Welcome in the suburb

Il était compliqué de conserver une bonne relation de voisinage pour diverses raisons. SkullAuntie était généralement une bonne raison pour tendre les relations sur lequel on venait ajouter les racontars qu'on disait dans le dos de la famille Ayodele. Mais Chinenye mettait toujours un point d'honneur à s'en ficher. Peu importe ce que l'on disait d'eux, elle ne changeait en rien sa ligne de conduite. Elle veillait également à ce que les autres membres de la famille dont elle avait la charge mettaient autant d'efforts qu'elle. Si elle n'était pas sûre de ce qu'elle laisserait à sa descendance lorsqu'un jour prochain elle rendrait son dernier souffle, elle s'assurait au moins qu'ils maîtrisent les rouages de la diplomatie. Que le moindre petit acte de gentillesse, qu'il soit intéressé ou non, ne soit jamais pris à la légère.

Ainsi, ce serait le tour de Zion aujourd'hui.

Une nouvelle sorcière venait de faire l'acquisition de la maison voisine. D'un regard par-dessus sa tasse de thé, à travers les rideaux entrouverts, Chinenye avait assisté à l'aménagement de leur nouvelle voisine : une magnifique jeune femme à la crinière brune. Un sourcil froncé en remarquant sa silhouette, un air de déjà-vu la submergea avant de finalement se lever de sa chaise. Elle attendrait le lendemain pour aller l'accueillir comme il se devait.


(...)

Zion s'était habillé d'une jolie robe vert bouteille suffisamment légère pour la saison. Chinenye, quant à elle, avait laissé tomber ses imposantes coiffes qu'elle arborait pour le travail pour laisser respirer ses fines bouclettes d'un blanc éclatant. Signe de l'âge et de la sagesse de la vieille femme, elle n'en restait pas moins élégante et particulièrement robuste. La grâce incarnée lorsqu'elle se déplaçait dans ses mocassins noirs qu'elle cachait par une longue robe d'un joli violet. Quelques dorures venaient sublimer tout ceci lorsque les rayons du soleil venaient à caresser la silhouette de la sorcière.

Zion la suivait la mine dépitée. Il aurait pu rester à l'ombre du grand arbre, à siroter sa limonade les pieds dans l'eau en écoutant la diffusion du match des Tornades de Tutschill. Tenant un plat de belles manufactures duquel s'élevaient des épices que leur voisine n'avait probablement jamais goûtées, il passa le portail en fer forgé, observant d'un œil curieux la devanture de cette maison qu'il avait cessé de regarder avec le temps.

Le bruit des talons de sa grand-mère disparut, marquant l'arrêt de cette dernière sur la dernière marche du perron. Chinenye relâcha le pan de sa robe pour poser son regard vers son petit fils. Elle glissa doucement sa main sous le menton de Zion avant de lever les yeux au ciel.

« - Tu me retireras ça dès que possible. »

Zion afficha une mine de profond dépit, ce qui arracha un léger sourire sur les lèvres de Chinenye qui se retourna pour saisir le heurtoir qu'elle actionna trois fois. Il lui était impossible de laisser pousser sa barbe lorsqu'il n'était pas à Poudlard.

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Il n'avait guère été difficile de se voir proposer des biens après sa sortie de l'hôpital. Avec le recul, c'était une curieuse coïncidence que cette installation à Flagley-le-Haut juste avant les sanctions avisées du Conseil International des Sorciers. Bien évidemment, pour la famille Grey, il n'était en rien question de s'éparpiller dans des villages semi-magiques - rien que le mot les aurait rendu malades - pèle mêle avec toute la manne du monde magique. Le récent investissement de Miss Souvorov tombait donc à point nommé puisque l'entièreté de la famille aurait pu y loger. Il fallait dire que les effectifs avaient souffert du temps et de la justice magique et c'était peut-être mieux ainsi. Quoiqu'il en soit, c'était sur ce manoir, dressé en haut de Mayfair Lane que la jeune femme avait jeté son dévolu. L'achat s'était fait en un claquement de doigts, une formalité quoique l'empressement de l'agent immobilier leur avait paru suspect à tous mais après maintes inspections diurnes, la vente s'était conclue sous les meilleurs auspices.

