A contre-temps. (Maeve)

Un peu nerveux, j’attendais la fin des consultations de Maeve Cynfeirdd. Personne n’avait ouvert la porte, à croire que la dernière consultation avait du être super longue. La secrétaire à l'entrée m'avait demandé de m'annoncer mais pour éviter de lui parler, j'avais montrer mon badge du Bureau des Aurors et dit que je venais voir une connaissance... C'était brillant de ma part!
Depuis quelques temps, ma vie semblait aller mieux. Bien mieux. Mais… Je m’étais dit qu’il fallait peut être que je consulte. Pour régler ce qu’il y avait encore à régler. Et puis, je m’étais rappelé qu’elle sortait désormais avec mon père, et je me demandais si c’était une bonne idée de venir ici pour ça. Je faisais confiance au secret professionnel mais… mais… et si elle lui disait tout ? Mon père transplanerait certainement dans la minute où il saurait que ça n’allait peut être pas si bien que ça et il demanderait de m’expliquer. Depuis qu’on avait perdu maman, c’était plus le même.
Maman.
Je baissais la tête, et brusquement j’eus envie de pleurer. J’essayais au maximum de ne pas y penser mais je savais que si elle avait été encore de ce monde, elle aurait su ce que je devais faire. Mes mains se serrèrent et enfin, elle apparut devant la porte sans sortir de son cabinet. Quel idiot ! Elle ne devait pas consulter aujourd’hui, j’avais de la chance qu’elle soit repassée... Je me levais alors, et je passais ma main dans mes cheveux, avançant de ma démarche de Clearwater assuré qui devait certainement lui rappeler mon père :

« Vous êtes Madame Cynfeirdd ? » dis-je comme un con alors que je savais très bien qui elle était.

Je tripotais mes propres mains comme un gosse, parce que c’était ce que j’étais réellement. D’ailleurs, j’avais soudain plus du tout envie de parler. Plus du tout envie de me confier. Tout se bousculer dans ma tête. Vite et trop vite comme toujours. J’avais en face de moi celle qui remplaçait ma mère dans la vie de mon père. Et je comptais à l’origine venir la voir pour qu’elle m’aide dans la mienne. Solvi, le bébé qu’on avait jamais eu, Perséphone qui était mon rayon de soleil mais avec qui j’avais manqué de tout faire foiré plusieurs fois. Les nuits et les heures perdues dans mon travail, à faire du rab…

« Je… euh… je peux rentrer ? C’est… Bah, on a jamais été présenté et… je me suis dit que c’était peut être l’occasion. Vous savez, avant que ce soit formel entre vous et mon père. Même si c’est déjà formel et… voilà. Oh je suis con. Je suis Ferguson Clearwater, le fils de Jameson. Pardon. »

Je tendais une espèce de vielle main molle pourrie avec un rictus jaune et un teint blême. Ca revenait. Je sentais la pique bien présente dans ma poitrine me serrait à nouveau. L’angoisse. L’angoisse toujours là comme une vieille amie, comme un fantôme. L’angoisse de perdre encore quelqu’un de cher, qui me tournait autour tel un rapace. Ma main tremblota un peu, et finalement… Je perdis tout le courage qu’un Clearwater et ancien Gryffondor pouvait avoir pour dire :

« Voilà… je… je vais pas vous embêter plus longtemps. Vos permanences sont courtes et… et je veux pas abuser de votre temps. »

Je reculais, manquant de trébucher en prenant mes pieds… dans mes propres pieds.

« Voilà. Euh, voilà... »

Ma respiration se faisait de plus en plus rapide, mais j’arrivais à la contrôler. Avec le temps, je maîtrisais parfaitement ces petites crises d’angoisses quand elles arrivaient. Pourquoi j’avais à ce point pensé à maman… Il fallait que je me casse de là et que j’aille voir Lucy.
C’est d’ailleurs uniquement à ce moment là que je vis le petit mot sur la porte qui disait qu’elle n’exerçait plus et que le cabinet était désormais… à quelqu’un d’autre.

« Vous arrêtez ? Vous vous lancez dans l’événementiel ? » dis-je alors en paniquant un peu.
Mais pourquoi j’avais dit ça ?…
C’était donc ça, ce que la secrétaire avait voulu me dire en bas de l’immeuble… Mais j’avais dit que je venais voir une connaissance… Donc forcément, elle m’avait laissé passé… Quel imbécile.

