There’s broken silence (Selma)

C'était la deuxième qu’il roulait entre ses doigts, l’une trônant déjà derrière son oreille parce qu’il savait précisément qu’aucune discussion serait facile avec elle. Les raisons derrière étaient multiples, s’enchainant les unes derrière les autres sans que l’une ne rattrape l’autre, jusqu'à ce que le serpent finisse par mordre sa propre queue. Parce que si Selma et lui s'étaient rencontré, puis fréquenté il y a deux ans, c'était uniquement sous l’impulsion direct du paternel des Montero qui avaient envoyé la sorcière le séduire pour une seule cause : s’approcher des Almadovar en se jouant de leur don pour les faire payer la disparition de la mère des jumelles.

Plissant les yeux, Edel avait fini par allumer sa cigarette, expirant en l’air alors que l’Aulne Poisseux rétractait ses feuilles, poussant le Serpentard à s’en éloigner, peut-être par respect. Mais quelques pas ne suffirent pas  à enlever ce poids qu’il tenait sur ses épaules, sans encore trouver le  moment pour en parler avec les concernés. Pourtant ce fut en tombant un soir dans les yeux de @Siobhán G. K. Almadovar qu’il savait qu’il était temps de crever un abcès, le premier qui l’avait poussé à quitter Selma sans lui donner la moindre nouvelle, à l’instant même où il avait découvert la supercherie, jusqu'à en devenir mauvais en sa présence dès le moment où elle et sa sœur avaient posé un pied à Poudlard.

Ainsi, les mains dans les poches, il commença à souffler comme une locomotive à vapeur, le nez en l’air pendant plusieurs minutes avant d’entendre un bruissement qui le tendit légèrement, malgré lui. Il lui avait envoyé une note pour lui proposer une discussion, et bien qu’elle ne lui ait répondu, il l'avait attendu. Edel l’observa quelques secondes, avant de détourner son regard, consumant entière sa cigarette d’un geste pour la faire disparaitre, ne se rappelant plus des sourires qu’elle avait pu lui offrir durant quelques semaines. La haine que leur deux familles se vouaient avait envahit puis anéantit la douceur qu’il pensait avoir connu avant que la rancœur ne dévoile son vrai visage.

"On parlait d’honnêteté et y’a un truc que je veux savoir.” Fronçant légèrement les sourcils, dans une attitude oscillant entre l’ennui et l’impatience, il avait fini par lui faire face. Cette assurance l’avait toujours accompagné, l’arrogance s’y ajoutant comme une seconde peau, mais devant elle il acceptait de descendre d’un cran pour avoir une vérité, celle qui finirait par en amener d’autres. "Qu’est ce que ça t’a fait?” Et il l’amena alors directement à l'été partagé, là où tout avait commencé et violemment fini. "Ca t’a fait quoi d'être forcé à m’approcher?”

Edel a écrit:Déchire pas la note. J'aurais besoin de te parler. Il faut qu'on parle de ce qui s'est vraiment passé.
18h au parc près de l'aulne poisseux.

Depuis qu’elle avait reçu le mot d’Edel tôt ce matin, Selma s’était glacée, redevenant l’associale jeune fille à laquelle elle ressemblait lors de son arrivée à Poudlard il y avait un an de cela. Dans un premier temps, la jeune Montero s’était demandé ce qui s’était passé pour qu’Edel veuille la voir. La dernière fois, il avait pourtant exprimé un réel dégoût, lui affirmant qu’il ne voulait plus jamais lui adresser la parole. En quoi la situation avait-elle changé ? Selma avait-elle par erreur mis du poivre dans le café de @Siobhán G. K. Almadovar, ou changé son devoir de potion en mouchoir à dentelle ?

Pourtant, la formulation de sa note laissait entendre qu’il souhaitait échanger sur des sujets un peu plus importants. « Ce qui s’est vraiment passé ». Ce qui s’était vraiment passé ? Pourquoi voulait-il savoir maintenant, après tout ce temps ? Plus Selma relisait la note – au-dessus de sa table de petit déjeuner – plus elle se renfrognait. Elle avait toujours détesté quand le jeune homme lui donnait des ordres. Aussi, la première chose qu’elle fit fut de déchirer le petit bout de papier.

