Work hard, play hard | Norà

Soulevant la couette pour faire un peu d’air, Norà gardait un oeil fixé sur ses notes et l’autre sur sa camarade, Queenie, qui lui servait présentement de bouillotte à l’aube de l’été. On avait beau être en Ecosse, les températures dépassaient déjà les vingt degrés en cette fin de mois de mai. Elle adorait cette nana, vraiment, jamais elle n’aurait pu trouver une meilleure amie entre les murs de ce château. Queenie était toujours partante pour à peu près tout et une oreille toujours attentive. Surtout pour les potins et les histoires d’amour, à vrai dire. Mais elle l’aimait de tout son coeur. Malgré tout, elle maudissait sa voisine d’avoir organisé les révisions dans le lit de la rousse et pas dans le sien. Des draps trop chauds? Non merci, c’est une nuit abominable assurée. Et, pour une fois, elle ne pourrait pas tenter de se faufiler entre les draps d’  @Israfel Clearwater. En ces temps d’examens, les plus vieux lions les guettaient particulièrement, veillant à ce que les petits rouges ne dévient pas trop du bon chemin. N’avaient-ils jamais entendu que trop de pression était contre-productif? Norà n’irait pas faire la fête jusqu’au bout de la nuit, m’enfin… Dormir avec son chéri, c’était trop demandé?

Norà agitait donc la couette tandis que Queenie se servait des dragées surprise, visiblement déçue du goût qu’elle venait de piocher. Norà, elle, ne connaissait ces bonbons que depuis peu sur l’échelle du temps et discernait difficilement l’intérêt de risquer un goût horrible pour sa propre consommation. Quand ça tombait sur les autres, c’était toujours plus drôle. Elle tenta tout de même sa chance. Elle grimaça un peu. Goût moules. Norà grimaça un peu plus, se hâtant d’avaler pour plus vite oublier cette ignominie. « Quelle idée de mettre un truc pareil dans des bonbons. » grommela-t-elle en regardant Queenie, presque comme si elle était responsable de tout cela.

« Ouais, c’est pas forcément très naturel. » La Métamorphose, ça faisait partie des matières qu’elle trouvait les plus extraordinaires. Jamais elle n’aurait imaginé pouvoir changer un animal en verre à pied. Si le sujet était difficile, ça ne manquait pas de la fasciner.

« En réalité, moi je réfléchis surtout à la forme finale que doit avoir le verre. J’suis pas sûre que ce soit ce qu’il faille faire ceci dit. » Une mine boudeuse s’afficha sur son visage: elle n’aimait pas que quelque chose lui échappe ainsi. Il était tard, où allaient-elles pouvoir trouver réponse? « Où est-ce qu’on pourrait en savoir plus? J’suis pas sûre que le manuel nous aide beaucoup. »

Il n’était pas difficile d’admettre que Norà, parfois, regrettait un peu le monde moldu. Elle faisait partie de ceux qui tiraient du positif de chacun des deux mondes, sa préférence allant cependant au monde magique. Malgré ces deux années qu’elle venait à Poudlard, elle ne pouvait s’empêcher d’être fascinée par le moindre petit tour, le moindre petit enchantement qui n’était pas encore à sa portée. Parfois, elle parvenait même à s’étonner du plus petit sort qu’elle avait réussi, comme si chaque jour elle réapprenait que tout était possible ici. Tout: le bien comme le mal. Ça allait des bonbons aux goûts odieux et ignobles jusqu’aux guerres magiques qui prenaient des propensions immenses. Il lui semblait que tout ici pouvait être bien plus périlleux et que le danger guettait à chaque coin de rue.

Elle n’était pas vraiment d’un monde ou de l’autre. Du côté moldu, elle devait réfréner quelques habitudes magiques qu’elle avait prises ici, du côté sorcier elle devait apprendre à oublier de vieux réflexes pour s’en créer de nouveaux. Ce n’était jamais facile car ce qui était une évidence pour certains relevait souvent de l’effort pour elle.

Elle affiche donc une petite moue boudeuse lorsque Queenie lui suggère de lancer un Glacius pour rafraîchir ses draps. Encore une fois, elle n’y avait pas songé. Et puis, de toute manière, bien souvent les sorts étaient beaucoup trop extrêmes pour résoudre ses problèmes sans en créer d’autres. « Oui, d’accord, mais j’aimerais éviter de me coucher dans un vrai igloo, je crois que mes vieux os ne supporteraient pas. » Elle regarda son amie se marrer, comprenant qu’elle était tombée dans le piège, manque d’avoir relevé le second degré dont elle avait fait preuve.

La rousse haussa des épaules, tout aussi désemparée que sa camarade. Si elle avait de bons résultats avec cette méthode? « Bah… C’est la seule que je connaisse, je vois pas comment faire autrement. » avoua-t-elle. Ce n’est pas parce qu’elle se débrouillait globalement bien qu’elle était une flèche, loin de là. Norà se raccrochait souvent aux branches comme elle le pouvait. C’était certainement sa ténacité qui lui permettait d’avancer autant. « Mais je pense que si l’on va déranger le professeur Korrigan à cette heure-ci, il risque de nous épingler au mur. » Elle était on ne peut plus sérieuse mais soudain elle se mit à rire, imaginant la porte de son bureau s’ouvrir sur ce monsieur, en vieille chemise de nuit, un bonnet sur la tête. « Je sais pas s’il vit là, mais ce serait quand même franchement drôle » avoua-t-elle sans parvenir à se départir de l’image qu’elle venait de créer. Si seulement elle pouvait la transmettre au cerveau de sa camarade de chambre, ce serait encore bien plus comique.

Elle regarda d’un air étonné sa voisine. « Quoi? Tu veux vraiment aller à la bibliothèque à cette heure-ci? » Elle la dévisagea, insinuant que c’était sûrement tentant mais une bien mauvaise idée. « Si on se fait prendre à cette heure-ci, aussi bonnes nos intentions soient-elles, on va finir en colle. » Et ça, c’était horrible pour la jeune femme. Certains avaient un abonnement aux retenues, elle n’était pas de ceux-là jusqu’à présent. « Me dis pas que tu veux tenter? »