Entre maladresse et amour # Siobhan

Mardi 31 octobre 2023, 22h30

J'avais rapidement attrapé ma veste que j'avais mise sur mes épaules et je m'étais pressée vers l'extérieur. J'espérais simplement que Siobhan n'avait pas transplané, sinon, je risquais de prendre du temps à la retrouver. Cette discussion me tenait fort à coeur. Je savais à quel point Luke était maladroit dans ses paroles, tout comme dans ses gestes. Mais je savais aussi à quel point il aimait sa fille.

Passant la porte du ministère, je la vis au loin. Je criais alors :

"Miss Almadovar !"

Peut-être qu'elle ne m'entendait pas ! Et à cette vitesse, avec mes talons, je ne risquais pas de la rattraper.

"Oh, et puis merde !"

Tout en continuant à avancer, j'otais mes talons, me retrouvant pieds nus dans les rues d'un Londres Sorcier plutôt froid. Je décidais de crier de nouveau après la fille de Luke, mais cette fois-ci, en l'appelant par son prénom. Peut-être que cela la ferait réagir ?

"Siobhan, s'il te plait ! Ne me fais pas courir ainsi !"

Je soupirais doucement. C'était une Almadovar, certes, mais c'était surtout une Korrigan. Si elle était comme Luke, j'allais devoir être un peu plus ... rentre-dedans. C'est pourquoi je transplanais juste en face d'elle, me retrouvant ainsi nez-à-nez.

"Je suis désolée, mais je refuse d'avoir des ampoules aux pieds parce que tu ne veux pas me parler."

Mon visage est apaisé et je veux simplement lui parler, essayer de la calmer ... Faire en sorte que père et fille retrouvent leur unité, si cela est encore possible ...

Codage par Libella sur Graphiorum

ft. @Améthyste Miller

La cadence de ses pas cherchait à l'éloigner le plus loin possible du Ministère en un minimum de temps. Toujours vêtue de cette longue robe noire près du corps et ouverte sur le côté, Siobhán sentait son cœur battre dans sa poitrine aussi vite qu'elle était en train de marcher.

Elle n'avait pas encore transplané pour la simple et bonne raison que, pour un sorcier, voyager dans un tel état de nerfs était souvent synonyme de désartibulation. Et la demie-vélane n'avait pas particulièrement à cœur de finir à Ste-Mangouste pour ponctuer cette triste soirée.

Par réflexe, ses yeux se portèrent sur sa main, faisant tourner frénétiquement l'alliance qui marquait son doigt à force d'être portée. Silencieusement, elle se demandait par quel miracle Edel n'était pas encore à ses côtés. En temps normal, l'Almadovar se serait précipité vers elle en la voyant partir et jeter la pierre, non seulement pour s'assurer qu'elle allait bien mais aussi pour saisir la première opportunité de quitter ces mondanités qu'il était loin de porter dans son cœur. Alors, c'était en effet un miracle qu'il ne l'ait pas encore rejointe. Car la Serpentard n'avait justement aucune envie de devoir s'expliquer sur ce qu'elle ressentait, tant tout était sombre et brouillon à l'intérieur d'elle.

Pourtant, en entendant une voix féminine derrière elle, la jeune femme eut le pressentiment que quelqu'un allait finalement chercher à lui arracher les mots de la bouche. Elle crut reconnaitre la voix de la nouvelle compagne de son père, accessoirement potiologiste de renom. Plutôt que la ralentir, l'écho de son prénom eut pour effet de lui faire encore accélérer le pas pour mieux feindre de ne pas avoir entendu son enseignante.

Mais il semblait qu'Améthyste Miller avait déjà attrapé le virus de son père, transplanant juste devant son nez pour stopper sa course folle. C'était la marque de fabrique du Korrigan. Ces deux-là s'étaient visiblement bien trouvés.

Siobhán bouillonnait de l'intérieur. Mais en croisant le regard chaleureux de la directrice de Gryffondor, la préfète de Serpentard adopta le visage le plus neutre possible pour ne pas trahir l'incendie intérieur qui menaçait de la ravager à tout moment.

