Sinnsearachd (1)

Dimanche 22 Octobre à 15h… Je grommelais encore, le petit papier à l’écriture pas très lisible de mon père. L’estomac noué, je faisais les cents pas dans mon bureau. Un dimanche… A 15h… Ca avait vraiment l’intérêt d’être valable. Depuis que Poudlard avait repris, je ne pouvais voir Perséphone que les week-end, et ça me rendait assez maussade et grognon. Pliant le petit mot, je le rangeais dans mon tiroir, sortant un parchemin en soupirant pour annoncer la terrible mauvaise nouvelle à ma petite amie…

Le jour J.

Habillé sommairement, j’avais quitté l’appartement provisoire que le club prêté à @Perséphone Fogg . On avait passé une partie du samedi ensemble et une partie du dimanche… Enfin, on ne s’était vu que quelques heures, et cette nuit. Entre son match, mon travail et maintenant la demande de mon père, on pouvait pour ainsi dire qu’on avait juste partager notre lit. Prenant un sac à dos, avec quelques affaires du travail (car avec mon père, mieux valait être prudent), je me dirigeais vers Perséphone et je l’embrassais avant de partir.

« J’essaie de revenir vite, j’te raccompagnerai à Pré-Au-Lard ce soir promis. Et bonne chance pour ton match ! Je t’aime ! »

J’avais refermé la porte effaré. Le visage complètement fermé, je me rendais compte de la gravité de ma bourde à retardement. Pourquoi j’avais dit ça ? Maintenant et comme ça ? Est-ce que c’était trop tôt ? Est-ce que c’était la meilleure façon de le dire ? Livide, l’estomac noué, je me demandais si je ne devais pas faire demi-tour pour jouer la carte du malentendu mais… oh et puis merde. Je réglerai ça plus tard. Ce n’était pas vraiment comme ça que j’avais imaginé lui dire… Fergus-le-Génie avait visiblement encore frappé.

Foulant l’herbe d’Ecosse, avec mon sac, je me dirigeais vers deux silhouettes qui semblaient en pleine discussion au pied du phare. La mine morose, j’étais encore en train de me demander comment j’allais me dépêtrer de cette situation avec Persiflette. Au dessus de moi, bien haut dans le ciel, un oiseau d’or et de feu tournoyait. Sekmeth avait étrangement décidé de venir alors que je n’avais rien demandé. Boarf, elle aimait bien le domaine, je pouvais pas lui refuser ça. Marchant avec ma ganache d’Auror, j’arrivais au niveau de mon père et ma sœur.

« Hep hep hep. Pas d’câlin sans moi. »

Je posais mon sac et je les serrai tous les deux. Embrassant Lucy sur le front et faisant la bise à mon père sur sa superbe barbe que je jalousais intérieurement. Prenant un peu de recule, mon regard croisa celui de Lucy. Elle savait que je n’étais pas rentré hier soir, et elle savait aussi que j’étais de repos. Cette petite fouineuse avait du faire un lien de cause à effet assez évident, aussi, je prenais les devant.

« Quoi, j’ai un bouton sur le nez ? On dirait que tu m’as jamais vu. Sympa le manteau, je suis sur qu’on peut loger à deux. »

Je lui mis un petit coup de coude pour la taquiner, puis je mis les mains dans les poches pour regarder le phare. Je brulais d’envie de demander, comme un ado, si on en avait pour longtemps. Mais comme j’étais à porter de gifle de mon père, je préférais simplement demander :

« On sera que tous les trois ? »

Au sol se trouvait le corps de  @Braxton Clearwater, secoué de spasmes alors qu’une flaque vermeille s’élargissait sous lui. Sean se précipitait vers lui, la panique le poussant à réagir méthodiquement. Il puisait généreusement dans les connaissances que lui avait inculquées sa mère en soins non-magiques, les couplant avec tout ce qu’il avait pu apprendre à Poudlard en soin de guérison. Mais tout son savoir-faire ne suffisait pas. Le sang continuait de se répandre et son père ne lui répondait plus.

C’était fini. Son père était mort.

