a hundred bad days (blake)

Une station balnéaire à une courte distance de son nouveau chez soi? Évidemment que Célia allait s’y rendre éventuellement, sa curiosité bien trop aiguisée pour laisser l’opportunité passer. Et puis, qui n’aimait pas les vacances?

Délaissant encore une fois ses boîtes au profit de son propre plaisir, Célia avait quitté sa maison encore en chantier pour s’évader, allant jusqu’à louer une chambre uniquement pour le weekend. Malgré la proximité de sa demeure, Célia aimait faire les choses en grand.

Elle avait passé une partie de l’avant-midi à se prélasser au soleil, feuilletant divers magazines en écoutant le son des vagues. Lorsque le soleil atteint son zénith et que la chaleur lui parut trop étouffante, Célia délaissa sa longue chaise de plage pour une promenade à travers la station pour y voir ce qu’il y avait à visiter.

La sorcière n’eut pas le temps de voir beaucoup de stands que déjà, son attention était ailleurs. Elle délaissa rapidement sa contemplation d’un kiosque qui offrait des séances de voyance, un sourire moqueur sur les lèvres alors qu’elle lisait les écriteaux au loin. La voyance. C’était un “art” qui l’amusait énormément, rien que par sa ridicule existence. (@Mêgam Joshi) Elle détourna les yeux. Elle avait entendu son appel, le son familier d’un sifflet et des rires lointains des enfants qui jouent. Ça, c’était beaucoup plus sa cadence.

Elle suivit les cris avec un sourire et un pas léger, elle n’était ni pressée ni stressée. Bien vite, elle comprit que les sons provenaient d’un camp d'entraînement pour des enfants. À la lisière du petit terrain, Célia s’appuya sur un poteau en croisant les bras, contemplant le spectacle avec un sourire. Elle observa les jeunes débuter leurs premiers vols avec une témérité et une maladresse qu’on ne retrouvait qu’à cet âge. Son attention passa ensuite sur les moniteurs, les bénévoles gardant un œil assuré sur toute la situation, et son coeur se réchauffa, y revoyant ses propres années d'entraînement, puis celle d’Eli peu de temps après.
Elle s’apprêtait à quitter pour poursuivre sa visite de Tinworth lorsqu’un bénévole se sépara du groupe pour aller prendre un peu d’eau, isolant l’attention de Célia sur lui. Ses traits lui étaient familiers.
Très familiers.

La réalisation la frappa comme une vague d’euphorie, et un sourire satisfait se dessina sur ses lèvres. Elle y avait à peine réfléchi que déjà elle s’approchait du banc où le jeune homme se tenait.
“Bonjour! Blake, c’est ça?” salua-t-elle en s’approchant. Dans sa voix, on pouvait déjà y entendre la clarté des intonations de ses années à la radio, reprenant rapidement ses marques. “Je suis Célia Carreira. Je ne sais pas si tu te souviens de moi, je t’ai interviewé il y a quelques années.” Elle lui sourit et retira ses lunettes de soleil, par politesse. “Même si je ne couvrais pas vraiment la relève, j’ai tout de même suivi ta carrière de près suite à notre interview. J’étais désolée d'apprendre pour ta blessure. C’est un domaine ingrat.” affirma-t-elle, compatissante. Célia était très bien placée pour le savoir: au Quidditch, un seul petit accrochage pouvait à toujours changer la trajectoire d’une vie. Cristian avait dû abandonner sa vocation pour les mêmes raisons, ce n’était donc, malheureusement, pas une conclusion rare pour les athlètes.

Les pans de sa robe caressaient ses jambes, et son grand chapeau dessinait des ombres sur son visage. Elle réalisa, qu’encore une fois, Célia avait suivi le cœur, ses instincts de commentatrice prenant le dessus. Elle n’était plus journaliste, il n’y avait donc aucune raison pour accoster le jeune homme, ne serait-ce que pour parler d’une passion partagée. “Si tu as un peu de temps pour moi à ta prochaine pause, j’adorerais parler de ce que te réserve le futur.” Il n’y avait aucune question dans son ton, mais il y avait bel et bien une demande.  

Elle fut presque amusée lorsque Blake se leva pour lui tendre la main, démontrant un professionnalisme surprenant pour un junior. Les jeunes recrues laissaient souvent la célébrité leur monter à la tête et oubliaient les bases. Nombreux avaient été les joueurs qu’elle avait vu disparaître dans l’oubli après une erreur de trop, prenant pour acquis leur sécurité professionnelle.
Elle lui rendit sa poignée de main.

