Hooligans (Persiflette)

Le What the Foooooogg du commentateur, couvert par la clameur stupéfaite du public lui gonflait le coeur de fierté. C'était un moment d'anthologie. Celui où une gamine de Loustry Sainte Chaspoule venait de renverser le cours de la Coupe. Les Pride sortis du championnat sur un coup pendable. Fronder les buts à deux secondes de la fin du match alors que l'attrapeur d'en face y croyait encore. Quelle liesse dans les gradins ! Après le match, une vague bleue pâle porta la jeune joueuse en triomphe jusqu'au premier pub du coin. La nouvelle Pride of Appleby - un insupportable surnom propulsé par un grand rouquin à la barbe hirsute, pour mieux moquer l'équipe sortante et qui s'était répandu comme une traînée de poudre de cheminette - sentait l'excitation crépiter jusqu'à la pointe de ses cheveux. Ses coéquipiers payaient la tournée générale et tout autour d'elle ça riait et trinquait allègrement. Perséphone n'avait rien contre une petite mousse non plus. Elle ne touchait pas terre. Finalement, ce fut une fausse note dans l'euphorie générale qui la fit retomber de son petit nuage. Elle savait très bien que les après matchs c'était aussi cela. Et c'était même la raison pour laquelle les joueurs ne se joignaient quasiment jamais aux after. La ligue tenait à ce qu'ils tiennent une conduite exemplaire, ce n'était pas pour qu'on les assimile à des hooligans.

« Hey ! Mollo avec les écossais ! Je sors avec un écossais ! », beugla Miss Fogg, toujours juchée sur les épaules de Beauchamp, le batteur gauche des flèches. Quelques paires d'yeux se retournèrent vers elle et on entendit même quelques sifflets de surprise. La gamine a dû broyer le coeur de ce pauvre garçon. Une vraie teigne. Elle sait porter ses couilles celle-là. Entendit-on murmurait avant que ça ne dégénère.

De là où elle se trouvait, Perséphone ne pouvait pas voir à qui s'adressait l'insulte. Probablement à un type beaucoup plus petit que l'espèce de demi-géant à la barbe hirsute - encore lui - qui les avait proférées. Elle n'eut cependant aucun mal à voir qu'on le mettait à l'amende. Les Flèches, Perséphone incluses, réagirent rapidement. Il fallait calmer le jeu avant que ça ne dégénère carrément. La ligue n'apprécierait pas une autre bagarre générale et puis ils étaient avant tout venu pour fêter leur qualification pour la finale. Pas pour casser du violet.

Beauchamp la reposa et tout à coup, elle se sentit noyée dans la masse mais ça n'empêcha pas Perséphone de jouer des coudes pour percer jusqu'au petit cercle qui s'était formé autour du Pride. L'homme se rinça le gosier avant de jeter la pinte vide à la figure du rouquin qui se trouvait présentement en train de compter les étoiles de son maillot de supporter.

« Fergus ?! », lâcha-t-elle incrédule, en écartant deux ou trois personnes qui faisaient encore obstacle.

Mais qu'était-il advenu du chevalier à la blanche armure qui lui laisser le coeur tout chaviré chaque fois qu'il faisait mine de ne pas rougir devant ses avances ? Elle s'entendait encore souffler cet euphémisme sur ses lèvres la veille du match au cas où on ne perdrait pas... Elle se doutait que si la chance des Flèches défiait les prognostiques, il y avait de fortes chances que ça jette un petit froid. Il le lui avait dit dès le départ, les Pride ou rien. Pourtant, après le match d'aujourd'hui, Perséphone n'avait aucune chance de signer un jour chez l'équipe écossaise, voire chez aucune équipe écossaise. Les écossais étaient connus pour avoir la dent dure et la rancune tenace et, elle voulait bien le reconnaître, se faire disqualifier pour un but deux secondes avant d'attraper le vif, il n'y avait pas de quoi se réjouir.

Malgré son air fauve, la jeune femme rejoignit son petit ami au milieu du cercle, risquant le tout pour le tout :

« Je vous avais dit que je sortais avec un écossais... »

Il y eut un long silence et puis quelqu'un éclata de rire dans la foule médusée :

« What the Fogg !! Putain mais quelle garce celle-là ! Et Crowley ? J'espère que vous la signez demain celle-là ! On l'aime trop notre petite Pride of Appleby !! »

Et la salle de scander ce fameux surnom en retournant à sa beuverie.

