Force the Love

C'était de ces moments de l'année où tout était calme en apparence. La saison estivale annonçait le lancement de nouvelles expéditions et déjà, le petit vase communiquant de Mrs Olympe tirait la langue. Il n'en pouvait plus de délivrait les précieuses pièces carrées que les douanes de l'un ou l'autre pays se feraient un plaisir de poinçonner au départ et à l'arrivée. Mrs Faux-Orpin, le cheveu au naturel ou presque, plus long qu'à l'accoutumée, lui adressa un petit regard compatissant. Juste à ce moment-là, la curieuse impression que quelque chose d'agréable allait se produire la poussa à reporter son attention  sur l'ascenseur runique plus loin à sa gauche. On était loin de la pause. Il venait de récupérer des liasses de paperasse qui allait probablement la lui faire sauter. Finalement ce fût l'effondrement de l'impeccable chignon de Christine Pâquerette la rappela dans le hall. Elle qui pourtant ne laissait jamais rien au hasard. Et cette curieuse sensation... sur laquelle elle n'aurait vraiment su coller une étiquette. Finalement, et bien malgré elle, c'est la silhouette d'un visiteur qui attira son regard, lui laissant la gorge sèche.

« La dernière fois que nous nous sommes vus, vous me vouvoyiez. », répondit-elle à l'homme qui venait de se présenter à la banque de l'accueil. Malgré elle, son ton de voix était plus fleuri que d'ordinaire, son sourire plus sucré, quand bien même elle était déjà très agréable d'ordinaire « Mais je suis ravie de vous revoir moi aussi... », elle aurait bien aimé l'appeler par son prénom mais contrairement à elle , il n'avait pas de chevalet à son nom alors elle se contenterait de... « Monsieur Ochoa... »

La suite de la conversation fut toutefois plus surprenante et il put le lire sans mal sur son visage.

« Mais... il n'y a pas assez de travail au Bureau des Aurors ? », décidément, il y avait du laisser aller depuis le départ de Gabriel Standford ( @Glenn Yard ), mais elle ne pouvait pas dire que ses pauses cafés solitaires de l'après-midi s'en trouvaient nettement améliorées. Elle considéra un instant l'homme qui se trouvait devant elle, se faisant rapidement l'idée que rien de tout ceci n'était une plaisanterie alors, elle reprit le rôle de l'assistante qui lui allait si bien, « Enfin... tu sais quel genre de postes tu recherches ? Je peux faire passer tes références ... »

La secrétaire tiqua ouvertement. Qu'avait-il bien pu se passer pour faire de l'auror cet homme nouveau qui venait démarcher à l'accueil de l'IDEM ? La carrière d'auror était suffisamment éprouvante et exigeante pour justifier une envie de bifurquer, arrivé à un certain âge. C'était ce qu'il s'était passé avec Gabriel. Mais elle doutait qu'Ochoa soit dans le même état d'esprit. Il n'avait guère l'air parti pour se consacrer à l'éducation de sa progéniture, du moins quand on le voyait comme ça.

« La sécurité ? Oui ça me paraît logique. Des réticences aux voyages longue durée ? », s'enquit-elle, sa plume suspendu au-dessus d'une petite note qu'elle épinglerait sur le futur dossier de Saúl Ochoa. Elle avait déjà sa petite idée...

Lui, de son côté, ne perdait pas de temps. Voilà qu'il l'entraînait sur autre chose.

« Je pourrais presque croire que vous êtes jaloux. C'est plutôt un très bel homme au demeurant, je peux comprendre. Mais il va bien si ça peut vous rassurer. », elle ne pouvait s'empêcher de noter cette drôle de façon qu'il avait de tacler @Ima Soninké alors qu'il n'était même pas à portée d'oreille. A moins que ce ne fut une question plus intéressée qu'elle n'en avait l'air. Les deux hommes ne s'étaient peut-être plus vus depuis ce fameux jour dans la forêt de Sherwood.

Là encore, l'auror changea de sujet, la fauchant sur place en lui demandant de but en blanc de venir prendre un verre avec lui. D'instinct, elle aurait poliment décliné, prétextant avoir beaucoup de travail ou une fadaise du genre comme elle l'avait toujours fait. Iris Faux-Orpin ne sortait que très peu et toujours avec les mêmes personnes. Nyéléni savait parfaitement que s'accorder ce genre de petits divertissements, avec un homme qui semblait se plaire au jeu de la séduction qui plus était, ne ferait que lui attirer des ennuis. Elle ouvrit la bouche, avec une pensée pour Nero avec qui elle aurait plus volontiers été prendre ce verre, mais quelque chose lui coupa la chique. Et tout à coup, c'était comme si Saúl avait été le centre de son univers. Elle se plongeait toute entière dans ce regard magnétique, prête à dire oui à tout mais surtout à n'importe quoi. Elle se sentait les jambes en coton, le coeur emballé, la gorge nouée et il lui venait de ces idées si inavouables qu'elle faisait saillir ses pommettes dans une expression aussi charmée que charmante.

« J'en serais ravie... », fit-elle sans vraiment s'en rendre compte, toujours incapable de le quitter des yeux.