Elle n’avait pas parlé du mot à sa sœur, assise quelques places plus loin, car elle ne souhaitait pas l’inquiéter. @Alejandra Montero avait d’autres choses à gérer, ses propres relations sociales étant bien plus passionnées et tumultueuses. Selma décida qu’elle n’irait tout simplement pas à ce rendez-vous. La Serdaigle n’avait que faire qu’Edel se réveille de son déni. Il l’avait fait bien trop souffrir pour qu’elle lui accorde quoi que ce soit.

Pourtant, à 18h, la jeune sorcière se retrouva à prendre sans bien savoir pourquoi la direction de l'aulne poisseux. En réalité, Edel avait toujours eu ce pouvoir sur elle. Selma qui se targuait d’être insensibilisée au charme des vélanes avait pourtant toujours été fascinée par ce charisme bien différent qui émanait d’Edel. En avançant, la jeune fille sentit son cœur battre violemment dans sa poitrine. Un mélange d’émotions la parcourait, mais elle sentait au tremblement du bout de ses doigts qu’elle avait peur. Cet homme qu’elle avait aimé lui avait pourtant fait tant de mal, qui savait ce qu’il était capable de faire encore…

Elle le trouva là – assez proche de l’arbre sans être pour autant sous ses branches – à fumer une éternelle cigarette. Selma détestait cette odeur de tabac, comme elle avait appris à mépriser l’alcool en le voyant trop souvent sous son emprise. Inspirant lentement, elle s’approcha de lui, puisant le courage qu’elle n’avait pas dans celui de ses amis qui en avaient à revendre, comme @Sheraz Mahal.

Déjà, Edel se montrait insupportable, affichant un air impatient alors que c’était lui qui l’avait convié à ce rendez-vous. Sans même prendre le temps de la saluer, il lui posa agressivement ses questions, déjà tellement orientées que Selma faillit tourner les talons sur le champ. Se sentant nauséeuse, elle leva pourtant fièrement le menton pour planter son regard dans le sien.

- Tu veux la vérité, mais es-tu seulement prêt à l’entendre ? Il faudrait pour ça accepter que tout ce à quoi tu t’accroches n’est rien qu’une illusion.

Elle croisa ses bras, signe évident de malaise et de défense chez elle, sans savoir si elle devait poursuivre plus loin cet échange. Pourtant, elle reprit, d'une voix de moins en moins assurée.

- Ça ne s’est pas passé comme ça ! Je n’ai su ce que ta famille représentait pour la mienne qu’après t’avoir rencontré. Je n’ai pas…

La jeune fille s’interrompit en détournant le visage, resserrant violemment ses bras contre elle. Selma avait toujours eu des difficultés à comprendre et exprimer les plus simples sentiments. Edel pensait-il vraiment qu’elle était capable de simuler une émotion si complexe : l'attachement amoureux ?

Etre prêt ou non n'était pas une notion qui le faisait reculer, il s’en fichait même pas mal pour avancer exactement comme il le voulait et quand il le voulait. Préférant ainsi ne pas répondre d’emblée à l’illusion dont elle avait été maîtresse durant un temps, Edel n’avait pas besoin de la détailler pour sentir dans le moindre de ses gestes sa tension actuelle de se retrouver dans le même périmètre que lui, quand il lui avait promis que l’enfer qu’elle vivrait porterait son nom.

Sans finir sa phrase, Selma la laissa en suspend comme s’il venait d’atteindre une limite très nette. La barrière qu’elle érigeait contre lui depuis son arrivée, visible dans les yeux noirs où elle ne lui offrait que le néant d’un passé révolu, vivant et mourant sur des mensonges.

"Tu n’as pas quoi?”

Haussant les sourcils, Edel ne la regardait toujours pas. S’il y avait bien un jeu auquel il ne jouait pas, ça avait toujours été celui-ci. Celui des faux-semblants duquel il se détachait depuis le début, même s’il était le prince de la provocation et que tout moyen était bon pour anéantir n’importe quel mur.

"Que ce que t’a fait, c'était pas de l’illusion?”

Il avait déjà vu des mèches entières de ses cheveux se changer de couleur à la vitesse d’un arc-en-ciel, des éclats de rire qui l’avait poussé à vouloir veiller sur elle, comme si elle faisait parti des siens. Par des mots qui n’avaient été dit, par des gestes qui avaient fini par tomber en morceau sous la trahison, Edel avait fini par partir tant qu’il était encore temps. Il se tourna alors vers elle, voyant le malaise dans lequel elle se fourrait les minutes passant lentement. Arrachant le sparadrap très sèchement, Edel lui faisait face en retenant l’amertume sur chacun de ses mots, sans comprendre l’attitude qu’elle avait à cet instant.

