Feeling good (Yara)

ft. @Diego Oliviera



Combien d'hommes et de femmes politiques s'étaient succédés au poste convoité de Ministre de la Magie ? Tant de sorciers, tous plus doués les uns que les autres malgré certaines opinions ou mœurs plus ou moins discutables, avaient défilé entre ces murs épais que rien ne semblait pouvoir ébranler. Les parpaings, renforcés par de puissants sortilèges formulés par les plus puissants mages de la société britannique, se dressaient toujours avec fierté, indomptables et rigides malgré le temps qui avait passé.

Il y a quelques mois de ça, Yara Morães De Carvalho, elle, s'était montrée pour une fois plus fragile que ces murailles massives qui protégeaient les secrets les mieux gardés au monde. Au départ du gouvernement Dunn, elle était partie, elle aussi. Incapable de supporter un monde plus tolérant, plus ouvert, après tant d'années passées à se battre contre un courant d'air. Mais c'était sa lutte à elle. Une tornade de tous les instants et dans laquelle elle prenait plaisir à se laisser emporter, chaque soir, à la nuit tombée. Tant qu'elle respirerait, ses ennemis jurés halèteraient en sachant qu'à tout moment, elle pourrait apparaître. C'était une promesse qu'elle avait un jour formulée. Jamais oubliée.

Une fois le soleil levé, Yara s'efforçait de se montrer sous un visage différent. Pour que l'illusion se fasse, quotidiennement. C'est pour cette raison qu'elle avait choisi de rejoindre le conseil international sorcier. Pour préserver les apparences, tandis qu'elle continuait de s'adonner à son sport favori dès qu'elle le pouvait. À la moindre fenêtre de tir, ses traits doux se durcissaient. Munie de sa lame d'argent, la plus large et la plus tranchante, celle qu'elle ne pouvait emmener partout avec elle sans paraître trop louche et trop sanguinaire, elle traquait les lycans que la société sorcière semblait mieux accepter, désormais.

Pas elle.

Perdue dans ses pensées, elle n'entendit même pas son nouveau binôme lui parler avec toute l'indélicatesse qui le caractérisait.

« Vai se fuder, avô*. »

C'était probablement son plus grand plaisir depuis qu'elle avait accepté ce nouveau job tombé du ciel. Insulter en portugais et se recevoir une flopée d'injures en retour dans sa langue natale.

C'est qu'elle avait trouvé un nouvel emploi beaucoup plus facilement qu'elle ne l'aurait pensé, au vu de ses antécédents. Et si ça signifiait devoir se coltiner l'homme le plus antipathique que cette terre ait jamais connue — il rivalisait sans mal avec cette énergumène de @Thesus De Clare —, soit. Yara n'avait jamais été une grande fan de sacrifice, mais cette fois, elle prendrait son mal en patience. Pour le bien de sa couverture.

Observant son coéquipier vérifier son matériel, elle entreprit d'en faire de même, s'assurant dans le même temps que sa dague d'argent était toujours à sa place en tapotant son holster de cuisse, non loin de sa baguette. Elle l'entendait déblatérer les infos qu'il détenait sur Freudenberg avec une nonchalance sordide, laissant flotter dans l'air une odeur particulièrement âpre quand on savait les horreurs que ce dernier avait pu commettre.

« T'inquiètes pas pour moi. J'ai vu pire. Après tout... Je vois bien ta gueule de con tous les jours maintenant », lâcha-t-elle simplement avec un sourire sournois, visiblement très fière de sa répartie, tout en continuant de s'affairer autour de ses équipements.

L'instant d'après, elle jeta un regard sur le dossier qu'il lui avait présenté. Avant de s'en désintéresser ouvertement, sans une once de retenue. La vérité, c'est que Yara n'avait pas pour habitude de se faire mal deux fois. Elle n'avait pas besoin de se préparer à l'horreur avant de la confronter et préférait encore sauter les deux pieds joints dedans.

Serrant ses lacets avec la même fermeté qu'elle serrait sa mâchoire, elle se redressa avant de s'approcher de ce visage si familier qu'elle n'avait jamais réussi à replacer. Diego était un morceau de son passé, mais elle ne s'était encore jamais aventurée à lui demander quoi que ce soit, de peur de sa réponse. Même si elle préférerait certainement parler d'indifférence.