« Pardonnez-moi, Professeur, je ne vous avais pas entendue. Je m'apprêtais à partir », avoua-t-elle le visage fermé comme s'il y avait des chances qu'Améthyste ne l'avait pas déjà deviné. « Vous vouliez me dire quelque chose ? »

La question était surtout posée par politesse. Elle espérait en secret une réponse par la négative qui lui ferait surtout gagner un temps précieux pour lui permettre de transplaner en sécurité.

Mais la tournure des événements — à commencer par le fait que Mrs Miller se trouvait pieds nus juste en face d'elle — indiquait bel et bien tout le contraire.

Mardi 31 octobre 2023, 22h30

Décidément, tout moment passé aux côtés de Luke Korrigan ne se déroulait pas comme je l'avais imaginé. Il fallait vraiment que je me mette en tête qu'il m'était impossible d'anticiper quoi que ce soit. Bien sûr, je savais qu'il était un homme brisé par la disparition de sa femme, par la malédiction de son frère, par son incapacité à transmettre son amour de façon normale ...

Voilà donc que je me mettais à courir après Siobhan, sa fille unique, le sang de son sang, la chair de sa chair. Dès le premier jour, il m'avait parlé d'elle et j'avais vu à quel point il aimait cet enfant, même s'il était incapable de ne pas s'inquiéter pour elle. Et quelque chose me disait qu'une nouvelle maladresse de la part du directeur était à l'origine de la fuite de la belle Serpentard.

Transplanant face à elle, je compris qu'elle n'était pas fan de ce genre de façon de faire. Il faut dire que le visage de la demoiselle était des plus expressifs, du moins, à mon sens. Mais elle avait été bien éduquée et eut la politesse de ne pas me faire la réflexion, malgré le fait qu'elle devait en avoir une envie folle.

Alors qu'elle essayait de garder la tête haute, voulant cacher ce qu'il s'était passé, je penchais ma tête sur la gauche, mon regard et mon visage exprimant toute l'empathie que je pouvais ressentir pour la fille de Luke. Je la comprenais tellement ... Au fond de moi, je savais à quel point j'aimais son père, mais j'étais aussi lucide : la maladresse de Luke et sa peur constante de perdre les gens l'amenaient parfois à se comporter comme un imbécile.

"Oh ... Siobhan ..."

Elle ne me connaissait nullement et, malgré mon envie de la prendre dans mes bras, je ne fis que secouer de droite à gauche ma tête.

"Tu sais à quel point il peut être maladroit ... Et c'est un euphémisme ... Il est incapable de dire clairement les choses, a toujours l'impression que le monde va s'écrouler autour de lui si quelque chose ne se passe pas comme il l'a prévu."

Je marquais une pause, laissant la préfète digérer déjà ce que je venais de lui dire. Je restais distante physiquement, mais elle ne pouvait que voir à quel point j'étais de son côté, à quel point je ne lui parlais pas comme une enseignante mais comme quelqu'un pour qui elle comptait ... Parce que oui, ces quelques mois à veiller sur Finn et Siobhan, de loin, m'avaient fait prendre conscience que les enfants de Luke étaient exceptionnels.

"Il t'aime, et je sais qu'au fond de toi, tu n'en doutes pas. Mais il ne peut s'empêcher de s'inquiéter. Il est persuadé que vous devez tout lui dire ..."

Je me mis à sourire, riant légèrement :

"Mais il ne comprend rien aux jeunes gens ... aux moins jeunes non plus d'ailleurs."

Je repris mon sérieux, puis, j'ajoutai, ne voulant pas non plus monopoliser la parole :

"J'ai conscience que je ne suis pour toi que le professeur de potions ... Mais sache que j'ai à coeur de te voir heureuse Siobhan ... Très certainement parce que j'aurais aimé avoir une fille comme toi, et que je donnerais tout pour que tu puisses apaiser ton coeur."