"Si t'étais un minimum honnête, rien qu’envers toi, t’aurais tout arrêter si tu l’avais su. Mais t’as continué tête baissé, à être fausse, à me mentir, à être exactement tout ce que tu n’aimes pas de ma famille. Tu croyais quoi, que j’allais rester sans rien dire?”

Edel la connaissait suffisamment pour comprendre quand Selma se sentait blessée et acculée. Pourtant, il ne s’empêchait nullement de démolir avec autant de précision que de violence les maigres défenses qu’elle tentait d’ériger face à lui. C’était comme s’il prenait même plaisir à faire perdurer un peu plus la torture qu’il était le seul capable de lui faire subir. Mais plus il la questionnait sur cette phrase laissée en suspens, plus elle s’obstinait dans son mutisme.

Figée et silencieuse, Selma était dans l’incapacité physique de lui répondre. La jeune cubaine ne parvenait cependant pas plus à le quitter des yeux, comme un unique compromis qu’elle avait pu trouver. Était-ce par entêtement ou bien par fierté ? Ou encore était-ce de la simple lâcheté qui la tétanisait ? Elle-même aurait été bien en incapacité de savoir. Dans tous les cas, Edel n’aurait pas la réponse qu’il attendait.

Aussi, le Serpentard changea de stratégie, l’assénant brusquement d’un tas d’accusations aussi acides les unes que les autres. Selma en blêmit de colère – dans tous les sens du terme puisque sa peau, ses cheveux et mêmes ses pupilles se mirent à pâlir les uns après les autres. La cubaine le fixa, mâchoire serrée, avant de laisser uniquement ses sourcils se froncer. Il ne fallait pas qu’elle pleure. Pourvu qu’elle ne pleure pas, sa fierté ne s’en remettrait jamais.

- Quand ils ont su pour nous, ma famille m’a fait des révélations… absolument glaçantes, qui ont fait bien plus que simplement me perturber, articula-t-elle difficilement en resserrant toujours sa prise sur ses bras comme si elle sentait le froid s’insinuer de nouveau en elle.

Il ne servait à rien de renvoyer à la figure d’Edel l’ignoble meurtre dont était responsable sa famille et qui l’avait laissée brutalement à moitié orpheline. Il se contenterait de nier, de la malmener et de la menacer une nouvelle fois. Selma repoussait violemment la vague de chagrin et de colère qui pouvait la submerger à tout moment. Elle ressentait comme si c’était hier toutes les émotions déchainées qui l’avaient emplies à ce moment-là, quand elle avait commencé à perdre totalement le contrôle de son don.

- Une partie de mon monde s’écroulait… J’aurais eu besoin de soutien et de temps… Tu ne m’as offert ni l’un ni l’autre…

Une simple moue accueillait ce constat amer. Il lui semblait pourtant que le temps du ressentiment était passé, et que seule une immense déception l’habitait pour cet enfant en face d’elle qui faisait son possible pour paraître un homme. Edel avait été un morceau de cette terre à s’effriter, lui faisant perdre pied, mais il était loin d’être le seul. Selma revoyait encore les yeux de son père briller d’une malveillante cupidité alors qu’il évoquait les détails les plus sanglants entourant la mort de sa mère. La jeune Montero avait fini par comprendre que le chef du cartel avait bien tout mis en œuvre pour provoquer sa rencontre et son attachement envers Edel afin de pouvoir l'utiliser à son avantage. Encore une fois, Selma n’avait jamais été qu’une marionnette entre ses doigts.

Il y avait quelque chose d’horripilant à la voir se tenir ainsi, bien que le menton était levé par fierté, affrontant son regard sans même sourciller. Et pourtant, ses propres doigts le démangeaient de se saisir de sa seconde cigarette pour expirer ce souvenir noircit par tant de non-dits. Tenant debout face à la tempête, Selma pâlissait à vue d’œil, lui rappelant durant une fraction de seconde qu’il n’avait jamais cherché à voir son don dégénérer ainsi.

