I try all the time, in this institution | Ezechkiel

Le professeur actuel lui rappelait par certaines facéties le vieil Osric Beauclerk, que sa mère appréciait mais lui trouvait toujours, et à juste titre, d’innombrables petits défauts, ce genre de petits défauts qui faisaient qu’on l’aimait bien mais jamais tout à fait. Osric Beauclerk se montrait aimable, tout juste assez pour ne pas être seul, mais jamais assez pour se voir bien entouré. C’était une étiquette qu’il s’était monté et qu’il arborait avec beaucoup de plaisir, celui de l’homme qui a peu d’amis mais qu’il a soigneusement choisi.

Ezechkiel était à peu près le même, c’était aussi pour ça qu’il s’entendait si bien avec Osric que le professeur. Il savait se fondre dans la foule sans difficulté, écouter tout le monde et parler de tout, pour peu qu’on lui donne un peu de substance. Son caractère avait été une bénédiction ; un enfant facile, c’était souvent ce qui revenait sur les lèvres de ses oncles et de ses tantes, mais jamais sur celles de sa mère. Azael se gardait bien de porter un tel jugement, puisque « facile », c’aurait été gommé toutes les incertitudes, les craintes, les peurs et les pleurs que les nuits avaient emporté. « Facile », c’aurait enlevé un peu du poids de l’absence d’Eden, et ce n’était pas quelque chose qu’ils voulaient, ni elle ni lui, car ce poids c’était au moins la preuve qu’il existait encore pour eux, à leur façon.

Son père aurait sans doute adoré le voir là, même s’il aurait probablement froncé un peu les sourcils en le voyant si jeune, si guindé, si sérieux derrière son pupitre. Même pour les Van Hellsing, dont le temps filait plus vite qu’un fin torrent au milieu des montagnes moldaves, cela paraissait précoce et pourtant Ezechkiel y trouvait un plaisir incommensurable à parler, encore et toujours, de l’histoire, de ces grandes gestes et de ces moments terribles qui firent de leur société ce qu’elle est aujourd’hui.

Dans les yeux de certains élèves, cela s’allumait parfois et alors il se sentait voler jusqu’au dessus d’eux, comme s’il leur présentait le monde entre ses mains ou plutôt la connaissance ultime de ce dernier.

La fin des cours arrivait toujours trop tôt, et alors le jeune Van Hellsing observait seulement le lent ballet des élèves prenant la tangente, jusqu’au cours d’arithmancie pour certains, pour d’autres le chemin du stade de Quidditch. Un sourire en coin, il terminait de ranger également ses quelques papiers, laissant les jolies cocottes venir se plier d’elles-même dans le fond de sa besace de cuir, quand la jeune Pendragon se planta devant lui.

« Miss Pendragon », il eut un simple geste de la tête, avant de ciller, quelque peu surpris de la question de la jeune femme.

Relevant machinalement la tête vers elle, le petit brun eut un air perturbé soudainement, en se demandant ce qu’en penserait le professeur mais surtout Luke Korrigan. Était-ce une forme... d’infidélité, qu’elle lui faisait, alors que lui n’avait pour ainsi dire l’étoffe que d’un petit commis tout au plus ?

« Ahah, euh, oui, j’ai du temps, j'ai toujours du temps », ricana-t-il, sans arriver à camoufler la gêne naissante, « mais est-ce que vous êtes certaine que je peux vous aider à trouver votre chemin ? »

Un sourire amusé passa sur ses lèvres, et il s’entendit faire un trait d’esprit :

« En tant qu’intervenant en histoire de la magie, je suis plus calé sur le passé que le futur, Miss Pendragon, j’espère que vous en avez bien conscience », même s’il sentit au fond de lui un petit pincement - sans doute son don de voyance contrarié soudainement, ou juste de la salive avalée de travers.