Heavy truth — ft. Haruka Yard

L’appel de la forêt interdite ne s’était jamais fait aussi fort que devant le mutisme d’Haruka. Un court instant, les iris bleutés de Siobhán passèrent de la cime des arbres aux yeux sombres de la jeune femme. Allait-elle finir par répondre ? Siobhán se serait bien contentée d’un seul mot, voire d’une amorce de réaction, à ce stade de leur discussion. Celle qui venait de s’ouvrir n’aurait jamais pu accepter d’être repoussée et voyait déjà dans la sylve une échappatoire, bien avant d’y distinguer une potentielle source de dangers, comme se plaisaient pourtant à le répéter leurs professeurs.

Mais finalement, la réponse d’Haruka fut pire que tout ce qu’elle avait pu attendre ou imaginer. Non seulement Siobhán avait partagé quelques-uns de ses démons dans le process, mais en plus, sa camarade Serpentard avait eu l’audace de lire entre les lignes et de distinguer l’ombre d’une particularité dans ses propos. Si elle ne tenait pas tant à sauver les apparences, l’Irlandaise aurait probablement pu rester comme ça, sans bouger, bouche-bée. Comment avait-elle su ? Était-ce simplement une intuition, comme celle qui planait au-dessus de sa tête rousse depuis qu’elle avait fait la rencontre de la Serpentard, lors de la cérémonie de la répartition ? Ou bien des rumeurs, des ragots ? Son frère avait-il de nouveau trop parlé ?

« M’apprendre ? », demanda Siobhán, estomaquée qu’elle ait pu comprendre si rapidement l’ampleur de ses préoccupations.

Il avait suffit d’une seule phrase à Haruka pour souffler sur le peu de confiance qu’elle avait acquis ces derniers temps, poussière par poussière. Devait-elle pour autant continuer de faire semblant ? N’était-il pas venu le temps d’arrêter de paraître, pour commencer enfin à être ? Ses traits cessèrent de subir cet effet de surprise pour se faire tout à coup plus sérieux. La mine et les épaules basses, la demie-vélane perdait tout de sa splendeur, dans cette position.

« Maintenant, si. » @Edel Almadovar, @Saúl Ochoa-Reyes,  @Eynaelle Sanderson… Même dans ses rêves, elle n'était pas si bien entourée « Mais ces dernières années, c’était plus compliqué. J’ai manqué… » … D’une mère et de son amour. « … de talent pour ces choses-là. J’avais peur que mon don n’interfère sur mes relations avec les autres, alors plutôt que de travailler sur moi, j’ai juste préféré tout mettre de côté. Mon don, et les autres. C’était idiot, mais je pensais que c’était la solution. »

Croisant et décroisant sans arrêt ses bras, elle ne savait plus où se mettre ni quoi faire de son corps. Alors, la jeune héritière Gavalagh-Korrigan s’assit en tailleur sur l’herbe déjà trempée d’une nuit qui s’annonçait à peine.

Il était encore trop tôt pour parler de sa mère. De toute façon, c’était le genre de détail qui n’aidait pas vraiment à améliorer une ambiance déjà compliquée.

Et puis, Haruka passait à autre chose. Pour son plus grand bonheur.

« Je suis désolée qu’il soit parti. » Siobhán avait toujours détesté les au-revoir, encore moins ceux qu’elle subissait. Empathique comme elle était, la douleur de sa camarade fut bientôt la sienne. « Si c’est quelqu’un de bien, tu ne penses pas qu’il reviendra ? Tous les départs ne sont pas définitifs. »

Peut-être partageaient-elles un certain goût de la rancœur, mêlées aux doucereuses saveurs de la rancune. Quant à savoir si cet abandon était vécu par Haruka comme un préjudice ou une injustice, Siobhán préférait encore la laisser maîtresse de ses propres sentiments, aussi toxiques soient-ils.

