joan of arc (perséphone)

Le match contre les Boulets de Stokelake avait été une formalité. Même la presse n'avait pas plus commenté que ça ce match de ligue junior auquel elle n'aurait même pas dû participer au départ. La défection de Milford avait ajouté cette date à son agenda comme un petit gribouillis insignifiant et c'était tout ce qu'on pouvait penser de ce match que tous avaient si vite oublié. Sélectionnée par les Flèches d'Appleby pour la saison estival, Perséphone avait des objectifs autrement plus sérieux que d'aplanir encore un peu plus le profil de carpette d'une équipe de seconde zone. Le mauvais coup qu'elle avait joué au Pride of Portree avait fait coulé beaucoup d'encre. Une équipe nationale sortie du championnat par une gamine. Il y avait de quoi. Et il fallait dire que Perséphone n'était pas peu fière de ce but marqué précisément deux secondes et dix dixième avant que le vif ne soit attrapé par l'équipe adverse. Le prochain match, opposerait les Flèches aux Frelons de Wimbourne, leur Némésis historique et Perséphone voulait être au sommet de sa forme.

Le match se tiendrait à Dragonville dans deux jours et Perséphone avait choisi de quitter Tinworth pour quelques jours pour se mettre vraiment en condition. Sa mère avait pris le temps de la cuisiner une petite vingtaine de minutes sur sa vie amoureuse avant de l'embrasser de disparaître. Le métier d'auror était une voie exigeante et Ariana ne reverrait probablement pas sa fille avant son retour à Tinworth. Qu'à cela ne tienne, la solitude n'avait jamais dérangé Perséphone Fogg, bien au contraire. Elle renoua spontanément avec ces petites habitudes, dont la course d'endurance aux petites heures du matin qui lui faisait faire l'aller retour entre la ferme des Yard (  @Mahdi-Jaro Yard ,  @Haruka Yard ,  @Glenn Yard ) et leur petite maison au-dessus du pont. A cette heure-ci, il n'y avait guère que le troll moussu qui vivait justement sous le pont, pour lui accorder de l'attention, et c'était très bien ainsi.

Comme la ferme était littéralement accolée au village, et parce qu'elle n'aimait guère tourner trop en rond, elle prenait le chemin qui bordait les champs par le nord, et faisait un tour complet du domaine avant de revenir par le petit chemin qui longeait le canal.

Ce matin-là, comme ça lui arrivait parfois, elle décida de bifurquer à l'entrée du village pour en faire le tour et, à son grand étonnement, elle croisa une autre sportive matinale. La saluant d'un signe de tête, elle ne s'arrêta pas et poursuivit, le pas léger et le coeur gonflé d'adrénaline. Elles finirent par se recroiser, juste avant que Perséphone ne décide que c'en était assez pour ce matin-là.

« Je préfère courir à la fraîche, ça me met un coup de peps pour démarrer la journée. », fit la jeune femme en acquiesçant, confirmant qu'elle non plus n'était pas habituée à croiser du monde à cette heure.

Le ciel commençait à pâlir au-dessus de leur tête, éclipsant la lune qui était dans son dernier croissant. Reprenant doucement son souffle, elle accepta bien volontiers la bouteille que l'autre sportive lui tendait.

« C'est moi en effet. Et toi ? », si elle n'avait aucun problème avec le fait qu'on la reconnaisse dans la rue, elle aimait toujours mettre un nom sur un visage.« C'est un nom qui me parle... », releva-t-elle sans plus vraiment remettre pour quelle raison. Sans doute faisait-elle partie des journalistes qu'elle avait régulièrement lu dans son adolescence.

Elle avait toujours adoré le Quidditch, et elle avait toujours été de ces joueurs abordables qui ne s'enfuient pas à la première question. Au contraire, Perséphone adorait ce sentiment qu'on lui témoignait de l'attention, même lorsque c'était pour lui poser des questions sur ses problèmes de couple avec  @Blake Grimm-Nakatani .

« Oui on peut le dire. Je suis même précisément née juste là-bas. », annonça-t-elle avec un large sourire tout en indiquant la direction de la ferme des Yard. « Et toi ? Tu es là pour les vacances ou tu habites ici ? »

Elle était au regret de constater que sa vie d'adulte ne lui laissait pas autant de temps qu'elle l'aurait voulu pour entretenir ses propres racines. Dans un si petit village, tout le monde se connaissait alors forcément, un visage inconnu c'était forcément un touriste. Maintenant, après plusieurs mois d'absence, Perséphone n'aurait juré de rien. Si elle avait renoncé à son petit appartement londonien sans grand regret après que le coach Warwick l'ait mis sur la touche en mars, elle éprouvait quelques remords à n'être pas revenue ici aussi souvent qu'elle l'aurait voulu.

Perséphone écoutait très attentivement, cherchant à mettre le doigt dessus. Elle savait que le nom de Carreira ne lui était pas juste familier. Elle avait lu tellement de choses dans les archives de la ligue à son arrivée. Suivi des joueurs sur papier qu'elle ne croiserait jamais sur le terrain et pour cause, la plupart de ces légendes-ci avaient pris leur retraite depuis longtemps. N'empêche, c'était dans ce genre d'inspiration que la jeune anglaise avait dessiné son jeu, celui qui donnait la chair de poule tant au public qu'aux journalistes qui couvraient les matchs. Perséphone Fogg était une rêveuse, certes, mais une rêveuse qui aimait le grand frisson, la chute libre, les coups de Trafalgare et les hourrah. Bien loin de l'image sage qui collait à la peau de ceux qui portaient les couleurs de la maison de Serdaigle, la poursuiveuse jouait un jeu en apparence risqué, en vérité elle jouait surtout d'une grande maîtrise de ses balais, une passion qu'elle avait développée dans les magazines sportifs, au tout départ.

