TW : Gore
Assise sur la colline, les yeux perdus dans le vague, les fines lèvres de Brynn sifflaient dans une langue que les hommes ne comprenaient pas. Elle chantait tout bas des mots amers, des suppliques étouffées. Ses pieds nus enfoncés dans l’herbe, son oreille se tendait et elle écoutait avec attention tous les vilains murmures et les ricanements des mauvaises fées.
Ses doigts nerveux cherchaient le réconfort des écailles blanches. Noodle glissait, tentait de ses petits sifflements tendres de rassurer le cœur de l’enfant sauvage, mais il lui manquait la chaleur du pelage du fauve, il lui manquait le timbre de la voix de Branwen. D’ici, elle n’entendait que les glapissements bienheureux de ceux qui se repaissent de son malheur.
Bientôt elle va venir te chercher, commentait une fée minuscule se servant d’une feuille morte comme d’un chapeau pour voleter entre deux branches.
C’est vrai, c’est vrai ! Les grenouilles se faisaient l’écho de leurs cavaliers mutins.
« Ma mère ne ferait pas ça » répondait, maussade, l’enfant-serpent.
Branwen avait juré à toutes les fées qu’aucun chasseur ne viendrait jamais déranger le repos tranquille des esprits, qu’ils fussent frappeurs ou farceurs. Maintenant qu’elle en devenait un – et c’était presque sûr à en juger par la drôle de carnation qu’avait pris sa main gauche, devenue noirâtre d’abord sur le bout des doigts et désormais jusqu’au poignet – inviter un chasseur ici était prendre le risque de perdre sa seule fille.
Sa mère ne ferait jamais ça, après tout ce qu’elle avait enduré pour l’avoir mise au monde, c’aurait été un véritable gâchis. Mais n’avait-elle jamais été que ça ?
Mais elle a les autres enfants, ricana une autre fée qui se rinçait les ailes dans quelques gouttelettes d’eau, faisant bien mine de ne pas s’intéresser à la scène.
Des enfants qu’elle aime, qu’elle chérit. Des enfants qui n’ont pas été renvoyé de Poudlard.Ses doigts se resserrèrent doucement autour de Noodle alors que le regard de Brynn se perdit dans le vague, dans la contemplation inédite du vallon au crépuscule, silencieux comme la mort, à l’exception des fredonnements ici et là menaçants.
« Ma mère m’aime. »Le loup aussi t’aime, mais la peur se lit dans son regard.Les yeux de Brynn glissèrent sur Noodle qui la fixait d’un air curieux, comme si elle ne venait pas de lui asséner la plus douloureuse des révélations.
« Mon loup n’a pas peur. »Le serpent blanc resta silencieux, mais dans son regard – oui, son petit regard rougeâtre – Brynn pouvait lire le jugement, la moquerie à l’intérieur. Elle serra les dents, et Noodle s’approcha de son visage, pour venir chercher une caresse ou une attention de la part de sa maîtresse. Brynn ferma les yeux un instant, mais aussitôt les yeux clos, la voix revenait encore, traînante et sifflotante.
Viper devrait avoir peur.
Et toi aussi d’ailleurs.Et comme elle disait ça, provoquant son ire en ne faisant que prononcer son prénom à lui, la sorcière serra brutalement la main maudite pour sentir ses griffes s’enfoncer dans sa paume comme d’ordinaire.
Ce fut chaud comme à chaque fois, et l’odeur du sang se mit à lui remplir les narines bien vite, la prenant d’abord d’un haut-le-cœur, et puis finalement d’une faim particulière, piquante. Un quelque chose de glaçant.
La fille-serpent ouvrit lentement les yeux, se rendant compte que Noodle était là, entre ses doigts. L’animal y était resté depuis le début, et elle n’avait pas entendu le petit gargouillis quand elle avait fini par répandre ses viscères sur ses doigts.
Devant la contemplation de cette mort affreuse pour ce qu’elle avait de plus cher ou presque, Brynn sentit un frisson lui remonter l’échine. Une vague de culpabilité, vite balayée par l’irrésistible envie d’y croquer, de sentir ce que sa chair avait à lui offrir. Et comme sa main était muée de sa propre volonté, elle finit par approcher le corps poisseux et sans vie du reptile de ses lèvres. Sa bouche en épousa le corps froid.
Le sang des reptiles n’était pas aussi chaud que celui des hommes, pour peu qu’elle puisse se l’imaginer. Son goût était fin, sa chair blanche s’arrachait avec une facilité déconcertante.
Tu devrais le manger tout entier, soufflait une petite fée qui fuyait sur le dos d’une reinette particulièrement rapide,
avant que quelqu’un ne te voit, avant que quelqu’un ne te surprenne.Il arrive déjà, il arrive déjà, semblait dire la corneille au-dessus de sa tête, dont le bec restait fermé.
Brynn ne les écoutait déjà plus. Dans sa main, il ne restait bientôt plutôt que le long squelette du serpent et sa tête figée dans une expression qu’on n’aurait su vraiment décrire.
Ses yeux rouges le fixaient, morts, sans plus cette petite étincelle.
Qu’ai-je fait ?Brynn releva la tête, les joues rapidement rouges et les yeux plein de larmes, alors qu’elle regardait aux alentours. Les fées avaient fui sur le dos des scarabées et de tous les crapauds, tandis que les oiseaux s’étaient rangés dans le trou de leurs arbres épais. Il ne restait plus personne, sauf l’ombre grandissante sur le sol. Celle qui la hantait.
Elle se redressa doucement, les yeux exorbités.
Qu’ai-je fait ?Il est certain que ta mère n’aimera pas ça, soufflait le serpent mort.
Je suis le début de ta fin.Bientôt la Chasseuse sera là.La dépouille du serpent tomba sur le sol, aux pieds nus de Brynn alors qu’elle relevait la tête, fébrile.
Je l’ai fait.MADE BY @ICE AND FIRE.