Codage par Libella sur Graphiorum

ft. @Améthyste Miller

Prise entre deux feux, Siobhán était partagée entre l'envie de disparaître et la curiosité. Une partie d'elle, aussi discrète soit-elle, avait l'envie sincère de savoir ce que sa professeur de potions allait lui dire et de connaître la raison pour laquelle elle l'avait rattrapée. Quelque chose de chaud et de tendre dans son regard lui donnait l'envie curieuse d'écouter. Elle avait cette étrange aura qui émanait d'elle, par bien des aspects comparable à l'emprise que @Maeve Cynfeirdd exerçait sur sa nièce.

Étrange, en effet.

Solidement plantée sur le sol, Siobhán se mit alors à écouter, comme elle l'aurait fait à l'instant même où la Cynfeirdd aurait commencé à lever la voiw. Était-ce là une simple marque de respect ou bien quelque chose de plus profond était-il en train de se jouer ici ? Sans trouver la réponse à sa question tout de suite, le regard de la Serpentard se fit tout à coup plus dur une fois qu'Améthyste eut prononcé sa première phrase. Ces mots étaient sa première erreur.

Qui mieux que Siobhán pouvait savoir à quel point son père était, en effet, maladroit ? Certainement pas une femme qu'il côtoyait depuis quelques mois. Les mots sortirent de sa bouche sans même la consulter au préalable :

« Bien sûr que je le sais. C'est mon père. »

Son ton avait perdu de sa superbe et de la politesse, plus glacial encore que son regard. Mais elle le regretta l'instant d'après, voyant avec quelle ferveur la directrice des Gryffondor essayait de bien faire.

« Pardonnez-moi. Je n'aurais pas du vous parler comme ça. » Elle marqua une pause, tentant cette fois de mesurer ses prochaines paroles et d'adoucir son ton. « Mais de toute évidence, vous ne savez pas tout. Parce qu'il ne vous a pas tout dit. C'est sa grande spécialité, ça. De ne pas tout dire. »

Tant pis pour la douceur. Dans toute sa rancœur à l'égard de @Luke Korrigan, Siobhán en oubliait presque que Mrs. Miller n'était en rien responsable de tout ça, justement parce qu'elle ne faisait partie de la vie de son père que depuis très peu de temps. Bien sûr qu'elle n'était pas au courant de tout. Bien sûr que son père omettait certains détails auprès de sa nouvelle compagne.

De peur certainement de la faire fuir comme il avait fait fuir sa fille du Bal de Samhain à l'instant.

« Écoutez Mrs Miller », commença-t-elle dans un soupir. « Je ne serai pas de bonne compagnie ce soir et j'en suis désolée. Sachez néanmoins que je suis touchée par vos propos. Mais vraiment, parlez-en à mon père : là, maintenant, je suis sûre qu'il donnerait absolument n'importe quoi pour ne m'avoir jamais vue naître. »

Et elle aussi, parfois. Surtout en ce moment, d'ailleurs.

Force était de l'admettre.

Mardi 31 octobre 2023, 22h30

Je n'avais pas connu Ether, la mère de Siobhan. Mais je savais, à travers la douceur des mots de Luke lorsqu'il en parlait, qu'elle était une femme extraordinaire qui aurait été une mère fabuleuse pour ses jumeaux. Elle avait donné sa vie pour qu'ils aient la leur, et je n'avais pas l'intention de la remplacer, ni dans le coeur de Luke, si dans celui de Siobhan et de Finn.

Néanmoins, quelque chose en moi me criait d'aider le père Korrigan et sa fille. Parce qu'un homme qui aimait autant ses enfants ne devait pas se retrouver dans une situation pareille. Parce qu'une jeune femme aussi adorable que Siobhan ne devait pas se retrouver orpheline.

Apparemment, Luke n'était pas le seul à être maladroit, puisque mes paroles se retournèrent un peu contre moi. Glaciale, la préfète me répondit que c'était son père, me faisant ainsi comprendre qu'elle ne connaissait mieux que moi. Et elle avait raison. C'est pourquoi je ne m'en formalisais pas. Alors que j'allais doucement lui répondre, elle se ravisa et s'excusa de m'avoir parlé ainsi. Par Merlin ... Elle était tellement ... décontenancée par tout cela. Je ne pouvais pas la laisser partir.

