Serment de Mungo (Xris)

« Tous les problèmes ont une solution, et s’il n’y a pas de solution, c’est qu’il n’y a pas de problème, Xris. »

J’avais dit cela, en me levant pour me diriger vers lui. D’un ton implacable et sure de moi, mais qui se voulait aussi extrêmement doux à l’instar de ma fourrure quand je prenais ma forme Lycane. Je m’étais avancée vers lui, prenant un appareil dans ma blouse et j’examinais rapidement ses pupilles. Finalement, je soupirai et je déclarai :

« Je crois que j’ai trouvé ce que tu avais. Ca s’appelle la bêtise, mais malheureusement ça ne se soigne pas. Et je peux te garantir que si ça se soignait, y'aura du monde au portillon. »

J’avais pris le même ton que j’employais quand j’étais avec ma sœur Haruka, parce que c’était à quelque chose prêt le genre de discours qu’elle aurait pu me tenir. Mettant les mains dans les poches de ma blouse, je laissais l’humour s’éteindre et je finissais par reprendre un peu mon sérieux.

« Je plaisante, Xris. Ce que je veux dire c’est qu’au final, tu es plus atteint que je ne le pensais. Y’a deux choses qui font cet effet. Le burn out et la dépression. Dans le premier, la maison brûle et tu t’enfuies en courant de cette dernière, paniquée et en sous-vêtement. T’es retourné. Dans la deuxième, la maison a cramé, ça a brûlé de la charpente au sol, mais tu t’en aies pas rendu compte. »

J’appuyais sur les métaphores. Je le regardais, digne et surtout de manière intransigeante. Je voulais qu’il percute. Le réveiller comme je pouvais réveiller les patients atteins=ts de maladie grave avec un maléfice de Foudre contrôlé. Il avait besoin de ça, un électrochoc. Et j’avais utilisé deux mots lourds de sens pour qu’il comprenne. Burn-Out et Dépression.

« Le temps ne fait rien, à part s’écouler. Et dans ton cas, si tu prends les bonnes décisions, il te guérira. »

Je l’observais toujours avec un calme olympien, les bras croisés. Est-ce qu’il allait enfin cracher el morceau maintenant que je lui avais dit que ce qu’il avait pouvait être plus grave que ce qu’il ne pensait ?

« Il faut parfois laisser son égo de côté, et admettre que l’on ne peut pas se sortir seul de certaines situations. C’est ce qui m’est arrivé plusieurs fois, et je ne te le souhaite pas. C’est pour ça que je peux paraître pénible à tes yeux, mais crois moi, je te comprends plus que tu imagines. »

Je le regardais les bras croisés, attendant qu’il crache sa Dragée surprise de Berti Crochu. Finalement, il se mit à parler de la fille de l’ancien Ministre. Une vague de haine profonde envers elle et sa famille m’envahit, mais j’arrivais cependant à me contrôler. Ma mâchoire se serra un peu, je lui aurai bien brisé le cou à celle là. Et pourtant, je devais être une des Louves les plus gentilles qu’on puisse connaître…

« Et bah quoi Apolline ? Qu’est ce que la fille Dunn vient faire là ? T’es défoncé ou qu... »

Et soudain, je compris. Dans mes yeux, un éclair passa. J’avais bien fait de ne pas lui dire ce que je pensais de cette gamine, car si j’avais dit la vérité, il se serait barré immédiatement. Sans un mot de plus, je passais mes doigts sur mon nez, d’un geste assez lent comme quand je réfléchissais.

« Ok, j’ai compris. »

Finalement, je revenais m’asseoir au bureau de la salle de garde, toujours avec ma démarche élégante et le pas sûr comme les loups lorsqu’ils se déplacent tous à l’unisson. Ce garçon méritait bien mieux que la fille d’un psypathe mégalomane.
L’espace d’un instant, je me prêtais d’ailleurs à croire que Xris ait les même pensées que cette famille. Après tout, pour éprouver de l’amour pour quelqu’un, il fallait lui avoir parler plusieurs fois non ? Ce qui signifiait qu’ils devaient avoir des idées en communs. On était pas amis avec les gens dont les idées étaient totalement opposées, ou alors c’était rare.
Je chassais ça de mon esprit. J’avais un patient, il fallait l’aider. J’avais prêté Serment, et… même si Dunn en personne était en train de mourir sur le pas de ma porte, je l’aurai soigné sans poser de questions.
C’était comme ça.