Dans le village, cela avait tout de même fait parler. Il fallait dire qu'un nombre impressionnant de propriétaires s'étaient succédé pour revendre dans la semaine même depuis plusieurs années. D'aucun disaient que c'était la faute de la matriarche Ayodele et de sa magie noire. Une rumeur qui atteignit les oreilles de Miss Souvorov bien avant que celle-ci ne se décide à emménager, quelques mois plus tard. Elle n'en fit cependant aucun cas, bien au fait de ces vilaines manières de commérage qui faisaient toutes les sociétés humaines. Au fenêtre, les habitants avaient regardé passer l'attelage drapé de velours noirs et ses chevaux exotiques aux allures d'ombres dansantes, la robe lustrées et la bouche écumantes. Personne n'en avait jamais vus de semblables. Quand à la mystérieuse nouvelle résidente, ils durent pour la plupart se contenter d'une brève oeillade. Elle avait de l'allure. Une belle manne de cheveux sombres. Une immense cape couleur du temps qui la drapait de l'épaule à la poussière qu'elle foulait du côté droit. Quelqu'un d'important à n'en point douter. Les curieux n'eurent rien de plus à se mettre sous la dent, si ce n'était que, dans la nuit, deux formidables buissons de roses Tudor, écarlate aux coeurs immaculés, s'étaient dressés de part et d'autres de la grille et se rejoignaient en un arc parfait.


Elle ouvrit un yeux, comme toujours dérangée par cette absence qui la suivait désormais où qu'elle aille. Ana n'avait jamais eu un sommeil d'une qualité exceptionnelle. Oiseau de nuit, elle aimait à se perdre des heures durant dans ses lectures, une autre fois dans ses recherches, et voilà qu'aux petites heures de la nuit, elle se rappelait du confort luxueux de son oreiller en plumes d'eider, du nom de ce dragon-serpent dont le duvet de vendait les yeux de la tête chez les spécialistes. Habituée à tutoyer l'obscurité, elle se leva sans même chercher à mettre la main sur sa baguette. A quoi bon ? Elle s'en serait sans doute rendue malade quand on songeait la l'adresse de sa main droite perdue comparée à la gaucherie de sa main restante. Mieux valait ne pas y songer, elle ne tribulerait pas longtemps à l'aveuglette, les enchantements des candélabres pourvoyant à lui éclairer le chemin pas à pas. Elle n'avait pas fait deux mètres dans le couloir, qu'un sentiment désagréable l'obligea à se retourner. C'était comme si par dessus son épaule, la porte de sa chambre s'éloignait d'elle. Puis le sol se mit à s'étirer sous ses pieds comme prêt à l'attirer dans un nexus malveillant qui déformait le décor tout entier...


Les rosiers s'étirèrent doucement devant les visiteurs, intimant en apparence au portail de les laisser passer. Un enchantement de courtoisie tout à fait commun chez les familles d'un certain rang social. Au bout de la courte allée - une vingtaine de mètre à peine - le Manoir les observait de sa grande façade investies de baies à sens unique. Le heurtoir résonna lorsque les Ayodele l'actionnèrent et quelques instants plus tard, une jeune femme au visage bleme se présentait à la porte. Dans de meilleurs jours, elle devait resplendir d'une certaine grâce qui tenait plus de son allure que d'une beauté remarquable, mais ce jour-là, c'est un visage cerné aux joues légèrement creusées qui se présenta. Conformément à l'image que les commérages laissaient circuler, la nobliote était drapée d'une cape légère qui la couvrait intégralement sur tout le côté droit, de l'épaule à la poussière que foulaient ses pas. Mais elle était couleur émeraude ce jour-là. On notait l'absence de domestiques, ou alors ceux-ci étaient affairés à autre chose.

« Bonjour. Nous devons être voisins, je présume ? », fit simplement la demoiselle d'un ton affable, attendant d'en savoir un peu plus.

