Ignored letters

L'avantage d'avoir un emploi du temps complètement vierge donnait l'occasion à Daisy d'occuper ses journées à sa guise. Depuis le départ de Jessica et de ses amis, elle goûtait à une vraie solitude qu'elle jugeait appréciable.

Lorsqu'elle était en famille d'accueil, même lorsque les autres enfants allaient à l'école pour la journée, elle ne se retrouvait pas réellement seule. Au moins un adulte était présent dans la maison, et il y avait toujours des rendez-vous médicaux ou para-médicaux, et pour lesquels la blonde n'avait jamais éprouvé le moindre intérêt.
Et durant son séjour dans le service psychiatrique, jamais elle n'avait été seule. L'endroit était en permanence bondé, continuellement bruyant et elle n'en gardait pas un bon souvenir.

A présent, elle était seule et même lorsqu'elle croisait des gens dans les rues, personne ne faisait vraiment attention à elle. Si n'avoir personne pour lui dire quoi faire ni où aller avait un côté un peu déroutant, Dee trouvait cela également rassurant. Les nuits dans l'immeuble vide restaient source d'angoisse, mais au moins, elle n'empêchait personne de dormir.
Et la journée, elle marchait et lisait. Parcourant les rues de Londres en tout sens, Daisy avait repéré plusieurs bibliothèques publiques dans lesquelles elle pouvait passer ses journées sans qu'on vienne lui demander des comptes.

Elle les écumait toutes, avides de découvrir de nouvelles choses au travers de ses lectures, et commençait à se rendre compte qu'elle avait une préférence pour les vieux bâtiments. Ceux qui possédaient des livres aux reliures anciennes, dont les étagères pleines à craquer atteignaient le plafond et qui sentait le bois, le papier et la poussière.
Et ses préférences ne s'arrêtaient pas là. Daisy se sentait bien plus attirée par les encyclopédies, les récits de voyage et les analyses que par les histoires parlant d'oeuvre imaginaire.

Dee avait opté pour la London Library située près de St Jame's Square, et après avoir pris plusieurs livres, s'était installé sur une table au fond du bâtiment, un peu à l'écart.
Elle se mettait toujours au fond d'une pièce ou dos au mur, et se sentait mal à l'aise quand ce n'était pas possible. La blonde ne savait pas vraiment pourquoi, mais ce sentiment la stressait, habituellement.
L'ambiance dans les bibliothèques était toujours calme et feutrée, c'était même le seul endroit à sa connaissance où on ne lui demandait pas de parler. Probablement que c'était la raison principale pour laquelle elle aimait autant ce genre d'endroit, l'atmosphère y était sereine. Ca avait quelque chose de rassurant pour Daisy.

Plongée dans sa lecture relatant des années 1920 et de la période de la Prohibition, Dee perçut du coin de l'oeil un mouvement devant elle. Elle n'y prêta tout d'abord aucune attention, jusqu'à ce qu'elle entende le bruit discret d'une chaise qu'on tirait, et releva les yeux pour croiser le regard d'un inconnu.
Retenant un soupir, la blonde jeta un bref regard aux alentours, apercevant plusieurs tables libres où il aurait pu s'installer, mais retourna à sa lecture, peu intéressée.
Il ne lui fallut que quelques petites minutes pour lever à nouveau les yeux de son livre. L'homme ne lisait pas, et se contentait de la regarder, et Dee, résignée, comprit qu'il était là pour elle. Encore une fois, un adulte allait lui dire  quoi faire, où aller et s'inquiéter de ne pas la voir parler.
Sa solitude était trop belle pour être vraie et Daisy se cala contre le dossier du fauteuil à regret, consciente que ses journées-lectures allaient prendre fin.

Quoi ?

