Dari Ya Alby

Alors que la date du départ pour l'Algérie se rapprochait, Samir, se sentait en proie à un mélange d'émotion complexe. La perspective de rencontrer ses grands-parents dont il n'avait entendu que des histoires par son frère et son oncle le remplissait d'un curieux mélange de nostalgie et d'anxiété. Le jeune homme aurait pu être simplement ravi à l’idée de fouler de nouveau sa terre natale, mais l'ombre de ce père absent, figure inconnue d’une enfance incomplète, assombrissait ce réjouissant voyage. Le cadet des Mesli ne craignait rien tant que de ne pas trouver sa place et de rester un éternel étranger dans son propre pays, au sein de sa propre famille. Car après tout, ses grands-parents devaient bien avoir une raison pour ne jamais avoir cherché à prendre contact avec lui.

Heureusement, l’idée qu’Adil serait présent à ses côtés le rassurait. La découverte de ce frère aîné semblait être une source de joie intarissable alors que bien inconsciemment, Samir cherchait à combler par sa présence un vide qui l’avait toujours laissé insatisfait de lui et de la vie qu’il menait. Au milieu de toutes ses appréhensions, il y avait un désir indéniable de mieux comprendre sa propre histoire et de découvrir les fils qui le reliaient à une partie de lui-même encore inconnue.

Durant la nuit précédente, alors que l’anticipation nerveuse qui tiraillait le cœur du jeune homme l’empêchait de dormir, il avait rencontré son oncle, assis en silence dans le salon comme s’il l’attendait. En quelques mots simples, Amastan avait su le cerner, lui parlant de sa foi comme d’une compagne discrète et inébranlable capable de le réconforter devant l’incertitude lorsque la peur assombrissait ses pensées. Il lui avait transmis quelques enseignements qui lui tenaient à cœur, qui mettaient l’accent sur l’unité et la compassion qui pouvait guider les cœurs. Si Samir n’était pas certain d’avoir perçu toute la profondeur de ses sages paroles, il était retourné se coucher en laissant les mots de son oncle résonner comme une litanie en son cœur.

En se réveillant, le jeune homme se sentait regagné d’une nouvelle énergie, comme si son appréhension avait été éclipsée par une étincelle d’optimisme, porté par l’espoir d’être accueilli et accepté tel qu’il était. Il s’était préparé sans tarder avant de rejoindre son frère déjà levé dans la cuisine. Avec un sourire amusé, le cadet l'observait silencieusement émerger du monde des rêves dans lequel il baignait encore pleinement, comme chaque matin. Plus alerte que lui, Samir tendit la main pour attraper la tasse que son frère avait approché avant de hocher la tête.

- Merci…

Il inspira avec un certain réconfort l’odeur du café qui en émanait avant de se pencher pour attraper un msemen qu’il aimait pour sa part tartiner de formage, et ce, à toute heure de la journée. Quand son frère lui demanda comment il allait, Samir releva le nez vers lui, avalant le morceau qu’il venait d’arracher en déglutissant difficilement.

- Ça va, lui répondit-il avec une assurance qu’il ne ressentait pourtant aucunement. Samir n’aimait pas l’idée qu’Adil le prenne pour un faible. Ils avaient beau avoir à présent construit une relation profonde, basée sur la confiance, Samir ne pouvait empêcher sa fierté chercher à le rendre toujours plus fort qu’il ne l’était.

Mais un sourire s’étalait sur le visage hâlé du jeune homme qui n’avait que peu conscience de tout ce qui se tramait en lui, n’étant pas du genre à faire de trop longues introspections sur ses émtions.

- On a un peu parlé avec Amastan cette nuit… C’était… bien…

Difficile de mettre des mots sur l'impressionnante sagesse de leur oncle. Samir était bien incapable de comprendre à quel point ses paroles continueraient de l’habiter et de le faire réfléchir pour des années encore.