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C'était une maison lourde d'histoire qu'ils avaient devant eux. Pourtant, Zion en ignorait un peu plus de la moitié tant il était plongé dans l'insouciance d'une enfance heureuse malgré des thèmes très particuliers que sa famille embrassait. Les malédictions, bien que connues, n'étaient pas forcément jetées à tort ou à raison de ce qui permettait, sincèrement, de garder intacte l'innocence de Zion malgré les prières, rituels et autres joyeusetés dont il était parfois témoin au sein du manoir Ayodele.

Aussi, il ne connaissait que les rumeurs que l'on entendait sur cette maison, bien qu'il ignorait réellement si c'était vrai ou non. Zion savait sa grand-mère particulièrement persuasive quand elle le voulait sans avoir recours à l'appel des loas. Dambala n'était pas quelqu'un d'agressif étant plutôt accès sur la protection des siens tant que l’on continuait de le célébrer et de le mettre en avant. Mais Chinenye savait comment se débrouiller pour parvenir à ses fins. Pleine de secrets, elle évitait d'ébruiter ses faits et gestes, même parmi les siens, afin d'éviter que les choses ne s'ébruitent par volonté ou inconscience.

La porte s'ouvrit devant eux pour laisser place à une redoutable jeune femme dans la fleur de l'âge. Malgré son accoutrement assez singulier qui lui cachait une bonne partie de son corps, Zion ne put s'empêcher de la trouver particulièrement jolie. Son regard s'attarda quelques instants sur son grain de peau de nacre avant d'observer ses iris profondément captivants malgré la présence de cernes. Nul doute qu'il s'agissait là d'une sorcière redoutable que ce soit pour son apparence ou cette espèce d'aura qui se dégageait d'elle.

Le visage de Chinenye exclama de la surprise avant de laisser se dessiner sur son visage d'ébène un sourire de tout ce qu'il y avait de plus sincère chez sa grand-mère. Zion fronça les sourcils, surpris de la voir si vraie devant ce qui lui semblait être une parfaite inconnue qu'il avait peut-être entrevue à Poudlard. Ce qu'il pensait puisque la jeune sorcière lui disait vaguement quelque chose.

« - Ana ! Ma chère Ana ! » S'exclama la vieille sorcière, de sa voix rauque, alors qu'elle reconnaissait désormais l'ancienne Poufsouffle maintenant qu'elle l'avait en face d'elle, sans vitres et sans rideaux.

Chinenye ne put s'empêcher de lever ses mains pour les poser sur l'épaule de la sorcière dans un geste de pure affection.

« - J'ignorais totalement que la fille du grand Aleksandr Souvorov viendrait habiter tout près de chez moi. Si je l'avais su, je me serais permis de te proposer mon aide. »

Elle lâcha Ana pour tendre sa main derrière elle afin d'attirer Zion à ses côtés.

« - Je te présente mon petit fils. Zion Webb. J'imagine que vous avez probablement dû vous croiser à Poudlard. »

Zion esquissa un sourire désolé tout en lui tendant le plat aux mille saveurs.

« - Ma grand-mère l'a fait pour vous. Pour vous souhaiter la bienvenue dans le quartier. »

Chinenye, dans sa longue robe violette, semblait perdre une bonne dizaine d'années alors qu'elle s'affichait sans son air sévère dont elle avait son masque pour défier les vieilles biques du Magenmagot.

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En voyant la vénérable sorcière fondre en un chaleureux accueil sur la pas de sa porte, Ana remit immédiatement ce visage régal. Derrière ses traits fatigués, une sincère expression confuse se peignit sur le visage de l'anglaise. Ana était une jeune sorcière de bonne famille. Elle avait depuis longtemps appris à reconnaître et saluer ses pairs comme ce devait et pourtant, elle venait de commettre un impair des plus grossiers.

