Swimming with sharks — ft. Michel-Ange Grimm

Le soleil était bien haut dans le ciel, ce matin-là, quand une jeune femme vêtue d’une robe aux couleurs des Serpentard prenait la direction des serres de Poudlard, passant sous ses rayons chauds et rassurants sans prendre le temps de s’en imprégner comme à son habitude. Il n’y avait que l’insigne de préfète, fraîchement affichée sur ses vêtements, pour daigner étinceler sous une lumière aux reflets chatoyants, s’accordant élégamment avec les cheveux roux détachés de la demie-vélane qui paraissait pressée.

Trop, peut-être, pour un simple début de journée.

Il s’échappait de sa bouche une fumée discrète, que l’on aurait pu percevoir comme un témoin du froid qui régnait à l’extérieur alors que l’automne météorologique commençait à peine à prendre ses quartiers. Mais il n’en était rien : c’était bien la fumée d’une cigarette piquée un peu plus tôt dans le dortoir d’@Edel Almadovar qui disparaissait dans l’air, suivant de près le chemin d’une note de papier écrite à la hâte qu’elle avait fait s’envoler sans plus de cérémonie.

Le souffle était rapide, la démarche assurée, le visage fermé mais néanmoins déterminé.

Pas de doute : la vert-et-argent savait exactement où elle allait.

Son pas crissait sur les cailloux des allées qu’elle traversait, seul bruit venant troubler la tranquillité du parc du château à cette heure de la matinée. La plupart des élèves étaient déjà en cours, mais Siobhán Almadovar avait profité d’une heure libre de son temps pour aller prendre des nouvelles des tableaux qu’elle n’avait pas encore eu le temps de croiser sur son chemin depuis la rentrée.

Quelle n’avait pas été sa surprise lorsque le portrait de Google Stump, dans le couloir du premier étage, lui avait fait part d’une discussion entendue au hasard des murs, laissant ébruiter son prénom irlandais adossé de qualificatifs peu flatteurs. Les propos rapportés la firent sombrer dans une colère noire, aussi occulte que ses yeux dans lequel on ne distinguait plus aucune nuance de bleu.

Celle qui était d’ordinaire si posée et réfléchie n’avait laissé parler qu’une aigreur sourde qui l’avait poussée à écrire une simple note au Poufsouffle qui en était à l’origine. Puis une autre. Elle avait attendu une réponse, l’avait obtenue, puis s’était empressée de prendre la direction indiquée, sans écouter la peinture qui tentait de la retenir par des mots — quand en vérité, rien n’aurait pu lui rendre la raison.

Il y avait certaines limites à ne pas dépasser et le Grimm venait de s’aventurer beaucoup au-delà.

Michel-Ange dut le sentir à l’instant même où elle le rejoignit, croisant le regard d’une jeune femme qui partait dans la direction opposée. Qui était-elle déjà ? Sa cousine ? Sa sœur ? Ça n’avait pas d’importance. D’un coup de baguette magique, elle fit disparaître la cigarette consumée, avant d’accélérer vers sa cible, l’esprit ravageur.

Nul doute qu’Edel saurait rapidement dans quel état elle se trouvait en cet instant. D’abord, parce qu’une de ses cigarettes avait disparu. Et puis parce que les runes sur son doigt devaient garder,  depuis quelques minutes déjà, la même teinte vive et écarlate qui se voulait le reflet de son courroux.

Elle se retint au dernier moment de malmener le sixième année en le poussant de ses deux mains. Ça n’était pas l’envie qui lui manquait mais la violence ne résoudrait rien. Pas plus que la haine qu’ils semblaient se vouer l’un envers l’autre, mais ça, c’était un autre débat.

« C’est quoi ton problème, Michel-Ange ? », lui demanda-t-elle avec vigueur et force dans une voix qu’elle prit soin de ne pas faire trembler sous les affres de la colère qui lui brûlait l’intérieur, comme cette cigarette dont elle venait de se débarrasser. « Que je ne sois pas à ton goût, je peux l’entendre et crois-moi si je te dis que je m’en remettrai. Mais que tu te croies supérieur au point de m’insulter, devant un autre élève de l’école en plus ? Pour qui tu te prends au juste ? » Son ton était monté dans les aigus. Rarement on avait vu Siobhán dans un tel état. Le sang de vélane qui courrait dans ses veines montait en ébullition, comme jamais auparavant. C’est qu’elle ne sortait que très rarement de ses gonds, et Michel-Ange avait un don pour provoquer ça chez elle. « Tu ne me portes pas dans ton cœur et moi non plus, qu’on soit bien d’accord », reprit-elle sans décolérer. « Mais il y a une grande différence entre nous, Michel-Ange, et c’est ce qui fait qu’on ne pourra jamais être ami toi et moi : c’est que je ne t’ai jamais manqué de respect devant personne ! Jamais ! Alors, je ne vais te le redemander qu’une seule fois et ta réponse a plutôt intérêt à être convaincante : c’est quoi ton putain de problème ? »

Preuve s’il en fallait encore une que Siobhán n’était pas tout à fait dans son état normal : elle n’employait jamais de mots vulgaires.