Le Dr Wanda n'avait eu aucun mal à reprendre la clientèle de Maeve. Il fallait dire qu'elle avait toujours été très compétente et d'une nature solaire, tout à fait le genre de personne à qui il est facile de se confier. Elle n'avait eu qu'à embaucher une nouvelle secrétaire, une petite vieille assez revêche étonnamment. Maeve avait convenue de passer pour finaliser quelques détails administratifs. Cela ne prit pas bien longtemps et lorsqu'elle ressortit, laissant Miss Wanda tout à l'étude du dossier de son prochain patient, ce ne fût que pour tomber sur le fils de @Jameson Clearwater , planté au milieu de la salle d'attente. Il la salua avec ce drôle de formalisme qui disait bien qu'il ne se sentait pas à l'aise. Maeve haussa un sourcil, croisant les bras sur sa poitrine pour mieux l'observer. Dans son trois pièces"Elegance de chez Wellington ( @Aurora Illiadis ), elle tranchait avec la chasseresse qu'il avait rencontrée entre les marais et la lisière hostile de la forêt d'Ysbryd, près d'un an auparavant. Tandis qu'elle analysait son langage corporel pour le moins transparent, il continuait les présentations, plus gauche qu'autre chose. Elle aurait eu plus que deux ou trois choses à dire sur ce qu'il en était de sa relation avec Jameson mais elle se tut, estimant que ça n'était pas de cette façon que le chef de clan entendait officialiser auprès de ses enfants. Alors elle se contenta d'un :

« Je vous remets parfaitement bien Fergus. Ravie de voir que Crone's Cwt ne vous a pas mangés tous crus... »

Elle eut un fin sourire malicieux, se délectant de la lente remontée des souvenirs et se demandant s'il allait la remettre malgré son apparence soignée. Il était tout de même auror... Quant à l'objet de sa visite...

« Vous ne m'embêtez pas. Je n'étais que de passage. Je n'exerce plus alors je peux vous consacrer autant de temps que nécessaire. »

Elle eut ce doux sourire, serein et indulgent qui donnait généralement envie de s'ouvrir à elle. Cette nouvelle produisit un drôle d'effet sur le fils de Jameson, qui lui tira une petite virgule amusée à la commissure des lèvres.

« L'évènementiel ? », elle ne put réprimer un petit hum amusé. Il fallait espéré qu'il était meilleur enquêteur sur le terrain, « Mais pourquoi ? »

Quand elle déclara qu’elle n’exerçait plus, je baissais un peu la tête. C’était stupide d’être venu ici finalement me dis-je. Non seulement elle était proche de mon père donc elle aurait refusé de m’écouter sur ce que j’avais dans la tête, mais en plus elle n’exerçait plus. Le destin me mettait encore en évidence que je n’avais peut être pas besoin d’une psychanalyse. Ou alors je la fuyais. Quoi qu’il en soit, je relevais ma tête vers elle en passant ma main dans mes cheveux pour essayer de dire d’un air décontracté :

« J’ai un peu paniqué. Vous savez, mon père n’a jamais rencontré personne à part ma mère, enfin ca a jamais été serieux. Donc c’est un peu nouveau pour moi. » dis-je en essayant de noyer le poisson.

Je regardais ailleurs, avec une soudaine envie de transplaner et de partir de là. D’ailleurs, l’expérience qu’elle me rappela concernant la sorcière fit jaillir en moi le souvenir de Solvi. Tout avait mal commencé à partir de là, et peut être qu’en effet cette peste de vieille dame m’avait maudit sur plusieurs générations.

« Oui. Oh, vous savez, il en faut plus pour abattre un Clearwater. On est du genre tenace. »

Je la regardais avec un petit air de défi. Bon maintenant j’étais un peu pris au piège. Mon propre piège. Qu’est ce que j’allais bien pouvoir lui dire, alors que mon estomac était en train de se nouer aux souvenirs douloureux de Solvi et de tout ce qui en avait suivi ? Je fermais mes pensées comme un bon Occlumens, à mon maximum. Mais je savais que ça allait peut être avoir de lourdes conséquences si mon père avait vent du moindre soupçon sur le fait que j’aille mal.

« Je voulais juste… vous rencontrez. En personne et plus intimement. Parce que derrière son apparence bourru, mon père est quelqu’un qui a un énorme coeur sensible. J’espère qu’il sera heureux avec vous. »

Ca sonnait presque comme un avertissement. Mais en même temps, le Chef de Clan prenait soin du Clan mais… qui prendrait soin du Chef de Clan ? Ca me revenait, son fils aîné, de vérifier qu’il ne soit pas avec une femme redoutable qui puisse lui briser le coeur à tout moment. Empêtré la dedans, j’estimais qu’une dispute avec mon père valait mieux désormais que son inquiétude à mon sujet.

