For(n)ever (Makjidham)

INFOS FICHE DE PERSO

Un soupir s'échappa des lèvres de Mohan. Megâm semblait être plus résignée que lui à l'idée de ce mariage. En y réfléchissant bien, elle avait plutôt l'air d'être une bonne personne avec qui se marier et fonder une famille. Elle était plutôt jolie et il avait cette curieuse impression qu'il pourrait aisément devenir ami avec elle. Mais cela ne suffisait pas vraiment à satisfaire Mohan et son désir d'amour avec un grand a.

Un fin sourire s'étira sur ses lèvres. Bien sûr que c'était plutôt encourageant. Mohan était presque sûr que ce mariage à venir se passerait plutôt bien. Il n'était pas un mauvais gars et Megâm semblait l'avoir déjà cerné. Si cette idée avait pu l'agacer, il n'en fut rien. Lucide, Mohan n'était pas le genre de sorciers à l'esprit retord, cachant son jeu pour éviter qu'on ne le perce à jour.

Non, c'était plutôt un homme simple, prévisible, dont l'esprit était facilement cernable. Sa seule réelle qualité, si tant on pouvait passer outre sa simplicité qui le rendait si authentique en raison de sa noble lignée, était son engouement pour le travail. Carriériste, Mohan ne lésinait jamais sur les moyens pour atteindre ses objectifs.

Peut-être devait-il prendre l'amour comme un projet de vie ? Une carrière ?

Tout bien en considérant, cela revenait à rentrer dans le giron de ses parents. Après tout, son père n'avait jamais été particulièrement mesquin vis-à-vis de sa mère, se montrant toujours digne et droit pour le nom de Rajkumar qu'il portait fièrement. Puis il était vrai que sa famille se distinguait pour l'amour et la bonne humeur qui se dégageaient de leur manoir, à l'exception de sa grand-mère qui pouvait obscurcir n'importe quel ciel par sa simple présence et son venin mortel. Dotée d'une langue de vipère, cette dernière était plus respectée pour son âge que pour le reste.

Mohan baissa la tête alors que Megâm lui avouait être dans une situation similaire à la sienne. Ce que les parents voulaient, les parents l'obtenaient. Telle était le chemin qu'empruntait tout être humain d'ascendance indienne. Si Mohan avait beaucoup de fierté pour le sang qui courrait ses veines, il n'en restait pas moins très critique concernant certains pans de sa culture, dont le mariage bien évidemment.

Le brigadier releva la tête lorsqu'elle l'interrogea sur sa famille. Un silence s'installa dès lors. Il ne savait pas grand-chose des Joshi. Probablement qu'il en avait déjà entendu parler, car le nom de Megâm résonnait en lui tel un écho dans les montagnes du Kerala. Mais il se rendit compte qu'il n'en savait rien. Sa mère avait du lui en parler, mais il s'était probablement contenté de hocher de la tête, adoptant cette attitude d'écoute fictive qu'il arborait parfois pour qu'on lui fichât la paix.

« - Je... Peu de choses, à vrai dire, et j'en suis désolé. » Avoua Mohan, en se passant une main derrière le crâne, montrant son gêne. « Mais j'imagine que vous êtes de noble lignage, probablement issue d'une famille de haute lignée, répondant aux critères de ma propre famille. »

Influence, rang, caste, pouvoir et probablement couleur de peau (bien que cela ne semblait pas vraiment fonctionner pour Megâm. Mohan entendait sa grand-mère relevait ce trait physique avec dédain, elle qui avait passé le plus clair de son temps durant son enfance à dire que Mohan était bien trop sombre et que cela risquait de poser problème pour un éventuel mariage). Des détails auquel Mohan ne voulait prêter une quelconque importance. Il était de la génération d'après-guerre. Même si les vertues des sangs purs étaient respectées chez les siens par tradition, Mohan s'en fichait éperdument. Après tout, @Miranda Vayne était de sang mêlé...

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(Makjidham)

— ft. @Mohan Rajkumar

18 06 2023

Le peu de sourires que Mohan esquissait suffisaient à éclairer son visage et ses traits. Il avait cet aura mystérieuse qui planait autour de lui, un quelque chose dans ses yeux qui le rendait captivant autant qu’il en devenait parfois intimidant.