Si la question pouvait sembler abrupte, le ton de sa voix était calme, discret, et la question était finalement plus soufflée que posée. Daisy s'était toujours contentée du minimum de mots pour se faire comprendre, quand elle n'avait pas d'autre choix que de parler. Il était évident que l'homme n'était pas venu ici pour lire, et son regard braqué sur elle indiquait clairement qu'il était là pour elle. La blonde se demandait juste comment il avait pu la trouver ici.
Tout en attendant une réponse, elle l'observa brièvement, cherchant à se faire une opinion. Elle ne l'avait jamais vu, et Dee se demanda s'il s'agissait d'un nouveau médecin ou d'un énième bureaucrate qui allait lui annoncer qu'après étude de son dossier, il lui avait trouvé l'endroit idéal où l'envoyer.

Vêtu en parfait moldu, j’avançais dans les rues de Londres avec ma petite mallette dans la main. A l’intérieur, tout mon matériel réduit de métamorphose s’y trouvait. Etant un expert en sortilège d’altération magique comme l’exigeait la Métamorphose, il n’était donc pas rare d’y trouver… Beaucoup de chose et d’objets variés. D’un air assez rêveur, je me baladais dans les rues du Londres moldu. C’était assez rare, il fallait dire puisque j’étais issu d’une famille de sang pur, mais ça me plaisait toujours autant. Ayant fait étude des moldus, j’avais la connaissance nécessaire pour bien me débrouiller sans passer pour quelque de loufoque.
Avide de savoir, je m’étais engagé dans le métro de Londres comme un enfant. Regardant tout autour de moi avec émerveillement la façon surprenante dont les moldus avaient pu remplacé la magie. Une fois sortie à la bonne ligne de métro et avoir payé un artiste de rue avec de l’argent moldu, je sortis d’un pas un peu pressé. De ma poche, je sortis une petite boussole étrange, qui avait des inscriptions runiques et qui ne comportait qu’une aiguille d’un bleu azur. Cette dernière tourna, puis s’orienta vers l’Est. Avec un sourire satisfait, je me mis à marcher dans cette direction.
Quelques minutes de marche plus tard, je m’engageais dans la bibliothèque tenant toujours mon espèce de boussole dans la main.
Trouvant enfin la jeune future étudiante que je cherchais, je m’installais en face d’elle, comme si je la connaissais depuis toujours. Observant son livre d’un air curieux, je haussais légèrement les sourcils quand elle m’adressa la parole. Posant ma petite mallette sur la table je répondis d’un ton enjoué :

« Curieuse façon de dire bonjour mais en même temps, c’est normal vous devez me prendre pour un pervers... »

Je me grattais la tête, essayant de mettre les choses dans le contexte. Je m’y prenais très mal pour celui qui ne savait pas ce que je faisais là. Finalement, j’ouvre ma mallette et je sortis un petit dossier que je me mis à lire d’un air calme.

« Vous êtes bien Daisy Brown ? » dis-je simplement.

Je sortis un long parchemin de ma mallette et je fronçais les sourcils tout en regardant autour de moi d’un air toujours aussi curieux. Dans un petit sourire je poursuivais mon explication.

« Voilà, d’après nos informations, aucunes de nos lettres vous a été remises ou ont été lu. Je pourrai passer plusieurs heures à expliquer son contenu, mais je pense que le mieux serait de lire par vous même. Quel endroit vraiment charmant. »

Je regardais tout autour de moi. Les moldus avaient quand même du goût ! On ne pouvait pas le nier ! Reportant mon attention sur elle j'attendis qu'elle est fini de lire sa lettre d'admission, en me tournant les pouces et en me balançant sur ma chaise d'un air détendu.

A l'instant où Daisy accorda son attention à l'homme, il se mit en mouvement, comme s'il n'attendait que ça. La blonde ne releva pas sa remarque sur son manque évident de politesse, attendant la suite. D'une part, il ne s'était pas présenté, d'autre part, il avait certainement lu son dossier avant de venir.

Si elle n'en laissait rien paraître, Dee était surprise de ce rendez-vous impromptu. Jusqu'à présent, elle avait toujours reçu des convocations en bonnes et dues formes, où le ton courtois ne cachait toutefois pas le caractère obligatoire de sa présence. Les professionnels qui se passaient son dossier de main en main depuis des années, qu'ils soient des services sociaux ou d'une quelconque profession médicale, avaient pour habitude de la recevoir dans un bureau. Une façon pour eux de bien montrer qu'ils avaient le pouvoir de décider de son avenir.

