Gelyn Ifanc

Il s'était écoulé quelques années déjà depuis la dernière fois que ses pas l'avaient mené dans le lit de la Severn. Mais elle se méfiait toujours de ce que les alfr et autres pixies qui pullulaient dans cette région de Cymru pourrait dire d'une chasseresse seule. Quand bien même une Cynfeirdd. S'il n'y avait pas eu une goutte de sang versé sur les vieilles terres des Gwent entre leurs deux engeances, la barde ne prendrait pas le risque de tenter le diable. Elle préférait le chevaucher, lui à qui les petites gens donnaient bien des noms mais surtout de ceux qu'on n'aime pas entendre. La créature émit une sorte de petit ronflement, les oreilles aux aguets. Il n'aimait guère s'éloigner du lit de la rivière, sans doute parce que cela lui rappelait ce jour où il s'était écarté du chemin vers le Tir Na Nog. Maeve flatta l'encolure du kelpie, ordonnant d'une légère pression des mollets de ne pas faire halte. Le fauve s'ébroua mais poursuivit. Il y avait encore loin jusqu'aux portes de Caerwent.

Ils arrivèrent en vue de la ville basse surplombée par sa glorieuse forteresse. Enfant, elle s'essayait toujours à transposer ce curieux agencement à ses falaises, plus familières, du Pembroke. Et si Penn Harbwr avait été la jetée de lit de Caer Cynfeirdd, que serait-il advenu des marais de Crone's Cwt ? De l'étendue rassurante des vertes prairies qui annonçaient l'aube comme nul autre paysage ? De l'ombre persistante d'Ysbryb ?  Elle eut un sourire à cette pensée. Les Cynfeirdd avaient toujours eu leur fief un peu en retrait du reste des hommes, peut-être pour mieux pouvoir promener leur regard au-dessus des brumes maléfiques de la forêt d'Ysbryd ou peut-être parce qu'on les avait longtemps tenu à l'écart de crainte des monstres qu'ils auraient pu relâcher sur le monde. Elle mit pied à terre, laissant le kelpie s'abreuver au pied du pont tandis qu'une étrange petite créature, un bwbach, se précipitait à leur rencontre. Malgré son opinion sur ce genre de serviteur magique, Maeve ne put réprimer un petit rire. Il redoutait visiblement que le Troll sous le Pont ne fut un problème. Elle lui fit la politesse de ne pas répondre, suivant en silence, sa monture tenue par la bride. Il eut été fâcheux de le laisser vaquer à ses vilains travers. Maeve s'était prise d'une grande affection pour cette créature infernale et elle aurait eu sans doute le coeur brisé de devoir la mettre à mort, quoi qu'elle l'aurait fait de sa propre main s'il l'avait fallu.

Le kelpie renâcla à nouveau, le clapotis aqueux de ses sabots aux barbes herbeuses sonnait comme un sombre avertissement. Quelques citadins prirent la fuite en réalisant. D'autres saluèrent la barde, reconnaissable à ses cheveux savamment tressés autant qu'à l'étui léger qui était suspendu son épaule. Ils traversèrent encore quelques venelles puis par un sinueux jeu de traverse, bientôt l'Arbre Blanc des Gwent triomphait sous leurs yeux. Le kelpie s'ébroua, réticent au point de freiner des quatre jambes, tirant sur le filin enchanté par lequel elle le guidait. La chasseresse lui accorda un instant, front posé contre le sien jusqu'à l'apaisement puis, la créature se détourna pour examiner l'herbe verdoyante qui pourtant le trouverait pas grâce à sa bouche. Maeve l'observa quelques secondes avant de se détourner vers leur hôte. Son oeil fixa l'image de l'elfe en premier, comme n'importe quel Cynfeirdd aurait eu le réflexe de le faire mais elle n'eut pas un mouvement discourtois à son endroit. Lorsque les salutations furent données, Elle se détourna de son hôte, Bran, pour considérer la fameuse flétrissure...

« Sang bleu ne saurait mentir. », répondit-elle, confiante.

Elle était chasseresse certes, mais elle était avant cela descendante des premiers bardes comme son nom le rappelait sans cesse. C'était à eux, les Cynfeirdd, qu'incombait de suivre le fil parfois échevelé des lignées anciennes et de raconter leurs histoires. Elle ne pouvait douter de cela.

Son regard balaya à nouveau les ramures de l'arbre.

« Je pense que nous pouvons limiter nos investigations au linge sale que partage ces deux familles... », fit-elle en étirant un fin sourire de renarde sur ses lèvres tandis que d'un subtile geste du menton, elle désignait l'endroit de la flétrissure.

Si la situation n'avait pas été si alarmante, c'en aurait presque été drôle.