« Lady Chinenye ! », car comme vous le savez, ou comme vous ne le savez peut-être pas, c'est en usant du prénom que l'on s'apostrophe entre nobles, « Je suis confuse, vraiment. », elle n'avait guère besoin de préciser la raison de son embarras. Il était évident qu'elle aurait dû réserver un accueil moins cordial à une amie de longue date de son père. « Il me semble bien que ce visage m'est familier en effet. La noble et courageuse maison de Godric Gryffondor, si je ne m'abuse ? »

Il lui semblait vaguement ce souvenir de ce visage sous les couleurs des sang et or. En tant que préfète, alors, ça avait fait partie de ses attributions que de suivre les premières années, quelle que fut leur maison. Elle prit le plat que Zion lui mettait dans les mains avec un doux sourire, très poli.

En y repensant, la dernière fois qu'elle avait eu l'occasion de voir Lady Chinenye, Ana brillait dans une robe de débutante à la recherche d'un fiancé dont elle n'aurait probablement rien fait du tout. Il fallait espérer que l'honorable vieille dame n'en ait gardé aucun souvenir, sans quoi elle serait forcé de relever la grise mine et les joues creusées qui contrastaient nettement avec son allure d'alors. Cela passerait peut-être pour les effets de son héritage maternel.

Elle amorça un quart de tour, prête à les inviter à entrer avant de se raviser.

« Je vous aurais volontiers fait entrer, n'y voyez là aucune indélicatesse de ma part, mais il se trouve que la maison aurait besoin de quelques désenchantements. Je l'ai appris cette nuit à mes dépends. Je serais peinée de vous mettre dans une situation désagréable. », expliqua-t-elle sans déjà reconnaître qu'elle aurait besoin d'une aide extérieure pour se débarrasser des maléfices qui faisaient visiblement partie des meubles depuis des années.

Question de fierté mais aussi d'amour propre. Il lui était encore difficile d'accepter la perte de sa main de baguette. Par moment, elle pensait même la sentir encore, sous sa longue demi-cape qui passait plus pour de la coquetterie que pour de la pudeur.

« J'ai fait aménagé un petit salon dans le jardin de roses de l'arrière-cour si cela vous agréé... »

Intérieurement, elle remerciait sa mère d'avoir insister pour pourvoir aux gens de maison. Elle aurait fait une bien piètre hôte si à ce moment de la conversation elle avait dû s'éclipser pour préparer un thé en en renversant la moitié sur le plateau...

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Zion se tapa le torse, fier de sa répartition dans la maison des rouge et or. Chinenye leva un sourcil, dépitée. Elle aurait préféré le voir à Serpentard, pour le voir honorer leur loa qui leur assurait protection et prospérité. Au lieu de cela, elle avait du faire avec, l'accepter, comme elle l'avait fait avec sa fille et son gendre. Pour rien au monde, elle ne changerait ce détail de sa vie. Chinenye avait aimé sa fille pour ce qu'elle était, mais surtout pour cette passion qui animait son sein : celle d'une femme forte, révoltée et engagée, prête à tout pour parvenir à ses fins. Chinenye était fière de sa fille. Delilah avait été unique au sein du clan Ayodele. Si elle n'avait pas pleuré sa mort, c'était uniquement pour Zion et ses frères et sœurs.

Elle se contenta de regarder Zion et sa mine resplendissante, fiers comme un lion. Cela lui permettait d'entrevoir sa fille dont Zion partageait certaines de ses expressions.

Un sourire tendre sur son visage, elle laissa Ana changer de sujet avec grand plaisir, même si elle le garda pour elle.

Zion ne put s'empêcher de rire lorsqu'Ana leur parla de sa nuit. Le Gryffondor posa son regard sur sa grand-mère qui ne put s'empêcher de glousser.

« - Je suis désolé, c'est de ma faute, j'aurais du les lever plutôt. » Avoua-t-elle avec un sourire facétieux, l'air amusé. « Allez m'attendre dans l'arrière-cour alors. Je m'en vais vous arranger ça. » Ajouta Chinenye, en levant une capuche pour couvrir sa tête.

Zion fronça légèrement les sourcils en se rendant compte que sa grand-mère l'avait sorti de nulle part. Et pourtant, quand il regardait de plus près, c'était comme si la capuche avait toujours été là.

Ana put voir les yeux de Chinenye devenir d'un blanc laiteux alors qu'elle passait à côté d'elle pour disparaître dans le couloir du manoir.

