Who we are —ft. Selma Montero

Il flottait dans l'air comme un parfum d'été, dont les effluves se répandaient jusque dans les couloirs de Poudlard. Bien que la plupart des étudiants était encore plongée dans ses derniers examens, comme dans un ultime effort, il y avait encore ces sourires sur les visages, témoins d'une fin d'année qui approchait.

Le retour du soleil aidant, tous semblaient avoir mis de côté les derniers évènements qui les avaient tenus éloignés loin de leurs familles, de leurs proches, et plus largement d'un monde dans lequel certains semblaient encore chercher leur place, à l'approche d'un début de vie active qui leur tendait les bras désormais.

En période d'examen comme en plein milieu de l'année, Siobhán n'avait rien perdu ses bonnes habitudes. Lorsqu'elle n'était pas aux côtés d'@Edel Almadovar ou de @Xris Andērson, elle passait son temps libre plongée dans les livres, caressant distraitement la fourrure d'ébène de Baccara, petit chaton trouvé en bordure de la lisière interdite et qui grandissait à vue d'oeil à mesure que les jours passaient. La seule différence que l'on pouvait voir dans ce tableau, c'est que contrairement au reste de l'année, la vélane avait tendance à éviter soigneusement la salle commune des Serpentard ou son propre dortoir lorsqu'elle se retrouvait seule, pour ne pas se confronter à l'absence bien trop omniprésente de @Céleste Delacroix, dont le sourire autant que les réprimandes commençaient à lui manquer terriblement.

Edel, Xris et son frère étaient là pour elle, plus que jamais. Mais Céleste avait eu une façon bien particulière de faire irruption dans sa vie. Son départ laissait derrière lui un trop grand vide, maintenant qu'elle était partie. Et rien ne semblait pouvoir véritablement le combler, quand Siobhán n'avait pas la possibilité de l'accompagner dans les épreuves qu'elle était en train de traverser.

Refermant son livre posé sur ses cuisses, la jeune femme appuya son dos contre le banc de bois. Sa tête bascula en arrière, accompagnée par ses mains qui vinrent recouvrir son visage comme pour tenter d'effacer les pensées qui fleurissaient dans son esprit.

Pendant ce temps, sans prêter attention à la confusion de sa maîtresse, Baccara avait ouvert un œil en entendant des pas se rapprocher. Le soleil de juin se perdait sur ses longs poils noirs et, sentant certainement une menace s'approcher, le félin quitta sa position de repos pour défendre son territoire — non sans prendre la peine de s'étirer avant, cela allait sans dire.

S'apercevant tout à coup de son absence, la vert-et-argent releva les yeux et aperçut une silhouette familière, non loin de là. Celle d'@Alejandra Montero, qu'elle n'avait pas eu le plaisir de recroiser, depuis leur discussion entre deux rayons de la bibliothèque. Mais Baccara quelques mètres plus loin, était déjà en train de lui feuler dessus.

C'était une bonne chose en soi, parce que ça éviterait à la Serpentard de devoir le faire, elle-aussi.

« Excuse-la, c'est qu'elle n'aime pas trop les personnes qui oublient d'admettre une partie de la vérité à celles qu'elles disent vouloir compter parmi leurs amies », lâcha-t-elle avec une pointe de mauvais esprit.

À n'en pas douter, elle n'avait toujours pas digéré l'information selon laquelle les Montero baignaient dans le trafic d'animaux magiques.

Mais ce qu'elle ne savait pas, à ce moment-là, c'est qu'Edel non plus ne lui avait pas tout dit, et que la personne à qui elle avait à faire n'était pas Alejandra, mais sa sœur jumelle, la fameuse Selma, qu'elle rencontrait pour la première fois.

À l’instant même où le regard de la Montero croisa le sien, Siobhán sut au fond d’elle que quelque chose lui échappait. Il y avait, dans le fond de ces iris familiers, une obscurité latente, bien loin de cet éclat de malice qu’elle avait perçu dans la bibliothèque, en face d’une jeune femme qui jubilait à la simple idée de se faire de nouveaux amis. Bien sûr, depuis sa rencontre avec Alejandra, plusieurs semaines étaient passées.