Elle écoutait silencieusement, plongée dans la réflexion. Si les Cynfeirdd et les Gwent étaient l'origine même du mal, Cymru avait du souci à se faire. Balayant rapidement les récents évènements dans le même exercice désagréable que celui auquel allait se prêter Bran, Maeve grimaça.

« Chez les Cynfeirdd les possibilités sont plus larges. De ma propre fille  @Freya Korrigan , à ma tante Rowene qui n'a jamais montré la moindre rancœur envers Geraint malgré le meurtre d'Aleksandr,  Morana, condamnée à regarder dépérir sa descendance, Crone's Cwt... mais je ne vois pas quel lien entre nos deux familles. Je consulterai les vitraux de Caer Cynfeirdd, peut-être auront-ils des informations qui nous échappent... »

Cela faisait partie des secrets de la forteresse des premiers bardes. Ses habitants étaient certes la mémoire du monde magique de l'Île de Bretagne, mais leur fief avait sa mémoire propre. Une mémoire parfois difficile à déchiffrer mais qui ne mentait jamais. Des générations de Cynfeirdd dont on avait oublié parfois jusqu'au nom. la Vieille Dame, le baron Gruffudd , Hywel le Nigaud, la jeune fille aveugle... certains faisaient partie de leur quotidien. D'autres se faisaient plus discrets, voire passaient complètement inaperçu...

« J'irais tout de même faire un tour du côté du Gorsedd Arbeth. Le blâme d'Arawn a beau l'avoir sévèrement frappée, je serais surprise que le mal vienne de Branwen... elle a l'oreille de créatures qui ne sauraient que se montrer récalcitrantes à nous venir en aide. »

Et elle eut un petit rictus amusé à le voir tempêter intérieurement contre les libertés prises par sa soeur. Elle avait toujours eu son caractère. A l'époque, il lui aurait suffi de donner un nom pour échapper à tout cela. En pareille situation, Maeve n'aurait pas hésité un instant à ceci près qu'elle ne se serait probablement jamais trouvée en pareille situation. Il fallait être d'une naïveté que la chasseresse ne concevait pas pour ne pas voir venir un enfant... Geraint n'en avait pas pensé moins. Par chance, aucun de ses fils n'était assez inconséquent ni irresponsable pour aller engrosser la fille d'un autre chef de famille et se terrer comme un couard ensuite. Le cas d'Eurion étant l'extrême limite de ce qu'un Cynfeirdd pouvait se permettre en tant que père indigne : assumer.

Elle avait glisser la lettre sous son manteau, acquiesçant silencieusement avant de tourner la bride vers les terres plus sauvages de Cymru. Ça n'était pas une chasse au sens propre, aussi n'avait-elle rien dit quand il s'était agit de prix et de trésors. Il appartenait à Bran de lui faire un cadeau s'il le souhaitait. Elle ne le refuserait pas. C'était la moindre des politesse.

Elle n'avait eu qu'à lâcher la bride à sa monture pour la laisser filer à une allure surréaliste, les paysages de verdure défilant autour d'elle, trop familier pour lui offrir une raison de s'arrêter. Le kelpie trouva rapidement un chemin d'eau qui lui seyait mieux que les pentes herbes et caillouteuses et alors, il ne lui fallut pas cent pas pour l'amener à destination. Dans ce vallon serti d'arbres centenaires où les fées s'adonnaient à leurs moeurs immorales et parfois cruelles. Si Maeve avait choisi d'y venir à dos de kelpi, ça n'était pas pour rien. Elle n'aurait pas à fouler le sol au risque de flirter avec Merlin sait quelle malédiction ou esprit de vengeance. Le maintient du statut quo tenait dans le respect mutuel des limites de l'autre et, venir dans le Gorsedd, était une transgression ouverte de cette entente silencieuse. Bran le savait pertinemment. Maeve avançait donc avec prudence.

La foulée plus tranquille, le sabot silencieux, le cheval fae avançait d'un pas sûr, alerte et averti. Il ne redoutait pas qu'on lui fit mauvais accueil car en faerie, il était de ceux qui inspire crainte et respect. Sombre et sauvage. Un alf du crépuscule solitaire sans loi ni maître.

En arrivant en vue du tertre, elle se demanda si elle trouverait la rousse Branwen dans sa maison au dessus de la colline qui surplombait le lac.

Elle ne posait toujours pas pied à terre, appelant de sa voix sûre et forte quand elle fut toute proche de l'entrée. C'était une manière de ne pas complètement déshonorer la promesse car après tout, c'était le pas d'un fae qui l'avait menée jusqu'ici.