« Carreira... mais si ! C'est vous qui aviez épinglé la première Corto Chavez dans l'affaire des balais boostés je me trompe ?! »

Une simple phrase d'attaque avait à l'époque suffit à semer le doute. Il était vrai que les prouesses de Chavez, compte tenu des balais de l'époque, avaient de quoi laisser éveiller les soupçons. Si Perséphone se souvenait bien de ses lectures, c'était même un joueur que Carreira avait beaucoup suivi, raison pour laquelle sans doute, elle avait été la première à flairer l'embrouille.

« Je suis flattée. », fit la plus jeune alors que la journaliste lui indiquait avoir suivi une partie de son parcours. Elle l'était toujours et très sincèrement, ce qui faisait sans doute d'elle la meilleure amie des journalistes. Un trait de caractère que le coach Warwick  se glorifiait d'avoir dans son sac à malice. Tous les jeunes espoirs n'étaient pas de ce bois et l'exercice de presse était même pour certains une quasi-punition.

« Je crois qu'on ne pourrait pas rêver mieux c'est vrai. », confirma Perspéhone en prenant une grande bouffée d'air pur. Elle adorait la saveur de l'air ici. L'odeur gourmande des foins, celle de la campagne... elle n'aurait échangé pour rien au monde. « Vous vous plairez ici, enfin j'espère. C'est calme, on se trouve toujours quelque chose à faire... en tout cas hésitez pas, je serais là pour encore quelques jours si vous avez besoin de quelqu'un pour faire les présentations. Les gens sont adorables même s'ils sont un peu farouche au début. »

Sans doute la marque de fabrique de tous les villages de campagne. Mais Perséphone, qui menait désormais une vie de citadine (si on faisait omission de cette parenthèse étudiante à laquelle elle était forcée) pouvait tout à fait se mettre à la place de quelqu'un qui ne venait pas de cet univers-là. C'était peut-être cliché mais dans un aussi petit village, on peinait toujours à imaginer que les nouveaux arrivants puissent venir d'ailleurs que de la ville.

« Oui, je suis sélectionnée pour match des Flèches d'Appleby contre les Frelons de Wimbourne dans deux jours. Les conditions météos seront pas terribles apparemment ... »

Le genre de match qui allait probablement traîner en longueur et les user jusqu'à la corde. Mieux valait être au top de sa condition physique. Perséphone jugea qu'il n'était pas utile de faire un dessin à Carreira. Elle aussi aurait sans doute bien en tête un de ces matchs qui s'éternisaient sur la quinzaine à cause du brouillard ou de la pluie. Curieusement, Perséphone n'avait pas évoqué le sujet avec @Fergus Clearwater la veille de son départ et ça n'était que maintenant qu'elle se disait qu'elle aurait peut-être dû... avec un peu de chance, le match ne durerait pas quinze jours.

La conversation était plutôt bon enfant, et c'était tant mieux vu l'heure matinale. Perséphone adorait plus que tout parler de son village natal. Elle n'y vivait certes plus et, comme  @Haruka Yard ne manquait pas de le lui faire remarquer de temps en temps, elle embrassait à merveille sa nouvelle vie de citadine. Pour autant, rien ne changeait vraiment à Loutry Sainte Chaspoule et cela avait un petit côté réconfortant.

« Je tenterai plutôt l'approche inverse : les laisser venir. C'est comme ça que ça fonctionne ici. Sinon on va vous coller l'étiquette de la citadine et alors là ça va être grillé. »

Elle eut un petit rire amusé en pensant au pigiste de Squirell Flight que tout le monde continuait à regarder de travers malgré toutes ces années. Il n'était tout de même pas aussi avenant que Miss Carreira mais se glisser dans le lit de la boulangère avait été une approche trop directe pour les gens du coin, quand bien même ladite boulangère avait coiffé Sainte Catherine depuis longtemps.

Bien vite, leur sujet de coeur balaya les commérages habituels aux petits villages. La sélection de Perséphone dans une équipe nationale, même saisonnière était pleine de promesse et la jeune femme la prenait très au sérieux. Contrairement à d'autres choses, à commencer par le retour aux études forcé notamment. Alors quand  l'ancienne journaliste l'interpella, la jeune anglaise haussa un sourcil, se demandant ce qu'elle allait bien pouvoir lui sortir.

Ce que la presse disait... voilà qui ne lui inspirait rien de bon. Il fallait dire que la presse en disait beaucoup et qu'il y avait largement à laisser là dedans. Perséphone croisa les bras sous sa poitrine, attendant la suite. La mention de @Blake Grimm-Nakatani lui tira un sourire en coin. Son regard se porta vers l'horizon où le soleil s'apprêtait à déclarer sa flamme dans un incendie de nuances rose dorée.

Elle soupira profondément.

« Ne me dites pas que vous êtes une autre de ses admiratrices enragées par notre rupture ... », pria-t-elle d'un ton blasé. Décidément, cette romance de façade était bien difficile à entretenir ces derniers temps. Et pourtant, ce petit couple imaginaire les avait, d'une certaine façon, préservé de bien des choses par moment...