“L’esprit n’est souvent au coeur que ce que la bibliothèque d’un château est à la personne du maître.” - Xris

Parcourant du bout des doigts les étagères poussiéreuses de la bibliothèque, Céleste cherchait attentivement un ouvrage de référence en matière de lois magiques britanniques. On aurait pu croire que l’essentiel était universel, ce qui n’était pas réellement faux, mais le Royaume-Uni recelait de particularités qui sonnaient comme des bizarreries pour la Française. Comme le droit d’asservir de pauvres elfes pour en faire des domestiques contre leur gré. Ç’avait toujours été mal accueilli par la Serpentard, aussi dédaigneuse la trouvait-on. Qui se serait attendu à ce qu’une jeune fille issue de la noblesse magique s’oppose au service des plus faibles aux plus forts? Les Delacroix préféraient employer des humains, tout comme eux, pour les corvées de tous les jours.

Elle regarda attentivement le bord des étagères qui défilaient sous ses yeux. La rentrée venait seulement d’avoir lieu, pourtant on aurait pu croire que le château avait rouvert ses portes sous le coup de la précipitation. Son pouce et son index gauche examinèrent le grain déplaisant qui s’accrochait à eux. Personne n’avait donc pensé à faire les poussières pour offrir aux élèves un cadre de travail de qualité. Ajoutée aux murs humides des cachots, cela faisait beaucoup. Il n’était pas difficile de la croire lorsqu’elle affirmait ne pas être revenue pour le cachet de l’édifice.

Si elle était revenue, c’était pour le cadre de travail, pour la continuité de ses études mais aussi pour ses amis. Elle le disait peu, Céleste n’ayant jamais appris à trop s’étendre sur ses sentiments mais sous Veritaserum, elle n’aurait jamais pu nier avoir ressenti un manque. Par chance, personne ne lui en avait fait boire à son insu, pour l’heure.

Une fois le livre saisi et épousseté, Céleste se dirigea vers le comptoir à pas de souris pour ne pas se faire remarquer. Elle fit enregistrer son emprunt en toute discrétion et s’apprêtait à repartir aussi silencieusement, ne trouvant pas de grimoire à faire tomber sur le coin du nez d’ @Apolline Dunn. La haine que la Gryffondor lui vouait était finalement presque frisant. A la place de cela, son regard s’attarda sur une grande tête blonde qui lui était particulièrement familière. Xris. Ils n’avaient pas réellement eu l’occasion de discuter ensemble tous les deux depuis la rentrée, depuis leur rencontre sur le quai de la gare.

L’endroit était mal choisi pour une discussion, encore moins des retrouvailles, mais elle comptait sur la remarquable discrétion du Serpentard pour ne pas faire plus de bruit que la chute d’une goutte d’eau sur l’immense étendue du Lac Noir.

« Bonjour Xris. » chuchota-t-elle en s’asseyant en face du Serpentard. « Ça ne t'ennuie pas si je m’installe un peu? » demanda-t-elle, ne s’attendant évidemment pas réellement à une réponse de sa part. Son regard glissa sur la pile de livres qui occupait toute la place à côté de lui. « On n’a pas réellement eu l’occasion de discuter tous les deux depuis la rentrée. » De discuter de la pluie et du beau temps. « Qu’est-ce que tu révises au juste pour avoir tant de livres? » demanda-t-elle, véritablement curieuse.

Elle avait longuement hésité, désirant ne pas attirer l’attention sur elle. Depuis son retour au château, de nombreux commérages avaient vu le jour, certains murmurant après son passage pour manifester leur surprise ou leur mécontentement. Céleste n’avait pas prévu de revenir à Poudlard, poussée à rentrer à la maison pour prendre soin de son petit frère, Amaury, sacrément amoché au début de l’été dernier. Amaury était l’une des rares personnes pour lesquelles la jeune Française aurait été capable de tout laisser tomber. Elle aimait beaucoup sa soeur, Agathe, ses parents aussi malgré toute la pression qu’ils pouvaient exercer sur l’aînée de la fratrie mais rien n’égalait l’amour qu’elle portait à son petit-frère, maintenant assez grand pour accumuler les bêtises les unes après les autres. Ce n’était qu’un grand gosse, Delacroix, mais grand gosse avant tout. Sans oublier que c’était le petit dernier de la famille et, il faut le dire, un garçon. Après deux filles, ça changeait tout.

La réponse de Xris induit un sourire chez la Serpentard, ravie au fond que le jeune homme accepte sa compagnie. Cela faisait bien longtemps qu’ils ne s’étaient pas retrouvés tous les deux, juste tous les deux. La dernière fois, ç’avait été tout en haut d’une tour, une simple feuille de papier et un crayon à la main. Elle avait appris à dessiner tous les contours de son visage avant de lui offrir le portrait qu’elle avait fait de lui. Un moment intime où Céleste avait montré une part de qui elle était vraiment. Une part qu’elle préférait d’ordinaire cacher derrière un masque de glace indifférent. Xris avait été élevé selon les mêmes critères et, dans un sens, il lui semblait que lui tout particulièrement pouvait la comprendre.

« Passionnant, n’est-ce pas? » souffla-t-elle en regardant longuement le grimoire. L’étude des Runes n’était pas son sujet préféré mais elle était plus que nécessaire, y compris dans son cursus actuel. L’étude du droit magique nécessitait de se replonger dans de vieux documents, recelant souvent d’informations inutiles et, quelquefois, de petites pépites.

« Accroche-toi, ça demande un effort colossal mais lorsque l’on parvient à ses fins, un petit bonus en plus parfois, ça remet du baume au coeur. » lui conseilla-t-elle alors qu’elle regardait le peu de résultats auquel il était parvenu pour l’heure. Son parchemin était encore plein de vide.

« Peut-être as-tu besoin d’une pause ou d’une aide. » suggéra-t-elle avec un sourire empreint de bienveillance. Seul, il était parfois difficile de sortir la tête de l’eau. Certains étudiants s’obstinaient à finir ce qu’ils avaient commencé avant de passer à autre chose, quoi qu’il en coûte. Peut-être Xris faisait-il partie de ce groupe.

« Moi? » demanda-t-elle, presque surprise qu’on la questionne sur les raisons de sa présence. « Je suis venue récupérer trois ouvrages sur le serment inviolable. » répondit-elle. « Je m’informe, je parcours les grimoires à la recherche de bases sur le sujet mais aussi de certaines subtilités qui pourraient me servir dans mes écrits et, qui sait, si l’occasion se présente un jour. » Elle n’était jamais vraiment très sûre de ce qu’elle ferait les années à venir mais, assez étonnant cela soit-il, son coeur penchait vers le droit, le respect des règles et la défense des autres. Elle aimait toutes les subtilités de la discipline qui, parfois, semblait plus se contredire que faire vraiment sens.