Mais pas suffisamment pour changer à ce point.

Au point de devenir quelqu’un autre, de montrer un tout autre visage. Au point d’avoir durci ses traits, comme si le monde lui était tombé sur les épaules entre temps ? Non. Au vu de ce qu'Alejandra avait montré dans la bibliothèque, ce soir-là, elle aurait au moins fait semblant, plutôt que de placer immédiatement sur la défensive.

Il devait y avoir une autre explication.

Et si sa famille s’amusait à se faire de l’argent sur le dos des animaux fantastiques et de leur magie, même un simple chat au mauvais caractère ne pouvait pas suffire à la mettre dans cet état-là.

« On m’avait rarement insultée avec aussi peu de classe et de maturité, même à Cracbadaboum. Où sont passées tes belles paroles sur l’ouverture d’esprit, tes discours sur l’amitié ? »

Siobhán daigna se lever de son banc, avec la détermination de comprendre ce qui avait bien pu se passer depuis la dernière fois qu’elles s’étaient croisées. D’autant qu’Alejandra n’avait pas pu oublier si rapidement leur entrevue, à mois d’avoir souffert d’un sortilège d’amnésie… Non, il était évident que quelque chose clochait. La vélane s’approcha assez pour caresser Baccara et lui faire comprendre qu’elle n’était pas en danger. Même si on lisait probablement tout le contraire dans le regard de celle qui lui faisait face.

« Qui je suis ? Je dois donc en déduire que t’as vraiment des problèmes de mémoire ? Ça doit certainement expliquer ces détails que t’as pas précisé, quand tu t’es présentée, la dernière fois. »

Le ton de Siobhán n’était nullement agressif, bien que son regard se faisait accusateur.

Elle avait une sainte horreur des mensonges, des vérités dissimulés, de ce qu’on ne disait pas par simple soucis de contourner les problèmes ou de les remettre à plus tard. L’expérience récente vécue avec son père en était une belle illustration. Pour cette raison, entendre Alejandra faire comme si rien ne s’était jamais passé avait le don de faire monter légèrement la pression à l’intérieur d’elle.

Mais c’était rentrer dans un jeu auquel elle n’avait nullement envie de participer.

Attrapant Baccara dans ses bras face à quelqu’un qui semblait n’avoir rien de bon à leur apporter, la Serpentard allait reprendre la parole quand une lumière s’alluma dans sa tête.

Si Alejandra lui semblait avoir changé au point de passer pour quelqu’un d’autre, c’est qu’elle avait justement, peut-être, affaire à quelqu’un d’autre.

Polynectar ou magie, c’était la seule explication valable pouvant justifier un tel changement d'attitude.

Son visage s’éclaircissait et montrerait certainement à son interlocutrice que des liens s’étaient faits dans sa tête. Un peu tard, certes, mais si @Edel Almadovar lui avait dit dès le départ qu’Alejandra avait une sœur jumelle, Siobhán aurait certainement tout de suite compris l'évidence.

« Tu n'es pas Alejandra. »

Tu la reconnaîtras.

C’est ce qu’ @Edel Almadovar avait affirmé à Siobhán quand elle lui avait demandé plus d’informations sur cette jumelle qui faisait, selon ses dires, partie de son passé. Il s’était gardé de lui donner davantage de détails, parce qu’il allait rarement aussi loin quand il était question d’explications. Cette fois n’avait pas fait exception à la règle.

Dans les faits, il n’avait pas eu tort. S’il n’avait donné aucun élément pouvant lui permettre de reconnaître l’autre sœur Montero, son tempérament et la façon qu’elle avait de se placer immédiatement sur la défensive l’avait trahie, suffisamment pour que la vélane comprenne rapidement qui elle avait réellement en face d’elle.