Zion haussa les épaules devant l'air interrogateur de la jeune Souvorov.

« - Une vieille histoire... Je me souviens plus de leur nom, mais ils avaient été particulièrement désagréables avec ma grand-mère. Un truc assez chaud. Alors, elle leur a fait payer. »

La vérité était tout autre. Mais ça, Zion n'en savait rien et c'était bien mieux comme ça. Il avait dit ça de la manière la plus naturelle du monde. Quel crétin.

Aussi, Zion se contenta donc de suivre Ana tout en observant tout autour de lui sur leur chemin.

« - Tu n'as pas chaud avec ta cape ? Tu veux un coup de main pour le plat ? T'as l'air de souffrir un peu, ça va ? » Demanda-t-il, en arrivant dans l'arrière-cour après un bref regard vers Ana, l'air inquiet.

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Elle haussa un sourcil devant le sourire facétieux de la matriarche. Apparemment, elle n'était pas étrangère aux événements de la nuit et, allez donc savoir pourquoi, son petit doigt - celui de la main gauche - lui disait qu'elle s'amusait beaucoup de la situation. Relevant le curieux changement de physionomie de la vieille dame, Ana la suivit du regard avec un intérêt renouvelé, jusqu'à ce que Zion y aille de sa petite histoire. L'anglaise l'observa un instant, constatant avec une certaine indulgence que le jeune homme avait conservé quelque chose de délicieusement naïf. Elle ne pouvait que difficilement croire que quelques mots de travers ait suffi à provoquer une si délicieuse vengeance. D'autant que si elle se rappelait bien des parchemins de la vente, elle était la septième propriétaire en une vingtaine d'années... rien d'étonnant à ce que sa propre mère ne lui ait dit que du bien de cette femme jusqu'à présent. C'était le genre de manières qui ne pouvait que plaire à Lady Lilith Grey.

« On le serait à moins », renchérit Ana par pure politesse, un petit pli amusé sur les lippes.

Dans le même temps, elle fit signe au jeune homme de la suivre. Le jardin de roses était le symbole fort de la famille Grey. Elle n'aurait jamais envisagé de n'en avoir pas un sur sa propriété et celui-ci, avec ses roses si particulières - rouge carmin au coeur immaculé - embaumait à en faire tourner la tête.

La question de Zion la prit cependant de court, éteignant pour un bref instant la fragrance voluptueuse du jardin. Un petit sourire pâlot, qui n'en était pas vraiment un, passa fugacement sur les lèvres de la jeune femme, comme elle s'apprêtait à donner une réponse à contre coeur. Elle aurait voulu rajuste la cape sur son épaule mais son unique main était déjà encombrée et elle peinait d'ailleurs à s'aider de magie pour éviter un affront de plus aux Ayodele.

« Je vais bien merci, j'ai... », elle savait pertinemment qu'elle ne pouvait pas se contenter de cela. Il la verrait avec ce genre de vêtements à l'année, la question finirait par revenir, si l'imagination candide du jeune homme ne lui faisait pas pousser des tentacules ou un bras de gorille pour combler le manque d'information. « J'ai perdu une partie de mon bras droit il y a quelques mois. J'ai encore du mal à me faire à cette... absence. », concéda-t-elle sans trop entrer dans les détails puisqu'il n'en avait pas demandé. Il fallait bien lui laisser l'opportunité de fuir une conversation qui le mettrait sans doute plus mal à l'aise qu'autre chose, « Je ne dirais pas non... pour le coup de main. » biffurqua-t-elle avec un sourire plus encourageant.

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« - Tu as quoi ? » Répéta Zion, surpris.

Qu'est-ce qui lui était arrivé pour qu'elle se retrouve infirme ? Ana semblait avoir une vie bien plus trépidante que les gens qui vivaient dans le quartier à uniquement conspirer les uns contre les autres quand ce n'était pas pour créer des alliances solides en mariant leur rejeton. Par chance (ou malchance), les Ayodele ne faisaient que rarement partie de l'équation de mariage étant donné la réputation qu'ils avaient. S'il y en avait quelques-uns qui restaient malgré tout curieux et ouverts sur le sujet, d'autres restaient encore très vieilles Angleterre, ce qui était parfois compliqué. Mais Zion s'en fichait bien de tout ça.