A sa question sur son identité, la jeune femme se contenta d'acquiescer d'un signe de tête, avant de s'apercevoir qu'il ne la regardait plus, concentré sur le dossier qu'il parcourait.

Oui.

Réponse brève, mais amplement suffisante pour confirmer son identité. Il sortit de sa mallette un parchemin qu'elle reconnut et n'accorda qu'un bref regard au morceau de papier lorsqu'il lui fut tendu.
Elle avait déjà reçu plusieurs lettres similaires, et ni elle, ni les adultes qui avaient sa charge n'avaient pris cela au sérieux. Alors Daisy se sentait un peu perdue face à sa requête, et encore plus lorsqu'il enchaîna en complimentant l'endroit.
Chose rare, Dee ne réussit pas à masquer son trouble et haussa un sourcil, montrant sa surprise.

Perplexe, elle figea son regard sur l'inconnu, plongée dans sa réflexion. Il n'était pas pas venu jusqu'ici simplement pour qu'elle lise une lettre, plaisanterie légèrement douteuse à son avis. C'est bien pour ça qu'elle avait ignoré les précédentes, mais jamais aucun adulte ne lui avait posé la moindre question sur ses étranges missives. Nombreux avaient ouvert ces lettres pour les lire avant de les lui donner, tout en précisant au passage que ce n'était qu'une mauvaise farce.
Cet homme voulait qu'elle la lise devant lui...pourquoi ? Il ne ressemblait pas aux psys que Dee avait eu à rencontrer, jusqu'à maintenant. Preuve en était qu'il...se balançait sur sa chaise ?!

C'est une blague.

Elle se sentait catégorique en lui retendant le parchemin, mais sentit en croisant son regard que ce n'était pas la réponse qu'il attendait.
Daisy reposa brièvement les yeux sur le livre ouvert devant elle, plus décontenancée au fond qu'elle ne le montrait en réalité. Cette entrevue, si différente de celles qu'elle avait subi jusqu'à présent, la perturbait.
Faisant un effort énorme, elle ouvrit la bouche, un peu nerveuse.

Vous n'êtes pas psy...Que voulez-vous ?

Bien rares étaient les fois où Daisy prononçait plus de trois mots d'affilée. Encore plus rare que ce soit elle qui initie, bien maladroitement, un début de conversation. Habituellement, elle attendait que ça passe et se contentait d'aller là où on lui disait.

Je fronçais les sourcils tout en observant le jeune femme d’un air un peu surpris. Bon, au vu de sa réaction, elle n’avait jamais pris conscience de son potentiel en tant que sorcière. Elle n’y avait même jamais crue. D’un regard désolé, je regardais autour de nous, vérifiant que nous n’étions que peu nombreux dans cet établissement. Aussi, je me permis de parler d’une voix légèrement plus faible que d’habitude.

« Ah… Très bien, ce n’était donc pas un refus volontaire de votre part. »

Je parlais plus à moi même qu’à la jeune femme. Parfois cela arrivait que certains étudiants nous ignore. Soit parce qu’ils étaient engagés avec d’autres universités, soient parce qu’effectivement, comme Daisy quelque chose avait cloché à un moment donné. Je me grattais la barbe d’un air songeur et je finis par lancer enfin la machine.

« Bien… Je me présente donc, je suis le Professeur Luke Korrigan. J’enseigne la Métamorphose à l’université de sorcellerie Poudlard. Je suis en charge de former les étudiants à devenir des sorciers accomplis. Parfois, il arrive comme vous que l’on ignore notre véritable nature de sorcier. Nous vous envoyons alors des lettres, ou des personnes pour expliquer la situation. C’est… ce que je suis en train de faire. »

Décalant ma mallette d’un air assez nerveux je continuais de chercher mes mots. Je n’avais jamais été aussi doué que Jameson Clearwater pour ce genre de chose. Fixant la jeune femme, je fermais son dossier que je venais de lire en profondeur et je l’observais d’un air bienveillant et compatissant.