Et si le “nous” qu’elle lui souffla ne lui fit ni chaud ni froid, la suite le figea alors qu’il voyait la peine passer le long de ses cheveux presque gris, la moindre parcelle de couleur s’engouffrant dans le vide que le deuil avait crée. Peu à peu, entre les lignes, il comprenait difficilement que si elle s'était prêté à un jeu sordide avec lui, sa famille en avait fait de même avec elle. Et si une tempête avait commencé à se lever juste avant, prête à terrasser tous ce qu’Edel pouvait trouver sur son passage, elle se calma dans un silence où il laissait retomber chaque pensée, une par une. Sa colère de l’avoir vu sous un autre visage, sa déception d’avoir été trahit, sa honte d’avoir été berné, sa frustration d’avoir perdu du temps. Mais ce n'était probablement rien à l’idée d’avoir été manipulé et de se retrouver aussi démunie face à lui aujourd’hui.

"Je t'avais demandé de venir à Poudlard.” Il l’avait soufflé comme ce jour où ils s'étaient retrouvé à marcher sur le bord de la plage, là où au loin un tout autre monde aurait pu l’attendre, où rien ne l’aurait atteint non plus. "Je t'avais demandé de venir avec moi. Tu croyais que ça voulait dire quoi?” Il l’avait vu, dans un regard perdu, qu’elle rêvait de liberté sans même jamais l’avoir avouer, c'était une porte de sortie qu’il lui avait montré, en espérant qu’elle la prenne.

Il était visiblement parti le jour-même où elle avait eu ses révélations, sans même chercher à comprendre plus loin, Edel avait prit le premier Portoloin pour rejoindre sa mère et Neizan sans évoquer le sujet. Il s'était laissé convaincre par des petits détails que Selma avait juste pris plaisir à jouer de lui. Et aucune excuse n’enlèverait sa perte, aucune ne ramènerait sa mère et aucune ne remettrait en place ce qu’ils avaient vécu.

”T’aurais pas eu besoin de moi pour reprendre pied, il te suffisait juste de … ” Après être longuement resté stoïque à quelques mètres d’elle, Edel s'était avancé avec une certaine précaution, guettant le moindre changement corporel de sa part. Décrochant sa veste de ses propres épaules, il préférait jurer qu’elle n’avait froid que par l’automne qui s'était annoncé venteux et la lui tendit pour qu’elle se couvre. "Il te suffit juste de te faire confiance.”

Posant sa veste sur les épaules de Selma par principe, Edel gardait néanmoins un visage encore fermé à toute émotion, malgré une vérité à laquelle il ne s'était pas attendu. Aujourd’hui, il n'était pas celui qui pourrait la soutenir, mais un jour, avec  @Siobhán G. K. Almadovar , il serait celui qui pourra l’aider à obtenir une certaine forme de justice, peut-être même de paix.

Après un long silence qui ne fut perturbé que par le bruissement des feuilles de l’aulne poisseux, Edel finit par murmurer quelques mots. Selma avait détourné le visage, fixant un point à l’horizon qu’elle ne voyait même pas, perdue et enfermée dans ses propres souvenirs. Mais les mots de l’étudiant, et le ton qu’il venait d’utiliser suffirent à la faire recentrer son regard sur lui.

Oui elle se souvenait. La proposition d’Edel lui avait paru à l’époque si tentante… A vrai dire, elle avait été à deux doigts d’accepter, de le suivre et de quitter à jamais sa famille étouffante. Mais elle s’était finalement résignée. Il y avait @Alejandra Montero. Jamais elle n’aurait pu laisser sa jumelle seule entre les mains glacées du cartel. Plus tard, elle s’était félicitée de ne pas avoir agi sur un coup de tête, quand un seul revers avait suffi à détruire le peu d’amour qui les liait l’un à l’autre. Elle s’en était bien trop remise à lui – et s’assurerait de ne plus jamais accorder ainsi sa confiance à quiconque.

Le serpentard reprit la parole en s’avançant lentement vers elle. Ecarquillant les yeux, Selma l’observa se défaire de sa veste pour la lever vers elle. Elle se crispa, comme s’il menaçait de la frapper, mais il ne se passa rien. Rien d’autre qu’une veste posée sur ses épaules. La jeune serdaigle déglutit sans le lâcher de son regard à présent larmoyant, tentant de comprendre ce qu’il lui disait.

