Every man for himself (Sheraz)

Revenir à l'IDEM était comme toucher le paradis du bout des doigts. Cet endroit, son effervescence permanente, l'adorable secrétaire de l'accueil, le type de l'approvisionnement qui lui foutait les chocottes ( @Nero MacGregor ), tout lui avait manqué et Sheraz était plus qu'enchanté de retrouver ses quartiers même si, il n'en avait pas à proprement parler, des quartiers. Dès son arrivée, Iris lui avait remis une enveloppe cachetée du sceau des MacGregor. Une longue liste d'assignations auxquelles Imelda MacGregor escomptait bien le voir se coller. Un sourire radieux se planta sur son visage en lisant qu'elle avait donné son aval pour qu'il joue les assistants auprès d'Ana dans la préparation de son intervention à l'Exposition Universelle des Sciences Magiques. Entre deux, une ribambelle de concours s'alignait dans une brochette péremptoire. Il faudrait qu'il se débrouille pour faire toutes ces choses et tenir le cap à Poudlard. Première étape : le concours de Mécamagie.

Curieusement, il n'en conçut aucun stress. Cela tombait presque bien avec cette petite surprise qu'il préparait pour Ana. Une ribambelle de méca-auxiliaires minuscules, pour assister la botaniste dans son travail. Il était même assez avancé sur la question puisqu'il entendait profiter des conseils de ses aînés de l'IDEM pour paufiner le design et mettre la dernière main à un couple d'abeilles pollinisatrices. Ne lui resterait plus qu'à modifier les réglages de l'escargot pour augmenter la sensibilité des capteurs de ses tentacules rétractiles et stabiliser la composition de ses mucus. Ne resterait plus ensuite que l'araignée auxiliaire, qui lui demanderait plus de travail que les autres.

Il n'eut pas de mal à reconnaître un petit groupe d'étudiants-stagiaires parmi lesquels bon nombre de ses camarades de Poudlard. Il s'arrêta un instant pour discuter et évidemment le concours était le centre de la conversation. Apparemment certains projets avaient été déplacés sans traçabilité. Un peu outré, Sheraz souhaita bon courage aux malheureux concernés par cette bévue. A leur place, il aurait été complètement outré. Il serait retourné vaquer à ses occupations, très égoïstement, si Marvin ne l'avait pas imploré de l'aider. Le jeune homme était bien trop timide pour aller frapper à toutes les portes et ça, Sheraz pouvait le comprendre. Il hésita à passer son chemin mais il manqua de coeur et finalement, se retrouva à faire du porte à porte en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire.

« Oh, et, Sheraz ? Tu voudrais bien aussi déposer ça dans le bureau de Mr Fogg ? Iris me l'a donné quand je suis arrivé et j'ai osé dire non mais... »

Pourquoi est-ce qu'il sentait qu'il venait de se faire entuber ? Avec un long soupir dépité, Sheraz pris le petit colis et s'en alla directement vers le bureau du briseur de sorts. Après avoir fureté un peu - il ne pouvait pas retenir le bureau de tout le monde tout de même - il finit par trouver. En vérité c'est Franck, le concierge, qui le mit sur la bonne voie. Il s'apprêtait à entrer et laisser le petit colis sur le bureau lorsqu'une main solide le retint par le sac. Mr Fogg justement !

Sheraz ouvrit la bouche, ravi de pouvoir se débarrasser vite fait de cette livraison mais apparemment, on le prenait pour un autre.

« Euh non il y a erreur. C'est vous que je cherchais. Apparemment ce colis est arrivé à l'accueil pour vous ce matin et... »

Il s'interrompit, persuadé d'avoir entendu comme un petit piaillement tout droit venu de la boîte.

Le jeune homme fronça les sourcils, adressant un regard interloqué au briseur de sorts. Ce colis flairait bon l'aventure. Ou la mésaventure. Sheraz n'était tout à coup plus si sûr d'être ravi finalement.