Perdue dans ses pensées, ce fut une odeur d’épices et la voix d’Haruka qui finirent par lui faire tourner la tête.

Toutes ces émotions lui avaient coupé l’appétit, mais elle ne pouvait pas refuser l’appel de ces senteurs alléchantes.

« Merci. Qu’est-ce que c’est ? Ça a l’air excellent. En tout cas, ça sent très bon. »

Certains plats avaient cette tendance à faire voyager dans le passé. C’était une sensation aussi magique qu’un bon transplanage correctement effectué.

Et bizarrement, à la première bouchée, son ventre se mit à gargouiller bruyamment, comme s’il avait toujours réclamé son dû.

Le masque tomba. Siobhan cessa d'être cette actrice de glace et de chair digne d’une muse de peintre, et sous la surprise, dévoila à nu toute sa vulnérabilité. Haruka ne s’attendait pas à une réponse aussi honnête. Siobhan était bien différente. Son don, qu’elle mentionnait relevait peut-être de la légilimencie, expliquant sa solitude, ou peut-être une demi être des eaux ou une demi-vélane. Il paraissait que certains pouvaient disparaitre de la vie publique car incapable de fermer leur esprit aux autres. Pour la louve, ces dégâts collatéraux étaient bien moindre comparé à la perspective de pouvoir déchiré en morceaux un voisin sous le coup d’une lune mal maîtrisée. Mais, chacun ses problèmes, comme cela se disait chez les hybrides…

Haruka déglutit et son visage se crispa, alors qu’elle cueillait des brins d’herbe nerveusement. Elle releva un regard vers Siobhan un instant, répondant sans détour :

“Certains le sont.” Ses yeux s’abaissèrent sur ses mains à nouveau, ruminant sa colère en silence, ou presque. “Ma soeur m’a dit, que si c'était quelqu’un de bien, il ne serait pas parti.” répondit-elle d’une voix hachée où brûlait une rancoeur tenace. La logique était implacable, comme toujours avec Ellie. @Ellie Yard avait toujours raison.

Siobhan accepta son plat et n’attendit pas la réponse à sa question pour croquer dedans.

“J'espère. Je ne sais jamais si je le ferais un jour aussi bien que ceux de ma mère." Les souvenirs dorés et idéalisés de l'enfance laissaient peu de chance avec une victoire. "Des onigiri.” Elle croqua dans l'umeboshi, la prune fermentée cachée au coeur du riz. “Et du tonkatsu.” Alors que même les écureuils installés sur les plus hautes branches des arbres du parc avaient du entendre les gargouillements de Siobhan, Haruka sortit des baguettes d’un étui et coupa tant bien que mal la galette frite au porc en deux. Prenant son morceau de galette avec les mains, elle soupira de bien-être en retrouvant les saveurs familières de son enfance. Elle se laissa glisser sur l’hebre fraiche, mâchant face aux étoiles.

Certains hybrides ou sorciers doués de dons choisissaient la vie d’ermite s'imaginant éviter d’imposer les conséquences de leurs dons aux autres.

“On peut rien apprendre tout seul malheureusement. On a besoin des autres, aussi bien pour les échecs que les erreurs.” Elle avait quelques cicatrices de morsures de compères, certaines démonstration de contestation de jeunes loups apprenant, d’autres, crocs de ses frères et soeurs, destinés.

“Je pense que les gens doués qui finissent ermite ont renoncé quelque part. Moi j’y crois pas en tout cas. Si tu veux mon avis, l’ego de certains de nos camarades de serpentard font plus de ravage qu’un legilimen fou.” railla-t-elle, cependant très sincère. "Et maintenant tu travailles sur toi ?" reprit-elle, creusant la question sans aucun gant.

Certains le sont.

