Blood runs still — ft. Eynaelle Sanderson

ft. @Eynaelle Sanderson

La réponse d'Eynaelle se diffusa dans son cœur comme une douce vague de chaleur. Enfin, une porte s'ouvrait pour lui donner un accès à cette famille - la sienne - dont elle avait été si longtemps privée. Enfin, sa cousine acceptait de lui laisser entrevoir sa place auprès de ceux qu'elle n'avait jamais eu l'honneur de rencontrer. Enfin.

Quant à ce que penserait @Aethelia G. Sanderson de tout ça, c'était une autre histoire. Et la réaction de son père s'il l'apprenait, elle préférait encore ne pas y penser. Non pas qu'elle lui cacherait la vérité - Siobhán n'avait rien d'une menteuse. Mais elle était très certainement de celles qui attendaient le bon moment. D'ailleurs, @Luke Korrigan s'était-il dit la même chose au sujet de ses jumeaux, ou bien avait-il envisagé de garder ce secret pour l'éternité ? Personne ne le saurait jamais, désormais.

« Il n'y aura pas meilleure place pour veiller sur toi, sur vous, que d'être auprès de toi, Eyna. »

Tous les indices laissés jusqu'ici par Aethelia laissaient pourtant à penser qu'elle n'était pas le genre de femme qui avait besoin qu'on veille sur elle. Cette absence de sourire jusqu'à la manière dont Eynaelle décrivait sa propre mère... Derrière ce visage à qui on pourrait tout donner, se cachait-il réellement le monstre que son père lui avait décrit ? Ses paupières se fermèrent comme pour mieux penser. Siobhán ne se ruait pas vers l'inconnu tête baissée. Elle saurait se méfier en temps utiles. Mais pour le moment, elle avait besoin de ça. De se rendre utile, justement.

Et puis, vint la question ultime. Un pourquoi qu'elle n'attendait pas, une explication à donner qu'elle n'avait jamais été chercher. Prise au dépourvu, la vert-et-argent prit une distance avec sa cousine, se levant pour aller chercher la première ouverture sur l'extérieur qu'elle trouverait. Mal à l'aise à l'idée d'aller puiser en elle des raisons à ce qu'elle était, elle cherchait un point d'ancrage, quelque chose pour la stabiliser alors que son équilibre était précaire.

« Pourquoi y aurait-il besoin de quelque chose en plus ? », demanda-t-elle à voix basse sans vraiment attendre de réponse. « J'ai passé ma vie à chercher des réponses sur ce que j'étais, la manière d'appréhender ma différence. J'ai toujours tout contrôlé pour endormir la vélane en moi aussi longtemps que je le pouvais. Et tout le monde autour de nous savait. J'en veux à mon père parce que c'est facile, mais il n'est pas le seul à nous avoir caché la vérité à @Finn Gavalagh-Korrigan et à moi. »

Les doux visages de @Maeve Cynfeirdd et de @Morana Cynfeirdd passaient devant son regard accompagnés de mille souvenirs en leur compagnie qui avait bercé son enfance. Geraint, Rowene... Et même @Braxton Clearwater, @Dilshad Zaman... Tous auraient eu autant d'occasion de leur dire tout haut ce que leur père s'évertuait à leur cacher tout bas.

Et pourtant, en vingt-et-une années, personne autour d'eux n'avait trouvé le bon moment pour leur dire la vérité.

« Alors, dis-moi... Pourquoi pas, Eyna ? »

ft. @Eynaelle Sanderson

Les mots d'Eynaelle firent revenir un sourire bref sur son visage. C'était plutôt rare ces temps-ci, alors Siobhán prit un temps pour savourer la sensation d'un simple mouvement de lèvres sur son corps entier.

« Ne t'en fais pas pour moi. »

Difficile d'attendre une telle chose de sa cousine quand celle qui était à l'origine de la demande n'avait de cesse de s'inquiéter pour ceux qu'elle aimait - à commencer par la petite tête blonde comme les prés qui se trouvait juste en face d'elle.

Mais les traits de la Poufsouffle était suffisamment graves pour que Siobhán comprenne que c'était déjà trop tard et qu'elle s'en faisait déjà pour elle. Sans compter ce petit silence de cathédrale qui an rajoutait à la gravité de l'instant, alors qu'un détail semblait empêcher Eynaelle de se détendre. Une ride soucieuse apparaissait même sur son visage - la même que la Korrigan avait quand elle s'inquiétait de trop. Mais lorsque la Sanderson reprit la parole, les muscles de sa figure se tendirent à nouveau faisant disparaître ce joli sourire qui l'avait éclairée l'espace d'un court instant.