Les paroles de Michel-Ange, tintées d’une ironie dévastatrice dès l’instant où elles avaient franchi ses lèvres, serrèrent les poings de Siobhán un peu plus fort à mesure qu’elles étaient débitées.

« Ça ne me fait vraiment pas rire  », siffla-t-elle alors que le Poufsouffle commençait à se donner en spectacle devant les badauds qui passaient par là.

Les traits de son visage à moitié vélane, déformés par la colère, venaient confirmer ses propos.

Il faisait mine de se présenter alors qu’elle savait déjà ce qu’il y avait à savoir de lui. Il n’avait même pas eu besoin que quelqu’un se charge de dépeindre son portrait à sa place : dans le reflet de ses yeux bleus, Michel-Ange avait montré le pire de lui-même, le jour où Siobhán l’avait croisé dans le jardin, lors de la fête de @Théa Rosewell. Il s’était tiré une balle dans le pied tout seul et il n’avait eu besoin de personne pour ça.

Ce qu’il avait démontré ce jour-là était largement suffisant.

Et comme si son propre culot ne l’étouffait pas, il se ventait de l’avoir insultée pour blaguer. Pour faire rire quelqu’un d’autre, en la personne de @Zion Webb — c’est dire si les rapports des portraits étaient précis.

Il avait dit ça comme si ça changeait tout, comme si ça pouvait alléger les dommages causés.

C’était juste pour rire, donc on pouvait le pardonner.

Et c’est qu’il se croyait drôle, en plus de ça.

Il n’était néanmoins pas encore question de déposer ce poing serré sur son visage, avec toute la délicatesse dont Siobhán était capable dès lors que la colère prenait les devants. Pas encore.

Avec une patience qui dépassait l’entendement, la jeune femme se contenta de l’écouter, sans chercher à se retenir de grogner lorsque son désaccord souhaitait se manifester.

Si @Edel Almadovar n’avait pas encore vu ses runes se colorer, ça n’allait certainement pas tarder. Car Michel-Ange avait tout faux s’il croyait pouvoir apaiser les choses en pointant du doigt ses tords pour effacer ceux qu’elle avait formulé à son égard.

« J’en veux pas de tes excuses ! Je veux rien de toi ! Et d’ailleurs, épargne-moi aussi ta psychomagie de comptoir tu veux ! Si t’es capable de rire de ces choses-là, c’est vraiment que t’as un gros problème Michel-Ange. Tu comprends pas : je m’en fous complètement que tu me trouves moche ou belle, en fait, ton avis m’importe aussi peu que la date de ton premier jus de citrouille. Par contre, ce qui m’importe, c’est la notion de respect. Mais ça visiblement, c’est déjà trop pour toi. »

Son corps entier s’était tendu sous cette colère ravageuse qui ne descendait même pas d’un cran devant les propos révoltant du sixième année. Loin de là. Pour le moment, elle ne faisait qu’augmenter, alors que l’Irlandaise avait supporté de l’écouter et de le voir jouer avec sa pièce d’or sans se permettre de la lui jeter à la figure. Son ton, pourtant, avait naturellement baissé.

Ce qui n’était pas particulièrement bon signe, quand on savait que Siobhán savait se montrer piquante comme un serpent si on la poussait un peu trop loin.

« T’as pas honte de me dire ça alors que t’as littéralement assommé @Céleste Delacroix avec un bouquin qui lui appartenait, le jour de la rentrée — ouais, t’as été tellement discret que certains étudiants t’ont vu. T’as pas honte de me dire ça quand tu nous a traités de Chaporouges en plein milieu du gala de mécamagie pour répondre à la provocation d’Edel quand bien même @Xris Andērson et moi n’avions rien fait. T’as pas honte de dire ça alors que t’es le premier à entrer dans leur jeu, t’es le premier à les provoquer, à les insulter, à les regarder comme si t’avais envie de les assassiner dès que tu les voyais. Ça n’excuse pas leurs actions envers toi, c’est vrai, mais quand tu auras compris que les torts sont partagés, alors on aura fait un grand pas en avant. Et tu sais quoi — » Elle fut secouée par un rire nerveux qui l’interrompit l’espace d’un instant. « Tu sais quoi », reprit-elle, « t’as pas honte de me dire tout ça à moi alors que bizarrement, je t’ai jamais entendu en parler comme un adulte aux principaux intéressés. J’étais même pas au courant pour ton vestiaire. Aussi fou que ça puisse te sembler, le monde ne tourne pas autour de toi et j’ai autre chose à foutre de mes journées que de venir te saboter, quand on aura même pas besoin de ça pour gagner ! »