« Je vois, donc si ça te met dans cet état, je suppose que ce n’est pas réciproque. »

J’énonçais des évidences, je me trouvais brusquement ridicule. Cherchant mes mots, je commençais à pianoter sur le bureau. Je n’étais absolument pas une experte dans les relations de ce type là. Mais je restais une femme, et si la petite Dunn pensait comme nous autres de manière générale, j’avais peut être une chance de l’aider.

« C’est un fait. Il y a différentes phases quand on apprend ce genre de chose. Sept en réalité. Le choc, le déni, la colère, la dépression ou tristesse, la résignation, l’acceptation et enfin, la reconstruction. »

Je le regardais, véritablement peiné. Mais je restais digne, par respect pour lui et ce qui lui arrivait. D’une voix calme et étonnement douce, je déclarai :

« Tu en es à l’étape 4 mon garçon… Mais crois moi, si un tel algorithme existe, c’est qu’il faut y croire. Surtout, il faut t’enlever tout espoir de l’esprit. Si elle doit changer d’avis, elle changera d’avis. Mais, tu ne peux pas compter uniquement sur ça, car si elle ne revient pas sur sa décision, tu seras anéanti. »

Je passais ma main sur mon visage, les traits fatigués par la pleine Lune qui approchait. Je pouvais toujours me cacher derrière mes gardes épuisantes pour me justifier.

« Il faut avancer, sans elle. Lui montrer que malgré tout, tu avances. Tu ne peux pas rester là, dans cette phase d’incertitude… Tu comprends ? Rester dans cette étape ne te sert à rien, mis à part te détruire. Et crois moi, aucune femme n’aime les dépressifs. »

Je le regardais dans les yeux, sans rien dire.

« Parce que tu vas avancer, et trouver quelqu’un d’autre. Ou alors elle reviendra vers toi, mais ne compte pas dessus pour te reconstruire. »

Et la thérapie pouvait commencer maintenant que j’avais cerner le problème. Il fallait que je le fasse passer à l’étape 5, la résignation.

Je l’observais dans le fauteuil en face de moi et je le regardais d’un air un peu critique. Mes yeux le baillèrent et j’écoutais attentivement chacune de ses paroles. Certaines me touchèrent un peu, car visiblement il était encore dans la colère puisqu’il me fit une réflexion sur mes comptétences.

« J’ai eu des cours de psychomagie, bien que ce ne soit pas ma spécialité Xris. Mais je pense que c’est largement dans mes cordes. »

J’avais bien tout retenu. Avec un petit sourire en coin, pour détendre un peu l’atmosphère et lui laisser penser que je prenais sur le ton de l’humour sa petite réflexion je tournais un peu sur le fauteuil de mon bureau, réfléchissant à la meilleure des réponses à lui apporter. Quelle idée de s’enticher de l’héritière de la pire des familles que le Royaume Uni puisse porter. L’espace d’un instant, j’eus un moment de doute.
Et si j’étais en train d’aider à aller mieux un partisan de Dunn et surtout de ses idées nauséabondes. Mes yeux se plissèrent un peu, puis finalement je compris le problème dans toute sa globalité. Il y avait donc quelqu’un d’autre.

« Pourquoi je te prescrirai encore des potions de sommeil ? Elles traient l’effet et non la cause, je te l’ai déjà dit. Mais si tu y tiens. »

J’attrapais ma plume verte aux couleurs de Ste Mangouste, ainsi que mon tampon qui valait signe de cachet. Je griffonnais rapidement sur une feuille d’ordonnance et je mis un petit coup sec de tampon. Je pliais ensuite la feuille en deux avec soin, pour la lui tendre, ma main toujours posée dessus.