« Mais ça j’en doute pas, je ne l’ai jamais vu si heureux. Même s’il essaie de le cacher… Je l’ai surpris l’autre jour à siffloter… Il sifflote jamais. Bref. »

Je regardais autour de moi et… mon coeur se serra un peu plus fort et mon estomac se fit plus lourd. Moi aussi j’avais rater des choses dans ma vie et maintenant que Perséphone était là, je ne voulais plus rien rater, comme mon père je voulais avoir droit à un nouveau départ, et avoir accès au bonheur mais… ça passait par quelques sacrifices et obligations. Pour rendre Perséphone heureuse, je devais être libéré, aussi prenant mon courage à deux mains, je déclarais finalement :

« Vous n’avez pas connaissance d’un ou d’une collègue compétente ? C’est… pour un ami. Qui aimerait que son père ne soit pas inquiété qu’il consulte. Si vous voyez ce que je veux dire. »

Comme à son habitude, elle jaugeait plus qu'elle ne parlait et d'ailleurs, avec ce jeune M. Clearwater, il n'était guère besoin de plus. Elle l'avait déjà remarqué à Crone's Cwt mais ici c'était d'autant plus flagrant qu'ils avaient désormais des affaires communes. Ou plutôt une affaire en commun. Malgré tout, un léger sourire la trahit comme il se livrait avec une âme, presque, d'enfant, sur la vie amoureuse de son père. Elle savait que Jameson n'avait pas vraiment franchi le cap d'un engagement sérieux depuis le décès de sa femme. C'était même la raison qui l'avait poussé à venir s'asseoir dans sa salle d'attente. Elle se souvenait de cet homme pudique et farouche, dansant sur le fil pernicieux d'une culpabilité toute légitime.

« Je ne mords pas rassurez-vous Fergus et je me doute que ce ne doit pas être évident même après tout ce temps. »

Au moins la réaction de Fergus avait cela qu'elle ne lui volait pas au visage comme celle de @Freya Korrigan , du moins pour l'instant. La situation était différente, il fallait bien l'admettre. Maeve n'était pas veuve et, quoi qu'en dise le Ministère de la Magie, l'anneau de claddagh des Korrigan n'était pas bien loin.

A ce petit air un tantinet trop sûr de lui, il attira son attention. Il ne tournerait pas si facilement la page, justement car c'était un Clearwater. Jameson n'avait pas manqué de lui parler de la tragédie qui avait séparé son fils et sa future-bru. Une bien triste histoire dont on n'aurait pu se remettre si vite à moins de n'avoir pas de coeur. Sans surprise, Fergus ne s'embarqua pas sur le sujet. D'ailleurs Maeve ne l'avait évidemment pas soulevé. La conversation en revint donc tout naturellement à leur affaire commune : Jameson.

« C'est naturel, je comprends. Votre père et moi envisagions de formaliser les présentations très prochainement mais vous savez ce que c'est, on procrastine et il semble que le moment n'est jamais suffisamment idéal. Je m'en excuse. Nous aurions sans doute dû précipiter un peu les choses. » ils avaient jalousement couvé leur idylle, comme deux garnements les poches pleine de bonbons. Ça avait été depuis de longs mois, un temps de respiration aux vertus insoupçonnées. Ils leur avaient fallu beaucoup de ces moments volés avant d'être prêt à partager quoi que ce soit avec les autres. Et il y avait eu tout le reste aussi, mais de cela, elle ne dirait mot. Ses lèvres prirent un petit pli attendri comme Fergus lui faisait part de ce qu'il avait pu observer chez son père et qu'il mettait naturellement en corrélation avec sa nouvelle compagne.

« Je ne sais pas si je peux m'en attribuer le mérite mais j'ai plus plaisir à la voir heureux que malheureux... »

Elle entendait très bien ce que le fils aîné ne disait qu'entre les lignes et c'était là sa façon d'y répondre. Elle l'avait souvent dit à Jameson d'ailleurs. Rendre une autre personne responsable de son propre bonheur n'était pas chose à faire. Si Jameson était heureux, c'était avant tout de son fait à lui. Elle avait simplement le privilège d'en être le témoin privilégié et c'était vrai qu'ils riaient beaucoup tous les deux. Chose qui ne lui était plus arrivé tant que ça depuis la disparition d'Eochaid.

A nouveau, quelque chose changea dans la physionomie du jeune Claerwater. Sans doute quelque chose qui l'agitait depuis bien avant le début de cette conversation? Après tout, n'était-il pas venu la trouver à son ancien cabinet ?

« Oh! Je vois tout à fait. Figurez-vous qu'on m'a justement recommandé cette adresse. Il parait que le Dr Wanda a un talent inné pour ce genre de choses et il se trouve que ça n'est pas une connaissance de votre père... »

Il ne serait pas venu pour rien.