Edel cherchait-il à se dédouaner de toute faute ? Sous-entendait-il que ça avait été la meilleure chose à faire, de laisser la jeune fille seule et brisée au pire moment de sa vie ? Était-ce ainsi qu’il soutenait sa femme aujourd’hui ? Selma inspira lentement, fixant de nouveau ce même point à l’horizon, sans le voir. Ce n’était pas elle qui pensait tout ça. La rancœur et l’apitoiement qu’elle avait pourtant décidé de laisser derrière elle noircissaient ses idées et elle les rejeta en bloc. La jeune Montero préférait tout simplement ne plus rien ressentir, jusqu’à ce qu’elle retrouve la paix à laquelle elle aspirait tant.

- … peut-être… lui répondit-elle vaguement.

Se faire confiance… Quel vœux pieux… Selma s’en savait incapable, et ne voyait pas en quoi le fait de se retrouver seule l’aurait aidée. Si elle se faisait plus confiance, aurait-elle mieux vécu le meurtre de sa mère ? Peu importait à présent. Tout ce que Selma souhaitait, c’était de prouver à Edel qu’elle n’avait pas eu besoin de lui, et qu’elle n’en avait pas plus besoin à présent – bien que rien n’était moins vrai. Aussi, elle retira mollement sa veste pour la lui rendre, se contentant de croiser de nouveau les bras sur ses cicatrices invisibles.

- Ça ne sert à rien de revenir sur tout ça. On aurait juste jamais dû se rencontrer, c’est tout. On se serait épargné beaucoup de souffrance toi comme moi.

Relevant ses cils vers lui, elle le jugea durement, refoulant toute autre forme de sentiment qui risquait à tout moment de remonter à la surface. Grâce à ses entraînements en compagnie de @Sheraz Mahal, elle parvint à faire reprendre à ses cheveux leur teinte naturelle, bien que ses pupilles soient restées encore un peu grisées.

- Est-ce que tu as entendu ce que tu voulais entendre ? On peut recommencer à s’ignorer, ça me va très bien. J’approcherai pas ta femme si c’est ça qui t’inquiète, je lui ai déjà dit.

"On est au moins d'accord sur un truc.”

Reculant en reprenant sa veste sous les bras, Edel s'éloigna de quelques pas à l'instant même où Selma tentait de mettre une distance convenable sur un passé qu'elle disait regretter. Si Edel avançait sans ressentir cet état, il eut néanmoins un goût amer à l'idée qu'elle ait préféré de ne pas croiser sa route. Une donnée suffisante pour lui tourner le dos, n'étant ainsi d'accord que sur le seul fait qu'il ne servait à rien de revenir dessus. Le mal qu'avait soulevé sa rencontre n'était pas un fait sur lequel il serait revenu, même s'il avait eu le choix. Pourtant, en lui demandant ce qui s'était réellement passé et surtout, comment elle se sentait à cet instant, il avait eu les réponses suffisantes pour savoir où balancer ses prochains pas.

"Tu fais c'que tu veux.”

Autant pour ses fréquentations que le reste, Edel connaissaient à présent les raisons pour lesquelles les jumelles avaient été envoyés de l'autre côté de l'océan. Il n'allait pas l'empêcher de parler à @Siobhán G. K. Almadovar ou même ses amis si l'envie l'en prenait, il était certain que chacun saurait se faire une idée ou même s'en défendre si nécessaire.

”Si t'as fini de me dire ce que je voulais entendre oui.” Il l'avait lancé tout en s'allumant sa cigarette, ne lui accordant plus la même attention, ne la considérant ainsi que comme une élève lambda. Si elle préférait rester avec ses ressentis, bien qu'il n'en avait noté aucun à la mention de "sa femme", Edel s'en contenterait. Il n'allait pas la forcer à lui dire ce qu'elle aurait réellement à lui dire, puisqu'elle préférait rester dans ses regrets. La Serdaigle n'avait aucune question, aucune réclamation, et à ses yeux, elle avait aisément tourné la page.