Elle n'avait pas tort, Haruka. Certains départs étaient bel et bien définitifs. Parfois, aussi fort qu'on pouvait souhaiter que quelqu'un reste à nos côtés, il n'y avait rien à faire : un beau jour, ce quelqu'un s'en allait. S'il y avait les départs prévus, anticipés, auxquels on avait pu un tant soit peu se préparer, il y avait aussi ceux qu'on n'avait pas vu venir et qui s'apparentaient à l'arrachement pur et simple d'une partie de nous.

Quand quelqu'un qu'on apprécie s'en va, on lui laisse toujours un petit morceau de nous en guise de souvenir. Et quant à ceux qui restent, et bien, c'est simple : il ne leur reste bien souvent plus grand chose d'autre que la peine et l'absence, en plus de ce trou creusé dans la poitrine qui devient difficile à combler.  

Que dire alors pour tenter d'apaiser le chagrin d'Haruka ? La Serpentard n'était pas du genre à se laisser bercer d'illusions, de toute façon. Alors, peut-être que la meilleure réponse était tout simplement le silence.

Mais Siobhán ne pouvait pas s'en empêcher. Elle aimait tout commenter.

« C'est vrai. »

Ne devrait-elle pas penser la même chose suite au départ de @Céleste Delacroix ? Ou bien continuerait-elle de se dire qu'elle n'avait pas eu le choix, elle, et que si ça n'avait pas été pour son frère, sa meilleure amie ne serait jamais partie ? C'était peut-être faux, mais au moins, penser ainsi faisait du bien à son cœur.

« Mais tout le monde peut faire des erreurs. »

En voilà une qui était bien placée pour sortir cette affirmation.

Un brin têtue, l'Irlandaise n'en démordait pas. Ils pouvaient toujours revenir, ceux qui étaient un jour partis. Après tout, ce n'était pas comme s'il était mort, cet ami. Les morts étaient les seuls qui ne revenaient jamais et dont on ne pouvait plus rien espérer.

Dans la bouche d'Haruka, la mention de sa mère faisait tristement écho à ses pensées. Siobhán avait beau tenter de travailler sur son deuil et tout ce qu'il pouvait impliquer, ça n'en restait pas moins un lourd fardeau à porter.

« C'est elle qui t'a appris à les faire ? », demanda Siobhán pour détourner sa propre attention de ces idées funestes. Au fond, pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de penser qu'elle aussi, aurait bien aimé pouvoir faire vivre sa mère à travers des recettes de cuisine. Mais elle n'avait même pas ça, pas plus que le reste. « Je ne connaissais pas et je trouve ça succulent, moi. La cuisine irlandaise ça va un moment. Le seul plat qui vaille le détour, c'est l'apple pie. » Pour ce qui était du reste, Irish Stew, colcannon, sheperd's pie avaient tout à envier à des plats plus légers, qui ne vous restaient pas sur l'estomac pendant des mois. Comme ces mets qu'elle était en train de déguster avec appétit.

À croire que la nourriture l'aidait à méditer les paroles de la Yard. Même si parler ouvertement de son don était encore un peu compliqué. Qu'avait compris Haruka ? Avait-elle compris ce qu'elle était, sans avoir besoin de le dire ? Ces non-dits et ces silences lui donnaient mal à la tête d'avance.

« Ce n'est pas le renoncement », réfuta-t-elle avec douceur avant de poursuivre : « C'est la peur de ce qu'on peut faire aux autres. Les victimes collatérales, en quelques sortes. Je n'avais pas de garde-fou alors j'ai préféré tout intérioriser. Mais je me rends compte aujourd'hui que ça n'était pas la solution. Parce que j'ai quand même fait du mal sans le savoir. » Il était difficile de dire si Haruka se sentirait concernée par ses paroles. Mais, après tout, puisqu'elles semblaient réussir à se parler, ce qui n'était pas arrivé une seule fois depuis ces trois ou quatre dernières années, autant dire ce qu'elle avait sur le cœur. « Sans le vouloir », murmura-t-elle comme pour dire qu'elle était désolée, même si les excuses ne sortiraient pas aussi facilement qu'elle l'aurait voulu ce soir.