« Rassure-moi : au fond de toi, tu me déteste pas à ce point mh ? », souffla-t-elle en glissant sa main dans celle de Fergus en quête d'apaisement. Elle glissa un regard dubitatif au rouquin qui l'avait mis en rogne, toujours étalé dans son propre jus. Il allait falloir qu'ils en fassent quelque chose tout de même. Son regard revint se poser sur la mine ombrageuse de son écossais. Il allait sérieusement falloir qu'il redescende...

En un battement de cil, Fergus changea à nouveau de visage pour redevenir cet homme à l'air emprunté qu'elle adorait taquiner. Un petit sourire frisa à la commissure de ses lèvres. C'était rassurant de savoir qu'il le prenait comme ça. Elle en avait fait sortir de leurs gonds pour moins que ça, des mecs qui ne rêvaient que d'elle mais qui finalement ne fantasmaient que de l'image enchantée sur papier glacée, incapables de supporter qu'elle ne cadre pas tout à fait avec l'idole.

« Moi aussi je t'aime tel que tu es Fergus. », releva-t-elle.

Mine de rien, il n'aurait probablement rien pu dire de plus juste à son oreille. Elle venait tout de même de sortir son équipe favorite du championnat et lui, tout ce qu'il trouvait à dire c'était ça. Un bref instant, elle eut le sentiment qu'ils étaient à toute épreuve même si elle savait bien au fond d'elle que les relations sont toujours idylliques au départ et que sa carrière aurait tôt fait de leur trouver des sujets de disputes. Les voyages à l'étranger. Telle une de journal. Tel contrat. Ils auraient un million de raisons de se séparer et peut-être rien d'une ou deux de rester ensemble. Mais pour le moment, elle ne préférait profiter de l'instant présent et couvait du regard son écossais tout à coup redevenu raisonnable. Quelque chose en elle avait pourtant tiquer devant cet impressionnant volte face, mais elle l'avait inconsciemment écarté, sans doute pour ne pas déjà tout gâcher.

Autour d'eux, les clients du bar avaient déjà repris leurs conversations et le reste de l'équipe annonçait la tournée générale (au moins la troisième). Fergus, lui, avait besoin de tirer quelque chose au clair, quelque chose qui la scia si bien qu'elle en resta bouche bée quelques secondes.

« Tu n'essaierai pas de me séduire pour me mettre dans ton lit tout de même ? », fit-elle d'un petit ton qui disait déjà que l'opération avait réussi si c'était le cas, « C'est vrai que les supporters ne sont pas toujours les plus objectifs, on va dire ça comme ça. Enfin, je suppose qu'il vaut mieux que je m'abstienne de gratter des cours de soutien en sortilèges pour l'instant. », conclut-elle en plaisantant.

Elle ne savait pas trop à quoi s'attendre de la part de  @Jameson Clearwater en tant que supporter écossais mais, comme l'avait souligné Fergus un peu avant, elle serait toujours égale à elle-même, avec ou sans défaite des Prides.

Il troqua sa tenue de supporter contre une plus habituelle et elle se garda bien de donner son avis sur ce cuir de dragon qui lui donnait un petit côté badass sans y toucher.

« Motus et bouche cousue. Je suis à peu près sûr qu'elle est dans le manuel de deuxième année celle-ci. », promit-elle, avec la légèreté qui la caractérisait si bien. Elle ne balancerait rien, gardant précieusement pour elle cet aveu coupable. Elle savourerait sans doute pour quelques jours ce petit frisson électrique dans ses joues en y repensant. Venant de la bouche d'un écossais ça n'était pas rien.

Un baiser posé sur ses lèvres acheva de la faire fondre mais elle fit bonne figure, se gardant bien d'en demander plus. Qui savait combien de journalistes étaient planqués parmi les vrais supporters. Si son intuition ne la trompait pas, ils avaient déjà de quoi écrire un bel article.

« On était tous focus sur l'objectif mais j'avoue que je suis assez fière du revers final. Allez viens, je vais te présenter aux autres. Hey les gars ! J'vous présente Fergus. Fergus, les Flèches. Joanne, Tobby, Martin, Aloysius, Trixie, Raya et Severus que je remplace pour trois matchs. »

L'équipe se scinda en deux pour leur faire une place, accueillant Fergus comme s'il avait toujours fait partie de leurs effectifs.