Je m'avançais alors vers elle, de deux pas fermes, tandis qu'elle s'apprêtait à partir. Claquant des doigts, une table apparut ainsi que deux chaises molletonnées et confortables.

"Personnellement, je vais rester ici Siobhan. Je ne compte nullement te retenir contre ton gré, et tu as raison de me rappeler que c'est ton père et que tu le connais mieux que moi. Disons que, pour ma part, je connais le Luke d'avant ... Nous étions amis du temps de Poudlard. Et c'était déjà un homme constamment angoissé et qui avait parfois besoin qu'une gryffondor vienne lui décoincer les fesses."

Je lui souris tendrement, et je pris place sur l'un des sièges.

"Je ne cherche pas à tout savoir concernant ton père. La vie qu'il a vécue a fait de lui un homme ... brisé. Et j'ai eu mon compte aussi. Par contre, je ne peux pas te laisser dire qu'il aurait préféré que tu ne naisses pas. Par contre, je crois qu'il aurait préféré que tu restes bébé, je te l'accorde. Il ne s'est pas préparé à te voir devenir indépendante."

J'ajoutais alors :

"Quand tu as disparu, il y a quinze jours, il était prêt à donner sa vie pour te ramener. Tu es la femme la plus importante à ses yeux, et Merlin sait à quel point Luke Korrigan n'est pas doué pour montrer cela. Si tu as besoin de vider ton coeur, fais-le avec moi. Sache que je ne te jugerai pas, et que je ne le défendrai pas. Ce que tu ressens t'appartient et personne n'a le droit de te dire que tu ne devrais pas ressentir cela."

Codage par Libella sur Graphiorum

ft. @Améthyste Miller

Les yeux de Siobhán s'arrondirent en apercevant le mobilier apparaître dans son champ de vision. L'attention était louable et Améthyste Miller ne pensait certainement pas à mal en agissant ainsi, bien au contraire. Mais Siobhán n'était pas encore prête à la voir s'immiscer  dans sa vie avec un rôle différent de celui qu'elle tenait déjà en tant qu'enseignante. Et puis, la Serpentard avait bien assez à faire avec son père qui demandait à qui voulait l'entendre dans son entourage de veiller sur sa fille ; elle n'avait pas besoin d'une personne en plus pour venir prêcher la bonne parole et défendre les choix qu'il avait fait.

À bien y penser, il y avait pourtant fort à parier qu'il avait également demandé son aide à la directrice des Gryffondor, étant donné le cœur qu'elle mettait à l'ouvrage.

« Je vous remercie pour vos mots mais je n'ai vraiment pas besoin d'une séance de psychomagie ce soir... », dit-elle en restant droite comme un i, sans même bouger ses pieds ancrés dans le sol. Elle marqua une pause, le regard toujours aussi froid bien qu'elle s'efforçait d'arborer une attitude respectueuse. « Je ne demande rien à mon père, à part qu'il cesse de me prendre pour une gamine. J'en ai plus qu'assez qu'il décide de ce qui est bon pour moi et j'aimerais qu'il me fasse confiance. Voilà, vous savez tout. Je n'ai pas l'impression d'en demander trop. Si ? »

La question était évidemment rhétorique et elle ne demandait, bien entendu, aucune réponse. Elle avait en face d'elle une femme forte et indépendante. Il n'y avait plus qu'à espérer que cette dernière prenne son parti.

À nouveau, un soupir s'échappa de ses lèvres. Siobhán avait la désagréable impression de tenir le même discours depuis qu'elle avait appris l'existence de tout un pan de sa famille. Son père lui avait sciemment caché que sa cousine @Eynaelle Sanderson et sa tante Aethelia vivaient quelque part et qu'elles étaient comme elle. Comment pouvait-on construire quelque chose de sain sur des mensonges éhontés ? Rien de bon ne naissait des non-dits. Parfois, dans ses plus grands élans de désespoir et de lassitude, Siobhán avait même le sentiment qu'il n'existait aucune issue, aussi grand puisse être l'amour qu'elle portait à son père.