Dans un sursaut, Sean se redressa dans son lit, trempé de sueur. Sa chambre était plongée dans la pénombre et en tournant la tête, il pouvait voir le mauve du ciel derrière ses rideaux tirés – le soleil n’était pas encore levé. Ce n’était qu’un cauchemar. Un de plus et rien de plus. En jeune sorcier blasé devant des angoisses si quotidiennes qu’elles en devenaient banales, il se recoucha, non sans s’être frotté vigoureusement le visage. Ce n’était pas la première fois que ce rêve perturbait son sommeil. Mais après tout, mieux valait des souvenirs traumatisants que pas de souvenirs du tout. Et en réalité, les choses s’étaient même bien mieux terminées.

Quand Braxton était rentré blessé de sa mission, Sean avait en effet réussi à ne prodiguer que les premiers soins sur lui. Devant son état critique, il avait appelé le Service d’Alerte pour Médicomages Urgentistes (SAMU) qui n’avait pas tardé à débarquer, stabilisant sans peine l’état de son père avant de le prendre en charge. Sean avait observé les guérisseurs faire, le souffle coupé. Depuis qu’il s’était retrouvé seul avec lui-même dans un esprit libéré de toute présence malveillante, le sorcier s’était senti perdu et incapable de prendre la moindre décision concernant son avenir, éloignant jusqu’à Yeleen de sa vie. Mais soudain, il avait sa réponse sous les yeux.

L’action et la précision des sortilèges tels que lui avaient inculqués les Clearwater, couplés à l’attachement aux soins et l’attention transmis par sa mère… Sean venait de trouver sa voie. Lui qui avait tant de fois côtoyé la mort souhaitait à présent dédier sa vie à en sauver d’autre… Quelques jours plus tard, et alors que son père allait déjà beaucoup mieux, il avait rencontré @Ellie Yard, lui demandant à brûle pourpoint un apprentissage à ses côtés au sein du SAMU de Sainte Mangouste. Il avait en effet en tête de faire demande de Mulot accéléré en Médicomagie avec une majorité de cours à distance, et pour le reste, s’en remettait aux mains expertes de la médicomage urgentiste.

Tout à ses souvenirs et épuisé, le jeune homme finit par se rendormir sans y prendre garde. Quand il ouvrit de nouveau les yeux, le soleil était déjà haut dans le ciel. Il tua le temps – lisant et relisant le message de Jameson avant d’avaler un copieux repas qui lui servit à la fois de petit et de grand déjeuner. Il lui était étrange de se préparer à revoir une partie de sa famille. Sean s’était de lui-même placé dans une sorte d’exil forcé depuis quelques mois, mais il se sentait malgré tout impatient de revoir son oncle. Quelque chose lui disait que ce dernier ne le convoquait pas simplement pour faire une partie d’échec sorciers mais qu’il avait quelque chose de bien plus important à lui annoncer.

Quand Sean finit par atteindre le lieu du rendez-vous, il eu la joyeuse surprise de reconnaître ses deux cousins dans les bras de leur père. D’un naturel réservé, le sorcier se tint légèrement en retrait jusqu’à la fin de leur accolade. Au fond de lui, il était heureux de les voir toujours si unis tous les trois. C’était comme si toutes les épreuves qu’ils avaient pu traverser n’avaient fait que les rapprocher les uns des autres. Au moins une branche Clearwater qui tenait la route… Le jeune écossais finit par s’avancer à son tour, les saluant d’un signe de la main avec un sourire.

- Salut tout le monde. Vous allez bien ?

Je regardais mon père et ma sœur avec beaucoup d’amour. Lançant un regard de défi à cette dernière, je reculais, me contentant simplement de répondre au tac-au-tac :

« Ouais, tu sais, là où les parchemins ont des sentiments. »

Je relevais la tête d’un air de défi, prêt à prendre une gifle et à lui en mettre une en retour malgré la présence de notre père. Heureusement, Sean fit irruption. Je me tournais vers lui pour le prendre par le cou et l’embrasser sur la joue, avant de le libéré avec un air amusé.

