No Good Intentions

Les yeux plongés dans son grimoire de Métamorphose, la jeune Millar s’exténuait à repasser ligne après ligne, mot après mot, pour tenter de saisir toutes les subtilités de la discipline. Elle pouvait bien se venter d’être très académique et, de ce fait, douée dans certaines matières, il n’en demeurait pas moins que certains sujets lui échappaient plus que d’autres. Il y avait du mieux avec l’usage de son balai, acquérant aux côtés d’Israfel une aisance mesurée mais tout de même présente. La Métamorphose, en revanche, relevait encore du domaine de l’extraordinaire pour l’Ecossaise, non-décidée à s’habituer à de telles prouesses. Norà avait gardé une certaine naïveté et une maladresse certaine qui ne l’aidaient pas à surmonter ses quelques difficultés. Au fond, elle avait toujours le sentiment de devoir travailler trois fois plus que les autres pour parvenir à ses fins, surtout dans ces matières.

Elle ne savait plus trop depuis quand ils étaient là tous les trois. Sûrement de très longues minutes qui avaient paru n’être que quelques secondes pour la rouquine. Le soleil se levait tout juste, perçant à travers les nuages sombres qui recouvraient l’azur. L’été laissait la place à l’automne, le soleil aux murs humides de Poudlard. Norà ne savait même plus trop pourquoi les garçons étaient à côté d’elle plutôt qu’au fin fond de leur lit, blottis sous leurs couvertures comme Smoke, son fidèle chat qui gardait les draps au chaud. Sûrement avaient-ils dû râler un peu, prétextant que ce n’était que le début de l’année et qu’ils « avaient encore le temps. » Norà n’avait pas de temps à perdre. La course contre la montre commençait dès le début de la rentrée si elle ne voulait pas prendre de retard.

La Gryffondor tourna la page qu’elle venait de lire avant de pouffer de rire. Elle se laissa aller à quelques secondes de détente, observant d’un regard amusé la crevette en bikini qui se dandinait tout en haut de son carnet de notes. Elle ne précisa pas que c’était @Xris Andērson qui l’avait dessinée à la volée mais donna un coup de coude à Zion pour la lui faire voir. Ils pouffèrent tous deux de rire avant que Norà ne détourne le regard vers Israfel.

« T’es pas sympa avec Paulo. Franchement, il n’est pas si gros que ça. Il est juste… poilu! » Elle savait pertinemment que le matou la manipulait pour qu’elle puisse lui servir à peu près tout et n’importe quoi. Si le Clearwater ne cédait pas, elle ne se faisait pas prier. Elle ne pouvait résister à ses petits yeux implorants, aussi lucide soit-elle sur ses intentions. A bien y songer, elle était sûrement un peu moins laxiste avec Smoke, et ça se voyait. Ceci dit, Smoke était moins poilu que Paulo.

« Ça? » demanda-t-elle à Israfel, pensant d’abord qu’il désignait le carnet vert bouteille. Une chose était sûre: ce n’était pas le sien, ça ne pouvait être qu’à eux. Elle plissa un peu des yeux lorsqu’il en tira un petit morceau de papier, illisible de loin mais visiblement très suspicieux.

Elle saisit doucement le morceau de papier, le lisant à son tour, très loin de comprendre ce qu’il signifiait. « C’est pas à moi… » marmonna-t-elle, cherchant à tout prix à le décoder. « Mais on devrait peut-être le remettre à sa place si c’est pas à nous, non? » Millar se tourna vers Zion, l’air interrogateur. Etait-ce à lui?

Norà ne résista pas à l’idée de lever les yeux au ciel. Qu’est-ce qu’il pouvait bien y avoir de mal à aller à la bibliothèque? Il y avait tant de choses à apprendre dans ces piles de bouquins poussiéreux. Il suffisait simplement d’en avoir envie. Ce n’était pas à la bibliothèque qu’ils risquaient d’attraper la peste. La rousse fit une petite moue, jugeant un peu Israfel sans rien dire. Il savait déjà ce qu’elle pensait de tout cela et, si ce n’était pas le cas, le devinerait bien assez vite. Peut-être finirait-elle, un jour, par l’attirer là-bas. Ne serait-ce qu’avec le récit du meilleur batteur de Quidditch qui aurait jamais existé. Et peut-être même que cela lui donnerait envie d’écrire son propre livre, une fois qu’il sera devenu le meilleur dans sa catégorie. Mais… Pas sûr que cela arrive quand on voyait le dégoût qu’il affichait à la moindre mention de @Blake Grimm-Nakatani , à moins que ce ne soit que de la pure et simple jalousie.

« C’est plus que bizarre et… ça m’inspire pas confiance. On devrait vraiment le remettre là où il était et rendre le livre à son propriétaire. » Elle balaya la pièce du regard pour voir si quelqu’un cherchait avec le plus grand soin son livre. Mais personne ne semblait s’inquiéter d’un pauvre tas de feuilles, malheureusement pour Norà.
Lorsqu’elle se recentra sur le livre, posé sous les mains d’Israfel qui le feuilletait, elle prit conscience qu’il n’y avait strictement rien d’écrit sur ces pages. Comme si le livre était purement vierge. « Ça craint vraiment ce truc. » commença-t-elle à geindre avant de se laisser prendre un peu au jeu.