« Ne vous méprenez pas, Mrs Miller. Contrairement à ce que j'ai montré tout à l'heure, je suis heureuse que mon père refasse sa vie. Sincèrement. Je suis consciente de ce qu'il a sacrifié pendant toutes ces années pour @Finn Gavalagh-Korrigan et moi. Je ne suis pas idiote. Mais j'aurais aimé l'apprendre de sa bouche, parce que ça aurait au moins prouvé qu'il me considérait enfin comme une adulte. »

Excepté que tout portait à croire que ce n'était pas le cas.

Mardi 31 octobre 2023, 22h30

Si Siobhan ne désirait pas s'installer, je n'allais pas l'y obliger. Mais personnellement, je préférais être ainsi, pour justement lui montrer que je voulais juste discuter avec elle et non être dans le reproche. De toute façon, je ne lui reprochais rien. Elle était une jeune femme qui avait déjà un caractère bien trempé, ce qui expliquait sans nul doute les constantes frixions avec Luke, lui qui avait aussi un caractère de feu.

Une séance de psychomagie ? Cela me fit légèrement sourire. J'étais la première à avoir évité ce genre de séance, et pour cause, je ne pouvais vraiment me confier à personne par risque que Jasper Miller l'apprenne. Il avait tellement de connaissances à travers le monde, tellement de personnes à manipuler ...

"Crois-moi, Siobhan, je n'ai aucune compétence en psychomagie, ni aucune appétence pour cela ... Pourtant, Merlin sait si on me les a conseillés ..."

Je m'arrête un peu, me demandant jusqu'où je pouvais aller dans cette confidence. Pouvait-elle prendre mes confidences pour de la manipulation ? Car en soi, c'était pour l'inviter à faire de même, même si c'était avec la meilleure intention du monde.

"Et lorsque je regarde la femme que tu es, tu n'en as pas besoin. Pas comme une jeune femme un peu plus jeune que toi, qui a eu la malchance d'avoir un père maltraitant, un petit-ami né-moldu qui a disparu, et un bébé qu'elle ne pouvait pas élever, par peur qu'il subisse la même torture qu'elle ..."

Le dire en utilisant la troisième personne me permettait de garder de la distance. Siobhan n'avait pas besoin d'une personne se lamentant sur elle-même.

"Non, tu n'en demandes pas trop."

Je comprends totalement la préfète. Et lorsqu'elle m'explique qu'elle n'a rien contre moi, rien contre la relation entre son père et moi ... Je souris doucement. Je lui dis alors, à moitié amusée :

"As-tu conscience que ce soir, c'était en quelque sorte notre premier rendez-vous ? Je pense que ton père n'a même pas eu l'idée parce que lui-même n'est pas certain de ce qu'il ressent."

J'ajoute alors :

"Nous ne sommes pas un couple ... A ma grande déception ... Il est si ... indécis. J'ai toujours l'impression qu'il est ailleurs et je me dis que c'est normal avec ce qu'il a vécu. Je ne sais pas s'il a côtoyé beaucoup de femmes depuis le départ de celle qui est et qui restera la femme de sa vie, mais il est assez évident pour moi qu'il n'est pas encore prêt. S'il se ment à lui-même, comment veux-tu qu'il te dise la vérité ?"

Mon regard fuit légèrement celui de Siobhan. Au fond de moi, je ressens la même chose avec Keeth, même si j'ai fait mon deuil depuis un moment.

"Vous discutez souvent de ta Maman ?"

Ma question est sincère. Et si la réponse est non, mes craintes seraient fondées.