Ses yeux se plongèrent dans les siens avant qu'il ne passe la porte alors qu'il lui intimait avec une politesse hors-norme de le suivre. Habituée de ses sautes d'humeur, Yara l'ignora franchement.

« Une dizaine de disparitions ont été signalées dans le secteur ces dernières semaines », récitait-elle comme un discours qu'elle aurait appris par cœur, signe qu'elle avait travaillé le dossier sans relâche depuis son admission au CIS. Tout comme ceux des autres criminels internationaux activement recherchés. « Essentiellement des moldus isolés. Pour l'instant, ça ne s'ébruite pas parce qu'ils ont tous le même profil : camés, alcooliques, brisés, sans domicile fixe, en rupture totale avec leur famille s'ils en ont une. La presse parle de règlement de comptes sur fond de trafics. Mais il y a de grandes chances qu'on tombe juste. Alors dans le doute, on ne va pas lui laisser une seule chance de s'en sortir et on va lui donner sur un plateau exactement ce qu'il cherche : des cobayes. »

Un large sourire mauvais s'étira sur ses lèvres alors qu'elle sortait deux fioles de sa poche avant de les secouer devant ses yeux. Elles contenaient chacune un unique cheveu : l'un était épais et sombre, l'autre nettement plus clair et fin.

« Tiens-moi ça », ordonna-t-elle, soudainement plus joyeuse alors que l'excitation montait, en lui donnant de force les deux contenants alors qu'elle sortait d'un placard deux flasques. « Au risque de te décevoir Oliviera, c'est pas du whisky pur-feu. Une chance que j'ai écouté pendant mes cours de potion et que je sache préparer les meilleurs polynectar de la région, hm ? »

Au moins, si Diego ne l'avait pas encore compris, il était clair que Yara n'avait peur de rien.

Encore moins de se jeter dans la gueule du loup.


* Va te faire foutre, grand-père.

ft. @Diego Oliviera



Les traits grimaçants qui s'affichèrent sur le visage de Diego à l'instant où il comprit ce qui les attendait n'avaient rien d'étonnant. Une idée, quelle qu'elle soit, ne pouvait pas être bonne si elle n'émanait pas de son précieux cerveau. Admettre que ce fut un plan malin, selon ses propres mots, avait dû s'avérer douloureux pour l'avare de compliments qu'il était. Cette pensée créa un sourire mauvais qui s'étendit sur le visage de Yara.

Se délecter de la souffrance des autres était définitivement un de ses passe-temps préférés.

Et en parlant de souffrance... l'ancienne chasseuse imita son partenaire sans même relever son commentaire misogyne. Un épais breuvage couleur boue s'écoula doucement dans sa gorge alors qu'elle portait la flasque à ses lèvres, si dense qu'elle manqua de s'étouffer en l'avalant. Le polynectar leur offrait de nouvelles identités et apparences pendant les prochaines heures, mais il avait toute la saveur son aspect : un terrible arrière-goût de terre et d'humus lui donna instantanément la nausée.

Mais Yara se contenta d'encaisser.

Il était impensable de se montrer vulnérable pour sa première vraie mission au CIS.

De se montrer vulnérable tout court, d'ailleurs.  

•••

Liverpool. Trente minutes plus tard.

La transformation était bluffante. Les cheveux éclaircis, les yeux azur, la Sud-Américaine n'avait plus aucun trait de son Brésil natal. Elle ressemblait désormais à une Britannique tout ce qu'il y avait de plus commun, si ce n'était qu'une partie de son crâne était rasée et tatouée, lui donnant un air bien plus farouche que ceux que l'on pouvait rencontrer dans le centre-ville de Liverpool.

Diego non plus n'avait plus rien du vieil homme délabré qu'elle avait quitté au Ministère, arborant désormais un visage plus jeune et nettement plus séduisant. Son physique de remplacement était charmant, mais sa voix brute et son discours tout aussi primitif laissait peu de place aux apparences — du moins, pour ceux qui le connaissaient.

« C'est vrai qu'à bien y penser, t'aurais même pas eu besoin de prendre du polynectar toi », rétorqua Yara sans une once de délicatesse. « La prochaine fois, pour éviter ça, pense à venir avec un plan. »

Ses dents grinçaient sous l'effet de sa mâchoire serrée. Les critiques ne l'atteignaient pas, mais elle ne pouvait s'empêcher d'aboyer comme un animal sauvage. Sauvage, Yara l'était un peu. Peu nombreux étaient ceux qui l'avaient déjà amadouée. Ils se comptaient d'ailleurs sur les doigts d'une seule main.