La remarque du briseur de sorts fit tiquer Sheraz. Il semblait que de quelque angle qu'on l'attaque, l'IDEM resterait toujours une histoire de famille. Si bien qu'il lui arrivait de se demander s'il y aurait sa place un jour et en tant que quoi. Généralement, c'était là qu'il se rappeler de ce jour où Imelda MacGregor ( @Braxton Clearwater ) lui avait mis le grapin dessus et l'enthousiame sans fond avec lequel elle semblait capable de l'inscrire à des concours jusqu'à la fin de ses jours à lui. Et le pire, c'était qu'il adorait ça. Pas besoin d'être un Fogg ou un MacGregor pour cela.

Mr Fogg, donc, ouvrit le petit colis avec moult précaution, laissant l'étudiant partagé entre frousse et curiosité. Après tout, si un plus qualifié et plus expérimenté que lui se méfiait... mais ce fut un , presque banal, cylindre en étain qui sortit de la boîte de pandore. Et toujours ce même petit chant d'oiseau à l'intérieur. Sheraz fronça les sourcils. Décidément, c'était bien précis pour un commande que Mr Fogg semblait ne pas avoir passée...

« Si ce n'est pas une commande que vous avez passée, peut-être quelqu'un de votre famille... Vous avez une idée de leurs sujets d'études en cours ? »

Il était clair pour Sheraz qu'il fallait prendre le problème à sa source. D'abord envisager la provenance de l'objet puis sa fonctionnalité au risque de se retrouver enfermé dans un...

« Ça ressemblerait un peu aux paradis artificiels qui circulent en ce moment sur le marché aux trolls... je l'ai lu dans Mecalab ! »

Il fallait le préciser au risque qu'on le prenne pour ce qu'il n'était pas. Quoiqu'à le voir avec sa mine débonnaire, on pouvait bien se douter que ce brave garçon n'était pas le genre à tremper dans des affaires louches. Pour ce qui était de l'article de Mecalab, le magazine favoris des mécamages, il l'avait trouvé fort intéressant quoiqu'un peu évasif. L'idée de se retrouver à proximité d'un tel objet avait à la fois un petit goût d'interdit et d'un parfum d'aventure qui n'était pas pour le laisser indifférent...

Décidément, ce Matthias Fogg n'était pas très loquace. Sheraz se demandait si les choses auraient été différentes s'il avait été son référent pour la période. Sans doute pas. De ce qu'il avait vu jusqu'à présent, la majorité des aventuriers qui avaient dû le traîner dans leurs pattes, de bon ou de mauvais gré, avaient mis un point d'honneur à ne pas ou peu s'adapter à sa présence. C'était tout l'intérêt de son statut d'observateur, si frustrant soit-il Par chance, certains comme @Dani Thompson , s'était autorisé quelques entorses au règlement. Restait à voir si son nouveau référent serait du même acabit ou s'il serait plutôt comme Mr Vorpe, très à cheval sur le règlement. A vrai dire, en dehors de son nom, Sheraz ne savait rien du briseur de sort qu'il accompagnerait sur les prochaines semaines et de toute manière, il ne savait pas quand il pourrait enfin le rencontrer. Il y avait eu apparemment quelques couacs sur la dernière expédition de Lennox MacGregor.

Sheraz se recentra sur Mr Fogg. Il avait personnellement rarement vu des gens se tromper de nom sur le bordereau d'envoi d'un colis mais après tout, l'erreur pouvait bien porter sur le contenu. Il ne dit rien, soucieux de ne pas s'attirer les mauvaises grâces de ce briseur de sort-ci.

« Euh... je vais plutôt le déposer au département des mécamages. La BPM me louperait pas si je me baladais avec ça... », et Sheraz n'était vraiment pas le genre à prendre des risques. De ce qu'il en savait, certaines personnes avaient développer une addiction immédiate à ces petits cylindres et il n'avait pas envie de vérifier s'il avait le terrain pour ce genre de déviance ou non.