Elle se notait mentalement néanmoins d’enquêter sur le sujet et de trouver les fautifs.

La tête lui tournait et la migraine la guettait. Il avait le don de la mettre dans tous ses états — et c’était loin d’être positif, le concernant.

Siobhán maintenait son regard et reprit sa tirade.

« Tu vas être papa, félicitations. Mais il va falloir te mettre un peu de plomb dans la tête pour assumer ce que ça va engendrer comme responsabilités. Qui veut d’un père qui traite quelqu’un qu’il n’apprécie pas de boudin. Qui veut d’un père qui rejette sans arrêt la faute sur les autres au lieu de se remettre en question et d’essayer d’enterrer la hache de guerre. T’es en train de faire avec moi ce que je t’ai reproché de faire avec Xris. Ce qui montre bien que tu n’apprends rien. Et que tu ferais mieux de balayer devant ta porte avant de rejeter la faute sur les autres, Michel-Ange. Parce qu’à part te faire tomber dans la piscine une fois parce que t’as brisé le cœur de ma meilleure amie, et que je voulais l’entendre rire à nouveau en lui racontant ça, je t’ai jamais rien fait. »

Une vague de froid balaya son corps tremblant sous le coup de l’énervement, malgré le sang de vélane qui brûlait ses veines dans son sillage.

« Et quand tu me reproches de ne pas te défendre devant Edel et Xris… »

Ça, c’était le clou du spectacle.

Elle souffla du nez, comme si cette idée lui paraissait aussi absurde que l’idée de pouvoir un jour compter le Poufsouffle parmi ses amis dans l’état actuel des choses.

« Rien de ce que j’ai vu et de ce que je vois encore en toi aujourd’hui ne me donne envie de te défendre. »

Aux premiers mots de Michel-Ange suivant sa longue tirade, le constat était limpide : c’était comme si Siobhán n’avait rien dit. Le détachement du Poufsouffle face à ce qui venait d’être dit n’avait d’égal que ce petit air supérieur qu’il se donnait et qui avait le don d’agacer encore plus son interlocutrice — si toutefois c’était possible.

À l’heure qu’il était, Edel devait certainement sentir son doigt brûler à l’endroit où sa peau était tatouée. Aucune couleur, aucune nuance ni aucune magie qui les liait ne pouvait exprimer ce qu’elle ressentait en cet instant. Mais la conclusion de tout ça était, elle aussi, d’une évidence affligeante  : la Serpentard en avait effectivement terminé de ses sifflements acerbes. Ne restait que du poison à l’intérieur de sa bouche — le genre de venin qui était encore douloureux longtemps après la morsure et qui laissait une trace indélébile à qui le recevait.

Aussi, elle se garda bien de répondre, privilégiant ce regard tout aussi vénéneux que pourraient l’être ses mots s’ils étaient prononcés.

Il était clair que si elle parlait, elle irait trop loin. Son père avait beau être le directeur de Poudlard, il y avait certains passe-droits qui ne pourraient jamais lui être accordés.

Inspirer, expirer. Il n’y avait que comme ça que son cœur pouvait se calmer. Elle remarquait à peine les idiots qui se pressaient autour de cette scène mélodramatique. Siobhán toujours détesté se donner en spectacle, et c’était aussi probablement ça qui la poussait à faire redescendre la pression d’un cran. Mais ce qui la frustrait là-dedans, c’est que certains de ses proches n’auraient pas autant hésité avant de déposer leurs poings fermés sur le visage d’ange démoniaque du jaune-et-noir. Xris, Edel, Finn, pour ne citer qu’eux.

Se posait-elle la question parce que c’était contraire aux valeurs qu’elle défendait, ou bien parce que ce n’était pas le genre d’attitude qu’on attendait d’une jeune femme de bonne famille ?

Qu’aurait fait @Maeve Cynfeirdd à sa place ?

