When I see you again [Siobhán]

Le visage de Sean changeait. La lueur indéfinissable qui se trouvait à l’intérieur de ses yeux se voilait d’un trouble nouveau sur lequel Siobhán ne parviendrait pas à mettre de mots. Parce qu’elle avait beau parler, dire qu’elle comprenait… Au fond, elle ne pourrait jamais réellement savoir ce qui se jouait à l’intérieur de son esprit.

Même endormis, les démons du passé ne disparaissaient jamais vraiment. Ils veillaient. Elle était bien placée pour le savoir, pourtant.

Tu ne comprends pas.

La réaction du Lion lui fit immédiatement regretter ses propos. Elle ne pouvait pas prétendre comprendre quelque chose qu’elle n’avait pas vécu, ni tenter d’apaiser une douleur dont elle venait tout juste de prendre connaissance. Elle n’avait pas été là au bon moment et elle s’en voudrait probablement toute sa vie.

Il n’y avait rien de plus à en dire et il était vain d’essayer de se mettre à la place de qui que ce soit.

« Pardon, Sean, c’était idiot de ma part. »

Ses paupières s’abaissèrent, signe qu’elle fuyait désormais son regard.

Elle qui se montrait si raisonnable en temps normal, surtout et essentiellement dans sa vie étudiante, n’avait toujours aucune notion du danger. Au grand désespoir de son père et de son frère -  probablement même d’@Edel Almadovar.

C’était cette lacune profondément ancrée qui l’avait poussée devant ses cousins chasseurs de vélanes, alors même que le sang de l’une d’entre elles coulait dans ses veines.

C’était ce qui l’avait poussée à tenir des propos irresponsables devant Sean, se faisant juge et bourreau, quand il avait déjà vécu l’enfer et que la visite de ses vallées que l’on disait enflammées l’avait profondément marqué.

Si son ami de longue date semblait s’en être sorti, il était évident que ses cicatrices, celles qui ne se voyaient pas et qu’on ne devinait pas en le regardant, étaient toujours à vif. Pourquoi manquait-elle si cruellement de discernement ? Habituellement mesurée, un peu de tact lui aurait fait le plus grand bien pour l'occasion.

« Je n’aurais pas du dire ça. Évidemment que c’est trop dangereux. Évidemment qu’il faut que tu te protèges.» Sa voix fit une pause, mais elle décida de relever les yeux vers lui pour assumer pleinement ce qu’elle était, y compris si elle venait de faire une erreur. « Je ne réfléchis pas toujours, avant de parler. »

En fait, si. Et c’était probablement ça, le plus inquiétant.

Parce qu’une petite voix au fond d’elle ne pouvait pas s’empêcher de susurrer, tout bas : Si tu ne peux pas te faire justice toi-même, laisse ceux qui t’aiment le faire pour toi.

Et elle aimait Sean. Du même amour qui reliait un frère et une sœur.

S’il n’avait pas oublié ce détail-là dans toutes les épreuves qu’il avait traversées, alors il se rappellerait probablement d’une Siobhán tenace, qui avait la revanche facile. Surtout quand on touchait à ses proches.

Cynfeirdd et Korrigan lui avaient appris que la famille était plus importante que tout. Et elle n’avait eu de cesse de grandir avec cette volonté de protéger les siens à tout prix, et de faire ce qui s'imposait devant quiconque l’empêcherait d’atteindre cet objectif.

Quitte à manquer de raison, autant le faire jusqu’au bout.

Mais évidemment, elle garda toutes ces pensées pour elle, les enfermant à double tour dans son esprit pour ne jamais les en faire sortir.

Profiter du moment présent était tout ce qu’elle pouvait faire. Et alors que Sean lui rappelait toute l’importance de son amitié, Siobhán eut un sourire tendre en se souvenant de toutes ces promesses d’enfants.

Elles étaient probablement les plus dures à tenir, mais aussi les plus belles à réaliser.

« Ne t’inquiètes pas pour moi, Sean. » Parfois, l’impression de se constituer une petite armée de soldats prêts à tout pour lui éviter de souffrir la saisissait. Son père (@Luke Korrigan), @Finn Gavalagh-Korrigan, Edel, @Saúl Ochoa-Reyes… et maintenant Sean. « Je ne risque rien. » C’était en tout cas l’impression qu’elle avait, sans mentir. L’idée était maintenant de pouvoir être en mesure de la confirmer. Parce qu’au fond, elle n’en savait rien. Mais ça ne la dérangeait pas tant que ça, visiblement, puisqu’elle changeait aussitôt de sujet. « Elle s’appelle @Eynaelle Sanderson. C’est une Poufsouffle, elle est plus jeune que toi. Mais tu l’as peut-être déjà remarquée. C’est qu’elle se déplace rarement seule à Poudlard. » Siobhán eut un petit rire en repensant au fan-club qu’elle s’était volontairement monté au fil des années, quand la Serpentard avait toujours tout fait pour rester seule. On pouvait difficilement faire des cousines germaines plus différentes que ces deux-là. « Ma mère avait coupé les ponts avec sa famille et fait promettre à mon père avant sa mort de ne pas nous parler des Gavalagh. Il pense qu’ils sont… dangereux. » Le souvenir de sa mère sur son lit d’hôpital à Ste-Mangouste quelques secondes avant sa mort fit brièvement une apparition dans sa tête, mais Siobhán s’en détourna aussitôt. « Je fais confiance à Eynaelle. »

Loin d’être naïve, il était néanmoins sûr et certain que même si le danger se montrait à elle vêtu de noir, et muni de la baguette magique la plus puissante au monde, le visage boursoufflé et les vêtements imbibés de sang, elle ne le remarquerait probablement pas.

Et alors qu'elle était perdue dans ses pensées, les yeux de Siobhán passèrent sur une horloge, au-dessus du bar. Le temps filait à une vitesse vertigineuse et ressasser le passé aussi longuement devait être une véritable épreuve pour Sean, elle en avait conscience. Peut-être avait-il besoin d'espace ?

« Je devrais sûrement y aller. J'ai encore beaucoup d'invitations à donner et... Tiens, d'ailleurs, celle de ta sœur. » Un petit morceau de papier s'extirpa sans difficulté de son sac bien organisé. « ...Et aussi, j'ai un peu le sentiment d'avoir abusé de ton temps en reparlant de tout ça. J'espère que tu ne m'en veux pas. Et que tu sais que je serai toujours là, désormais. » Sans compter qu'elle avait une enquête à mener. « Que c'était bon de te revoir, Sean. »

Se relevant lentement, Siobhán se dirigea vers lui pour l'enlacer de nouveau, avec une force supérieure à celle de leur première accolade.

Comme si elle avait un message à lui faire passer : elle n'était pas prête de le lâcher de nouveau.