Mais de là à penser qu’@Alejandra Montero pouvait avoir une jumelle maléfique…

Du peu de temps que Siobhán avait pu passer en compagnie d'Alejandra, en dehors de cette propension à ne se présenter qu’à travers un nom et ce caractère qu’elles arboraient, diamétralement opposé l’un à l’autre, aucune particularité physique n’aurait pu permettre de les dissocier. Elles avaient ce même regard, bien que celui de la dénommée Selma semblait un peu plus sombre et obscur que celui de sa moitié. Elles avaient ce même visage teinté d’une certaine fierté, et, surtout, elles montraient toutes les deux les dents ; l’une pour sourire, l’autre pour aboyer et grogner.

La façon que Selma avait de se montrer menaçante arracha un sourire parsemé d’ironie à Siobhán, qui ne se sentait nullement intimidée. Le même genre de sourire suffisant qu’Edel aurait pu afficher et qui avait tendance à l’agacer, avant qu’elle n’apprenne à le reconnaître, puis à l’aimer.

« Siobhán Gavalagh-Korrigan. J’aimerais sincèrement te dire que je suis enchantée Selma, mais je ne suis pas une menteuse, moi. »

Contrairement à sa sœur qui s’était bien gardée de lui raconter la totalité d’une histoire, se contentant de quelques fragments qui l’intéressaient. Une histoire d’amour manquée, un cœur brisé, visant à accabler Edel aux yeux d’une personne qu’elle ne connaissait même pas, dont elle ne savait rien.

Siobhán n’avait pas vraiment pour habitude de juger avant de connaître, mais il y avait des façons de se comporter qui ne trompaient pas. Les premières approches des sœurs Montero, aussi différentes qu’elles aient pu être, en faisaient partie et ne la plaçaient clairement pas dans de bonnes dispositions pour la suite de la discussion.

Pour autant, Siobhán devait bien admettre que Selma et elle avaient un point commun, une accroche dans laquelle la Gavalagh se reconnaissait. Des liens gémellaires indéfectibles, un amour démesuré pour cet autre qui les avait vu naître, un attachement profond à sa moitié qui justifiait grandement cette attitude agressive.

L’Irlandaise n’aurait jamais agi autrement envers quelqu’un qui semblait avoir une dent contre son frère.

« Je n’ai rien de personnel contre ta sœur. J’ai simplement compris qu’on ne pourrait pas être amies, elle et moi, comme elle semblait le vouloir au départ. C’est un fait, loin d’un jugement. Mais je comprends que tu la défendes. J’ai un frère jumeau moi aussi. Je sais ce que c’est. » Tenant toujours Baccara dans ses bras alors que celle-ci s’y montrait toujours autant sur la défensive — comment lui en vouloir, dans un tel climat de tensions — Siobhán releva les yeux vers son interlocutrice, bien décidée à lui montrer que ses menaces sous-tendues ne lui faisaient pas peur. « Je te l’ai dit. Alejandra a oublié certains points de votre histoire quand elle s’est présentée. À commencer par vos activités extra-scolaires. Et c’est ça qui me pose problème, tu vois. »

Non pas qu’elle prétendait que ça puisse toucher Selma, de savoir qu’elles ne seraient probablement jamais amies. Elles ne se connaissaient même pas. Mais c’était au-dessus des forces de Siobhán de se lier d’amitié avec quelqu’un qui utilisait les animaux fantastiques à ses propres desseins et qui ne l’assumait même pas. D’autant plus si les jumelles étaient héritières d’une famille ennemie de celle d’Edel.

Au final, rien ne pouvait faire d’elles des amies, et la question des créatures fantastiques étaient une couverture à tout ce qu’il pouvait y avoir de plus sous-jacent.

Certaines personnes n’étaient pas pré-destinées à s’entendre et parfois, il n’y avait rien d’autre à faire que de l’accepter.

Il ne faisait nul doute que la pression commençait à dangereusement monter entre les deux jeunes femmes. N’importe qui serait passé auprès d’elles dans le parc du château aurait senti que quelque chose se passait.