Mais s’il souriait, peut-être pour lui faire plaisir — ou qui sait, se moquer — Mêgam n’était pas dupe ; elle savait bien que quelques mots balancés ici et là sur l’autel de la bienséance et de la bonne volonté ne seraient jamais suffisants pour le convaincre d'un avenir auquel elle-même n'aurait pas pensé.

Encore moins au vu de ce qu’il cherchait.

Car l’amour avec un grand A n’était pas devant lui. À ses yeux, il n’était donné rien d’autre qu’une inconnue aux traits tirés qui n’avaient pas suffisamment dormi, cette nuit. Et si elle était capable de se résigner à un mariage même forcé, quelque chose lui disait que Mohan était bien trop tiraillé pour s’en satisfaire aussi facilement. Peut-être même son cœur appartenait-il déjà à quelqu’un ? Peut-être pensait-il à quelqu’un d’autre, en cet instant précis ? Plutôt que voyante, Mêgam aurait parfois voulu naître legilimens.

Toujours sur la réserve, Mohan n’en restait pas moins honnête. Une qualité que la jeune Joshi appréciait sincèrement, elle qui avait tendance à fuir tous ceux qui ne savaient pas l’être et préféraient des coups perfides dans le dos. Il avait beau être très poli, il ne s’embrassait pas de faire semblant. Il n’avait même pas cherché dans sa mémoire s’il lui restait quelconque souvenir d’une discussion tenue avec sa mère. Il s’était contenté de répondre. Et ça donnait au moins une bonne occasion à Mêgam de parler d’elle, elle qui se rebutait tout naturellement à le faire. C'était un exercice qu'elle détestait.

« Ne le soyez pas, Mohan. Et ne soyez pas gêné non plus. » Pourquoi se désoler d’une telle situation qu’aucun d’eux n’enviait ? Comment aurait-elle pu lui en vouloir, elle qui ne connaissait de lui que ce nom que l’Inde magique entière devait admirer ? Relevant son visage vers lui, orné d’un léger sourire, la jeune femme détourna rapidement le regard sur ses mains dont elle ne savait quoi faire, maintenant qu’il les avait lâchées. « Mohan, pardonnez-moi si je suis trop directe et un peu rapide, mais… Désolée. Est-ce qu’on peut se permettre d’être plus familiers et se tutoyer ? Je sais ce que sont les us et coutumes dans notre pays, mais si ce mariage doit avoir lieu… enfin… Je pense que ce serait plus simple comme ça, mais c’est vous qui voyez. »

Ses joues flambaient. La chaleur se répandait sur son visage à la simple idée d’avoir laissé parler ses envies dans un contexte qui ne s’y prêtait aucunement. Aussi, elle détournait rapidement l’attention sur l’idée qu’elle avait eue et qui lui semblait de moins en moins excellente, finalement. Mais maintenant qu’elle avait commencé, autant aller jusqu’au bout.

« C’était peut-être une évidence, en entrant dans la boutique, tout à l’heure. Mes grands-parents sont arrivés en 1965, ici, sur le continent européen. Je ne vais pas y aller par quatre chemins car vous avez mieux à faire, je m’en doute mais… Là-bas, dans le Varanasi magique, au nord de l’Inde, le nom des Joshi est très populaire parce que les femmes de la famille se transmettent le don de voyance, de génération en génération. » Furtivement, elle releva les yeux pour s’assurer qu’il était toujours là et, peut-être un peu aussi pour guetter sa réaction. C’était généralement à ce moment que les gens commençaient à la percevoir différemment. Une femme bizarre. Une anomalie. Une voleuse. Puis, ses yeux regagnèrent leur position origine, rivés sur le sol. « Je… je suis née avec le don. Et comme je suis sa seule fille, ma mère compte sur moi pour lui donner une héritière et perpétuer le commerce à l’étranger. Ce qui explique qu’on se soit trouvés aujourd’hui. » C’était plutôt bien résumé — même si le mot « trouvés » donnait toute sa place à un hasard qui n’avait rien à faire dans cette histoire — et elle ne voyait pas quoi rajouter d’autre s’il lui fallait se présenter. Mêgam avait toujours parlé de sa famille pour se décrire, parce qu’elle ne savait pas parler d’elle autrement. Incapable de savoir qui elle était vraiment. « Tout ça pour dire que je peux essayer de lire notre avenir. Pour voir ce qui nous attend. C’est une option. »

Cette fois, elle n’osa plus relever ses pupilles vers lui.