Elle hocha silencieusement. Elle se souvenait des gestes de sa mère qu’elle répétait religieusement, comme un lien indéfectible avec elle par delà le temps, la mort et l’existence. Bien qu’elle avait du vérifier dans des livres de cuisine et qu’elle avait fouillé dans ses souvenirs. “Oh non ! L’irish Stew et le chou au bacon c’est super bon !” la contredit-elle. Il y avait peu de plat à la viande, ou comportant des légumes ayant marinés dans du jus de viande ne trouvant grâce à ses yeux. Elle avala la fin de sa part de galette au porc.

La serpentard voulu corriger ses propos et justifier sa position. Pour Haruka, elle ne faisait que s’inventer une histoire en montrer l’autre face de la pièce de monnaie. C'était du pareil au même. Léchant avec flegme une goute de sauce sur la tranche de sa paume, ne laissant elle répondit d’un ton égal aux excuses de Siobhan.

“Tu arrêtes d'essayer de faire partie des autres par peur. C'est ça renoncer." manifesta-t-elle son désaccord sans fard. Car pour la louve il n’y avait pas d'autres vérités que la communauté, les autres.

“C'est clair.” renchérit-elle, sans trace de colère dans sa voix, n’ayant que peu d'égard pour le pauvre murmure désolé de sa camarade. Avec nonchalence elle enchaina :

“De toute façon on est tous des victimes collatérales de quelque chose.” relativisa encore plus Haruka. La société, la mort, la maladie, la normativité des sorciers sans dons ni particularité…

“Mais c’est pas ta faute si t’as pas été élevée avec des gens qui te ressemble. Ça doit être dur à trouver quand personne ne dit rien et que tout le monde pointe du doigt la moindre chose qui dépasse.”

L’allusion aux évènements récents était peu subtile.

Elle en savait quelque chose, c'était son travail au sein de la ferme et de la meute de s’occuper des brebis égarés. Avait-elle développé un sens pour sentir l’inexpérience et la peur qui l’avait guidé jusqu'à Siobhan ? La serpentard avait surtout une odeur bien particulière.

Haruka attrapa une autre boulette de riz et continua de croquer avec avidité avant de savourer le plus longtemps possible cette saveur salé sucré amer sur ses papilles. Ses pensées la ramenait encore à Eugène, sa brebis égarée. Elle mâchonna pour repousser le loup de son esprit, faisant appel à ses sens les plus direct. La voie du loup était celle de l’instant. Le passé et le futur était des parasites qui s’accrochaient à son coeur de femme. Elle ferma les yeux. Plus elle écoutait, plus elle sentait, elle eu la curieuse impression que la présence de Siobhan s’infiltrait un peu partout autour d’elle. Comme un parfum subtilement diffus capable de se rétracter ou au contraire de se diffuser à la fois dans ses cinq sens. La louve tiqua. C'était diffus, mais promettait d'être désorientant.

Un silence avait parfois bien plus de sens que de simples mots. Siobhán ne sut quoi faire de celui d’Haruka à la mention de sa mère. Était-ce de la pudeur, ou bien se ressemblaient-elles finalement plus qu’il n’y paraissait ? Un millier de questions se bousculaient au bord de ses lèvres, mais aucune ne put se résoudre à les franchir. Il y avait une forme de respect certaine que les effets du temps et de la distance avaient réussi à forger de leurs propres mains.

Les deux Serpentard avaient déjà tant de différences à apprivoiser. La liste de leurs points communs pouvait encore attendre, si tant est qu’elle venait à pointer le bout de son nez un jour.

« Je comprends qu’on puisse aimer. Mais il y a un peu trop de viande à mon goût », grimaça-t-elle, l’air un peu dégoûté au souvenir de ces quantités absorbées par le passé.