Il lui semblait enfin avoir une voisine en dehors de ce que l'on pouvait trouver sur Mayfair Lane. Curieux, Zion allait très certainement vouloir en savoir plus.

Le Gryffondor n'hésita donc pas à se saisir du plat qu'il avait mis dans les mains d'Ana sans savoir qu'elle était infirme. C'était que, comme tout plat africain, la marmite faisait son poids.

Beaucoup de questions l'assaillirent. Des interrogations qu'il se devait de poser à Ana pour en savoir plus sur cette perte. Qu'est-ce qui s'était passé ? Comment faisait-elle pour vivre désormais ? Pourquoi ne l'avait-elle pas remplacé par magie ou potion ? Il eut l'idée de retirer la cape d'Ana en marchant par inadvertance dessus pour voir s'il y avait un moignon ou autre chose, mais les cries de spectres et les étranges flashs de lumière qui secouaient la lourde bâtisse dans laquelle miss Souvorov avait élu domicile lui rappela la présence terrifiante de Chinenye ce qui l'aida fortement à se tenir.

« - Je comprends, ça doit être bizarre d'avoir qu'un bras. » Fit Zion, compréhensif. « Mais qu'est-ce qui t'es arrivé ? Pourquoi tu ne le fais pas repousser ? Y a plein de potions qui peuvent faire repousser des membres ! » Ajouta-t-il, précipitamment, incapable de tenir sa langue et sa curiosité comme il se le devait quand on était un sorcier issu d'une famille prestigieuse.

Pour Zion, tout se résolvait par la magie. Il n'y avait rien que la magie ne puisse faire ou défaire si on connaissait les bonnes incantations et les bonnes potions. Naïf, Zion ignorait pas mal de choses sur le concept de la magie et sur ces spécificités. C'était un peu la faute à cet univers dans lequel il baignait depuis petit. Tout était faisable dans le vaudou même s'il y avait un prix à payer. C'était d'ailleurs pour cela qu'il n'avait jamais relevé ses parents. Le prix était bien trop douloureux, mais surtout, la traversée du voile les avait changés à jamais. Puis quand on voyait SkullAuntie, cela suffisait comme garde fou.

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Le remue-ménage à l'intérieur du manoir lui laissa un petit temps de répit. Bien sûr qu'elle s'était attendue à cette question. A la place de Zion, elle ne l'aurait peut-être pas posée de manière si franche mais nul doute qu'elle l'aurait envisagée et abordée d'une manière ou d'une autre. D'ailleurs il n'était pas le seul à s'être posé la question, c'était aussi la raison de ce long manteau.

Elle ouvrit la bouche pour apporter une réponse quand une secousse magique, plus intense que les autres, lui fit lever les yeux vers l'une des pointes du toit. Elle plissa le front, attendant quelques secondes comme si quelque chose allait se produire mais comme rien ne venait, elle finit par reporter son attention sur Zion.

« La plupart des gens ne soupçonne pas la dangerosité du travail d'un botaniste. », commença-t-elle.

Il était vrai que, bizarrement, les botanistes ne jouissaient pas de la même image héroïque que pouvaient avoir les magizoologistes ou les briseurs de sorts par exemple. On leur collait facilement l'image du binoclard cloîtré dans ses serres, entre ses fioles et ses bouquins.