S'éloignant de quelques pas en soufflant dans la direction opposée, le Serpentard fronçait encore les sourcils, s'arrêtant quelques secondes dans l'optique de lui dire qu'il n'avait jamais eu de regrets, traçant une route sans regarder en arrière. Il eut néanmoins un instant de flottement, considérant la perte de sa mère, sans qu'aucune condoléance informelle ne puisse la ramener près d'elle. Un regard par-dessus son épaule suffit néanmoins à lui montrer qu'il était désolé de l'avoir laissé ainsi.

Étonnamment, et alors qu’il venait de prouver que sous son cœur de glace subsistait encore une étincelle de chaleur, Edel sembla se refermer comme un couvercle de malle enchantée. Selma se rembrunit à son tour en le voyant lui tourner le dos, comme si cette conversation n’avait plus aucun intérêt pour lui. De nouveau, la jeune cubaine se sentit invisible et insignifiante. Il ne lui jeta plus un regard en allumant son insupportable cigarette, poussant Selma à souhaiter brièvement qu’il s’étouffe avec. Mais ce fut elle qui manqua de s’étouffer en le voyant s’éloigner sans nulle autre forme de cérémonie.

Ne l’avait-il donc conviée à ce rendez-vous que dans l’optique de l’humilier ? Sous ses airs, désinvoltes, Edel était toujours dans un contrôle serré de la situation. Selma savait qu’il n’avait proposé cette rencontre que parce qu’il en avait dessiné lui-même les contours : décidant de son début comme de sa fin. Mais la jeune Montero en avait assez d’être manipulée, rabaissée, et d’obéir aux injonctions, qu’elles viennent de sa famille ou d’un serpent mal élevé. Il était temps qu’elle regagne une once de pouvoir, aussi infime soit-elle.

- Attends, lui intima-t-elle d’une voix dont la portée l’impressionna elle-même. Donne-moi ta veste, j’ai froid finalement.

C’était tout-à-fait idiot. Elle n’avait aucune envie d’avoir sa veste. Pourtant, s’il la lui avait offerte une fois, il n’allait sans doute pas refuser une deuxième fois ? Il pouvait donc s’agir d’une victoire facile à obtenir. Engoncée dans son obstination, Selma réduisit la distance qui les séparait pour lui reprendre sa veste et l’enfiler maladroitement. Elle devait avoir l’air particulièrement ridicule dans cette couleur vert forêt, avec des manches qui pendaient lamentablement au bout de ses mains. Pourtant, elle s’estimait satisfaite. Il s’agissait pour elle d’une première reprise de contrôle sur cette situation qui lui échappait jusqu’alors complétement.

- Je te connais Edel, continua-t-elle froidement en fixant le nuage de fumée malodorant qui s’échappait de sa bouche. Vu ce que tu m’as dit la dernière fois, tu n’étais pas censé m’adresser la parole pour les trois prochaines décennies. Tu n’as pas demandé à me voir parce que tu t’es trouvé soudain une conscience. Qu’est-ce qui s’est passé ? Tu as rencontré quelqu’un ? On t’a dit quelque chose ? Tu as l’air déçu par ce que je viens de te dire. Tu attendais d’autres révélations de ma part ?

TW : tabac

Arrêté par sa voix, il haussa les sourcils à l’instant où elle lui prit sa veste des mains avec une conviction qui ne put que le surprendre. C'était visiblement pas si compliqué de se faire assez confiance et Edel y accorda un sourire moqueur, y cachant ainsi subtilement qu’elle venait de le saisir. Détournant pourtant du regard au moment où elle l’enfila maladroitement, le Serpentard ne put que soupirer en la voyant un peu moins mal à l’aise. Il savait pourtant qu’elle n’avait prit que ce prétexte pour qu’il reste encore un peu dans le coin.

”Ca se ferme si t’as froid.”

Lui adressa qu’un regard en biais et voyant les traits de son visage plissé à l’idée qu’il fumait, Edel ne put qu’une nouvelle fois soupirer de coté sans laisser sa fumée l’atteindre. Ses questions, toute pertinente les unes que les autres eurent des réponses qui fusèrent sans même prendre le temps de réfléchir.