« Je ne suis pas un psychologue. Je suis un Sorcier. Je suis là pour vous proposez une place à l’université. Je pense que vous aurez des réponses à beaucoup de questions que vous vous posez si vous acceptez. En attendant, c’est votre droit et je vous le présente. Ne vous êtes vous jamais retrouvé dans des situations ubuesques et au centre de choses irrationnelles en tout genre ? »

Je penchais ma tête cette fois-ci pour l’observer d’un air malicieux. Chaque étudiant était passé par là. Je la regardais avec compassion et je pris encore un peu de temps pour qu’elle digère l’information. De toute façon, au vu de son dossier, elle avait suffisement subi d’épreuve pour me croire. J’ouvris ma mallette et de cette mallette, je sortis trois balles identiques que je posais sur la table. En 9 coups de baguette, les trois balles se métamorphosèrent. L’un pris l’apparence d’un serpent, l’autre d’un poule, et la dernière d’un renard. Bien évidemment, le renard voulu manger la poule, la poule voulu manger la vipère et la vipère n’eut qu’une envie, de mordre le renard. En un coup de baguette supplémentaire, les trois balles retrouvèrent leurs formes initiales.

« Et voilà donc pour la preuve. »

Perplexe, Daisy n'eut pas le temps de lui demander ce qu'il voulait dire à propos de ce refus involontaire qu'il enchaîna en se présentant. Ou plutôt, en présentant ce que les adultes appelaient généralement un alter-ego. Dee avait déjà eu par le passé des séances de ce genre, censées l'aider à s'ouvrir et à communiquer en s'imaginant être quelqu'un d'autre. Si la blonde avait rapidement compris l'exercice proposé, elle n'en avait jamais vraiment perçu l'intérêt, et le résultat n'avait pas été celui escompté de la part des médecins. Elle avait compris plus tard que le but caché de cet exercice était de la faire parler, pour tenter de deviner dans ses propos des éléments qui pourraient amener les adultes à comprendre qui elle était et d'où elle venait. Ca avait été une question récurrente dans son passé, et même si la jeune femme aurait aimé, tout au fond d'elle, savoir elle aussi, aucune réponse n'avait jamais été trouvée. Il y avait bien longtemps que la blonde avait baissé les bras sur ce sujet, convaincue que certaines questions ne trouvaient jamais de réponses.

Bien que le lieu public était assez perturbant, Daisy en arrivait à la conclusion qu'elle se tenait face à un nouveau psy qui tentait une nouvelle approche en utilisant des méthodes déjà éculées et restées vaines. Peut-être s'était-il dit qu'un lieu où elle se sentait à l'aise aiderait Dee à s'ouvrir ?
Le jeune femme tenta rapidement de peser le pour et le contre. Elle était seule depuis quelques jours et appréciait sa solitude, mais elle était assez maligne pour savoir que sa faim n'allait pas disparaître comme ça, et qu'elle n'avait aucune source de nourriture à disposition. Si elle acceptait de jouer le jeu, il allait rapidement déterminer où l'envoyer et les choses redeviendraient comme elle les avaient toujours connues. Et avec de la chance, elle aurait toujours l'occasion de lire et de dessiner.