« J'étais assistante à l'IDEM il y a encore quelques mois. Je travaillais sur un sujet très controversé qu'un de mes collègues explorateurs a cru bon de ramener sur site pour une étude in vivo. Je ne l'aurais jamais cautionné si on m'avait consultée évidemment. », elle éprouvait encore une lourde rancoeur envers Broadwick malgré le fait qu'il ne soit plus là pour entretenir leurs bras de fer scientifique. Il avait piétiné son travail et saccagé le tout comme à grands coups de botte dans une fourmilière. « Oui je suis bien au courant pour les potions, rassure-toi. C'est aussi la première chose qui m'est venue à l'idée mais pour l'instant ça n'a pas donné les résultats escomptés. La plante que j'étudiais est assez complexe et, à certains égards, elle se comporte comme un hémiparasite. J'ai eu beaucoup de chance de n'y perdre qu'un bras. Mais quelque chose de cette plante est resté en moi, un peu comme une trace ou un souvenir. Chaque fois que Ste Mangouste a cru pouvoir faire repousser mon bras, il a repoussé avec son parasite alors... », elle ne savait pas vraiment que mettre derrière cet "alors", alors elle laissa passer un silence un peu lourd, « pour l'instant ça n'est pas envisageable. »

Elle ne parlerait pas de sa dernière conversation avec le Dr Popplewell ni de ses oscillations entre la mécamagie et la médecine moldue. Les deux pistes lui faisaient froid dans le dos et elle espérait bien qu'avant d'en arriver là, une autre option se dessinerait à l'horizon, quelle qu'elle soit.

Sur la petite table en fer forgé du jardin de roses, le plat des Ayodele faisait concurrence au parfum des fleurs.

« Et si tu me disais plutôt ce que c'est ? Je ne m'y connais quasiment pas en cuisine quand on sort des classiques de la cuisine française... »

Un sujet autrement plus alléchant que ses déboires médicomagiques...

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Ce qu'ils ne savaient pas, c'était que dans un mois, Zion serait d'accord avec Ana quant à la dangerosité du métier de botaniste à cause de son nouveau professeur @Morana Cynfeirdd. Cette dernière leur ferait étudier une plante avec des crocs de vampire qui réduiront la main du Gryffondor en charpie pour zéro raison. Alors, même si Zion savait que toute expérience magique pouvait être dangereuse, il ne pouvait s'empêcher de penser exactement ce qu'elle disait concernant la botanique en général. S'il était du genre à dire ce qu'il pensait, cette fois, son éducation l'empêcha de le faire, laissant ainsi le plaisir à Ana de raconter cette histoire aussi intrigante que glauque.

Zion avait déjà entendu parler de l'Institut de Découverte et d'Exploration magique sans pour autant savoir d'où il connaissait cette organisation et encore moins ce à quoi elle servait. Il se contenta de rester le plus neutre possible pour ne pas passer pour un crétin devant sa nouvelle voisine tout en continuant de poser son regard sur cette cape qui cachait toujours ce bras disparu.

Au terme d'hémiparasite, Zion ne put s'empêcher de froncer les sourcils alors que son visage exprimait clairement sa pensée : What the fuck does it mean ?

Il se reprit difficilement en se demandant bien tout ce qu'elle venait de dire voulait dire. Concentré, il tenta de reformuler ce qu'il venait de comprendre.

« - Tu veux dire que tu as le parasite en toi, mais qu'il ne se développe que sur le bras que tu n'as plus ? »

On vit que ses yeux allaient de gauche à droite puis de droite à gauche avant de les plisser doucement lorsqu'il les reposa sur le doux visage d'Ana alors qu'il attendait sa confirmation.

« - Je me demande si ma grand-mère saurait quoi faire pour t'aider... » Ajouta-t-il, plus bas.

Il tendit l'oreille, mais il semblait ne plus y avoir de bruits. Posant le plat à l'endroit indiqué par Ana, cette dernière lui demanda ce qu'était le plat que sa grand-mère lui avait préparé toute la matinée durant.

Zion eut un sourire alors qu'il s'approchait de nouveau du plat pour le découvrir afin de lui montrer ce qu'il y avait dans la marmite.

« - C'est un thiéboudienne rouge. Il y a pas mal de tomates comme tu peux le voir et des épices, mais pour tout avouer, je sais plus vraiment ce qu'il y a dedans. » Il haussa les épaules, l'air désolé. « Généralement, moi, je me contente de le manger. » Ajouta-t-il, avec un petit rire.