« Et là où les Clearwater réussissent toujours à briller. »

Je lui fis un petit clin d’oeil. Ecoutant d’une oreille distraite ce que papa disait. Mais, quand il prononça l’objet de cette réunion, je tournais ma tête vers lui avec un regard surpris, et plein d’envie à la fois. Les rêves étaient à prendre très au sérieux. Surtout quand il s’agissait de grand-père. A sa mention d’ailleurs, je me renfermais un peu et je baissais la tête. Il me manquait terriblement. Levant mon regard vers mon père, je me contentais simplement de dire :

« Ah… Ok. Mais, c’était un rêve normal ou un rêve… particulier ? »

J’insistais tellement sur le mot « particulier » que je n’osais pas regarder Lucy, qui devait certainement être en train de rouler des yeux. Je préférais lui tourner copieusement le dos, parce que je savais que ma pique sur les parchemins n’allaient pas resté impuni. Passant ma main derrière la tête, je ne savais pas trop quoi répondre concernant mon été : je l’avais passé à Timworth avec Perséphone, pour me reposer de la lourde mission qui avait laissé quelques séquelles en Juin dernier.

« Hm… Plutôt agréable je dirai. »

Je tournais enfin mes yeux vers Lucy, l’invitant à bien la fermer sur mon absence à la colocation. Je n’avais pas spécialement envie que Papa soit au courant. J’avais peur qu’il s’emballe, comme la dernière fois. Et… Même si je savais que ce n’était pas vraiment le cas… Je l’avais un peu déçu avec Solvi. Même s’il ne me l’avait jamais dit, je savais qu’il voulait, comme Grand-père, être entouré de bambin Clearwater. Quand Papy nous prenait dans les bras, j’observais son regard plein d’amour et de jalousie positive. Ca, ca ne trahissait personne…

« Et toi ? Quitter Poudlard a pas été trop dur ? Sean va se retrouver sans personne… Hein Sean. Bon, qu’est ce qu’il fout Isra… J’espère qu’il est pas encore avec Nora et qu’il ne va pas nous sortir une excuse à deux balles… Du genre, il était aux prises avec un démon. Vous savez que depuis quelques temps, il va mieux j’crois. Un peu trop d’ailleurs. Il paraît qu’à Poudlard, il se croit invincible et il dit à tout le monde qu’il est capable de péter la gueule au premier venu. C’est vrai Sean ? Il faut qu’il se rende à l’évidence… Il doit peser quoi… 50 kilos ? »

Je ricanais pour détendre un peu l’atmosphère. Se moquer des plus jeunes était une tradition.

Si Sean espérait s’en tirer avec un simple signe de main, son oncle ne lui laissa aucun choix en l’enserrant contre lui comme il venait de le faire avec ses propres enfants. Bien que trop mal à l’aise pour initier lui-même ce débordement d’affection, le jeune Clearwater n’en appréciait pas moins chaque instant. Sa cousine prit sa suite avec un baiser suivit rapidement de son frère qui lui lança un clin d’œil complice avant qu’ils ne se tournent vers Jameson. Ce dernier souhaitait leur révéler solennellement la raison de leur venue.

Un rêve. L’histoire du clan. Une renaissance promise.

Le jeune homme ne put s’empêcher de frissonner en l’écoutant. Jameson était le premier à lui avoir enseigné de se méfier de ses rêves. Mais l’esprit de Sean s’était révélé bien trop fragile et perméable aux influences néfastes. Son oncle en revanche savait parfaitement faire la différence entre une illusion insidieuse et un indice laissé par la force magique de leurs ancêtres.

Malgré la prudence tenace qui colorait à présent chacun de ses gestes, chacune de ses pensées, le jeune sorcier éprouva soudain une vive curiosité qui le piqua d’impatience. Peut-être était-ce le sentiment de sécurité de se savoir auprès des siens et des meilleurs sorciers qu’il connaissait. Ou bien simplement ce désir profond qui perdurait chez lui d’en savoir toujours un peu plus sur ses racines et son passé, lui qui n’en avait aucun. Ils devaient cependant patienter en attendant l’arrivée d’Israfel.

Chacun réagissait à cette attente bien à sa manière. Jameson en se montrant soudain gauche et mal à l’aise, Lucy en haussant les épaules avec une certaine hauteur, et Fergus avec sa désinvolture habituelle. Son cousin semblait vouloir tout faire pour ne pas répondre à la question de son père, tant et si bien que c’en devenait suspect. Cependant, et alors que sa tirade évoquait Poudlard, Sean décida de faire son possible pour prendre le balai au vol. Une manière pour lui de soutenir son cousin, tout autant qu’informer sa famille de sa récente décision.