Le son émis par l'objet se modula comme il changeait de main.

« C'est possible mais je resterai prudent là-dessus, j'aurais plutôt tendance à dire - »

Le petit bureau des Foggs se mit tout à coup à danser et à se distordre, donnant légèrement la nausée à notre jeune mécamage en herbe.

« ... à des souvenirs. », sa voix se perdit, égrainant ces derniers mots dans un mince filet d'air quasiment épuisé.

Le bureau des Foggs avaient disparu. Il se trouvait dans une petite pièce. Une chambre de bébé à en juger par le lit à barreau et le constellus qui flottait au-dessus, en guise de mobile. On entendait toujours la musique mais elle paraissait déformée par une espèce d'écho. Sheraz fronça les sourcils. Il s'était déjà retrouvé coincé dans un casse-tête médiéval il y avait quelques mois, la perspective de recommencer la même galère ne l'enchantait guère, sans mauvais jeu de mots. Au moins cette fois-ci, il avait un briseur de sorts avec lui.

« ... ou alors, vous n'auriez pas énervé une ex ou quelque chose comme ça récemment ? »

Il fallait tout de même qu'il en ait le coeur net. S'il fallait, on était dans le délire d'une nana que le briseur de sorts avait larguée juste au moment où elle s'imaginait fonder une famille ou quelque chose dans ce goût-là. Et du coup, elle se vengeait de lui en le mettant en situation. Mais il manquait tout de même le bébé... peut-être étaient-ils là pour autre chose en fait...

Le briseur de sort réfuta, renvoyant aussitôt la balle dans le camp de Sheraz. L'idée que ce décor puisse venir de lui, d'une manière ou d'une autre, le mettait très mal à l'aise, raison pour laquelle, il n'avait pas misé là dessus au départ. Sans qu'il y prête vraiment attention, la pointe de ses cheveux se décolora, vacillant d'une couleur à l'autre dans un remous doux et irrégulier. Quand il s'en aperçut, il se contenta de passer la main dans ses cheveux, pour les dégager de sa vue.

« Peut-être. Si c'est le cas vu la taille du lit je serais pas en mesure de confirmer... »

Il n'était pas un spécialiste mais à vu de nez, on ne rentrait pas un gosse de plus de deux ans dans un lit de ce genre. Captivé par le constellus, il ne vit pas vraiment Matthias approcher et effleurer l'objet. C'est le changement d'ambiance sonore qui le sortit de sa contemplation, prouvant du même coup la théorie de l'expert.

« Sur le principe je suis 100% d'accord mais apparemment certains ont détourné l'objet de sa fonction première pour en faire une machine à paradis artificiel. De ce que j'ai lu, il y a eu quelques cas d'addiction assez grave et même un cas de séquestration. D'où la BPM je pense... »

Un bref instant, il se demanda ce qu'il aurait trouvé dans son propre paradis artificiel. Sûrement des vis, des boulons, des filles superbes et un peu trop tactiles... Sheraz s'éclaircit la voix, chassant l'idée de sa tête. Ça n'était vraiment pas le moment de délirer.

A nouveau le décor changea et la chambre de bébé supplanta le décor intermédiaire. Le briseur de sort se posta à la fenêtre qui offrait un décor pour le moins atypique. Sheraz hésita. La vérité c'était qu'il ne savait pas exactement ce qu'ils étaient en train de regarder. Ses parents avaient toujours vécu à Oxford avant son entrée à Poudlard et ce qu'on pouvait voir là, ça n'était pas Oxford, loin de là. Il déglutit, plus si sûr de vouloir en savoir plus.