Codage par Libella sur Graphiorum

ft. @Améthyste Miller

La discussion avec le professeur Miller prenait peu à peu une tournure inattendue. S'il était évident qu'elle cherchait à arrondir les angles pour tenter d'apaiser les échanges, son approche prit progressivement la forme d'une confession sur un passé qui lui appartenait. Elle avait beau employer la troisième personne comme pour parler de quelqu'un d'autre, de toute évidence, son discours mentionnait la jeune femme qu'elle avait un jour été avec ses tourments et des soucis d'une toute autre dimension. Si la Serpentard était loin d'être dupe sur ce genre de stratégie - son père ne se gênait jamais pour faire appel à des souvenirs larmoyants dès qu'il manquait d'arguments - elle n'en restait pas moins compatissante. Améthyste et elle se connaissaient encore trop peu pour refuser catégoriquement de lui accorder le bénéfice du doute.

À mesure que la voix rassurante de la Gryffondor s'ouvrait sur ce qu'elle avait un jour été, Siobhán daignait s'approcher de la table qu'elle avait installée pour finalement accepter de s'asseoir sur le siège en face d'elle. Devant un bâtiment ministériel abrupt et froid, le tableau qu'elles donnaient à voir dénotait dans toute sa chaleur humaine.

Un silence plana un moment dans l'air avant qu'elle ne se décide à le briser :

« Que vous est-il arrivé ?, finit-elle par demander avec simplicité.

Elle ne connaissait rien de l'histoire d'Améthyste Miller, pas plus qu'elle n'avait su que son père faisait partie intégrante de son passé ou qu'il s'agissait ce soir de leur premier rendez-vous amoureux.

À cet instant, il y avait une partie d'elle qui se laissait submerger par l'agacement et la frustration nés de l'impression de se faire embobiner. Mais si elle acceptait de faire l'impasse sur ce sentiment-là, c'était en toute connaissance de cause et avec la volonté mettre fin à cette mascarade dès qu'elle l'estimerait nécessaire. L'autre partie d'elle, la plus douce et la plus sensible de toutes celles qui la composaient, ne pouvait rester indifférente face à de tels propos. Il y avait en Siobhán une empathie qui ne connaissait aucune limite, pas même celles de sa colère.

Son regard bleuté se leva vers la nouvelle de compagne de son père qui, de toute évidence, n'avait pas encore trouvé le mode d'emploi. Nous sommes deux, pensa Siobhán. En 22 années d'existence, elle avait encore du mal à communiquer avec lui. Cette soirée en était la preuve la plus récente. Et pourtant, elle le connaissait suffisamment pour savoir ce qu'il pensait et ce qui l'empêchait d'être lui-même.

Un soupir vint se perdre dans l'air à cette simple idée.

« J'ai toujours plus ou moins connu mon père seul», avoua-t-elle pour tenter d'apporter modestement ses lumières sur la situation. Après tout, elles se rejoignaient sur un point : aucune d'elle ne parlait le même langage que @Luke Korrigan. Visiblement, elles étaient en face d'un même mur qui s'était construit avec le temps et qui ne montrait aucun signe de faiblesse en apparence. Mais toutes ses actions en étaient pourtant le reflet. « Il n'a jamais accepté de donner à aucune femme la place que tenait ma mère dans son cœur. Se faisant, il a peur de la remplacer, il a peur de faire disparaître la seule chose qui les unit encore : son amour pour elle. Ce qu'il ne comprend pas, c'est qu'aimer quelqu'un d'autre n'effacera jamais cet amour-là, et je suis contente que vous partagiez ma vision des choses à ce sujet.» Elle marqua une pause, pensive. « Je connais mon père, Mrs Miller. Et je sais quelle est la prochaine étape dans votre relation naissante. Il est en train de prendre peur. Et il va tout faire pour s'auto-saboter et saboter votre relation parce qu'il pense qu'il n'en est pas digne. Parce qu'il est mort de peur.» À nouveau, un court silence s'installa. « Si vous tenez à lui, je n'ai qu'un conseil à vous donner : ne le laissez pas faire. Montrez-lui qu'il a tord. Prouvez-lui qu'il est digne d'aimer et d'être aimé en retour», souffla-t-elle.

L'instant d'après, la mention de sa mère dans la bouche d'Améthyste fit naître des frissons sur sa peau d'ivoire. Il y a quelques mois de cela, elle aurait probablement quitté les lieux devant cet affront, sentant naitre dans sa poitrine la douleur consumée de l'absence. Mais entre temps, Edel était passé par là et elle avait pris conscience qu'Ether n'était jamais vraiment partie. Elle vivait en elle, chaque jour qui passait.

