sous sa coquille mais… s’il n’y avait finalement que du vide?

Le simple jeu qu’avait amorcé Finn sans trop y réfléchir arriva à un dénouement surprenant. La timide Alejandra du début semblait hésiter alors que le Serpentard la sortait délicatement de l’eau. Il l’avait délicatement soulevée et ses mains étaient encore plaquées sur son dos lorsque la Serdaigle hésita. Hésitait-elle vraiment? Etait-elle paralysée? Ou bien, comme il l’imaginait, hypnotisée?

Elle ne savait plus quoi dire? Lui non plus. Son cerveau lui criait qu’il avait la réponse à toutes ses questions. La solution de simplicité, surtout pour elle, aurait été qu’il la lâche. Qu’il mette fin à tout cela et qu’il ne force en rien le destin mais elle semblait s’agripper à lui dur comme fer, comme si au fond elle ne voulait pas qu’il la laisse tomber. Avait-elle aussi des incertitudes qu’elle n’avait pas encore partagées?

Il accueillit son baiser sans plaisir aucun mais avec une tendresse infinie. Au fond de lui, il était désolé d’être ce qu’il était. Encore plus lorsqu’il la vit s’éloigner de lui à toute vitesse, comme s’il lui avait instillé un quelconque poison entre ses lèvres. Ç’allait être donc ça sa vie: attirer puis horrifier et finir terriblement seul. Alejandra faisait de lui un monstre.

Finn alla nager de son côté, instaurant une plus grande distance entre eux. Il se reposa de nouveau contre le bord du bassin et lui répondit, d’un ton on-ne-peut-plus sérieux: « Qu’est-ce que ça t’apporterait de savoir ça? Qu’est-ce que ça peut faire? Tu fais partie de ceux qui les haïssent? » Il ne mentait pas. Il ne démentait pas non plus. Les mois précédents avaient vu une haine sans faille émerger de certains rangs à l’encontre des hybrides. Finn n’était pas assez stupide pour vendre sa peau aussi facilement.

Si l’attitude de Finn n’avait fait qu’attiser la suspicion d’Alejandra, sa réaction ne faisait qu’éveiller la sienne. Depuis le début, le jeune homme avait fait preuve d’ouverture d’esprit, chassant d’un coup de baguettes les interrogations auquel il ne voulait pas répondre. Il faisait l’acrobate et esquivait les pièges acrobaties après acrobaties. Sauf celui-ci. Faisait-elle partie de ces gens qui détestaient ceux de son acabit? Il songea un instant qu’il devrait définitivement apprendre à mieux maîtriser son maudit don. Mais comment et auprès de qui? Parfois, il souhaitait même qu’il disparaisse complètement.

Peut-être la solution était-elle de prendre ses distances si plus d’animosité se révélait dans les minutes à suivre.

« Et si, parce que j’étais né dans une famille aux valeurs particulières, je devenais mage-noir. Tu m’détesterais? Tu sais on n’a pas toujours le choix dans la vie. On peut dire c’qu’on veut, mais c’est pas si simple de se contrôler et de déjouer le destin. »

Finn n’avait pas connaissance des pratiques obscures que menaient la famille Montero. Fort heureusement pour elle.

« Mais c’est ça le problème Alejandra. » répliqua-t-il avec un sourire désabusé. « Tu ne sais pas qui je suis. Tu ne me connais que depuis trente minutes. » Et encore, connaître c’est un grand mot. « Mes particularités, c’est aussi moi. Et c’est ça qui rend tout compliqué. » S’il n’avait pas ce don, aurait-elle réagi de la même manière? Il était difficile de tout départager, de discerner le faux du vrai.

« J’ai pas besoin que tu flattes mon égo Alejandra. » En temps normal, il aurait dit qu’il se flattait suffisamment tout seul pour ne pas avoir besoin de l’avis des autres. Il comprenait la difficulté de devoir refaire confiance à un demi-vélane, compte-tenu de l’histoire de @Selma Montero qu’il ne connaissait pas. On n’est jamais très enclin à revivre des moments difficiles. « J’crois que tu ne me connais pas assez pour dire ça. » Finn ne se connaissait pas très bien lui-même à vrai dire.

La petite douche d'eau que venait de lui jeter Alejandra améliora légèrement son humeur. Il avait masqué sa bonne humeur, laissant son côté grognon ou vexé prendre le pas sur tout le reste. Si elle ne lui avait pas balancé toute cette eau dans la tronche, un air malin accroché à son doux visage, le Serpentard aurait probablement pris ses cliques et ses claques, fuyant avant que le trop plein d’émotions ne finisse par déborder. Il n’aimait pas perdre le contrôle de lui-même, pourtant ça arrivait si facilement. Trop facilement. Et après, il fallait réparer les pots cassés ou bien jeter l’éponge et ignorer ses erreurs.