« Alors c'est toi le petit veinard ? »
« Je t'en sers une ? »
« La petite cachottière... tu nous avais pas dit qu'il était aussi chou ton copain... »
« Personne avait posé la question. »
« T'as assisté au match ? Les Prides sont un peu en dessous depuis qu'ils ont ce nouvel entraîneur mais t'inquiète ça va revenir. »
« Comme elle essaie de te faire passer la pilule tsss, mais c'est vrai que ça passe pas trop avec l'entraîneur Reyner. Un anglais aussi, franchement je sais pas à quoi pensait la ligue... »

Perséphone adressa un petit sourire satisfait à Fergus, ses doigts toujours entrelacés aux siens. Les Flèches avaient la réputation d'être parmi les équipes les plus abordables, et ça n'était pas pour rien.

Elle ne put s'empêcher de noter avec cette réponse qui ressemblait plus à un numéro de jonglerie qu'à un réel plan drague. Quelque chose lui disait que le chemin serait long et qu'il fallait mieux ne pas trop le brusquer. En même temps, elle ne pouvait pas s'en empêcher, c'était presque plus fort qu'elle. Elle se régalait de le voir perdre ses moyens à la moindre allusion graveleuse de sa part.

La conversation repartit sur les chapeaux de roue, comme souvent dans une équipe de quidditch. Il y eu un flot de questions, tout le monde parlait un peu en même temps signe que le petit groupe acceptait Fergus sans problème. A un petit geste anodin pourtant, elle devina que la réciproque n'était pas forcément vrai. Perséphone détailla un instant Fergus tandis qu'il discutait Quidditch. Elle aurait pu s'y attendre. Lorsqu'ils étaient seuls, les dix années qui les séparaient ne posait pas question - du moins de son côté - mais ramené aux cercles de leurs fréquentations respectives, elle remontait à la surface, s’immisçant presque entre eux comme un oiseau de mauvais augure.

Sa mère lui avait longuement fait la morale sur le sujet. Un homme de dix ans de plus ? Qu'espérait-elle sérieusement ? S'il était sérieux dans ses intentions, ce dont Ariana doutait pour des raisons qu'elle n'avait pas voulu partager, leur binôme - elle ne leur donnait même pas le nom de couple - ne résisterait probablement pas au choc des cultures.

La petite pique de Fergus sur les Poursuiveurs fit mouche, la tirant de son introspection. Elle le fusilla du regard, secouant la tête avec dépit. C'aurait pu suffire à maintenir cette humeur bonne enfant sans la remarque de Severus, sur le métier de Fergus. Perséphone tiqua. Elle n'aimait pas vraiment la tournure que prenait les choses mais elle ne pourrait pas contourner le sujet ad vitam, si sujet il y avait. Sa propre mère étant auror, autant dire qu'il n'y avait rein de tel pour elle.

« Easy Severus, il est pas venu pour t'aligner pour tous les excès de vitesse en balais que tu as fait la saison dernière... », fit-elle sur le ton de la plaisanterie.

Dans le même temps, Fergus y allait de son humour... si particulier. Le genre qui ne faisait pas mouche à tous les coups. Les autres membres de l'équipe se regardèrent un peu bêtement avant de se forcer à rire. C'était un flop.

« Dis moi, s'il ne reste qu'une heure avant que tu reprennes du service, j'aimerai bien en profiter... », glissa-t-elle, pensant ouvrir une porte de sortie plutôt sécure.

Le sifflement de Martin et Raya la détrompa très rapidement. Elle leur adressa un regard les invitait à lâcher l'affaire avant de s'éloigner pour régler sa commande et celle de Fergus du même coup.

« Tiens ça c'est pour @Blake Grimm-Nakatani ! », siffla une rouquine qui quittait justement le bar avec deux pintes dont le contenu valsa à la figure de Perséphone.

La poursuiveuse en resta tellement bouche bée qu'il lui fallut quelques secondes pour réagir...

« Je suis pas sûre que Blake apprécierait le genre hystérique jalouse. », siffla Perséphone en se séchant d'un coup de baguette.

Il n'en fallait pas plus pour relancer le truc. La fille tira sa baguette, persuadée qu'elle allait s'en prendre une de Perséphone, mais ce fut le grand rouquin qui lui tomba dessus, énervant du même coup un pauvre type qui évoluait probablement dans la friendzone de la jalouse. Quelqu'un écarta Perséphone de la mêlée, un type bien intentionné qu'elle n'avait pas eu le temps de vraiment voir, alors, cherchant Fergus du regard, elle lui fit un petit signe de tête avant de sortir prendre l'air devant le bar.