Autour d'eux, plusieurs personnes agissaient comme des êtres égarés, sans but particulier. Certains s'affairaient autour de campements de fortune, tandis que d'autres regardaient le temps passer. Le monde paraissait tourner au ralenti, et Yara fut frappée par cette absence d'attachement matériel qui lui rappelait chez elle. Maintenant qu'elle avait tout, elle n'était pas plus heureuse qu'avant. C'était même paradoxal de constater que c'était tout le contraire.

« T'arrêtes jamais de te plaindre ? », demanda-t-elle à Diego, tout à coup plus agressive qu'à l'accoutumée.

Elle n'était pas tendre, mais sa hargne était en harmonie avec ses traits d'adoption et son regard durs. Yara approuva le plan d'un simple geste de la tête. Après tout, elle était avec Diego pour faire équipe, même si elle avait toujours eu horreur de cette notion.

Ils n'eurent même pas besoin d'attendre quelques minutes. Une silhouette s'approchait d'eux dans ce qui ressemblait à une maraude et, aussitôt, des yeux bleus toisèrent l'homme qui était apparu à leurs côtés. Les iris d'emprunt de Yara étaient d'une froideur glaçante et déconcertante. Rien en elle n'était chaleureux, mais elle avait l'avantage de ne pas avoir besoin de jouer un rôle.

« Ça dépend, vous proposez quoi à manger ? », demanda-t-elle, en croisant les bras sur sa poitrine dans une posture de défi. « Vous allez faire comme la dernière fois et nous dire qu'en fait vous avez plus rien à nous proposer parce que votre stock du jour est écoulé ? »

L'homme fit mine de bafouiller alors que tout comme Diego, Yara avait parfaitement entendu l'accent allemand sous cette voix amicale en s'efforçant de faire disparaître le sien. Un sourire s'afficha sur son visage avant qu'elle n'éclate bruyamment de rire.

« Ça va, je rigole. On va pas dire non à un peu de chaleur et de nourriture hein, pas vrai Warren ? », demanda-t-elle d'une voix forte et masculine en lui tapant brutalement le dos.

Dans une démarche abrupte, elle emboîta le pas de l'homme alors qu'ils se dirigeaient vers un grand entrepôt et son sourire s'évanouit à l'instant même où elle lui tournât le dos. Sa baguette était soigneusement dissimulée sous ses vêtements de fortune et bien qu'elle savait qu'il ne lui faudrait pas en faire usage tout de suite, elle se tenait prête.

Il était impossible de savoir à quoi s'attendre dans une telle situation, alors qu'ils étaient tous deux suivis de près par trois potentiels acolytes de Freudenberg.

À l’intérieur, Yara eut besoin de quelques instants pour s’accommoder à l'absence de lumière, contrastant avec le soleil d'hiver éclatant qui leur avait brouillé la vue. Et lorsque ses yeux firent finalement la mise au point, une quinzaine d'hommes se tenait droit devant eux.

Dans leur dos, la porte se referma dans un bruit sourd qui résonna dans tout le hangar.

ft. @Diego Oliviera



Diego pouvait bien proférer les pires insultes à son encontre — Yara tâchait toujours de rester de marbre. Il pouvait bien lui balancer les pires horreurs à la figure. Il pouvait bien lui asséner le plus mauvais des regards ; l'ancienne chasseuse avait suffisamment de mordant et de répondant pour répliquer en le regardant droit dans les yeux quand une situation le demandait. Pourtant, il avait suffit que son binôme se fasse toucher par un sortilège pour qu'elle détourne le regard, préférant encore asséner un coup bien placé à l'un des assaillants qui avait tenté de la prendre par surprise en arrivant sur son côté. Elle ne sortit sa baguette que pour les entourer tous les deux d'un large Protego Totalum dont elle avait le secret, et assommer les deux derniers Allemands avec un Bombarda Maxima d'une simplicité redoutable, mais toujours diablement efficace.