Curieusement, il ne lui avait pas du tout fait le même effet cinq minutes plus tôt et là, elle en oubliait même cette idée ridicule que Gemma lui avait plantée dans la tête de "glisser ses doigts dans les magnifiques boucles brunes", striées de sel, de @Nero MacGregor.

Nyéléni déglutit. Qu'est-ce qui lui prenait de penser à ça maintenant ?

Elle le regarda s'éloigner avec une pointe de soulagement, toujours complètement dépassée parce que cet homme lui avait inspiré. Sans trop en avoir l'air, elle l'observait du coin de l'oeil tout en terminant son travail. D'ordinaire, Iris était la dernière à partir parmi le petit personnel mais quelque chose lui disait que ce soir ce ne serait pas le cas. Et effectivement, quelques minutes avant l'heure, une silhouette se posta devant la banque de l'accueil, lui tendant la main.

Pourquoi quelle obscure raison elle glissa sa main dans celle d'un parfait inconnu, elle retournerait la question deux cents fois dans sa tête plus tard. Sur l'instant, elle n'en tira qu'un agréable transport et une sensation d'affolement émotionnel mêlé d'un silence intérieur tout sauf habituel.

Ils s'installèrent finalement dans un café, à deux pas. Elle s'assit face à lui, recouvrant ses esprits l'espace d'un instant, du moins en partie. L'effet ne dura pas, l'ex auror se pencha vers elle et elle s'en sentit le coeur tout chaviré. Par réflexe elle recula contre le dossier de sa chaise, un petit mal de crâne la prenant au sinus comme elle luttait vraiment pour faire abstraction de l'étrange attirance qui lui faisait passer par la tête toutes sortes d'idées inavouables.

« Vous me... déstabilisez... », avoua-t-elle, le coeur au bord de la rupture.

Un instant elle se surprit à espérer qu'ils finiraient l'après-midi seuls dans n'importe quelle chambre d'hôtel alors même que l'idée l'aurait d'ordinaire rebutée.

Elle se crispa lorsqu'il posa sa main sur la sienne. Ce n'était pas quelque chose qu'elle acceptait de n'importe qui et étonnamment, cette fois-ci elle prit un plaisir démesuré à ce contact. Au point d'être presque peinée qu'il y mit un terme sans en demander plus.

Recouvrant ses esprits, la malienne fronça sévèrement les sourcils. Cet homme jouait d'une magie qu'elle ne connaissait pas mais qui s'avérait redoutablement efficace. Seuls les ancêtres auraient pu dire jusqu'où cela pouvait les mener et son instinct à elle lui hurlait de s'éloigner avant de le savoir. Ce n'était pas tant les questions qu'il posait, mais cet étrange pouvoir dont elle se méfiait. Si elle savait mentir, elle n'avait de toute évidence pas les armes pour lutter contre ça.

« Comment se fait-il que vous reveniez me poser toutes ces questions après tout ce temps ? », interrogea-t-elle d'un ton soupçonneux.

Qui pouvait dire s'il n'était pas payé par le gouvernement malien ou mieux encore les impérialistes. Quand on en venait à parler de ses racines, Nyéléni était toujours méfiante à l'extrême. Elle ne parvenat pas à plonger son regard dans le siens à cause des lunettes qu'il portait et ça lui enlever une partie de ses options de défense.

Le regard était la voix la plus naturelle de communication, or là il avait coupé court à toute éventualité.

« Ne me dites pas simple curiosité, j'aurais peine à croire que vous vous donniez tout ce mal... », prévint-elle tout en réfléchissant à une porte de sortie qui ne la ferait pas paraître plus suspecte encore qu'elle ne l'étair déjà aux yeux de l'ex auror.

S'il s'était montré avare de détails, il en avait dit suffisamment pour qu'elle comprenne d'où pouvait bien venir cette envie qui lui prenait par vague de satisfaire à toutes les demandes du latino, en dépit de toutes les précautions qu'elle observait dans ce genre de situation.

Il devait probablement être vélane, homme-serpent à plume comme on disait par chez elle. Forte de ce petit détail, elle se promettait intérieurement de redoubler de vigilance.

Elle nota aussi bien le bref changement dans l'attitude pleine d'assurance de l'ex auror. Sans le vouloir, Nyéléni venait de mettre le doigt sur quelque chose et elle entendait bien ne pas laisser filer cette occasion de ne pas parler d'elle. Cela fonctionnait avec la plupart des gens parce que les gens aimaient parler d'eux tout simplement.

« Il n'a pourtant pas fait de mystère. Avec ce que vous savez déjà, vous ne feriez rien qui puisse compromettre ma sécurité n'est-ce pas ? », esquiva-t-elle habilement, comptant qu'il ait gardé son âme de protecteur même s'il avait rendu sa plaque.

Elle se rappelait parfaitement bien des mots d' @Ima Soninké . Une réfugiée politique protégée par le Ministère. S'il avait d'office pris le rôle de protecteur, Nyéléni ne manquait pas non plus de ressort pour se protéger elle-même. Dans ce cas précis, jouer la transparence et la psychologie lui paraissait la meilleure chose à faire, ne pouvant décemment plus mentir comme elle le faisait avec tant d'autres.

« Pourquoi ai-je l'impression que ça vous amuse M. Ochoa ? »