« En tout cas, vous avez fait le plus difficile Fergus, rassurez-vous. », elle lui adressa un sourire plutôt encourageant. Prendre la décision de consulter et s'y employer vraiment était le premier pas, « Miss Wanda est... vous verrez. Je vous remets entre ses mains les yeux fermés. »

Les mains dans les poches de ma veste, je regardais une des portes qui indiquait le Dr Wanda. Un petit voile passa sur mon visage, ne sachant pas si je trouverais le courage de véritablement revenir. Mais… Il le fallait. Au moins pour moi, parce que ces derniers temps j’avais du mal à avancer mais… Admettre que l’on avait besoin d’aide, ne faisait pas parti des choses que j’acceptais facilement.

« Je prends bien note, merci beaucoup. » dis-je simplement.

Relevant mes yeux, moins fuyant vers elle, je pris un instant pour me mettre à sourire. Formaliser les présentations ? Est-ce qu’elle savait dans quoi elle s’engageait ? Pour moi c’était acquis, je ne voulais que le bonheur de mon père mais… pour ma grand-mère et ma sœur c’était une autre paire de manche. Avec un petit sourire espiègle, je répondis :

« J’ai hâte de ces petites présentations. Vous verrez, ma petite sœur Lucy est… un vrai rayon de soleil. »

Je levais les yeux en souriant. J’avais vraiment hâte de voir cette scène remplit de chaos. Comment réagiraient-elles toutes les deux ? A se faire des faux-compliments en mode passive-agressive ? Ou alors à s’ignorer ouvertement ? Avec Lucy c’était toujours une nouvelle surprise à chaque repas de ce genre…

« Bien, je ne vais pas prendre plus de votre temps dans ce cas, Madame Cynfeirdd. Encore merci pour tout. »

Je continuais à sourire, puis je passais ma main dans mes cheveux. J’allais partir, avec ma dégaine d’Auror quand je fis demi-tour. J’avais presque oublié le principal concernant cette nouvelle relation. Mes yeux se plissèrent et je me retournais pour dire simplement, comme un avertissement :

« Faites quand même attention dans les… aventures, auxquelles mon père serait embarqué. Par amour, il est prêt à faire n’importe quoi, y compris risquer sa vie. »

Je restais là, face à elle à la regarder dans les yeux. Je laissais l’information, cette petite menace ? Non, simple avertissement monter à son cerveau. Lucy serait si fière de moi… J’avais le courage de prendre son côté. Enfin… son côté… a supposé qu’elle soit contre Maeve ! Si ça se trouve, cette petite peste allait l’accepter comme une nouvelle super maman à aimer. Cette pensée impossible me fit sourire intérieurement.

« Et ça, c’est pas un truc qui est bon pour… son âge. Il est mieux dans un petit bureau à exercer sa passion en recherche magique plutôt que de courir toute la Grande Bretagne au devant des dangers. J’aimerai que mes futurs enfants connaissent leur papy. »

Putain mais pourquoi j’avais dit ca.

« Et leur mamie. »

J’avais l’impression d’être un tracteur en train de s’enfoncer dans la boue des Highlands… Je passais ma main dans mes cheveux une fois de plus, complètement à côté de mes pompes.

« Enfin vous avez compris l’idée. »

J’ouvrais la bouche, pour dire que je n’étais pas d’accord. Que c’était mon rôle de fils aîné de veiller sur mon père et aussi sur le chef de Clan, car si il veillait sur le Clan… Qui veillait sur lui ? Je me renfermais un peu, ainsi que mon esprit pour avoir un air neutre sur le visage. Il y avait quand même du vrai, je manquais d’expérience en la matière mais… Elle était passé rapidement sur la défensive.

« Je vous demande juste de veiller sur lui. » terminais-je.

Dans un petit geste rapidement, je notais les coordonnées de la psychanalyste qu’elle me recommanda, puis, sans cérémonie je levais la main pour lui dire aurevoir.

« Prenez soin de vous, et… encore une fois, je suis vraiment content pour vous. »

Je clignais plusieurs fois des yeux et je m’en allais, les mains dans les poches de ma veste en cuir marron comme à mon habitude. J’étais parti un peu vite, mais en même temps, si j’étais resté plus longtemps j’aurai été vulnérable face à elle. Dire qu’à l’origine, j’étais parti pour faire une psychanalyse. Sortant le petit bout de parchemin, avec le nom de la psy une fois à l’extérieur du batiment, je le chiffonnais finalement pour le jeter à la poubelle. J’avais pas besoin de ça. J’avais Perséphone dans ma vie, et c’était suffisant.
Du moins, à l’époque, je le croyais.