« Parce que ma mère lui a fait promettre sur son lit de mort de ne rien nous dire. »

Un long soupir avait suivi cette aveu, comme pour redonner à son cœur suffisamment de jus pour relancer la machine qui s'enrayait à chaque fois que ce sujet était abordé.

Aussi, la vert-et-argent sauta sur la première occasion pour changer de sujet :

« Ta mère... Est-ce que tu crois qu'elle accepterait de m'apprendre ? », avait-elle demandé en toute connaissance de cause, en sachant qu'elle en demandait certainement trop.

Elle n'attendait pas de @Aethelia G. Sanderson une inscription au concours de la meilleure tante de l'année 2023, mais peut-être sauraient-elles mettre ces histoires familiales de côté le temps d'une leçon ou deux. Il n'y avait rien de particulier à attendre de ces sessions, si ce n'était devenir meilleure avec son don, et, peut-être prétendre pouvoir mieux œuvrer à ses côtés pour cette cause noble qu'elle défendait.

Les nouvelles de @Saúl Ochoa-Reyes se faisaient rares, et Siobhán savait pertinemment qu'il avait d'autres chats à fouetter. Aethelia aussi, sans aucun doute, mais au moins avaient-elles du sang en commun qui courrait dans leur veine à chaque seconde qui s'écoulait.

Devant l'inquiétude consistance d'Eynaelle, Siobhán ne put s'empêcher de répéter, posant sa main sur sa joue en gardant la sienne collée à son dos.

« Ne t'en fais pas pour moi, Eyna. Le temps finira sans doute par faire son œuvre. »

Mais dans la chambre artificielle d'Eynaelle, il n'y avait aucune voyante ni boule de cristal pour le vérifier.

ft. @Eynaelle Sanderson

Il fut difficile pour Siobhán d'entendre sa cousine approuver les choix de son père quand elle n'avait jamais réussi à les digérer. Pourtant toujours prête à recevoir et appréhender des avis contraires aux siens, elle avait tout à coup beaucoup plus de mal à écouter d'une oreille aussi attentive des arguments qui tendaient à lui montrer qu'elle avait tort de lui en vouloir aussi fort. Mais Eynaelle, bien qu'elle était totalement en droit de donner son avis, n'était pas à sa place. Elle avait grandi au milieu des siens, auprès de sa mère, et ça changeait tout. Une promesse avait beau être une promesse, quand il était question d'impliquer ses propres enfants dans une décision qui touchait à leurs racines, elle estimait que personne d'autre n'aurait du avoir son mot à dire. Mais peut-être était-ce son sang obstiné d'Irlandaise qui parlait.

Aussi, elle préféra ne rien répondre, se gardant bien de quelconque commentaire aussitôt qu'elle sentit remonter la colère à propos de cette promesse honorée par le silence de son père. Il était de toute façon impossible de revenir dessus.

Heureusement, l'idée qu'Eynaelle puisse approuver sa volonté d'apprendre en compagnie de sa tante l'apaisa immédiatement. Car cela signifiait qu'@Aethelia G. Sanderson n'était pas contre la rencontrer malgré ce qu'il s'était passé dans l'infirmerie et quelque part, ça la rassurait de ne pas être rejetée. Mieux encore : sa cousine lui tendait cette main qu'une partie d'elle avait toujours attendue. Bien qu'elle était loin d'avoir été laissée pour compte par les siens, Siobhán ne pouvait s'empêcher de se sentir rassurée d'être accompagnée.

« Merci Eyna», glissa-t-elle en tâchant de se focaliser sur ce que lui offrait la Poufsouffle et d'oublier le reste. « Pour tout.»

Mais un merci ne serait probablement jamais suffisant pour exprimer tout ce qu'un cœur ressentait réellement.

Aussi, mettant de côté son habituelle pudeur, Siobhán s'approcha de sa cousine pour l'enlacer. Eynaelle la connaissait assez pour savoir que ce genre de démonstrations n'étaient pas sa tasse de thé. Par ce geste, elle comprendrait ce que des mots ne parviendraient jamais à expliquer.

« Quant à toi, n'oublie jamais ma promesse. C'est non-négociable.»

Elle resta un moment comme ça, à juste l'observer sans rien dire de plus, un fin sourire pendu à ses lèvres, avant de prendre ses affaires et quitter la salle sur demande pour se rendre à son premier cours de la journée.

Toujours aussi vide qu'avant mais avec un soupçon d'amour supplémentaire.