Courtesy Call

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11 juillet 2023, 18h12

James Grey avait parfois l’impression de se confronter à une montagne - non, une hydre, plutôt. A chaque fois qu’il décidait de suivre une piste, il se retrouvait bientôt face à une tête tranchée, sans qu’elle ne sache lui livrer le moindre indice. Des culs-de-sac qui se multipliaient, et qui finalement, excitaient davantage sa curiosité et son ego. Rien ne lui avait jamais résisté à ce point jusque là, que ce fusse les énigmes ou les mystères, alors pourquoi diable n’arrivait-il pas à mettre la main sur le moindre de ses membres ?

Des dizaines d’années d’existence, et toujours - jamais - une trace.

Quand Ezechkiel Van Hellsing lui avait envoyé un hibou pour le prévenir qu’a fortiori, il avait des éléments, le jeune Grey ne s’était pas emballé. Il avait misé en grande partie sur le fait que pour les historiens, tout était fabuleux et l’objet d’excitation. Pour James, les choses étaient plus compliquées, puisqu’il avait toujours eu un caractère sur la réserve, en retrait vis à vis de ce frère toujours si brillant, si lumineux.

C’était d’une façon très protocolaire qu’il s’était rendu à l’IDEM, non sans se languir de croiser à nouveau la jolie Ana Souvorov, mais ce n’était pas ce que donnait à voir son expression fermé et austère. S’il n’était pas particulièrement beau, James se vieillissait au moins de dix ans par cette attitude, par ce pas, ce regard.

L’agent du Ministère ne vivait pas au même diapason que la plus part des jeunes de son époque, mais il n’avait aucune envie de gaspiller. Des choses plus importantes le retenaient, et l’idée de peut-être être une sorte de... « bon flic », lui était, étonnement, agréable ? Peut-être que tout ça n’était jamais qu’une façon d’oublier ce vide en lui.

« James ! »

La voix d’Ezechkiel Van Hellsing le tira de ses pensées. Naturellement, James se leva pour le saluer d’un geste de la tête, alors qu’il se trouvait tout justement dans l’aile réservée aux histoires anciennes, à la traduction mais aussi à la restauration d’artefact magique. C’était ici que le jeune Van Hellsing l’avait invité à le rejoindre pour récupérer les analyses complémentaires qu’il avait demandé, pas moins de deux semaines avant.

« Tu ne vas pas en croire tes oreilles ! Ce que tu m’as apporté, c’est une réplique ! Une fichue réplique ! »

Le visage de James se tordit en une expression terrible, l’air de dire je me suis déplacé pour ça ? Mais Ezechkiel lui tendit presque aussitôt, l’épais colis dans lequel il y avait pas moins d’une centaine de pages écrites et noircies par la main du Van Hellsing. Le lent cheminement de ses recherches et puis juste sur le dessus, le compendium de ses réflexions.

« Mais j’ai pu retracé la signature magique - ce n’était pas simple, surtout après que je me sois fait aspiré par ce fichu artefact » marmonna Van Hellsing, mais il balaya la chose comme si ça n’était qu’un détail, « j’espère que tu pourras en faire quelque chose. »

Le Grey écarta d’un doigt la reliure sur laquelle on avait inscrit « confidentiel » en lettres rouges et qui rejoindrait la pile sur son bureau dans lequel personne ne venait jamais, sauf peut-être @Fergus Clearwater, et encore, ce dernier avait l’air bien occupé dernièrement.

Sur la page de garde, James vit un nom s’afficher et qui le fit sourciller, avant de relever les yeux sur Ezechkiel Van Hellsing.

Dans le dos du jeune homme, la silhouette débonnaire de @Jameson Clearwater se détaillait sans que le petit brun ne l’ait vu, et c’est bien innocent qu’Ezechkiel lança :

« Je sais pas quoi en penser pour être sincère. Que la famille Lufkin soit mêlée à ça me dépasse... Un ancien auror lié à Thanatos, ça serait quand même incroyable ? Surtout que j’étais persuadé qu’elle avait disparu après le suicide de-- »

« Si tu es certain que c’est la marque de Nicholas Lufkin, je vais réfléchir et voir où ça me mène. »

Ezechkiel eut un petit «mh» indécis avant de sursauter, comprenant que Jameson était derrière lui et avait sans doute tout entendu. Le jeune Van Hellsing se tourna avec un petit sourire d’excuse, d’autant plus qu’il avait cru comprendre qu’à la rentrée prochaine, Jameson remplacerait ce bon vieux (mais fou) d'Osric Beauclerk, ce qui en faisait par ricochet son supérieur.

« Bonsoir Jameson », torcha simplement James, sa main se resserrant sur le dossier fermé.

« Bonsoir », s’empressa d’ajouter Van Hellsing, avant de sourire aux deux sorciers : « bon, sur ce, je vous laisse, j’ai encore quelques études à finir. James, on se tient au courant hein ? », et il salua le duo qui avait l’air de se connaître de toute façon.

Van Hellsing disparut à peu près comme il était apparu, à savoir d’une démarche rapide, pressé par le savoir plus que par la gêne.

« Je ne pensais pas vous recroiser ici », commença James, avant d’enchaîner, sur un timbre de voix plus sincère et authentique : « je suis désolé de ne pas vous avoir donner de nouvelles. »

Après ce qui s’est passé.

« Est-ce que ça va de votre côté ? Monsieur le professeur d'Histoire de la Magie. »

Le sourire énigmatique du Grey laissait croire qu’il avait fait exprès de mettre la balle dans ses mains, pour ne pas l’avoir de son côté.