« Tu en as pour quinze jours. »

J’enlevais ma main dans un geste lent, lui faisant ainsi signe par ce geste qu’il pouvait encore refusé. Passant mes doigts sur le dessus de mon nez, comme je le faisais toujours quand je réfléchissais, je répondis avec calme et ce qui ressemblait le plus à de la sagesse.

« Si elle a fait son choix, il faut l’accepter, et désormais vivre ta propre vie. Tu ne peux pas rester là à attendre, en te laissant disponible. Déjà, cela te fera souffrir plus qu’autre chose, et en plus tu as besoin d’avancer. »

Fouillant dans ma mémoire ce que les grimoires disaient sur le sujet, je me rendis compte qu’en matière d’amour, la psychomagie ne débordait pas de source et de renseignement. C’était un sujet tellement complexe, qui échappait aux mortels, et surtout à la magie.

« Tu sais, même l’amour et sa compréhension échappe à la magie. Un matin, je suis persuadé que tu te réveilleras, et que tu en seras guéri. Mais ça ne se fait pas tout seul, et certainement pas en un jour. Et ça ne se traite pas avec des potions de sommeil. »

Mettant mes mains jointes devant moi, je pivotais un peu en croisant mes jambes fines et musclées. Mon regard se plongea dans le siens et je déclarai avec calme et délicatesse.

« Seul le temps et la résignation peuvent guérir ce genre de chose. Le reste est surtout au bon vouloir du patient. Si tu continues à t’enfoncer là dedans, alors tu seras malheureux. Tu t’en remettras, et je suis persuadé qu’il y a quelqu’un sur cette bonne vieille planète qui n’attend que toi. Ce n’est pas comme si tu étais vilain comme un poux qui plus est. »

Je lui fis un petit clin d’oeil amusé, juste pour le complimenté. Ca allait lui redonner du baume au coeur peut être ! C’était drôle, car en ce qui me concernait, ma vie sentimentale était un désastre. Mais ça, bien évidemment, il n’était pas sensé le savoir.

Je me levais également, car visiblement, il voulait partir. Je ne pouvais pas le retenir contre son gré et on avait bien avancé, du moins je l’espérai. Posant ma main sur son dos, je le tapotais avec vigueur pour qu’il se sente quand même vivant. Mes yeux croisèrent les siens et je me contentais alors de répondre simplement :

« Ca viendra. Et il ne faut pas brûler les étapes. Tu as le droit d’être triste, c’est une protection naturelle de l’esprit, mais il faut quand même en sortir, car ce n’est pas une solution. »

Je l’observais me dirigeant vers la sortie de la salle de garde. La mine perplexe, je me demandais encore si j’avais bien fait de lui donner sa prescription. Mais il allait revenir quand il en manquerait de toute manière et là, je lui refuserais s’il n’avait pas avancé.

« Tu verras, on en reparlera et ça ira beaucoup mieux crois moi. »

Je lui fis un petit clin d’oeil, plusieurs infirmiers m’attendaient déjà à la porte et certains avaient une mine assez sérieuses, preuve que je devais quand même me dépêcher. Avant de partir, j’attrapais l’avant bras de Xris, celui qui tenait l’ordonnance et je déclarais d’une voix douce et calme :

« Et ça, c’est pas la solution et tu le sais très bien. »

Je le libérais. Puis je me tournais vers les infirmiers, leur faisant signe d’un geste de la tête que j’arrivais, je retardais encore le départ de Xris, afin de savoir s’il allait revenir. Finalement, je déclarais d’une petite voix, assez basse pour qu’il l’entende.

« Je suis disponible quand tu veux, si tu veux parler. Envoie moi un hibou, ou un message par ma cheminée. Ou passe par Haruka, elle saura me trouver. »

Je lui fis un dernier clin d’oeil et je l’observais, véritablement soucieuse. J’avais encore du travail pour soigner les maux de l’esprit.