Si ça n’avait pas été pour partager un moment avec Haruka, probablement n’aurait-elle pas touché à ce succulent tonkatsu. Au grand désespoir de son père qui se plaisait souvent à le lui répéter, elle se privait sans nulle doute de saveurs délicieuses très régulièrement. Mais la simple idée de se nourrir d’un être vivant avant tendance à la débecter de plus en plus régulièrement. Il y avait certains points sur lesquels elle savait rester butée. Celui-ci en faisait partie. Mais c’était loin d’être le seul.

Quand Haruka faisait mine de comprendre quelque chose qui ne la touchait pas, Siobhán fronça les sourcils. Ce jugement hâtif n’avait rien pour lui plaire et, tout à coup, elle sentit son estomac se serrer. Ce n’était pas parce qu’elle avait demandé des excuses qu’elle était prête à se laisser marcher dessus. Oui, il y avait de la peur là-dedans. Mais elle n’avait jamais eu la sensation de renoncer. Au contraire. Ça avait été une lutte contre les autres et contre ce qu’elle était au quotidien.

« Tu ne comprends pas », fut-elle d’une voix neutre, stricte, et sans artifice. Une dernière bouchée de son met gracieusement offert termina dans sa bouche avant qu’elle ne se redresse, prenant appui sur le sol pour se relever avant de lui tendre son vêtement une fois debout. « C’est rien. Mais sache que l’idée de la petite mijaurée que tu te fais de moi est complètement erronée. » Elle prit une grande bouffée d’air pour apaiser ses poumons en manque d’oxygène alors que des bribes de colère commençaient à gronder quelque part en elle. « Les vélanes, même à moitié, ont cette fâcheuse tendance de manipuler l’amitié et l’amour sans s’en rendre compte. Je ne voulais pas ça pour toi, ni pour personne. » Il y avait toujours cette étrange douceur dans sa voix, et même si l’intérieur de sa gorge se serrait davantage à mesure que les minutes passaient, chaque tremblement était sauvagement contenu à l’intérieur pour ne rien laisser paraître. « Je t’ai présenté mes excuses, tu n’en veux pas, j’entends. Mais ne pense pas que je vais ramper pour les obtenir, Haruka. »

Parler davantage de ce don qu’elle n’avait jamais considéré comme tel était soudainement devenu une montagne infranchissable et, alors qu’elle aurait pu continuer de s’ouvrir comme elle l’avait fait jusqu’ici, Siobhán se referma comme une huître. Elle aurait pu lui dire que son frère était comme elle, qu’il lui donnait l’impression de très bien se sortir de tout ça et de ne pas en souffrir, quand bien même c’était faux. Elle aurait pu lui dire  qu’aujourd’hui, elle avait goûté aux délices de l’amitié sans faille et qu’elle ne voulait plus jamais y renoncer, qu’elle voulait partager ces instants de grâce avec elle. Mais quelque chose l’en empêchait.

Ce soir n’était pas le bon soir.

D’habitude, elle aurait probablement repris le chemin des enclos pour aller bavarder avec quelques oiseaux de nuit. Mais l’absence de Walter la prenait aux tripes, et il était inconcevable de parler à quelqu’un d’autre qu’à lui.

« Si un jour tu as besoin d’une amie, pour une raison ou pour une autre, tu sais où me trouver. Même si j’ai conscience que j’ai mal saisi le timing. Merci d’être restée avec moi. »

Elle n’était pas de celles qui s’excusaient deux fois.

Sans rien ajouter de plus, Siobhán prit la route du château, guidée par la lumière douce des fenêtres de l’édifice.

Une balade de nuit lui ferait le plus grand bien.

Siobhan bloqua net, mais s'exprima avec sa douceur caractéristique. Haruka ne se souvenait pas l'avoir entendu hausser la voix. Haruka sentit pourtant en elle les signes de la colère. En toute réponse, la louve se fit un miroir parfaitement neutre. Lorsqu'elle tint à nouveau sa chemise, signant net l'arrêt de leur échange, elle paru presque froide, mais embaumé d'un étrange, mélangeant fleur, ambre et de beaucoup d’autres choses qui ne devaient pas composer une odeur humaine. C'en était presque un parfum d'amortentia.