- Pour ma part, j’ai passé mon été avec Braxton, commença-t-elle en croisant les bras, inspirant lentement pour redresser ses épaules. Yeleen est partie étudier à Ilvermorny…

Il ne souhaitait pas s’appesantir trop longtemps sur cette information pourtant capitale pour comprendre ce par quoi il était passé. Mais Sean se sentait incapable d’en dire beaucoup plus sous peine de s’effondrer.

- Mais, j’avais pas trop envie de retourner à Poudlard…

Ce n’était pas peu dire. Le château avait beau toujours représenter pour lui comme pour de nombreux autres étudiants cet écrin de protection face à la violence du monde, Sean y avait vécu bien trop de choses pour souhaiter y reprendre une scolarité normale. Surtout quand il se sentait plus perdu que jamais vis-à-vis de son orientation.  

- Et finalement, j’ai enfin trouvé ce que je voulais faire…

Il lui avait suffi d’un dernier électrochoc... revoir son père - salement blessé – et se retrouver désespérément impuissant. Sean n’avait plus aucun désir d’avoir recours à la violence, et pourtant il se savait apprécier les moments d’adrénaline provoqués par l’urgence d’une situation. Mais il avait enfin compris sa principale motivation. Rendre ce foutu monde un tout petit peu meilleur en sauvant le plus de vies possible.

Le syndrome du Clearwater en somme…

- Je vais commencer une formation accélérée pour travailler au SAMU magique…

J’avais envie de mettre une gifle à ma sœur suite à sa remarque sur le Ministère. Qui payait son loyer ! Hein ? Papa ! C’était papa qui nous logeait et voilà comment elle le remerciait. Mais, évaluant mes chances, je me rendis compte aussi que j’étais à porté de tir de mon père. Si je mettais une baigne à ma sœur, nul doute que le retour se ferait aussi rapide que celle qui avait ouverte les ostilités. Même si j’étais physiquement en meilleur forme et plus agile, je ne sousestimais pas les compétences de mon père là dessus. Je me contentais juste de soupirer de manière bruyante à sa remarque pour dire à Sean :

« Tu es le meilleur à ses yeux maintenant. Même si tu l’étais déjà. »

Je levais plusieurs fois les sourcils pour provoquer ma sœur. Mais le souvenir de ce qu’il venait de dire Sean sur Yeleen ne me laissa pas de marbre non plus, et je laissais ça de côté pour mettre une main sur l’épaule de mon cousin.

« Ca va le faire. On s’en sort toujours en amour. ‘Fin… En théorie... »

Ma phrase s’éteint un peu éteinte. J’observais maintenant mon père faire ce qu’il faisait de mieux au monde après élever ses enfants dans l’amour qu’on ne lui rendait pas assez : la Magie. La trappe se déverrouilla, toute seule, alors que j’aurai certainement mis des semaines à l’ouvrir par mes propres moyens. Quand il me désigna en premier, j’eus envie de dire d’envoyer d’abord Lucy, que si quelqu’un devait mourir, elle avait le niveau. Mais… je préférais garder la blague pour moi, et je descendis.
Le petit escalier en colimaçon me rappela immédiatement Poudlard. Tout comme la pièce où je me retrouvais. Mon regard passa sur l’ensemble des choses, notamment les grimoires que j’arrivais à identifier ou non, et mes yeux se posèrent sur la statue avec émerveillement.

« La voie est libre, tu peux descendre Mandela ! »

On avait aussi eu un peu d’éducation moldu sur les libertés acquises par les moldus. Et Nelson Mandela convenait parfaitement à ma sœur, bien que j’aurai plutôt dit Lucy Mandale, en raison de ses petits coups vicieux.

« C’est vachement sympa comme endroit… C’est papie qui a rassemblé tout ça ? Hmm ? »

Je me mis à fouiner en attendant les autres descendre. Quand je vis Sean en premier, je me retournais vers lui, un grimoire à la main et je lui murmurais :

« Elle est vexée ? Non mais t’as vu comment elle nous cause et... »

Mais entendant des bruits de pas, je reprenais la lecture de mon grimoire comme si de rien n’était. Je donnais celui que j’avais dans les mains à Lucy, avec un petit clin d’oeil en disant à mon père :

« J’en connais une qui va tout lire en moins d’un mois. »