“Je t’en pris, pas besoin de me vouvoyer.” ria-t-elle alors qu’il complimentait leur précédente entrevue. Elle eut un rictus, elle doutait qu’il le pensait vraiment: les sportifs se moquaient très souvent des moments dédiés à la presse et en oubliait très vite les détails. “Cette conversation est totalement informelle, je ne suis plus chroniqueuse depuis quelques années.” le rassura-t-elle. Elle ne spécifia pas qu'elle écrivait l'occasionnel article lorsque l'envie lui prenait de reprendre contact avec ses anciens employeurs.

Célia prit place sur le banc avec un hochement de tête reconnaissant. Elle l’observa garder un oeil gardien sur le groupe dont il avait la charge avec une pointe de chaleur. Ce jeune homme avait forcément des frères et soeurs, ça se voyait.

“Tu es doué.” dit-elle comme toute réponse. “Le fait que tu aies réussi à te faire un nom aussi rapidement dans le domaine sportif est un exploit en lui-même.”

Elle lui offrit un sourire rassurant, presque maternel. Son regard suivant celui de Blake jusqu’aux enfants avec leurs balais. “Peu de gens réalisent ce que c’est, de perdre la seule route qu’on connaît, se faire arrêter dans son élan. Même si c’est l’impression qu’on a, la vie ne s’arrête pas lorsque notre passion cesse. C’est un processus difficile, de retrouver un nouveau chemin pour continuer d’avancer.”

Elle croisa ses jambes et posa ses mains sur son genoux, reportant ses yeux sur l’étudiant.
“Tu n’es pas le premier athlète à qui ça arrive, tu ne seras pas le dernier. J’ai toujours trouvé ça intéressant, de voir comment les gens se relèvent. Ça en dit beaucoup sur une personne.” Elle ne parla pas de son mari. La conversation n'était pas à propos de lui.
Elle pointa le groupe de jeunes en apprentissage. “À ce que je peux voir, tu sembles être sur la bonne voie, tu ne penses pas?”

Célia eut un sourire sincère en écoutant le jeune homme parler de ses origines avec humilité. Peu de joueurs, surtout de son âge, savaient reconnaître leur chance avec autant de galanterie. Célia se doutait que ce trait le mènerait loin dans la vie, même si il ne s’agissait pas d’une carrière avec les jeunes.

Elle hocha la tête solennellement face à ses ambitions. “C’est un bon objectif à poursuivre.” affirma-t-elle, encourageante. Au fond d’elle, elle savait que seule la volonté n’était parfois pas suffisante pour remonter sur un balais. Elle n’y était pas parvenu, malgré tout ses efforts, et son mari avait été forcé par les médicomages. Parfois le corps suivait sa propre voie, malgré nos demandes. Évidemment, elle n’était pas là pour ruiner les rêves de l’étudiant. Il était encore jeune, Célia jugeait qu’il aurait encore amplement le temps d’apprendre la leçon sans qu’elle tente elle-même de lui inculquer. “Tu vas rejoindre l’équipe de ta maison en attendant?” s’enquit-elle, cette fois, pour ses intérêts personnels. Ou, techniquement, ceux d’Eli. La juge espérait que sa fille puisse y trouver des amis pertinents dans les vestiaires, et Célia jugeait que Blake serait certainement une bonne addition à un cercle d’ami.

Célia eut un rire à la question de Blake, qui était chargée d’une histoire plus lourde qu’il ne le pouvait le savoir. “Oh… je ne sais pas encore réellement.” répondit-elle avec un air de mystère. “J’avais envie de découvrir autre chose. J’aime encore énormément le Quidditch, et visiblement-” elle fit un geste entre elle et lui, désignant leur discussion. “J’aime toujours le journalisme. Mais, tout le monde doit accepter que la vie change…” Elle marqua une pause pour observer les enfants et leurs balais, y voyant une image vivide d’une jeune Eli, comme si c’était hier. “Constamment en mouvement, qu’on le veuille ou non. J’aime croire que je peux faire la même chose, et me laisser porter là où le vent me mène.”

Elle glissa une mèche de cheveux derrière son oreille, ramenant la conversation sur Blake. “Tu es prêt à la rentrée? J’ai connu plusieurs jeunes recrues qui avaient beaucoup de mal à retourner sur les bancs d’école lorsqu’ils perdaient leur siège dans les équipes.”

Tout comme le reste de la vie, les équipes de Quidditch étaient constamment en mouvement. Une méritocratie sans merci, les gestionnaires n’hésitant pas à remplacer les joueurs moins performants de saison en saison. Par le passé, Célia avait rencontré plusieurs joueurs qui s’étaient vus ramenés à la réalité après une mauvaise saison.