Étrangement, ce fut l’interrogation qui eut le plus de poids parmi toutes les autres. Maeve était son modèle. La femme forte et puissante par excellence, celle qu’elle voulait devenir plus tard. Dans une situation de doute ou de questionnement, il n’était pas rare que Siobhán se demande ce que Maeve aurait fait, ce qu’elle lui aurait conseillé si elle avait été là.

He that would be a leader must be a bridge.

C’était une phrase qu’elle avait entendue de sa bouche à plusieurs reprises et qui avait profondément marqué sa petite tête rousse.

Le seul moyen d’être meilleure que Michel-Ange était d’ouvrir une porte que lui-même refusait de voir par bien des aspects.

Construire un pont là où il préférait ériger des murs.

Et alors qu’il faisait demi-tour, pestant contre un ou deux nigauds qui croisaient sa route, Siobhán fit un pas vers lui. Au sens propre comme au sens figuré.

Levant les yeux au ciel, son corps tremblait encore de colère. Sa voix n’avait toujours pas retrouvé sa douceur, amère comme depuis qu’elle avait écouté ce portrait lui rapporter les faits. Mais au moins, il y avait derrière ce ton dur et froid une vraie volonté de faire bien.

Ou en tout cas de faire mieux.

« On n’est pas faits pour s’entendre parce qu’on ne se connaît pas et qu’on n’a jamais cherché à aller plus loin que tout ce qui nous oppose. C’est tout.  »

La perche était tendue.

Restait à savoir si le Grimm saurait s’en saisir.

Et voilà que l’histoire se répétait.

Indéfiniment. Dès que Michel-Ange se trouvait en difficulté, il se cachait derrière un passé révolu. C’était l’explication à tous ses maux, le laisser-passer ultime qui justifiait tout, à commencer par son comportement. Et si chez @Théa Rosewell, Siobhán avait fait preuve d’une patience d’ange, cette fois-ci, le Poufsouffle avait déjà épuisé toutes ses cartes, une par une. Cette histoire, la Serpentard l’avait déjà entendue. Cette histoire, et cette version, c’était même lui qui lui avait déjà servie. À quelques détails près, les deux discours se ressemblaient comme deux gouttes d’eau.

De quoi exaspérer la jeune Irlandaise, qui n’avait pu se retenir de faire les cent pas pendant qu’il parlait. Trop polie pour l’interrompre, c’était la seule alternative qu’elle avait pour ne pas lui crier dessus et se transformer pour la première fois de sa vie en furie.

Ses doigts vibrent pincer le haut de son nez lorsqu’il eut fini, témoignant de cet agacement latent qu’elle retenait sans trop savoir comment. Les yeux fermés, la demie-vélane se demandait par où commencer.

« C’est ça ton problème, Michel-Ange. Tu crois savoir des choses mais tu te trompes sur toute la ligne. »

Ça avait le mérite d’être clair. Tellement clair, qu’elle aurait probablement pu lui tourner le dos à son tour et le laisser là, sans rien dire de plus.

Mais à force de se concentrer sur sa respiration, la jeune mariée semblait aussi avoir retrouvé la raison. Le calme n’avait toujours pas repris ses quartiers, mais elle tentait de s’imaginer comment @Maeve Cynfeirdd réagirait à sa place. Sa tante se montrait piquante parfois, mais elle savait être juste avant tout. Pour ça, pour sa mesure, son authenticité, Siobhán l’avait toujours admirée.

« Je ne t’ai jamais détesté à cause des on-dit. Tu as brisé le cœur de ma meilleure amie et forcément, à cause de ça, on n’est pas partis sur de bonnes bases, c’est certain. Mais ce sont tes actions qui te définissent avant tout et si tu montrais un tout petit peu de volonté d’aller de l’avant, un semblant de remise en question, je… »

La suite de ses mots lui échappa. Elle les avait sur le bout de la langue, pourtant. Mais il y avait cette curieuse sensation qui subsistait ; celle d’avoir déjà épuisé tous ses arguments en face d’un homme qui s’obstinait à se cantonner à sa vérité, à ce qu’il croyait juste. Michel-Ange devait aimer s’entendre parler et penser — il n’y avait pas d’autre explication.

Siobhán soupira de lassitude.

Au moins, elle n’avait plus envie de le gifler.

Juste de partir et de mettre fin à cette conversation qui n’aurait jamais dû avoir lieu.

C’était un progrès.