”Non, tu me connais pas.” Bien que son attitude paraissait dire le contraire, Selma n’avait connu qu’une fraction de lui à un temps donné et qu’il n‘était définitivement plus. La seule personne qui pouvait le prétendre était celle qui l’avait poussé à faire un pas vers les Montero. @Siobhán G. K. Almadovar lui avait demandé d'être à ses cotés lorsqu’il devrait lui remettre les vérités ultimes sur le décès de leur mère, mais il lui devait sa franchise. ”Je savais pas pour ta mère, je savais pas qui tu étais.”Il parlait pourtant presque de manière haché, pas parce qu’il aurait bêtement appris un texte à lui raconter, mais surtout parce qu’il ne savait par où commencer pour où finir. ”Alors ça m’a fait chier le jour où j’ai cru comprendre que c'était juste un leurre, ça m’a fait chier parce que je jouais pas et que c’est pas un truc que je tolère non plus.” Difficile d’exprimer qu’il avait compris au regard de son frère et de sa mère échangée à l'époque que le sujet du père d’Edel était déjà source de conflit. Il l'était encore plus lorsqu’il avait cru que Selma l’avait abordé la dernière fois, prenant conscience avec le recul qu’il y avait eu un malentendu. ”La dernière fois, je suis monté dans les tours parce qu’on a parlé d’un truc que je supporte pas. Quoi qu’il en soit, sache que j’agis pas comme mon père, ni comme le tien. Je t’ai demandé de me dire ce que tu voulais vraiment me dire, avec assez d’honnêteté pour fermer le livre, pas juste entendre ce que je voulais entendre.”

Levant le menton pour l’observer un temps, Edel lui remettait sans tact les clés en main, sans même répondre à ses questions.

Edel ne sembla pas se formaliser outre mesure par son vol de veste, ce qui rassura grandement la jeune cubaine. Selma n’était pas prête pour un affrontement brutal avec l’étudiant, et ne le serait sans doute jamais. Mais alors qu’il parut se moquer gentiment d’elle, sa réaction suivante exaspéra tant la jeune fille qu’elle roula des yeux en l’air en crachant l’air de ses poumons.

Bien-sûr que si elle le connaissait, même si Edel rejetait cette idée de toutes ses forces. Il l’agaçait quand il jouait aux ados rebelles et incompris, alternant entre l’alcool et les cigarettes comme si cette attitude pouvait l’aider à se révolter contre le monde entier. Cette attitude qu’elle avait trouvé si séduisante et attirante quand elle l’avait rencontré pour la première fois l’exacerbait aujourd’hui. Edel pensait avoir complètement changé depuis l’époque où ils s’étaient fréquentés ? Rien chez lui ne le prouvait pour l’instant.

Ses paroles hachées lui parvinrent, sans qu’aucune ne parvienne à alléger cette boule qui pesait dans ses entrailles, bloquant son air, ses paroles, et jusqu’à la bonne maîtrise de ses pouvoirs. Rien dans ce que révéla Edel ne la surprit. Elle savait déjà tout ça, et n’avait jamais réellement pensé que le jeune Almadovar fut au courant de quoi que ce soit pour sa mère. Et pourtant, comme à chaque fois qu’on l’évoquait devant elle, des larmes s’accumulèrent sous ses paupières que la jeune fille essuya rageusement avant même de risquer les voir couler le long de ses joues.

Elle n’avait jamais joué avec lui non plus. Mais lui, la première chose qu’il avait choisi de faire en la revoyant c’était de l’insulter, de manquer de respect à sa famille, et même à la mort de sa mère. Il lui avait même dit qu’il était heureux de l’avoir brisée. Il parlait mal de son père, mais il agissait lui-même comme le pire des monstres. Elle croisa les bras dans cette veste qui ne lui inspirait à présent plus que du dégout.

- T’arrêtes pas de parler d’honnêteté, mais t’es incapable d’en avoir la moindre avec moi… Tu réponds à aucune de mes questions…

Elle secoua la tête en le jugeant durement, maintenant ses bras serrés contre elle. Peu importait, il fallait qu’elle abandonne la moindre de ses attentes envers lui. Plus la déception serait forte, plus facilement elle fermerait ce livre dont il parlait.

- Je te le dis alors haut et clair. Je n’étais au courant de rien quand je t'ai rencontré. Je suis vraiment tombée amoureuse de toi, c’était la première fois de ma vie que je ressentais ça et j’espère bien ne plus jamais revivre ça. Peu importe tout ce que diront les Montero, je ne pourrai jamais l’oublier. Maintenant, j’essaie encore de m’en remettre alors tout ce que je te demande c’est de me laisser tranquille et de ne plus jamais, jamais, me parler de ma mère.