C'était sans compter sur les journalistes qui attendaient de pied ferme une sortie des Flèches, et pourquoi pas une sortie de la très populaire nouvelle recrue, ou pue s'en fallait.

« Perséphone, un mot de la victoire ? »
« Il paraît que votre petit ami est un Pride ?! »
« Avez vous eu des nouvelles du contrat chez les Canons ? »

Toutes les questions fusaient en même temps, comme toujours, et, bien loin de fuir, ça avait toujours eu quelque chose de revigorant pour elle. Prise au jeu, elle répondit à quelques questions, éludant soigneusement celle qui touchait à son couple, que ce soit réel avec Fergus ou fictif avec Blake... elle adorait ça. Ce surplus d'attention qui aurait étouffé n'importe qui d'autre et qui la rendait, quelque part, inaccessible au reste du monde.

A la seconde où Fergus l'eut rejoint dehors, les choses basculèrent et ils se trouvèrent pris tous les deux dans une espèce de chaos de questions malsaines. Par réflexe, la jeune femme se plaça devant l'auror, inversant les rôles sans s'en rendre compte. Elle lui avait déjà parlé de tout cela. C'était sa vie à elle, elle s'y sentait bien - tout du moins quand on n'insinuait pas que la famille de Fergus allait lui cracher dessus à la minute où elle la rencontrerait. Mais elle savait que c'était le genre de chose qui ne pouvait que le suffoquer, lui. Il lui suffisait de sentir son corps se tendre contre le sien pour le savoir.

« Je pense qu'on s'éloigne du sujet merci. On ne répondra pas à ce genre de q- »

A la mention de son ex petite amie, elle tiqua. Fergus s'écarta. Perséphone fit volte-face, posant sur lui un regard interrogateur. Comment se faisait-il que ce journaliste lui demande des nouvelles de son ex qu'il n'avait pas réussi à sauver ? Sous cet angle, cette phrase avait comme un petit goût de trahison. La réaction du principal intéressé y ajouta un avant goût d'abandon. Elle regarda impuissante la poudre d'obscurité les avaler tous. L'instant d'après, on la saisissait au poignet. Pendant une fraction de seconde, elle eut la naïveté de croire que c'était Fergus mais la voix de son frère Eugène la détrompa presque aussitôt et en un rien de temps, ils avaient transplané loin du grabuge médiatique.

Elle força un sourire de façade sur ses lèvres, ses grands yeux noirs légèrement humides.

« Oui oui, t'inquiète. C'est juste la poudre qui me pique les yeux. », feint-elle en prenant une grande inspiration.

Elle ne ferait probablement pas illusion devant un frère qui avait le nez aussi fin qu'Eugène mais tant pis. Avec un peu de chance, il aurait la galanterie de ne l'obliger se ridiculiser en lui racontant avec quelle naïveté elle s'était rêvée à croire qu'il existait des chevaliers blancs du genre de Fergus Clearwater, ou ce qu'elle avait bien imaginé qu'il pouvait être. Malgré tout, elle avait cette envie terrible, d'enfouir son visage contre la veste de son aîné, le temps de s'oublier cinq minutes. Elle n'en fit rien cependant. Elle ne voulait pas qu'ils continuent de la prendre pour leur petite sœur en culotte courte. Elle était la seule fille, du moins la seule connue, des enfants de Barnabas Fogg, et ça ne voulait pas peu dire. A se demander pourquoi elle s'évertuait à chercher un homme qui soit toujours là pour elle. Les quatre frères Fogg avaient, chacun à leur manière, placé la barre trop haut sans doute. A moins que ce ne fut le père qui ne l'ait placée beaucoup trop bas.

« M'attaquer ? Mais non, tu t'inquiètes pour rien je t'assure. Les supporters ont le sang chaud mais ça reste bon enfant. Surtout avec les joueurs. », fit-elle sur un ton assez léger pour faire oublier ses yeux embués. Finalement, elle prit son frère dans ses bras, cherchant plus un câlin qu'elle n'en offrait un, « On pourrait aller ailleurs s'il te plait ? Et comme ça tu me raconteras à quel heureux hasard je dois de t'avoir toujours là pour voler à mon secours ... »

Elle savait qu'ils suivaient ses matchs bien sûr mais elle continuait à s'en émerveiller, comme si, quelque chose continuait de ne pas en revenir.