Ce n’était même pas une question de ton qui montait, ni de gestes trop tumultueux. Certains regards, néanmoins, ne trompaient pas.

Certains mots non plus.

C’était comme regarder un match de Quidditch entre deux équipes qui ne parvenaient pas à garder le souaffle.

C’était à celle qui serait la plus piquante. La plus ingrate des deux.

Et les paris étaient lancés.

« Oh, moi aussi, je m’en remettrai. » Non pas que Selma devait se préoccuper de son état, même une seule seconde. Siobhán était bien placée pour savoir que les liens gémellaires passaient avant tout le reste, et plus encore devant les inconnues qui comptaient parmi l’entourage d’une famille ennemie. « Il faut savoir faire le tri, entre ceux qui valent la peine et ceux qui ne valent pas grand chose. C’est comme ça. »

Et la Serpentard avait passé toute sa vie, justement, à trier les relations qu’elle jugeait bonnes pour sa personne de celles qui étaient à jeter à la poubelle. Cet art, elle le maîtrisait à la perfection et ce n’était certainement pas maintenant que ça allait changer. Pas devant les dignes héritières d’une famille qui tuait tout ce qu’elle s’évertuait, depuis toute petite, à protéger.

Sa voix était cinglante, ses phrases soigneusement choisies. Siobhán pouvait sentir le sang monter à sa tête, ses veines vibrer sous cet afflux soudain. Mais elle ne montrait rien. En pleine possession de ses moyens. Même quand l’argumentaire de Selma dépassa largement leur début de querelle et que la demie-vélane se demandait bien, un instant, comment elle en était arrivée là, avant que la Serdaigle n’en vienne finalement aux faits.

« Donc ça veut dire que vous ne trempez pas, ni toi, ni elle, de près ou de loin, dans le trafic de créatures magiques ? Vas-y, Selma. Mens-moi toi aussi et prends moi pour une idiote. Vous ne l’avez peut-être pas lancé mais vous baignez dans leur sang et votre corps en est recouvert. »

Un frisson lui parcourut l’échine. Cette seule pensée aurait suffit à la faire vomir, alors qu’elle tentait de reporter son attention sur Baccara qui était là et qui allait bien.

Edel ne lui avait donné aucun détail sur leurs activités, mais Siobhán savait ce que le mot trafic signifiait. On ne trafiquait pas pour sauver. On trafiquait pour se faire de l’argent, souvent au détriment des êtres vivants. Et c’était déjà bien suffisant. Elle n’osait imaginer les souffrances occasionnées par un tel marché.

Et au-delà même de leurs différends innés, ça ne pouvait pas marcher.

Si l’Irlandaise allait renchérir, parce que c’était le genre de sujet qui pouvait la plonger dans une colère des plus noires, elle s’interrompît au moment même où le regard de Selma changea. Siobhán ne put s’empêcher de se retourner pour vérifier qu’un fantôme sans tête n’était pas passé par-là, bien qu’elle ne comprenait pas bien pourquoi ça aurait pu la surprendre à ce point.

Mais il n’y avait personne autour d’eux. Pas l’ombre d’un humain, pas la moindre trace d’un fantôme. Elles étaient seules, au cœur du parc, comme si les élèves avaient jugé bon de rentrer pour qu’elles puissent régler ça comme elles l’entendaient.

Et ce fut au moment où son regard bascula de nouveau sur Selma que Siobhán s’aperçût de sa proximité nouvelle, inédite alors que les deux se tenaient à distance jusqu’ici. Elle n’eut même pas le temps de la repousser que Baccara s’en était chargée. Par réflexe, la Serpentard se tourna pour la protéger. Et se protéger, en même temps.

Elle avait toujours du mal avec les contacts indésirés.

« Mais ça va pas ou quoi ? »

Cette fois, le ton de la voix s’était fait plus haut. La Montero avait dépassé une limite sans même le savoir, et la demie-vélane, sur la défensive, avait déjà la main posée sur sa baguette quand l’autre tenait encore fermement Baccara. Mais bientôt, elle réalisait que ce n’était pas un geste de colère qui avait été initié contre elle. Plutôt quelque chose qui ressemblait à… de la peur.