« Branwen Gwaharddedig, j'ai besoin de te parler. »

Elle avait glisser la lettre sous son manteau, acquiesçant silencieusement avant de tourner la bride vers les terres plus sauvages de Cymru. Ça n'était pas une chasse au sens propre, aussi n'avait-elle rien dit quand il s'était agit de prix et de trésors. Il appartenait à Bran de lui faire un cadeau s'il le souhaitait. Elle ne le refuserait pas. C'était la moindre des politesse.

Elle n'avait eu qu'à lâcher la bride à sa monture pour la laisser filer à une allure surréaliste, les paysages de verdure défilant autour d'elle, trop familier pour lui offrir une raison de s'arrêter. Le kelpie trouva rapidement un chemin d'eau qui lui seyait mieux que les pentes herbes et caillouteuses et alors, il ne lui fallut pas cent pas pour l'amener à destination. Dans ce vallon serti d'arbres centenaires où les fées s'adonnaient à leurs moeurs immorales et parfois cruelles. Si Maeve avait choisi d'y venir à dos de kelpi, ça n'était pas pour rien. Elle n'aurait pas à fouler le sol au risque de flirter avec Merlin sait quelle malédiction ou esprit de vengeance. Le maintient du statut quo tenait dans le respect mutuel des limites de l'autre et,  venir dans le Gorsedd, était une transgression ouverte de cette entente silencieuse. Bran le savait pertinemment. Maeve avançait donc avec prudence.

La foulée plus tranquille, le sabot silencieux, le cheval fae avançait d'un pas sûr, alerte et averti. Il ne redoutait pas qu'on lui fit mauvais accueil car en faerie, il était de ceux qui inspire crainte et respect. Sombre et sauvage. Un alf du crépuscule solitaire sans loi ni maître.

En arrivant en vue du tertre, elle se demanda si elle trouverait la rousse Branwen dans sa maison au dessus de la colline qui surplombait le lac.

Elle ne posait toujours pas pied à terre, appelant de sa voix sûre et forte quand elle fut toute proche de l'entrée. C'était une manière de ne pas complètement déshonorer la promesse car après tout, c'était le pas d'un fae qui l'avait menée jusqu'ici.

« Je serais brève, je sais que ma présence ici te met en porte-à-faux. L'Arbre des Gwent est touché par la flétrissure et ce sont les branches de nos deux familles qui sont atteintes. Ceci devrais t'éclairer d'avantage. »

Et sur ses mots, elle tira d'une poche intérieure le parchemin rédigé de la main de Bran. Une brise légère l'emporta jusqu'à la destinataire de ce courrier. Toujours campée sur le dos de son kelpie, la chasseresse attendit de voir ce qu'en disait la gardienne du Gorsedd. Elle ne ferait guère long feu après cela.

La chasseresse scrutait la réaction de Branwen. Sans surprise, la gardienne n'aurait rien à lui apprendre aujourd'hui mais cela ne signifiait pas que les mots de Bran n'avaient pas porté. Maeve l'observa longuement avant de répondre quoi que ce soit. C'était vrai. Le Gorsedd semblait toujours identique à ce qu'il avait toujours été. Un écrin de magie sauvage et indomptée.

« L'enfer est pavé de bonnes intentions Branwen. Il ne faut pas voir dans la plume de Bran une forme d'accusation quelle qu'elle soit mais plutôt un appel à vigilance. Ici dans le Gorsedd tu es les seuls yeux que nous ayons... »

Elle n'entendait évidemment pas se mêler des affaires des Gwent. Celles des Cynfeirdd et des Korrigan étaient bien suffisantes pour l'occuper à plein temps mais elle ne pouvait pas non plus ignorer l'avertissement de l'arbre. En tant que barde, gardienne de la mémoire de nombreuses familles, elle savait trop bien à quoi s'en tenir.

Elle en oubliait presque que les yeux de Branwen avaient aussi à faire au-delà de son exil verdoyant.

« Et qu'en est-il de ta fille ? Es-tu bien certaine qu'elle ne soit pas aller se mettre dans des ennuis d'une manière ou d'une autre ? »

Elle était bien placée pour savoir que ces charmantes petites têtes blondes n'avaient pas leur pareil pour se trouver au mauvais endroit au mauvais moment. Freya, la première et pourtant si on pouvait dire une chose de la fille de Maeve, c'était qu'elle avait toujours été de ceux qui sont les plus sages et les plus raisonnables bien que cela tendait à changer à mesure qu'elle s'affirmait dans les années.

Sous elle, le kelpie piétinait, impatience. Il n'aimait guère s'éterniser trop longtemps loin de l'eau et le Gorsedd l'épiait avec une avidité qui ne semblait guère lui seoir.