Résignée, Daisy s'apprêtait à céder et à se lancer elle aussi dans le jeu du "imagine, si t'étais..." que l'homme venait d'initier, mais il reprit la parole pour insister. Assurant qu'il était un sorcier et pas un psy, et parlant d'université. Cette maladresse bloqua la blonde, qui referma la bouche. Elle n'avait jamais mis les pieds dans une école au cours de sa vie, les adultes ayant jugés que ce n'était pas un endroit pour elle, qu'elle n'était pas capable de s'adapter et d'apprendre. Et même lorsqu'ils avaient découvert qu'elle avait appris à lire, qu'elle savait écrire, jamais personne ne lui avait proposé de tenter l'école. Ce n'était simplement pas quelque chose pour elle, apparemment, et Dee avait seulement pris l'habitude de suivre le mouvement. Après tout, les adultes étaient censés savoir, ils étaient censés prendre les meilleures décisions possibles pour les enfants.
Daisy trouvait cruel de parler d'université, et se sentait un peu vexée. C'était sûrement marqué quelque part dans son dossier, non ?
Je suis incapable.
Elle se sentait aussi perdue. C'était la première fois qu'un adulte lui assurait qu'elle avait un quelconque droit, et il l'amena également à réfléchir sur des événements étranges.

Plongée dans ses réflexions, Dee songea à quelques moments où en effet, les gens autour d'elle s'étaient montrés surpris par un détail. Comme Jess et les garçons, dans l'entrepôt, quand les ampoules s'étaient allumées alors que le bâtiment était inhabité depuis des années et que l'électricité avait été coupée. Il devait pourtant y avoir une explication rationnelle, non ? Elle ne trouvait simplement pas laquelle.
Daisy perdit le fil de sa réflexion lorsqu'elle vit l'homme sortir des balles de sa mallette et les transformer. De la magie ? La blonde avait vu une fois un spectacle de magicien, mais avait rapidement deviné la supercherie utilisée pour le tour de passe-passe. Elle observa le numéro en silence, amusée malgré elle, jusqu'à ce que les animaux redeviennent des balles.
La jeune femme le regarda, sourcils froncés, avant de jeter un coup d'oeil autour d'eux. Très peu de monde était présent et personne ne faisait attention à eux. Daisy reporta son attention sur les balles, frustrée de ne pas avoir deviné le truc. Focalisant toute son attention sur les balles, elle réclama une nouvelle tentative.
Encore.

Je soupirai quand elle m’en demanda encore. Elle était véritablement dure à convaincre. Regardant tout autour de moi, je le fis une dernière fois. J’offris un nouvel exemple. Sans me concentrer ni rien, je me transformais en chien de race Husky. La seconde suivante, ce n’était plus moi sous forme humaine qui était assise en face d’elle, mais moi sous forme chien. La seconde suivant, je repris mon apparence normale et je soupirai.

« Je ne peux pas faire plus impressionnant. De tout façon, je dois vous avertir que l’apprentissage de la magie est régie par des règles strictes, et qu’il faudra du temps pour que vous en arriviez là... »

Rangeant les balles dans la mallette qui contenait tout le nécessaire, je pris un léger temps de pause pour qu’elle se remette des ses émotions. D’un geste de ma baguette, je prononçais la formule Assourdiato discrètement pour être sur de ne plus être entendu. Aussi, à partir de maintenant je pris une voix normale.

« C’est un concept difficile et qui demande une certaine rigueur, mais je suis sûr que vous vous en sortirez à merveille ! Je suppose que vous devez avoir quelques questions. Mais… ne traînez pas trop, il faut que nous allions chercher vos fournitures si vous désirez intégrer cette Université de prestige! »

Je l’observais avec un léger sourire encourageant. Ca devait faire quand même bizarre, d’apprendre que vous étiez un sorcier ! Surtout à cet âge là. Joignant mes mains devant elle, je l’observais d’un air toujours aussi calme et détendu, ma baguette posée à côté de moi. D’un air rêveur je me pretais à regarder par la fenêtre. Comment aurai-je réagi si j’avais été dans sa situation ? Après tout les choses auraient peut être été beaucoup plus simple pour moi. Mon frère n’aurait jamais subi la malédiction qu’il a subit, ma femme ne serait peut être pas morte car je savais que les moldus étaient réputés comme quand même être de bons guérisseurs. D’un air nostalgique, je me tournais vers elle en attendant sa réponse.

En réclamant le tour une nouvelle fois, Daisy s'était attendue à revoir le même, et à l'observer avec suffisamment d'attention pour deviner la supercherie. A la place, l'homme montra un nouveau tour, inattendu et...époustouflant. Oui, c'était le mot qui exprimait le mieux la surprise que la jeune femme ressentait en cet instant. C'était tout bonnement impossible, comment avait-il réussi cette prouesse ?