Siobhán pouvait être intimidante quand elle le voulait, mais pas au point d’effrayer qui que ce soit. Pas au point de faire changer la couleur de ses cheveux. Elle avait vu ça une seule fois, de ses propres yeux, aux côtés de @Sheraz Mahal.

Une perte de contrôle, quelque chose qui lui échappait.

« Tu es une métamorphomage… »

Bien joué, allait certainement répondre Selma devant cette deuxième déduction de la journée.

La question était désormais de comprendre le pourquoi du comment. Pourquoi Selma venait-elle de changer brusquement d’attitude ? Comment interpréter ce sentiment de peur qui transparaissait sur son visage et dans ses yeux ?

Les sourcils de Siobhán se froncèrent sous l’effet de la surprise, alors qu’elle regagnait peu à peu une position plus normale, moins sur la défensive. Pendant ce temps, Selma reculait, non sans lui faire comprendre que sa proximité avec les Almadovar était précisément ce qui l’effrayait.

Oui je les connais. Je vais même bientôt prendre le nom de l'un deux.

Voilà ce qu’elle aurait pu répondre sans avoir pris le temps d’analyser la situation. Mais, au-delà de laisser parler sa jalousie en face de celle qui avait partagé un bout de chemin avec @Edel Almadovar, la demie-vélane tenta d’être plus intelligente, se souvenant de ce qu’il lui avait dit concernant leur mère.

Probablement cette disparition soudaine expliquait-elle sa réaction, si Selma était convaincue que les Almadovar y étaient liés, d’une quelconque façon. Et, bizarrement, cette pensée avait fini par l’adoucir.

Parce qu’elle aussi, quelque part, avait toujours cherché un coupable du décès de sa propre mère. A la différence qu’elle l’avait trouvé en elle.

« Tu n’as pas à avoir peur de moi », lâcha Siobhán, un peu plus bas, mais toujours avec aplomb, surtout maintenant qu’elle savait qu’elle avait un moyen de pression. Pour le moment, aurait-elle pu ajouter. « Tu ne t’en es pas prise à moi et tu ne m’as rien fait. »

C’était la stricte vérité. Outre ce poison putrescible qui était parvenu jusqu’à ses oreilles, Selma n’avait rien intenté pour lui nuire et c’était même elle qui avait attaqué la première, si l’on reprenait le déroulé des événements.

Cependant, c’était l’occasion rêvée de lui faire passer un message. Non pas qu’elle semblait avoir besoin d’être menacée plus que ça, au vu de sa réaction apeurée à la simple mention des Almadovar. Mais Edel était sa famille, maintenant. Et dès qu’il était question des siens, Siobhán avait cette fâcheuse tendance à sortir les griffes.  

« Pourquoi vous êtes venues à Poudlard ? » demanda-t-elle d’abord. Avant de prévenir : « Si toi ou @Alejandra Montero, vous êtes là pour faire du mal à Edel ou quelqu’un de sa famille… Je ne ferai preuve d’aucune pitié, Selma. Sache-le. »

Je veille sur les miens, lui avait un jour dit Edel.

Leurs familles seraient bientôt réunies pour n’en former qu’une.

Alors, Siobhán en faisait de même.

N’est-ce pas ce que chacun désire, au fond ? Protéger ceux qu’on aimait ?

Le visage de Selma était tellement dur et son regard si noir que Siobhán en oublia la blancheur de la pointe de ses cheveux. Tout comme elle avait rapidement mis de côté la teinte jaunâtre qu’avaient pris ceux de @Sheraz Mahal, lors de leur premier échange. La demie-vélane n’avait pas le cœur à se moquer des pertes de contrôle des autres, quand les siennes pouvaient s’avérer bien plus dangereuses pour qui se trouvait sur son passage. Par chance, personne ne l’avait encore expérimenté. Et Selma n’ouvrirait pas le bal. Car les mots qu’elle tenait sur @Edel Almadovar et sa famille n’étaient rien comparés à la confiance que Siobhán avait pu placer en lui, en acceptant de prendre son nom.