Par combat rapproché, Yara n'entendait pas la même chose que la plupart des sorciers. Elle avait grandi sur une île où la magie ne s'exprimait pas seulement au bout d'une baguette et où la terre avait été marquée par la culture de ses ancêtres, moldus et sorciers. Elle avait donc toujours préféré la capoeira au Quidditch, et ce qui n'avait longtemps été qu'un simple passe-temps aux yeux de tous était aujourd'hui une technique de combat à part entière qu'elle plaçait au même niveau que le duel sorcier. Ce qui avait de quoi surprendre ceux qui venaient se frotter à elle ; ce subtil mélange entre magie et corps-à-corps faisait de Yara une adversaire bien plus redoutable que son allure ne le laissait à penser.

Une fois que le silence fut de retour dans l'entrepôt, elle s'approcha de Diego en pliant ses genoux pour se mettre à sa hauteur. Son souffle était court. Elle avait toujours autant de hargne et de violence en elle, mais il fallait bien admettre que ses 20 ans étaient loin désormais.

« Vou ter que comprar uma cana pra você, avozinho* », murmura-t-elle à son tour, sans toutefois demander s'il allait bien ni même prêter attention au décalage entre son vrai corps et celui de substitution.

Yara savait ne pas se montrer totalement cruelle par moments, mais de là à être attentionnée ou redevable... Son visage s'étira dans un maigre sourire, un brin moqueur, alors qu'elle lui tendait sa main pour l'aider à se relever sans prendre la peine de le remercier de l'avoir protégée. Elle n'avait besoin de personne pour ça.

L’entrepôt était si vaste que la prudence était encore de mise malgré le raffut qu'ils venaient de causer. D'un geste rond, elle vint ensuite balayer l'espace en lançant un Hominum Revelio.

Les deux représentants du CIS étaient seuls. À l'instant même où cette information fit son chemin dans son esprit, Yara commença à laisser son regard se balader entre les murs du bâtiment.

« Il faut qu'on trouve des indices qui nous permettront de retrouver la trace de Freudenberg. On ne peut plus compter sur eux pour nous guider jusqu'à lui », précisa-t-elle avec dédain en levant le menton vers les tâches sombres qui occultaient le sol. Sa bottine se déposa sur l'une des masses informes pour la dérouler vers eux et révéler son visage.

* Je vais devoir t'acheter une canne, papi.

ft. @Diego Oliviera



Lassée d'entendre ses répliques misogynes, Yara dû en appeler au peu de patience qu'elle possédait pour ne pas arracher les yeux à son supérieur. C'était encore le moyen le plus efficace de faire en sorte qu'il ne puisse plus jamais apercevoir son postérieur, même en plissant les paupières.

Au lieu s'attaquer à ses globes oculaires, Yara entreprit d'utiliser les siens à bon escient pour le regarder réaliser avec brio deux sortilèges aussi puissants l'un que l'autre, signe qu'elle n'avait pas en face d'elle le dernier des cracmols. Assoiffée de pouvoir et un peu jalouse de ce sorcier chevronné, elle l'observa s'exécuter du coin de l’œil, feignant l'indifférence à la perfection en faisant les cent pas comme pour mieux prendre le pouls des lieux. Tandis que Diego lui faisait part de ses trouvailles et développait deux plans potentiels, la sentinelle souffla du nez. Des filaments de lumières s'échappaient déjà de sa baguette et s'étiraient en de larges voiles translucides qui faisaient disparaître une à une les traces qu'ils auraient été susceptibles de laisser derrière eux. Elle aussi maitrisait ces sortilèges à la perfection pour les avoir tant de fois répétés, surtout depuis qu'elle avait quitté le Ministère.

D'un geste vif, elle sortit ensuite de sa poche deux fioles qui contenaient les restes du même breuvage qu'un peu plus tôt. L'avantage, c'est que Yara n'avait pas besoin de répondre pour que Diego comprenne la suite de son plan à elle : prendre quelques cheveux de l'un de ces badauds entremetteurs et en savourer les essences jusqu'à parvenir au prochain point de collecte.

•••



Un nouveau bâtiment s'offrait à eux, dignes des plus grands films d'horreur. La bâtisse rappelait l'architecture des plus grands manoirs d'Europe, ces monstres maçonnés impressionnants de leur temps. Plusieurs indices révélaient que le lieu avait souffert du poids des années. De là où ils étaient, cachés par un sortilège de désillusion derrière un buisson, les deux acolytes pouvaient voir des murs décrépis, parsemés d'impacts profonds çà-et-là. La végétation avait repris ses droits et le vent devait prendre plaisir à s'engouffrer à travers les carreaux de verre explosés. Le lieu était si lugubre et blafard qu'il était certain qu'ils étaient arrivés au bon endroit.  