« Peut-être... j'ai pas connu mes parents biologiques. », précisa-t-il en venant se poster près de la fenêtre finalement. Il s'était senti obligé de le préciser pour ne pas passer pour un de ces olibrius qui faisaient des secrets de tout, comme on en croisait beaucoup à l'IDEM. Sheraz ne les voyait pas forcément d'un très bon oeil car, du peu qu'il avait vu, ceux qui avaient réellement de l'expérience étaient plutôt prolixes dès lors que la mission était suffisamment avancée. « Ça vous dérange si... »

Son regard se posa sur la porte de la chambre. Une porte bleu aux boiseries colorées, finement ouvragées qui contrastait avec élégance avec les murs blancs et épurés de la chambre. Il fallait au moins ça quand on considérait la quantité de peluches, jouets et autres objets décoratifs qui habillaient la pièce.

Sheraz interrogea Matthias du regard. C'était étrange comme situation, trop intime pour être partagé avec un étranger et pourtant, il ne se sentait définitivement pas de franchir le pas de cette porte tout seul.

Les derniers mots de Matthias trouvèrent une étrange raisonnance chez Sheraz. Construit avec ses parents. L'idée lui était presque étrangère. A l'aune de ces personnes qu'il nommait parents mais sur lesquels il ne mettait même pas un visage. Encore moins un nom. Sans qu'il puisse expliquer pourquoi, l'air emplit à nouveau ses poumons et il poussa la porte, d'une main hésitante, prêt à laisser derrière lui la chambre de bébé.

De l'autre côté, un long couloir interminable, sans doute déformé à en juger par la hauteur sous plafond. Ou bien était-ce comme cela qu'il avait vu les choses, à l'époque. L'endroit était étonnamment lumineux quoi qu'à y bien regarder, les seuls ouvertures au mur étaient des oeuvres d'art. Pas une porte. Pas une fenêtre. On entendait une voix de femme mélodieuse mais floue appeler. Sans trop savoir pourquoi, Sheraz se précipita mais ses pas avalaient une distance sans fin. Aussi loin qu'il portait son regard, l'horizon ne montrait rien au-delà du couloir et il finit par jeter l'éponge, convaincu qu'elle lui resterait inaccessible. Il espérait vainement la voir dans un des cadres accrochés au mur mais là aussi ce n'était que couleurs vives, sans contour ni forme précise. Un lavis de couleurs qui semblait lui rire au nez.

Le jeune homme finit par baisser les bras, l'oeil noir et le poing serré.

« J'ai pas l'impression qu'il y ait plus à voir ici. », fit-il en même temps que leur décor s'estompait pour les abandonner dans le couloir, devant le bureau de Matthias.

Inévitablement, il réapparut sur le chemin d'un briseur de sorts, un peu plus pressé que les autres.

« Oh excusez-moi monsieur... »

... MacGregor. Il faillit en pouffer. A croire que l'IDEM était un nid à MacGregor. Il ne put s'empêcher de se faire cette réflexion : celui-là, il ne le connaissait pas. A défaut, il pouvait au moins lui reconnaître qu'il avait l'air gentil et qu'il ne travaillait pas à l'approvisionnement ( @Nero MacGregor ). L'homme le dédouana d'un bref signe de tête, vaquant à ses occupations presque comme si de rien n'était.

Sheraz se retourna vers Matthias. Il avait ce drôle de regard, presque dur mais reconnaissant. Cette petite excursion dans le couloir sans fin de son enfance - ou probablement - avait plus de valeur à ses yeux que bien d'autres choses. Le jeune homme s'éclaircit la voix, soudain plus gêné de s'être montré vulnérable. Ses cheveux avaient retrouvé leur belle couleur de jais mais rien ne garantissait qu'un nouveau changement ne surviendrait pas d'ici quelques instants.

« Vous devriez le garder. Il vous était adressé après tout... », fit-il en tendant l'objet sans plus vraiment le regarder dans les yeux.

vous vous êtes construit avec vos parents.

Voilà un changement de paradigme qui allait le tenir occuper encore un moment.