« Je commence à me poser des questions vu comment tu as réagi tout à l’heure, et vu toutes celles qu’@Alejandra Montero m’a posé sur lui sans même me connaître… »

À la manière d’un puzzle, les pièces s’emboitaient petit à petit. Si Selma n’avait aucun problème à prétendre qu’elle se fichait d’Edel, il n’en restait pas moins que c’était elle qui avait abordé le sujet, effrayée à l’idée que Siobhán puisse lui rapporter leur échange. Et que sa sœur avait immédiatement tenté de monter une inconnue contre lui, gratuitement.

La présence des Montero à Poudlard avait forcément un lien avec les Almadovar. Et silencieusement, Siobhán se promit d’en découvrir les tenants et les aboutissants, ne pouvant s’empêcher de souffler ironiquement du nez en entendant Selma lui vendre un faux prétexte.

« Un entraînement. C’est ça », maugréa-t-elle sans savoir si la Montero avait eu une chance de l’entendre.

Sans voir tout de suite qu’elle ne lui avait pourtant vendu rien d’autre que sa vérité.

Ce ne fut que lorsque Selma rebascula sur le sujet de la famille d’Edel que Siobhán commença à sérieusement serrer les poings. L’idée qu’on puisse s’en prendre aux siens lui était insupportable, et si elle ne savait pas tout de l’opposition entre ces deux éminentes familles du sud de l’Amérique, il y avait des choses qu’elle refusait d’entendre.

« Pour quelqu’un qui n’apprécie pas être associée à des actes dont elle ne se sent aucunement responsable, tu as le jugement bien facile, je trouve, Selma… »

Cette discussion n’avait plus lieu d’être et rien de constructif n’en sortirait. C’était un fait. La Serdaigle et la Serpentard n’étaient bonnes qu’à se renvoyer la balle, ne pouvant s’empêcher de croire qu’elles voyaient en l’autre les plus grandes des incohérences, tout en restant sourdes à leurs propos.

Elles s’entendaient mais ne s’écoutaient pas. Elles se voyaient mais ne se regardaient pas.

Et, pourtant, il y eut une phrase qui retint l’attention de la Korrigan.

Ce qui aurait pu lui parvenir comme une menace résonnait comme un conseil dans son oreille. Comme si Selma essayait de la mettre en garde, perdant ainsi toute sa voracité et sa volonté de la mettre plus bas que terre. Il y avait quelque chose dans sa voix, si ce n’était altruiste, de presque préoccupé. Siobhán garda le silence et l’écouta terminer sa tirade sans rien ajouter.

Le sang battait toujours cruellement dans ses tempes, et ses ongles marquaient sa chair à l’intérieur de sa main.

Mais à l’instant où Selma se retourna, l’air autour d’elle semblait plus respirable. Moins saturé. Elle se força à prendre à la fois du recul et une grande inspiration avant de prononcer ces mots.

« Tu devrais aller voir le professeur Korrigan (@Luke Korrigan) », lâcha-t-elle à voix haute, sans même savoir si Selma l’entendrait alors que cette dernière lui tournait le dos depuis quelques secondes déjà. « Il est animagus, pas métamorphage, mais c’est d’abord un éminent sorcier qui a dédié sa vie à l’étude de la métamorphose. » Pour sauver son frère, sans y parvenir, pensa-t-elle avec tristesse alors que son esprit se tourna un instant vers son oncle Eochaid, qui aurait certainement voulu que sa nièce vienne en aide à une métamorphage en difficulté. « Peut-être… non, pas peut-être. Il pourra t’aider, dans ton entraînement. J'en suis certaine. »

Au moins, l'information était donnée.

Selma était libre d'en faire ce qu'elle voulait.