Est-ce que ce qu’elle venait de dire lui suffisait? Probablement pas. Difficile de dire si elle parlait sous l’influence de son don, aussi détachée de lui pensait-elle être. Lui-même n’avait aucune idée de l’ampleur que pouvait prendre son don. Jusqu’où son influence allait-elle? Alejandra était-elle assez forte pour y résister? Ça semblait tout bonnement impossible.

« Vas-y, va la chercher cette amulette. » répondit-il sur le ton du défi. Après tout, s'il en valait la chandelle, elle n'hésiterait pas une seconde.
Jamais il ne pourrait croire sans cela qu’elle l’appréciait au-delà de l’influence qu’exerçait son don sur elle.

La culpabilité ne se lisait pas sur le visage de Finn dont les traits s’étaient durcis, tout comme son coeur. Le nounours souriant à tout bout de champ avait laissé sa place à une carapace dure comme fer qui ne laisserait rien passer. Trop de choses avaient été dites en l’espace de peu de temps, suffisantes pour éveiller tous les soupçons dont il pouvait faire preuve à l’égard d’Alejandra et, par la même occasion, à son propre égard. Bien souvent, quand le Serpentard laissait ses émotions déborder, son cerveau se mettre un peu plus en marche qu’il ne le voulait, il avait l’impression de ne pas bien se connaître, de ne plus trop savoir qui il était, s’il jouait un rôle au quotidien pour cacher autre chose, si celui que les autres connaissaient était vraiment le réel Finn. Tout devenait plus compliqué et Finn haïssait cela, préférant prendre le raccourci et opter pour l’ignorance de tout. Comme ça, rien ne le blesserait et il n’aurait pas besoin de se poser trop de questions. Alejandra éveillait tout ce dont Finn ne voulait jamais parler.

Puis, Finn lâcha une bombe. Et pas n’importe laquelle. Il avait fait une allusion concernant les mages noirs, ne prenant pas du tout en compte les bruits et les rumeurs qui couraient au sujet de la famille Montero. Lorsqu’il vit le visage d’Alejandra se décomposer subitement, il sut qu’il avait fait mouche. Son attention avait été déviée comme il l’espérait. C’est lorsqu’elle lui répondit, lui reprochant son manque de tact et de discernement, qu’il comprit la possible erreur qu’il venait de faire. Possible car il n’avait jamais voulu la heurter. Une erreur, ceci dit, qui était tombée à pic: ainsi, ils ne parlaient plus de lui. Il passait pour un mec horrible, c’était une chose, mais on ne parlait plus de lui. Alors, Finn ne s’empressa pas de présenter ces excuses. Ça lui allait assez bien comme cela, en fin de compte.

Il passait pour une enflure, au mieux un mec bourré de maladresse, mais il ne fit rien pour déjouer tout cela. Alejandra se leva, sortit du bain en toute vitesse et plongea sa tête dans le fin fond de la serviette. Il aurait eu envie de lui saisir délicatement le bras et de la réconforter. Mais il ne fallait pas. Elle resta ainsi si longtemps que Finn se demanda si elle laissait s’échapper quelques larmes. Pourtant, sa poitrine n’adoptait que le rythme de sa respiration. Restait-elle comme cela par honte? Par hésitation? Regrettait-elle d’être sortie du bain?

Lorsqu’elle enleva son visage de sa serviette, son visage était impeccablement sec, nullement rougi par de quelconques larmes.
« Il n’y a rien de mal à embrasser quelqu’un, même si l’on ne le connaît pas bien. Tant qu’on en a envie et que tout le monde est d’accord. Si tu le regrettes, c'est peut-être qu'il y a une raison. » Il laissa en suspens ses paroles avant de continuer. « Le problème c’est que je ne sais pas si tu en avais réellement envie. Et toi, tu n’as pas l’esprit assez lucide pour discerner le faux du vrai, au moins pour le moment. » Il la regarda plier sa serviette avec la plus grande minutie avant de rétorquer: « Je n’ai rien à cacher, c’est simplement qu’avec moi vous marchez les yeux fermés, persuadés de les avoir grand ouverts. » Et ça le gonflait parfois, car lui aussi avait du mal à cerner les autres.

Le Serpentard laissa l’aigle s’envoler, accueillant avec doute ses derniers mots. Il ne savait plus quoi faire pour la croire, pour admettre qu’une fille pouvait l’apprécier pour qui il était vraiment. Personne ne lui avait fourni le manuel d'utilisation à la naissance.