« Mieux, déjà. »

Le sourire franc et sincère de James indiquait que ce n’était pas encore tout à fait ça et qu’il en était bien conscient. Ça ne voulait pas dire que tout ce qu’il avait fait jusque là n’avait servi à rien en revanche, juste qu’il n’était qu’au début d’un rétablissement qui demanderait des mois entiers, peut-être des années, pour peu qu’il s’y livre vraiment. Ce n’était pas exactement le cas, puisque suite au silence de ses deux parents, James avait simplement fait le choix de ne plus en parler du tout et de vivre de son côté. De travailler, jusqu’à vomir les données, jusqu’à n’avoir plus en tête que chaque élément, chaque lettre de chaque dossier, comme une sorte de bibliothèque vivante et fourmillant de milles hypothèses, ne laissant plus la moindre place à Ana Souvorov (@Sheraz Mahal), sa Karénine.

Jusqu’à maintenant, ça marchait plutôt bien.

Un petit rire perça les lèvres fines du serpentard. Il imaginait bien Jameson n’en plus pouvoir de ses générations, de plus en plus stupides si on en croyait les cours de ce vieil Osric Beauclerk qui avait été son professeur d’Histoire de la Magie à l’époque où il avait été à Poudlard. Un vieil emmerdeur de première mais un puit de connaissance - le problème des puits était souvent que lorsqu’ils étaient sans fond, on ne s’attendait pas à entendre autre chose que l’écho en tentant de parler avec. Cela faisait longtemps qu’Osric avait abandonné l’idée de la pédagogie. Il récitait, tout plein de son charisme et de son éloquence, ce que le commun des sorciers devait ingurgiter, et qu’importe s’ils n’y comprenaient rien puisque lui, fin élitiste, n’y voyait qu’un tri sélectif entre ceux se donnant la peine de réfléchir et ceux faisant le choix de la copie - des enlummerdeurs, d'enlumineurs et emmerdeurs, comme il les appelait, tout pédant et hautain derrière son air fatigué.

« Dire que les premières années n’auront jamais le privilège de suivre les cours de Beauclerk... », répondit James au clin d’oeil eu Clearwater, avant d’avoir de nouveau un rire, cette fois plus moqueur.

« Comme si le Ministère me donnait des enquêtes aussi simples! Non, il faut bien qu’ils justifient mon absence de bonus à la fin de l’année » se moqua-t-il gentiment, même si James ne courait pas vraiment après l’argent, mais plutôt après la carrière, la gloire du poste - enfin, c’est ce qu’il croyait, avant d’apprendre que sa mère lançait des sortilèges sur ses enfants s’ils ne correspondaient pas à ce qu’elle voulait d’eux.

« J’ai réussi à obtenir un budget pour des expertises externes de certaines pièces à conviction que nous gardions jusqu’à maintenant sous sceau. Les analyses de l’IDEM m’ont permis d’éclaircir la nuit noire qu’est mon enquête... » James haussa doucement les épaules, pouvant difficilement en dire plus, « mais j’avance, j’avance. J’ai une piste tangible... étonnante, mais tangible au moins. »

Si ce qu’avancer Ezechkiel Van Hellsing était vrai, la piste allait en scier plus d’un au Bureau, c’était assuré. Et s’il en parlait avec un collègue, on allait simplement le prendre pour un fou, parce que si la réputation de James à Poudlard n’était pas reluisante, elle était au Ministère tout ce que les vieilles langues-de-plomb, «les anciens de l’Ordre», pouvaient baver de venin et excréments.
James ne voulait pas imaginer leur haleine après tout ce qu’il avait cru entendre sur lui...

Le jeune Grey eut un petit sourire pudique. Voir Clearwater s’inquiétait lui faisait un drôle d’effet. James se remémora les mots d’@Alejandra Montero qui se demandait parfois ce qu’il aurait été si elle était née dans une autre famille. Si elle n’avait pas été une Montero. A cette idée, un frisson désagréable lui remonta l’échine, avec cette drôle d’impression de glisser sur une pente dangereuse. James balaya l’idée aussi vite qu’elle était venue, alors qu’il jetait un regard ennuyé plus loin.

« Ne vous en faites pas, je ne m’occupe pas des nouveautés croustillantes. Seulement des pistes qui ne mènent nulle part. »

Courir après Thanatos n’était pas de tout repos. Si @Braxton Clearwater n’avait rien trouvé en plus de dix ans, James imaginait très bien ne rien trouver. Il avait toujours l’espoir, et les missions avec @Fergus Clearwater avaient eu le mérite de faire avancer certains pans des recherches, mais jamais assez. Comme si quelque chose les empêchait d’avancer, les obligeait à graviter, à frôler la vérité. En vain.

« Vous… » souffla doucement James, hésitant.
« Vous savez, notre stage en Norvège… » murmura James, tapotant doucement sa main, « je crois que… que la personne qui est entrée dans la grotte, il faisait partie des attaques de l’été dernier. C’est ce que laisse croire la piste que je remonte actuellement. »

Le jeune homme se gratta la joue d’un air ennuyé.

L’ancien serpentard semblait peser le pour et le contre, avant de finalement articuler lentement :

« Je ne suis pas devin mais votre frère a l’air de croire que tout est de sa faute, mais… je ne crois pas que ça soit comme ça que ça marche. Ça ne visait pas que votre frère. Il y avait autre chose… je crois. Je dois le vérifier sous peu… J’ai une intervention. Je serais fixé après j’imagine, si tout va bien. »

Evasif pour que le maléfice de la langue-de-plomb ne fasse pas des siennes, James tentait de lui faire passer un message. Il n’avait pas revu Braxton depuis quelques semaines et même s’il avait cru comprendre que le sorcier allait mieux, il y avait quelque part une volonté aussi d’apaiser ce qu’il avait perçu comme étant des tensions au moment du divorce. Plus par égard envers Jameson que pour Braxton ou Fergus.