Mijorée… Le mot n’est pas mal choisi du tout. Siobhan Korrigan Cavalaigh ne parlait à personne, sauf à son petit groupe d’amis très fermé, où chacun avec le sang plus pur que les autres. @Edel Almadovar, @Xris Andērson, @Céleste Delacroix, @Finn Gavalagh-Korrigan… Quelle image pensait-elle renvoyer et entretenir auprès des autres ?

Haruka la toisa avec flegme alors que Siobhan se redressait dans l'herbe. Ses yeux rompirent cette apparent amorphisme alors que Siobhan lui révélait la nature de sa différence, de son sang-mêlé : l’héritière de chasseur était une sang-mêlé. Haruka n'était pas très attentive, mais les rumeurs de début d’années de Poudlard lui avait apprit que les Korrigan étaient une famille de chasseur. Aussi, c’est un long et grand regard pensif qu’elle braqua sur elle, et se sentit bénie qu'à aucun moment Siobhan ne lui ait retourné une de ses interrogations.

Haruka considéra la drôle de porte ouverte que lui laissait Siobhan. La mijorée devait reconnaître qu’elle semblait préférer la sensation d’octroyer une faveur aux autres que d’en être la bénéficiaire. Elle ? Une amie ? La galloise avait tout ce qui lui fallait, famille de sang-pur, riche, un petit ami tout aussi pur et riche, et des amis qui l'étaient tous autant. Haruka ne comprit pas.

Et toi tu fais des idées sur moi. répondait son regard, affable.
On ne fait pas partie de la même meute. L’explication était simple.

“Bonne nuit !” lança Haruka pour que Siobhan se retourne. C'était un brin sincère, un brin provocateur. L’idée d’acculer Siobhan séduisit pendant une seconde son esprit. L’idée avait quelque chose de grisant. Un truc de meute. Haruka allait à l’affrontement avec ses paires, toutefois elle n’avait pas senti cette pulsion en la présence de Siobhan. Mais elle resta à surveiller de loin la serpentard rentrer jusqu’au château. Quand elle disparu de son champ de vision, elle suivit de son ouïe le bruit de ses pas.

Manipuler l’amitié et l’amour, songea-t-elle. Haruka en avait entendu parler, mais de constitution brut et terre à terre, elle avait du mal à se représenter l’exercice. Les sorciers n'étaient-ils pas plus sujet à cela ? Encore une fois, ce n'était pas le genre de dommage collatéral que pouvait causer un loup... Et Haruka avait été éduquéé dans ses plus jeunes années dans l'acceptation de cette violence, et même les Yard avait leur part de brutalité animale. Ils l’avaient tous. Alors elle se demanda : Siobhan se sentirait-elle mieux si elle assouvissait ce tabou ? Était-ce un besoin ou bien un don ?

Un sourire s’esquissa sur ses lèvres, amusée d’avoir senti une véritable émotion chez Siobhan, même si celle-ci fut négative.

Un cri de chouette lui fit braquer la tête ailleurs. Sa tête se vida en une seconde, ne laissant que des bas instincts prendre le contrôle de ses sens et ses membres. Elle avait envie de chasse.

La louve se dirigea pied nu vers la forêt interdite en déchirant morceau par morceau le reste de galette dédaigné par la galloise, ne faisait qu’exciter son appétit. Elle jeta un regard vers la cime des arbres et aperçu une fine lune. La sensation des rayons et de son aura était fine. Résolue, Haruka voulait essayer. Son coeur s’emballa et ses pupilles se fendirent. Sa rencontre avec Siobhan partie très loin.

Bien plus tard, au milieu de la nuit, un lointain hurlement retentit contre les remparts.

Le même cri de loup de la lune rose. Le même cri qu’avait poussé Walter dans son funeste dernier souffle.