Elle écouta le Clearwater lire l’énigme à haute voix. « Chut, pas si fort » chuchota-t-elle avant de se creuser les méninges. Elle n’y comprenait vraiment rien. « Le pays de l’été, c’est où ça? Il y a bien le pays du soleil levant, c’est peut-être une indication géographique. » C’était la seule chose qui lui venait à l’esprit et, lorsqu’elle entendit la soit-disant illumination de son petit-ami, Norà secoua vigoureusement la tête. « Je sais que les Serdaigle sont compliqués et aiment rendre la tache plus ardue, mais tu trouves pas que c’est particulièrement long comme mot de passe? » Elle n’était pas franchement convaincue.

« On peut toujours aller le lui demander ou, si ça te tente vraiment et je suis sûre que oui, aller vérifier directement si c’est vraiment le mot de passe. » Elle jeta un regard malicieux à Israfel puis à Zion. Elle savait très bien que ça pourrait les tenter et ne ferait rien pour les arrêter. Après tout, ça n’avait rien d’une grosse bêtise. Et puis, s’ils se faisaient prendre, elle aurait toutes ses chances de s’en tirer sans heure de colle.

« Dis-moi, tu serais pas un peu jaloux de Blake toi? Ça fait plusieurs fois que je te vois le tâcler sans raison. » Elle lui jeta un regard suspicieux avant de continuer. « Ceci dit, ce livre vierge ça m’fait penser à un truc. Dans le monde moldu, quand j’étais gamine, j’écrivais dans des journaux intimes et j’avais un stylo spécial qui faisait que j’écrivais mais que ça restait invisible. Il fallait une lumière spéciale pour révéler ce qui était écrit. Ça se trouve c’est la même chose là. C’est peut-être une encre spéciale ou un sort qui a été utilisé? »

« Oui, toi, jaloux de Blake. » Norà le regardait d’un air faussement charmé puis décida de passer l’éponge. Elle doutait que Zion ait besoin de conseils pour draguer mais soit. Elle notait ceci dit cette petite faille que montrait son copain, esquivant presque habilement toute discussion à ce sujet. Ils en reparlaient. En attendant, le carnet attendait sagement sous leurs yeux. Elle fut un peu déçue d’ailleurs de voir le sort de Zion échouer.

Plus elle regardait ce carnet vert bouteille, pourtant d’apparence tout à fait ordinaire, plus la Gryffondor sentait son regard attiré vers l’objet. Il exerçait une sorte d’attirance malsaine que la jeune femme détestait autant qu’elle aimait. Norà se donnait souvent certains airs, préférant globalement jouer la carte de la prudence plutôt que celle de la témérité. En cela, Israfel et elle étaient tout à fait complémentaire: l’un et l’autre s’équilibraient parfaitement pour ne pas (ou moins) tomber dans l’excès.

Aujourd’hui, étrangement, tout le monde semblait relativement prudent, voire même méfiant. Norà avait appris que les choses n’étaient pas toujours ce qu’elles semblaient être. Pourtant, même si ce carnet pouvait être bien plus qu’un tas de feuilles, la curiosité la poussait à en savoir un peu plus à son sujet. C’est donc elle qui insuffla un petit vent d’énergie dans cette discussion qui manquait un peu d’entrain.

« Allez, on va voir si c’est ça. » dit-elle en se levant d’un bond, prête à en découdre. Elle ne savait pas exactement comment ils allaient pouvoir tester ce mot de passe discrètement, devant le dortoir des Serdaigle, mais il fallait aller jusqu’à là pour avancer un peu dans leurs investigations. Quitte à abandonner le carnet quelque part si cela ne marchait pas.

Elle rassembla tous ses livres, les dirigeant ensuite de sa baguette pour les guider jusqu’à son dortoir. @Queenie Walker risquait de s’étonner de voir autant de bazar mais ça en valait certainement la peine.

« Bon, vous venez ou pas? » demanda-t-elle, les bras serrés contre sa poitrine. Comme ils étaient étranges aujourd’hui. D’ordinaire, c’était elle qu’il fallait traîner. « A moins que, soudainement, les garçons soient terrorisés à l’idée de se faire prendre? » Elle savait qu’en frottant la corde sensible, au moins l’un des deux (si ce n’est les deux) finirait par réagir.

« Mieux vaudrait éviter la Dame Grise, elle nous enverra bouler à la moindre occasion. Et elle finirait sûrement par nous dénoncer. On peut peut-être demander au Moine Gras? J’ai peur que Nick finisse par vendre la mèche sans même s’en rendre compte. A moins que vous ne connaissiez un Serdaigle prêt à lâcher le secret? Ou un tableau au cadre bien pendu? » Jusqu'ici, Millar n'avait pas réellement pris le temps de discuter avec les tableaux du château, trop occupée à courir dans le couloir pour rattraper le temps perdu.