Son attitude calme et nonchalante contrastait avec ce qu'il venait de faire, déroutant Dee. Il donnait l'impression de faire ça avec une telle facilité, comme s'il exécutait ce genre de tours tous les jours. Pourtant, Daisy peinait à admettre qu'il disait la vérité en prétendant être un sorcier. La magie n'était qu'une supercherie, un tour de passe-passe, et n'existait pas vraiment. Il insistait sur cette histoire d'université, précisant que c'était difficile mais encore une fois, il montrait une certaine certitude, comme s'il savait qu'elle y avait sa place.
Elle en doutait fortement pour sa part, n'ayant jamais mis les pieds dans une seule école de sa vie, elle se savait incapable de s'adapter à cela. Tous les adultes dont elle avait croisé la route en étaient arrivés à la même conclusion, sans s'être concertés au préalable, c'était bien la preuve qu'ils avaient raison, non ? Impossible qu'autant d'adultes se trompent quand un seul lui certifiait qu'elle avait sa place dans une école.

Baissant les yeux dans un soupir, Daisy se sentait incapable de faire un choix, tout simplement parce qu'elle n'avait jamais eu à le faire. S'il semblait calme en attendant sa décision, Dee sentait qu'elle n'avait que peu de temps avant de le voir se lever et partir. Des questions, elle en avait des milliers, mais aucune ne fut capable de franchir ses lèvres. Toutes se bousculaient en même temps et la blonde avait l'impression de ne plus être capable de réfléchir posément.
Est-ce que tout ça n'était qu'une espèce de jeu, une nouvelle étape dans sa prise en charge ? Si c'était un test, elle se demandait qu'elle était la réponse à donner pour ne pas échouer. Devait-elle accepter ou refuser ? Et où est-ce que cela la mènerait ?
Pourquoi moi ?
Finalement, cette question était la plus importante, non ? Pourquoi maintenant, aussi, après des années à s'entendre dire qu'elle n'arriverait jamais à rien, mais en soi, ça revenait au même.

A cette question, je me levais, et je fronçais les sourcils. Passant ma main dans ma barbe, je l’observais tout en l’analysant. Mes yeux se plissèrent, montrant que j’étais en proie à une véritable réflexion. Ce n’était pas vraiment une question facile.

« Hm. C’est une très bonne question, et je ne pourrai pas y répondre de manière précise… Disons que c’est comme ça. Et vous verrez par vous même que nous n’avons pas tous le même point de vue... »

Oui, il y avait bien évidemment les pro-sang-pur. Ceux qui ne juraient que par les familles de sang noble. Dont, quand on y réfléchissait, la pureté réelle pouvait être remise plus de 100 fois en cause. Mais, avec un sourire franc et bienveillant, ma mallette dans la main je me contentais de répondre avec sagesse.

« Disons que ce sont les signes du destin. Chacun en a une différente et vous la nature vous a fait sorcière. C’est comme ça. Et parfois il vaut mieux ne pas se poser ce genre de question. Mais disons plus simplement que dans vos ancestres, certains devaient être sorciers. Ce qui n’a rien d’étonnant, puisque chaque moldu a un peu de sang sorcier et chaque sorcier doit bien avoir un peu de sang moldu. »

Je regardais le plafond tout en réfléchissant à la justesse de mes propos. Puis, au vu de son regard interrogateur, je me surpris à avoir fait une erreur de débutant. Avec un léger sourire je me contentais d’expliquer.

« Les moldus sont ceux qui n’ont pas de pouvoirs magiques. Bien. »

Je me tournais vers elle, et j’indiquais les escaliers qui montraient la sortie de la salle. Pour avoir lu dans son dossier toutes les informations nécessaires, elle devait encore plus se poser de questions qu’un simple né moldu qui venait d’apprendre qu’il était un sorcier.

