Real life (Cáel)

Vingt jours. Compté deux fois sur les doigts des mains et avec une attente qui lui paraissait interminable. Et de l’hôpital St-Pincus en Californie jusqu'à St-Mangouste, c'était un arrivage de fleur qui l’avait suivi pour lui souhaiter un bon rétablissement, égayant une chambre que son père venait de quitter pour réceptionner quelques notes d’urgence. Manager mais père avant tout, ce dernier l’avait ramené avec lui pour le premier contrôle depuis son opération, préférant l’hôpital britannique pour assurer un suivi plus permanent, loin de la popularité croissante qu’il gagnait au Japon.

Assis sur le lit sa chambre depuis quelques jours, balançant une jambe plus que l’autre, Blake témoignait de la fragilité d’une hanche opérée d’urgence et dont le dossier l’avait suivi en même temps que la possibilité d’une inscription en fin d’année dans une presque urgence. La directrice n’avait pas réellement été convaincu par le dossier scolaire qu’il présentait, mais il comptait sur son entrevu lundi pour la pousser à prendre la bonne décision. @Perséphone Fogg et @Michel-Ange Grimm leur avait apporté leur note de cours qu’il feuilletait en y mettant toute la conviction possible, gardant toujours à l’esprit qu’il rejouerait plus tard et que cette solution n'était que palliative. Et c'était ainsi qu’on lui avait plus ou moins présenté l'évolution de la chirurgie réparatrice dont il avait bénéficié sans que le monde de la recherche magique en fasse des publications pour le témoin d’un progrès mécamagique à venir. Il en valait de sa popularité et surtout de son jeu qui devait encore être à prouver sur le terrain et c'était en se concentrant sur cette seule éventualité qu’il comptait encore demandé s’il était possible de retoucher sa prothèse pour lui permettre des mouvements bien plus amples, ne serait-ce que pour reprendre la course et accélérer le processus de guérison.

Si la patience était une vertu dans le sport, le simple fait de ne plus pouvoir pratiquer le sien l’invalidait. L’inactivité, les condoléances l’irritaient au plus haut point, sans vouloir aborder la notion de Quidditch pour ne pas soulever des possibilités auxquelles il ne voulait songer. Il savait parfaitement ce qu’il valait sur un balai, être un demi-Grimm et un demi-Nakatani lui conférait un alliage de qualité et de compétence hors norme. Il en avait fait sa vie, du haut de ses vingt trois ans, sa carrière était déjà bien lancée et envisager un “et si non” était bien trop nouveau pour être pris avec le plus de sérénité possible. Pas seulement après vingt jours.

Alors lorsqu’on toqua doucement à sa porte, il bondit par reflexe au pied du lit en se retenant légèrement sur le bord, soulevant la jambe la plus faible pour ne pas s’appuyer dessus. Il savait d’avance que ce qu’il faisait était contre productif mais l’avis de ce nouveau médicomage qui allait suivre son dossier était important et afin d’y mettre du sien sans qu’on vienne le reprendre, il s’imposa la posture la plus droite qui démontrait le léger déséquilibre d’une hanche qu’il fallait absolument retoucher.

”Bonjour Dr. O’Dwyer.” S’avançant vers le jeune homme qu’il estima soudainement pas plus âgé que lui par sa stature, Blake lui tendit la main avec tous le respect qu’il devait à un corps de métier qui sauvait déjà bien des vies et qui avaient donné une nouvelle chance à la sienne. ”Je vous remercie de prendre en charge mon dossier de suivi concernant la prothèse posée par le Dr Callaway.”

Ignorant si le médicomage avait déjà pu regarder son dossier en amont, il préféra ne pas se répéter pour ne pas perdre de temps et aller au fondement de la consultation d’aujourd’hui.

”C’est le premier rendez-vous depuis l’opération, j’aurais aimé avoir votre avis sur la manière dont tout ça s’est construit et si vous aviez, éventuellement des suggestions à apporter pour que je puisse reprendre au plus vite les séances d’entrainement.”

D’une allure bien plus jeune qu’il ne le pensait, la poigne pourtant pleine d’assurance, Blake lui adressa un sourire plus que professionnel. Loin de se fier aux apparences, ni même à l'âge, il avait apprit que l’expérience ne s’acquerrait pas durant un cursus uniquement scolaire puisqu’il en était lui-même la preuve. Le regard avisé sur une hanche qui se remettait à peine de la chirurgie réparatrice, le franc parlé le figea légèrement alors que le médicomage remettait en doute la durabilité de la prothèse qu’il avait eu de toute urgence. Bien que l’hôpital était aux pointes de ce que les techniques sorcières pouvaient offrir de leur temps, Blake avait conscience que ses propres connaissances avaient été limité et qu’il s'était fié à l’instinct de son père pour foncer dans la première solution qu’on lui avait présenté.

Maintenant le silence pour ne pas voir s’effriter son entrain à vouloir reprendre les entrainements au plus vite, il écouta son ainé lui proposer des solutions.

”C’est Grimm-Nakatani Monsieur O'Dwyer, mais vous pouvez m’appelez Blake.” Il préférait le rectifier doucement, la fierté du nom de son père accolé à celui de sa mère était un trait indéniable de sa personnalité. Ce n'était pas là une lubie de célébrité que de se faire appeler par ses deux noms, mais ce respect qu’il vouait à tous ses anciens qui l’avaient bati comme il était aujourd’hui. Bien qu’un praticien ne pouvait se permettre d’appeler leur patient par leur prénom, l’usage du sien devait lui simplifier un nom composé.