De peur d’être jugée.

Ou pire. Rejetée.

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I wear this crown of thorns
upon my liar's chair.

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Mohan acquiesça d'un signe de tête, l'air tout de suite plus apaisé comme si un poids quittait ses épaules alors que Megâm lui proposait de se tutoyer pour rendre les choses plus digestes entre eux. Au vue de leur relation, cela ne pouvait qu'être mieux. Briser la glace était une étape importante surtout lorsqu'il s'agissait de votre (futur) partenaire pour le restant de leurs jours. Avec un sourire, Mohan répondit :

« - Avec plaisir. »

Megâm était tout aussi gênée que lui à l'idée de ce mariage. Son initiative permettrait de faire avancer plus facilement les choses entre elle et Mohan. Ce dernier souffla légèrement du nez alors que les tensions commençaient à se défaire doucement dans sa poitrine. C'était un bon début et, silencieusement, il l'en remercia sincèrement.

Elle présenta donc sa famille et leur arrivée en Angleterre. Il y a plus d'un demi-siècle maintenant, le premier Joshi posait le pied sur les lointaines contrées britanniques pour venir étendre son commerce à l'étranger. Mohan avait levé un sourcil, amusé par cette révélation, alors qu'il voyait un écho de sa propre histoire dans ce qu'elle lui racontait sur les Joshi. Il était assez perturbant de voir que le visage de Mohan changeait de la sorte alors qu'un sourire amusé se dessinait sur sa face cuivrée. Là où il arborait un visage plutôt dur, semblable à une ébauche grossièrement taillée dans le bois, son sourire et ses dents blanches adoucissaient ses traits, révélant alors la beauté de son âme.

« - Ma famille possède une histoire plus ou moins similaire. Nous sommes venus en Angleterre au début du XXe pour créer un Second empire familial. » Il laissa volontairement sous-entendre que c'était déjà le cas en Inde. « Nous sommes originaires du Tamil Nadu et du Kerala, quelque part entre les deux. » Une certaine fierté se lisait dans son regard. « Mon père, puis son père avant lui, ont réussi à s'installer dans le paysage sorcier britannique. Je dois donc continuer sur cette voie-là. »

Sur son visage dont l'orgueil et la fierté ne faisaient plus qu'un, une ombre le traversa. Pas besoin de s'attarder sur ce désagrément soudain qui n'était autre que le contrôle total de sa propre vie au détriment de son cœur et de ses propres rêves.

« - Mais je comprends mieux pourquoi ma famille me presse pour ce mariage. Tu as reçu un don de Kalkî. C'est un véritable honneur. »

Dans son regard, on lisait de l'enthousiasme mais quelque chose de pieux. Mohan respectait chacune des divinités hindoues, bien qu'il ait une préférence pour Ganesh et Rāma. Enfin, plus sobrement, il reprit :

« - Je ne suis jamais allé dans le Varanasi magique. Je ne connais que le sud et l'université magique du Maha Vishala où j'y ai fait deux cycles avant de finir mon Mulot à Poudlard. »

C'était alors qu'ils échangeaient enfin quelques informations sur l'un, sur l'autre, sur leurs familles, que Mohan trouvait enfin la motivation suffisante pour faire en sorte que cela se passe bien qu'elle lui proposa de lire leur avenir.

Perturbé, Mohan resta quelques instants à observer son sari alors qu'elle venait de baisser la tête, fuyant son regard.

Devenu fébrile, il sentit que c'était à son tour de faire un pas vers elle. Alors Mohan lui tendit la main droite - cette même main qui serait habillée d'un bracelet kalawa.

« - Espérons qu'il soit prospère et béni des dieux. »

Un sourire s'affichait sur son visage, mais un rien suffirait à le faire disparaître tant son cœur battait vite dans sa cage thoracique.

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