« Il est temps de choisir votre destinée je crois. Vous pouvez choisir de descendre ses escaliers avec moi, et d’accepter votre nature de sorcière. Ou vous pouvez conserver l’existence que vous avez. Rien n’est obligatoire, et vous restez toujours maître de votre destin mais… ayez confiance en moi. Votre place est auprès des votre désormais. »

Un regard plein de compassion passa dans mes yeux, alors que je lui indiquais de descendre. Si elle passait devant moi pour quitter ce lieu, je l’emmenerai au chemin de traverse. Dans le cas contraire… Je rentrerai à Poudlard en informer la directrice que j’avais lamentablement échoué. J’avais été honoré d’avoir été choisi, et je vivrai très certainement mal un quelconque échec.

Le sorcier se leva à sa question, prenant le temps de l'observer en silence. Même si elle n'en laissait rien paraître, Daisy se sentait un peu mal à l'aise face à lui, mais se soumit à son examen sans rien dire. Ce n'était pas vraiment le fait qu'il avait rivé les yeux sur elle, elle-même faisait tout le temps ça, pour essayer de comprendre les gens. Son silence lui semblait interminable et la blonde sentait sa nervosité grandir. Etait-ce bon signe qu'il peine à trouver ses mots à une question si simple ?
Finalement, l'homme reprit la parole et répondit sans répondre, évoquant le destin. Les réponses du type "C'est comme ça", Dee en avait souvent entendu, signe que les adultes ne connaissaient pas la réponse, s'en moquaient éperdument ou bien perdaient patience. Elle n'était pas plus avancée et montra même sa perplexité face aux mots employés. Un moldu n'avait pas de pouvoir magique. Daisy prit un temps de réflexion pour essayer de comprendre et d'intégrer ces mots. Il y a une heure encore, elle ignorait que la magie existait. Ou plutôt de la sorcellerie. Et elle découvrait maintenant qu'il existait un mot pour nommer les gens qui n'étaient pas magiques.

Le sorcier Luke Korrigan, professeur de métamorphoses à l'université de sorcellerie Poudlard, comme il s'était présenté un instant auparavant, lui indiqua la sortie, lui présentant les options qui s'ouvraient à elle. Daisy l'observa silencieusement, perplexe face à toute cette conversation. C'était la première fois qu'on lui laissait le choix, et cela avait un côté effrayant. Comment être sûre de faire le bon ? Des milliers de questions tournaient dans la tête de la blonde, mais elle savait que ce n'était ni l'heure ni l'endroit. Et puis, elle devait réfléchir à comment formuler ses questions pour se faire comprendre. Les gens avaient cette fâcheuse manie de faire des phrases longues et l'information se perdait dans le flot des mots. Dee n'avait jamais compris cette habitude.

Ce fut finalement la dernière phrase du magicien qui poussa Daisy à prendre sa décision. Sa place était auprès des siens. Cette affirmation la rendait curieuse. Dee savait que les gens, même adultes et vieux, avaient un père et une mère, et de très nombreuses personnes s'étaient interrogées sur les siens, au fil des ans. Certains s'étaient montrés suspicieux, mais la plupart avaient manifesté à son égard une sorte de tristesse. Si la blonde elle, ne se sentait pas triste et ne se souvenait pas d'eux, son besoin d'analyser et de comprendre la poussait parfois à s'interroger à ce sujet.
Elle ignorait ce qui se passerait si cet homme se trompait. Si finalement, il avait choisi la mauvaise personne, ou que malgré son assurance, elle n'ait pas sa place là-bas et ne soit pas capable de devenir une sorcière, pourrait-elle simplement revenir ici ?
Dee ne connaissait qu'un seul moyen de trouver des réponses à ses questions. Les chercher elle-même, dans les livres ou en observant les autres. Refermant le livre ouvert devant elle, Daisy prit le temps d'aller le ranger à sa place dans les rayonnages avant de récupérer ses affaires et de précéder le sorcier à l'extérieur.
Elle espérait juste que sa décision était la bonne.