Et si quelque part, il prenait bien en compte les conseils avisés du médicomage, la répétition du fait qu’il faille aller doucement tinta dans ses oreilles comme un frein à son avenir. Il l’entendait de son père, comme de ses amis depuis des journées, ne cessant de repousser cette impatience qui finirait un jour par le ronger. Mais puisqu’il fallait attendre en se servant de la patience comme seule vertu pour au moins quelques mois, Blake acquiesçait simplement, comprenant que le temps guérirait un mal physique tant qu’il ne se malmenait pas.

”Est-ce que vous envisagez de faire vos propres ajustements?” Bien que Nakatani Senior était son père et manager, Blake était majeur pour pouvoir prendre la meilleure décision pour lui. Par ce deuxième avis qu’il se faisait auprès du médicomage qui s'était fait remarqué par son approche bien plus moderne que ses confrères, Blake exprimait ainsi une confiance à ses connaissances médicomagiques. ”Je suis apte à prendre les décisions nécessaires pour que ce repos et la rééducation nécessaire par la suite puisse me faire rejouer par la suite. Je veux éviter que cette période ne soit trop longue et complexe, je suis preneur si vous pouvez améliorer cette prothèse.”

Il eut un instant où Blake s’arrêta dans son élan, conscient qu’il en demandait beaucoup, simplement parce qu’il avait l’habitude de se surpasser et de ne jamais stagner. Les vingt-et-un jour passés ne devaient pas être une perte de temps lorsqu’il avait sa carrière encore en jeu, quoi que la presse puisse penser de son affectation à Poudlard pour la rentrée.

A l’instar d’une seconde chute, celle-ci  fut néanmoins bien plus douloureuse que prévu.

Vingt jours avaient eu le temps de s'écouler avec une prothèse qui portait autant d’espoir que le talent qu’il représentait dans l'équipe japonaise. Le nom de son père qu’il avait autant redoré que le vif d’or qu’il attrapait avec fierté était mis à l'épreuve depuis quatre cents quatre-vingt heures. Mais savoir que depuis l’hôpital américain où il avait subi l’opération en toute urgence et pleinement conscience des risques qu’il encourait pour sa carrière, se voir démonter par un mécamage qui souhaitait tout reprendre à zéro, c'était comme s’il chutait en le faisant exprès.

La remise en question était d’autant plus forte qu’il lui indiquait la nécessité de reprendre des bases plus saines, là où un comité d'éthique qu’il voyait déjà, délibérerait sur son avenir une fois la prothèse posée. Il observait son ainé, sans réellement l’analyser ni le détailler, le regard presque dans le vide malgré le fait qu’il considérait toute la démarche qu’il était entrain de lui expliquer. Clair, net et précis, le médicomage allait retoucher à une hanche encore fragile, déposer une prothèse pour une autre dans un lapse de temps qu’il voulait aussi limité que possible pour reprendre assez vite les entrainements.

L’esprit sportif de Blake lui imposait une deadline à laquelle il devrait remonter sur un balai pour ne pas perdre. Si la chute n’avait pas été considéré comme un échec, ces vingt derniers jours l'étaient et de manière cuisante parce qu’ils n’auraient servi à rien alors que les premiers jours étaient cruciaux. S’emmurant très soudainement dans un mutisme, le jeune prodige se rendait compte qu’il lui manquait les conseils avisés de son père en la matière car s’il savait quoi faire et quand lorsqu’il s’agissait de Quidditch et de la gestion de ses émotions, prendre une décision qui remettait de nouveau sa place en jeu n'était pas anodin.

Mais il avait très bien compris le point de vue du médicomage, on ne faisait pas du neuf avec du vieux et il osait espérer ne pas finir dans la dernière case alors qu’il était dans la fleur de l'âge. L’impatience l’aurait élancé dans une réponse positive tandis que la prudence lui aurait demandé du temps de réflexion et ce fut bien celle-ci qu’il prit, pour ne pas refaire une deuxième erreur alors que le temps l’avait pressé sans second avis immédiat après sa chute. Il ne se posait pas encore les bonnes questions, sa priorité était encore de savoir quand il pouvait reprendre les entrainements après la rééducation.

Et ce fut en observant l’assurance et la détermination du Médicomage qu’il ne put qu’acquiescer, accusant le coup et finissant par baisser la tête pour enfouir la déception d’avoir laisser couler des jours trop précieux jusque là. Il savait qu’il n’aurait pas d’autres choix que de rester plus longtemps à Poudlard, de se tenir à l'écart de la foule, des journalistes, du terrain de Quidditch et du moindre balai pour ne pas être tenter. Pour Blake, c'était lui enlever sa première nature et faire confiance au progrès de la médicomagie sportive était primordiale pour garder son optimisme intact.

Plusieurs données devaient pourtant rentrer de nouveau en compte pour qu’il puisse exposer ce revirement à ses parents. Bien que Blake pouvait prendre des décisions seules, leur avis était d’une importance capitale bien qu’aucun d’entre eux n’avaient le niveau d'étude du médicomage O'Dwyer. En plus d’un suivi efficace au sein même de St-Mangouste, il pourrait bénéficier d’un oeil nouveau, plus jeune et plus proche de la réalité moderne sans que la nouveauté ne soit un frein pour l'évolution.

”Y’aura-t-il des contre-indications à chaque étape de cette nouvelle procédure?”

Il ne demandait plus combien de temps il passerait sans s’entrainer, ni combien de temps il allait devoir avoir un repos obligatoire. Comme tout autre patient, Blake demandait, humblement et avec toute la patience qu’un jeune homme de son âge pouvait potentiellement avoir, s’il devait se préparer à pire.

”Si je vous donne mon accord avant la fin de la journée, combien de temps prendra la conception de votre prothèse et la validation par le conseil avant la pose?”