C'est à cet instant précis que la silhouette gracieuse et impériale de Chinenye se dessina dans l'ombre de la bâtisse. On la vit retirer sa capuche qui disparut au même moment que ses yeux blancs et lumineux redevinrent bruns. Un sourire espiègle sur les lèvres, elle observa un instant Ana et Zion alors qu'elle les rejoignait dans le jardin.

« - Principalement de l'ail, du persil et des oignons... J'ai très peu épicé parce que je ne savais pas ta résistance à notre cuisine. » Compléta Chinenye, amusée.

Zion eut un petit rire.

« - Ouais, la cuisine anglaise est plutôt insipide. » Rajouta Zion, hilare.

Chinenye, qui n'en pensait pas moins, se contenta de reprendre gentiment Zion avant de reporter son attention sur Ana.

« - J'ai terminé. Normalement, tu devrais mieux dormir cette nuit. J'ai jamais pu les retirer... Ça doit faire vingt ans, ou quelque chose dans ce genre-là... ? »
« - Mamie, Ana a perdu un bras, tu crois que y a rien à faire pour le lui en faire pousser un autre ? »

La matriarche se contenta de regarder Ana, l'air étonné par cette nouvelle.

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C'était plutôt simpliste mais on pouvait le résumer comme ça, ou à peu près. Ana acquiesça silencieusement avant d'expliciter.

« On peut le dire comme ça. C'est comme si mon corps avait intégré le parasite comme faisant partie de lui. », elle eut un petit sourire amer, « Enfin ce n'est pas douloureux. De ce point de vue là, c'est quasiment une cohabitation pacifique. »

Elle n'en était pas non plus à accepter l'idée de se changer en nymphe des bois, moussue des pieds à la tête. Mais elle pouvait au moins concéder qu'il n'y avait pas de souffrance physique. Du moins pour l'instant. Ana ne voulait pas s'apitoyer sur elle-même même s'il lui arrivait de le faire quand elle se retrouvait seule.

« J'avoue que ce type de magie me dépasse. Je ne suis pas très instruite dans le domaine. », évidemment le vaudou n'avait pas bonne réputation sur le vieux continent, y compris chez des familles à la réputation déjà douteuse. Quant à savoir si la magie des Ayodele pouvait quelque chose pour elle, elle n'osait l'espérer, de peur d'une déception.

Zion souleva le lourd couvercle du plat qu'ils lui avaient apporté en guise de bienvenue. Aussitôt, un mélange de parfums exotiques emplit le petit jardin de roses. Les explications culinaires du jeune homme lui tirèrent un petit rire distingué.

« Je pense que ça peut se comprendre. », répondit-elle d'un petit ton complice alors que la matriarche Ayodele les rejoignait, apportant son lot de précision sur ce plat typique de chez eux. « Vous l'avez préparé vous-même ? C'est trop d'honneur Chinenye. », elle n'était pas sûre que quiconque dans sa famille sache cuisiner. D'aussi loin qu'elle pouvait s'en souvenir, ils avaient toujours eu des gens pour cela, « Vous avez très bien cerné mon palais. Ce ne sont pas des cuisines auxquelles je suis habituée, mais je ne doute pas que je m'en régalerai. A charge pour moi de vous retourner la faveur différemment... »

Préparer un repas elle-même aurait été une idée des plus douteuses. Mieux valait s'en tenir à ce qu'elle maîtrisait. Probablement une brassée de roses éternelles, lorsque celles-ci seraient arrivées à maturité.

L'aïeule revint brièvement sur les maléfices dont elle avait truffé la maison. Ana l'observa attentivement, cherchant ce qu'il pouvait bien se cacher - l'explication de Zion ne l'avait pas convaincue - derrière tant de ténacité. Mais sans lui laisser le temps de remercier la sorcière pour cette action charitable, Zion s'empressa de porter à son attention la situation particulière de leur nouvelle voisine.

« Raison pour laquelle je vous suis d'autant plus reconnaissante d'avoir fait en sorte que je n'ai pas à rivaliser d'ingéniosité en attendant une autre main secourable pour passer une bonne nuit. »

Elle n'en dirait rien de plus bien sûr mais gruger les maléfices de la sorcière sans baguette n'avait pas été une mince affaire, il fallait le reconnaître.

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