« Il acceptera de parler d'elle quand il aura compris à son tour qu'il n'est pas responsable de ce qui lui est arrivé. J'ai longtemps cru la même chose que lui. Jusqu'à cet été. Jusqu'au jour où j'ai compris qu'il n'y avait pas de logique dans ces choses-là. Aucune justice. Pas de coupable.»

Tournant frénétiquement la bague autour de son doigt, les yeux rivés sur le tatouage coloré sur sa phalange, la vert-et-argent fini par relever la tête vers son enseignante avant de poursuivre d'une voix beaucoup plus douce :

« C'est encore trop tôt pour qu'il entende ça de ma bouche. Mais peut-être que vous arriverez à le lui faire comprendre. Peut-être que vous réussirez là où j'ai échoué, professeur.»

Mardi 31 octobre 2023, 22h30

Je sentais évidemment que Siobhan était sur la réserve, et je ne pouvais pas lui en vouloir. Après tout, elle ne me connaissait qu'en tant que professeur, uniquement. Je n'étais arrivée que depuis Septembre, et nous n'avions eu que des discussions purement professionnelles. Avait-elle seulement vu comment je regardais son père malgré le rejet de ce dernier lors de mon entretien d'embauche ? Avait-elle vu dans mon regard l'inquiétude lorsqu'il était revenu de Gargareth ? Je l'ignorais ... Je n'en avais pas vraiment conscience à ce moment-là. Aujourd'hui, je savais que je voulais plus avec Luke, même si je savais que rien n'était gagné avec l'ancien Serdaigle.

Je ne fis aucune remarque lorsque je vis la Serpentard prendre place sur le siège face à moi. J'aurais pu sourire en sachant que j'avais marqué un point, mais je m'apprêtais à m'ouvrir à la fille de Luke. L'heure n'était absolument pas à un quelconque match. Alors qu'elle rompait le silence, se questionnant sur mon passé, je pris une profonde respiration.

"J'étais en troisième année quand mon père, un homme pro sang-pur et peu recommandable, a appris que j'étais amoureuse d'un né-moldu."

Je fis une petite pause, mon coeur s'accélérant au souvenir de Keeth. Je me souvenais tellement de ce moment où j'avais compris qu'il avait disparu ... Je ne comprenais pas, j'avais envoyé des lettres à sa famille et ces derniers étaient perdus ... Leur fils, leur fils unique n'était pas rentré. Ce n'était pas dans ses habitudes.

"Keeth a disparu durant les vacances d'été. Sa famille l'a cherché, en vain ... Je crois que j'ai toujours su que c'était mon père qui en était responsable. Mais j'en ai eu la preuve lorsqu'il a compris que j'étais enceinte. C'était ... la veille de la rentrée."

Une nouvelle fois, je marquai un silence. Mon regard se perdait dans le vide et je tentais de ravaler mes émotions. Déglutissant difficilement, je fis apparaître un verre de whisky devant moi et je m'amusais à faire tourner le liquide liquoreux.

"Je n'étais jamais descendue à la cave, car je refusais de voir ce qu'il y faisait. Mais je n'ai pas eu le choix ce soir-là ... Et lorsque j'ai réussi à m'enfuir, non sans avoir subi sa colère, je suis allée voir l'infirmière de Poudlard qui est parvenue à me faire passer en France."

J'aurais pu lui montrer mes cicatrices, mais était-ce nécessaire ? Je ne voulais pas la choquer ... Mes paroles étaient déjà dures. Et ce n'était pas fini.

"J'ai donné naissance à une magnifique petite fille ..."

Mon regard se plongea dans celui de Siobhan, rempli de larmes.