« Je sais pourquoi Céleste et toi ça n’a pas fonctionné. Je sais pourquoi Xris et toi ça n’a pas fonctionné. Et je sais pourquoi ça ne fonctionnera jamais ; ni avec Céleste, ni avec Xris. J’avais déjà compris la première fois que tu me l’as expliqué. Je ne suis pas aussi bête que tu as l’air de le penser. »

Si un jour elle devait faire un choix, ils passeraient toujours avant le reste, c’était certain. @Xris Andērson et @Céleste Delacroix étaient ses meilleurs amis et bien sûr qu’elle voulait prendre soin de leurs cœurs.

Sinon, pourquoi s’obstiner à vouloir les rapprocher ?

« Tant pis  », finit-elle par lâcher dans un souffle, las de cette discussion qui ne les mènerait à rien. « On ne se comprend pas. Rien n’a changé depuis la dernière fois, à ce que je vois », ajouta-t-elle en regardant sur le côté, l’air presque déçu de le constater. « Donc on va en rester là. Je vais juste te demander un service avant de partir, Michel-Ange : ne me manque plus jamais de respect. Ou alors, fais-le devant moi. » Son regard bleu, glacial, s’était tourné vers lui pour lui faire comprendre qu’elle ne rigolait pas. « Continuons d’être des inconnus et de ne pas nous entendre. Continuons de croire des choses l’un sur l’autre qui ne sont pas vraies. Continuons de nous ignorer. Continuons de ne pas exister l’un pour l’autre. C’est ce qu’on sait faire de mieux. Mais au moins, faisons-le dignement. »

Ils n’avaient pas besoin de se serrer la main pour concrétiser cet accord. Siobhán envisagea même un instant de rebrousser chemin, puis elle se ravisa. Il y avait encore une chose.

« Félicitations pour le bébé.»

Elle l’avait déjà dit. Mais cette fois, alors qu’elle faisait demi-tour, il y avait un semblant de sincérité dans ces mots.

Bien que l’idée qu’un nouvel héritier Dunn puisse voir le jour lui donnait encore la nausée.

Il était toujours étrange de constater à quel point notre attitude pouvait influencer celle des autres. En choisissant d’adoucir son ton d’un cran, Siobhán n’aurait pas imaginé que Michel-Ange, buté comme il était, aurait pu en faire de même. Et pourtant, voilà qu’il avait fini par la remercier, l’interrompant dans sa course. Arquant un sourcil, puis deux, la demie-vélane se retourna vers le Poufsouffle, intriguée par ce qui allait suivre. Par choix, et, elle devait l’admettre, par curiosité, elle ne répondit rien et attendit qu’il reprenne la parole. Ce qui ne tarda pas. Cette petite remarque sur un enfant à naître et d’autres qui n’avaient même pas été envisagés la fit presque sourire. Elle doutait néanmoins que les Grimm-Dunn seraient les rebelles de Poudlard. De là à en dire autant pour les Gavalagh-Korrigan-Almadovar… Siobhán avait beau avoir un goût prononcés pour les études, il y avait certains sujets sur lesquels son exemplarité était limitée. À commencer par sa relation avec son père et sa curiosité qui pouvait l’emmener sur des terrains parmi les plus dangereux. Quant à Edel… il y avait fort à parier que sa réputation le précéderait. Y compris dans quelques années.

«  Ça, ça reste à prouver », répondit-elle simplement, alors même que l’idée d’avoir des enfants avec @Edel Almadovar ne lui avait pas encore traversé l’esprit sérieusement.

Quant à savoir si elle parlait de leur descendance qui réussirait là où ils avaient échoué, ou bien de la rébellion de leurs progénitures, c’était à Michel-Ange d’en juger.

Cette pensée comme un nuage flottant au dessus de sa tête disparut aussi vite qu’elle était arrivée. Particulièrement lorsqu’il prononça les mots qu’elle attendait depuis le début. Je m’excuse, c’était toujours mieux que désolé, même si ça restait moins bien que je te présente mes excuses, les acceptes-tu?. Siobhán ne s’était pas rendue vers les serres avec l’objectif d’améliorer leur relation, pas plus qu’elle n’avait espéré quoique ce soit de positif en provenance de sa personne.

Malgré elle, son regard se détourna lorsqu’il parla d’autres garçons. La Korrigan de naissance avait toujours un mal fou à entendre que son don pouvait interférer sur les autres malgré elle, et elle se notait mentalement d’éviter à tout prix @Zion Webb à l’avenir, si elle le pouvait. Quant à cet ami dont il parlait, elle préférait encore ne pas savoir de qui il s’agissait.

Et, comme ça, elle médita ses derniers mots en le regardant partir.

Incapable, malgré une très nette amélioration de leur relation, de lui retourner un pourtant très simple toi aussi.