May We Meet Again

May We Meet Again

10 juin 2023

Ce matin, une brise saline soufflait de l'océan, promettant une belle journée. Maeve revenait de la plage, où elle avait l'habitude de s'accorder une chevauchée à fleur d'écumes dès le lever, avant le petit déjeuner qu'ils prenaient par tradition tous ou presque dans la grande salle à manger. A ces heures timorées, quelques minutes avant l'aube, il y avait comme une ouate mystérieuse et paisible sur la plaine. Elle sortait de la forêt d'Ysbryd pour insuffler aux coeurs les plus naïfs craintes primitives et cauchemars dantesques. Mais ici, à Caer Cynfeirdd, il n'y avait guère que les tous petits pour craindre les à ce point l'ombre rampante de la forêt. Elle se carapaterait entre les troncs noirs et convulsés dès les premiers rayons de soleil.

La chasseresse remonta prestement les marches glissantes de l'escalier de pierre, par cet étroit goulot qui remontait à la forteresse. Dans le loin, les piaffements du kelpi cherchaient encore à la retenir.

Il n'y avait personne à Caer Cynfeirdd, du moins personne pour hanter les couloirs et les grandes salles aux vitraux endormis. Oh, il y aurait bien la Jeune Fille de la Lune. Personne ne se rappelait de son nom ni même de l'époque à laquelle elle avait vécu. C'était un vitrail particulièrement romantique qui représentait une jeune femme, assiste au bord d'un puits, qui levait le nez à la Lune. Fait notable, son beau visage ovale était toujours éveillé et elle faisait ainsi la meilleure des compagnes aux lève-tôt et aux insomniaques.

« Jehánn ? Qu'est-ce qui t'a tiré du lit de si bonne heure ? »

La réponse la plus évidente était probablement la plus probable. Jehánn était venue les rejoindre avec sa petite tribut, renforçant ces liens tendres qu'ils avaient tous à coeur d'entretenir malgré le choix qu'elle avait fait de s'installer un peu à la marge de leur monde. Maeve sourit. Elle avait la plus grande affection pour sa cousine. On aurait quasiment pu dire sa soeur...

« Notre meilleure amie... », commente Maeve avec ce fin sourire de renarde qui la caractérise si bien.

Elle aussi est une fervente observatrice de sa propre routine. Une routine bien matinale qui lui permet de ce ménager ces quelques rares et précieux instants à soi qu'elle s'accorde au long de la journée. Elle a beau assumer souvent de front et seule ses décisions, la solitude est une compagne qui lui fait défaut plus souvent qu'à son tour.

« Je m'assure que tout le monde soit à sa place mais je ne peux pas vraiment dire que je "surveille". Caer Cynfeirdd sait se surveiller d'elle-même. Non, je profitais surtout des petites heures du matin pour m'accorder un peu de temps pour moi. »

Saluer leurs ancêtres les plus matinaux faisait aussi partie de sa routine. C'était une habitude qu'elle avait depuis l'enfance et les vitraux s'étaient attachés à cette petite tradition personnelle qu'ils soient bavards ou muets d'ailleurs.

Finalement Maeve s'installe à son tour à table pour se servir un café et accompagner sa cousine. Dans une petite heure, la pièce se remplira de convives affamés et l'interminable table de hêtre massif se couvrira de victuailles.

Un froissement d'ailes lui fit lever les yeux. Haxxan revenait avec la Gazette du matin. L'énorme chouette se montrait très territoriale dès lors qu'elle se trouvait dans les environs du domaine familial. Si elle tolérait les autres volatiles avec lesquels elle partageait la volière, elle faisait un sort à tous les hiboux postaux qui s'imaginaient pouvoir livrer leurs missives sur leur petit bout de Pembroke. Elle revenait en général avec la livraison un peu chiffonné et quelques plumes arrachées qui ne lui appartenait pas. Mais le courrier arrivait tout de même à destination. Aigrettes sévèrement dressées sur sa tête, le majestueux rapace au plumage noir et feu jeta la Gazette du jour sur la table, tout près de Maeve avant de disparaître.

« Notre nouveau Ministre semble vouloir jouer la carte de l'apaisement... », fit la chasseresse après un mh appréciateur.

Cela faisait quelques semaines qu'Astor se tailler la part du lion à la une de tous les quotidiens sorciers. La passation de pouvoir s'était faite en douceur et Adair Dunn sortait du paysage politique par la petite porte, en toute discrétion. Ça n'était pas plus mal après les derniers mouvements de grogne populaire qu'avait connu le pays.