« Bon. Tu te rappelles ce qu'on a dit », commença-t-elle, avec un ton un peu trop enjoué dans un contexte aussi périlleux. « Ton nom de code est Major Angel. Ta mémoire a probablement été effacée par o outro louco, donc tu sais simplement que tu as la trentaine. Ta famille allemande a déménagé à l'étranger mais toi et ton frère, vous êtes restés dans les parages parce que vous avez trouvé du travail dans les environs. C'est pas terrible et vous ne savez pas de quoi il s'agit exactement, mais ça paye bien. Il vous suffit juste de livrer des moldus égarés à un point donné. Et aujourd'hui, la saisie n'était pas probante parce qu'une autre association, une vraie, a marché sur nos plates bandes. On revient bredouille. Je te rappelle que c'est moi, ton frère, si t'avais un doute. Et mon nom de code, c'est Red Salesman. T'as tout en tête, velho ? On peut y aller ? »

Grâce à la particularité magique de Diego, ils avaient pu tirer un profil plus précis des types qui avaient tenté de les capturer.

Ils s'apprêtaient à se jeter dans la gueule du loup, et Yara bouillonnait déjà d'impatience à l'idée de pouvoir lui trancher la gorge de l'intérieur.

ft. @Diego Oliviera



Yara avait toujours considéré que sa vie s'était terminée en même temps que celle de ses parents. Son cœur s'était arrêté de battre à l'instant où ses yeux s'étaient posés sur le cadavre de ses parents gisant sur le sol, mutilé par son propre meilleur ami. Depuis, son existence n'était que du bonus. Depuis, elle n'avait plus peur de mourir. Pourquoi craindre à ce point une amie de longue date ? Depuis ce jour-là, la mort l'avait toujours suivie de près, sans jamais la quitter. Et elle saurait l'accueillir comme une amie quand son jour viendrait.

« T'inquiètes pas pour moi », lâcha-t-elle de but en blanc.

Avec de telles pensées, les remarques de Diego prêtaient à sourire. Celui de Yara s'étira d'ailleurs sur son visage, se teintant d'ironie à chaque phrase prononcée par son supérieur hiérarchique. Elle avait parfois cette impression étrange de le reconnaître, voire de le connaître tout court, comme s'il avait appartenu à une autre vie. Mais à bien l'entendre parler à ce moment précis, il ne faisait aucun doute que Diego ne la connaissait pas du tout.

« Tu ne sais pas qui je suis. Tu ne sais rien de moi. Tu ne sais rien tout court », siffla-t-elle, tentant de couper court à l'échange alors qu'il était en train de l'empêcher d'avancer plus loin dans leur intervention.

C'était une conversation des plus étranges à mener, parce qu'elle parlait avec les branches d'un buisson. Son acolyte était aussi invisible qu'elle. Mais au moins, ils n'échangeaient que des mots. Yara ne pouvait pas se faire avoir par un jeu de regards, ni même se faire trahir par un trait d'émotion.

« Écoute-moi bien, parce que, je ne suis pas du genre à me répéter. Si je suis douée, c'est justement parce que j'ai pas peur de mourir et que moi non plus, j'ai rien à perdre. Je suis comme eux. Je suis méchante comme eux, je pense comme eux, et c'est ce qui me rend excellente dans ce que je fais. Des comme moi, tu n'en trouveras nulle part ailleurs et je pense que c'est pour ça que tu m'as choisie. Je suis faite pour ça et c'est ce qui fait que je suis meilleure que les autres. » Avec ça, il était impossible pour Yara de s'étouffer avec sa modestie. Une manière de mourir qu'elle pouvait écarter. « Maintenant, si tu veux qu'on arrête là alors qu'on touche au but, c'est à toi de me le dire. C'est toi le patron, après tout. »

Sa voix était aussi sifflante qu'elle savait l'être en tant qu'ancienne Serpentard chevronnée, mais on pouvait aussi y trouver les prémisses d'une forme de calme et de sérénité. D'acceptation. La vie et les années s'étaient alliées pour la renforcer et faire d'elle la femme forte, obstinée et indépendante qu'elle était à ce jour. Sa destinée, elle l'avait acceptée. Personne ne pourrait l'en détourner.

« Ou alors, on peut arrêter de jouer à la parlante et faire ce pourquoi on est payés. T'en penses quoi, Oliviera ? »