Asher Knox

 

J'avais douze ans quand nos routes se sont croisées pour la première fois, Louie et moi. J'avais déjà plusieurs arrestations à mon actif et j'en étais fier. C'était une marque de respect, dans ce coin, un signe qu'on était pas n'importe qui. J'entendais plus ma mère pleurer la nuit parce que la plupart du temps, j'découchais pour traîner avec mes potes. Mon but à c'moment-là, c'était d'rentrer dans le gang qui m'avait repéré. Sérieux à c'te époque, j'voyais vraiment ça comme une évolution de carrière ! Le défi était simple, braquer un vieux à plusieurs rues de là. Il tenait une espèce de salle de sport, et il gardait son argent dans une espèce de boîte en fer-blanc. Même pas de coffre, un jeu d'enfant, et j'y suis entré une fois la nuit tombée, quand tout le monde était parti.
Sauf que le vieux était encore là, et qu'il a même pas cillé quand j'ai sorti mon cran d'arrêt. Il a même souri, m'a nargué en m'disant que j'allais me blesser. J'ai vu rouge et j'lui ai sauté dessus sans réfléchir, pour me retrouver sur le cul avec une simple gifle, mon couteau dans sa main. Louie n'a pas appelé les flics, il m'a mis une paire de gants de boxe dans les mains et m'a dit que si j'arrivais à le battre à la loyale, sur un ring, j'pourrais repartir avec ce que j'étais venu chercher. Son fric. J'étais sûr de gagner face à ce vieux croûton quand j'ai posé le pied sur son ring, et j'me suis pris la plus grosse branlée d'ma vie. Et j'sais pas trop c'qui m'a poussé à revenir le lendemain, mais lui a pas eu l'air étonné. Il a souri, m'a lancé une paire de gants, et m'a tenu le sac pendant que je frappais dedans. Sans même m'en rendre compte, j'ai lâché l'idée de rentrer dans le gang, tourné le dos à mes postes et à mes conneries. J'suis retourné à l'école et j'ai arrêté de faire pleurer ma mère, et comme un coucou, j'étais dans la salle tous les jours, à suivre les conseils de c'vieux bonhomme.




C'est vers l'âge de quinze ans que ma magie est apparue. J'crois pas qu'elle ait eu le même impact que la boxe, mais ça m'a changé quand même, forcément. A l'époque pourtant, j'lai assez mal vécu parce que j'vivais que pour la boxe, avec l'espoir de devenir pro, un jour. En dehors des cours et du temps passé à la salle, j'avais un p'tit job dans une épicerie de quartier. J'avais enfin pris conscience des sacrifices de ma mère, et j'étais déterminé à l'aider d'mon mieux. J'me voyais pro du ring, battant les plus grands noms de la boxe et gagnant assez de thunes pour installer ma mère dans un château, avec toute une armée de domestiques pour prendre soin d'elle.
Alors aller étudier la sorcellerie à Poudlard contrariait mes plans, mais Louie m'avait mis assez de plomb dans la tête pour que j'prenne ça avec sérieux, malgré tout. Une connerie qu'il m'avait dite liée aux responsabilités, j'crois bien...
Me partager entre le monde sorcier et le monde moldu a pas toujours été facile, mais mes poings m'ont toujours bien servi dans les deux mondes qui représentaient ma vie. J'étais encore trop jeune et trop con pour me rendre compte de l'impact que le vieux boxeur avait eu sur ma vie, mais j'me suis pas vraiment posé de questions quand il a fallu se battre contre les Mages Noirs. A mesure que j'traînais du côté sorcier du monde, j'ai entrevu les possibilités qui s'ouvraient à moi, même si j'étais pas l'élève le plus assidû. Quand ma mère est morte d'un cancer foudroyant en revanche, mes rêves de boxe se sont un peu estompés. J'men suis voulu, de pas avoir été un fils parfait, de pas avoir eu l'temps d'lui offrir son château, et j'ai envisagé de tout lâché. Mais encore une fois, Louie et le ring m'ont aidé à prendre les bonnes décisions, et j'ai fini par décrocher mon diplôme.




Après la guerre contre les Mangemorts et la fin d'mes études, j'suis devenu Conjureur de Sorts. J'ai toujours été plutôt doué en duels, y r'trouvant certaines similitudes avec la boxe. Louie v'nait de mourir et j'avais plus d'attaches réelles hormis quelques potes, alors j'ai accepté les missions du Ministère, sans distinctions. Celles dont personne ne voulait, parce qu'elles étaient à l'autre bout du monde ou considérées trop dangereuses.
Voyager partout, sans rendre de comptes à personne ou presque, m'a plu. Pendant des années, j'rentrais à Londres seulement pour bâcler une paperasse au Ministère ou m'assurer que l'club que m'avait légué Louie continuait de tourner. Revenir à la salle m'a toujours fait un bien fou, comme si j'prenais une grande respiration après être resté sous l'eau pendant longtemps. J'ai jamais pu tourner complètement l'dos à ma vie de moldu et à cette salle de sport. Et puis, les deux vies étaient faites de combats, d'alcool et de femmes alors que d'mander de plus ?




Y a eu pas mal de changements ces derniers temps. Ma salle de boxe est devenue un point de deal et il y a fallu qu'j'y mette un terme, mon boss a changé au Ministère et j'sais pas trop quoi en penser et un pote moldu m'a appelé à l'aide pour l'aider à résoudre ses problèmes. Bobby était un porte d'enfance mais lui n'a jamais eu la chance ou l'courage de tourner l'dos aux p'tites magouilles. Il devait un paquet de fric à la mauvaise personne, et savait pas comment s'en sortir. Coincé dans l'monde sorcier, le temps que j'reçoive son message, il était trop tard. Quand j'suis arrivé chez lui, il était mort et j'ai r'trouvé sa môme cachée dans un placard. J'avais vu Lilly qu'une fois ou deux jusqu'à maintenant, et j'savais qu'sa mère était encore moins capable que Bobby d's'occuper d'elle. Et qu'est-ce que j'pouvais faire ? Le mec qui a fait buter Bobby n'a toujours pas récupéré son fric, et c'est clairement le genre de mec à s'en prendre à la p'tite pour son pognon. J'ai eu la mauvaise surprise de découvrir que Bobby, en bon père de famille, m'a désigné comme la personne de son entourage la plus apte à s'occuper de sa gamine, même si ça laisse la personne des services sociaux en charge du dossier de Lilly visiblement dubitative face à cette affirmation. J'ai aucune envie de me charger de cette petite, mutique depuis qu'elle a vu son père s'faire tuer. J'suis pas compétent pour ça, et ma vie est pas faite pour que la gosse y ait une place. Pourtant, son regard triste m'empêche de lui tourner l'dos, de laisser ces bureaucrates la placer n'importe où. Alors j'me retrouve comme un con à m'occuper d'la gamine sans savoir comment m'y prendre. Juste le temps de trouver quelqu'un de bien pour s'occuper d'elle hein, entendons-nous bien...