"Elle était tellement magnifique, Siobhan ... Je l'aimais déjà ... Mais est-ce que je pouvais lui imposer ma vie ? Fuir, de pays en pays, dès que mon père parvenait à me retrouver ? C'était un mage noir, il avait des connaissances à travers le monde entier et j'ai toujours dû quitter les endroits où je pensais être en sécurité. Ce n'est qu'à sa mort, en Aout, que j'ai pu rentrer en Angleterre. Mais je l'ai perdue, elle ... Et peut-être que je ne la retrouverai jamais."

Cette fois, je me tus bien plus longtemps, avalant le contenu du verre que j'avais fait apparaître. J'ignorais comment Siobhan allait prendre toute cette confidence ... Mais j'avais été sincère envers elle.

Je l'écoutais alors parler de Luke et de son passé. J'avais compris à quel point il aimait Ether, dès la première fois où je m'étais retrouvée dans son bureau. Lorsqu'il m'avait parlé de tout ce qu'il s'était passé depuis mon départ, je n'avais pu que voir dans ses yeux cette flamme. Je le savais cassé par son passé, et j'avais accepté cela. Là où lui avait du mal à l'accepter.

"Je sais que cela ne sera pas facile et, à vrai dire, nous étions à notre premier rendez-vous. Clairement, ce n'était pas ce qu'il y a de plus judicieux, je te le concède. Mais disons que nous sommes de vieux amis. Il m'a d'ailleurs reproché d'être partie comme je l'ai fait à l'époque ... Il ignorait tout de ce que je viens de te raconter, mais j'ai été honnête avec lui."

Je lui souris doucement lorsque, malgré elle, elle me montra à quel point elle aimait son père. Décidément, ces deux-là se ressemblaient bien :

"Je ne le laisserai pas faire, je te le promets Siobhan. Penses-tu, au fond de toi, réussir à lui pardonner son attitude ? Lui as-tu parlé de ce que tu as vécu cet été ?Je ne te demande pas de m'en parler, peut-être un jour, si nous nous rapprochons ... Mais peut-être a-t-il besoin de la même chose que toi pour le comprendre ?"

J'avais tellement envie de les rapprocher à nouveau ...

Codage par Libella sur Graphiorum

ft. @Améthyste Miller

Améthyste ne prit même pas la peine de faire semblant de tourner autour du pot. Contrairement à @Luke Korrigan, elle semblait immédiatement estimer la cadette digne de sa vérité et, quelque part, cette idée la rassura. Car cela signifiait que le professeur Miller avait toutes les cartes en main pour tirer son père vers le haut. Un peu de soutien ne lui ferait pas de mal. Car @Finn Gavalagh-Korrigan avait abandonné depuis longtemps l'idée de déboucher sur quoique ce soit de constructif avec leur père et les Cynfeirdd avaient déjà compris qu'il était vain de le faire changer. Seule Siobhán avait encore de l'espoir, persévérante par nature.

Le récit d'Améthyste s'entama alors comme un conte pour enfants, à la différence que les premiers mots laissaient déjà entendre que l'issue de l'histoire ne serait pas joyeuse et ne se terminerait pas par ils vécurent heureux. Le regard bleu de Siobhán se fit tout à coup plus compatissant tandis qu'elle se gardait de tout commentaire pour lui laisser tout l'espace dont elle avait besoin pour lui raconter ce triste épisode de son passé.

Elle ne s'y était pas trompée. La première histoire d'amour d'Améthyste ressemblait à une tragédie grecque bien plus qu'à ces autres fables à l'eau de rose qu'on avait pu lui conter quand elle était enfant, avant qu'elle ne soit en âge d'entendre les légendes des bardes Cynfeirdd. À mesure que son enseignante parlait, elle laissait de côté l'emportement né du silence de son père et décida qu'elle ne serait jamais un obstacle dans leur relation. Ils avaient besoin l'un de l'autre et le fait qu'ils se soient trouvés était un miracle suffisamment grand pour ne pas s'en mêler.

Passée cette pensée, elle reprit là où la professeur de potions s'était arrêtée.

« Mrs Miller, je suis vraiment désolée d'apprendre ce qu'il vous est arrivée, je n'avais pas idée... » Et de toute manière, comment aurait-elle pu ? Ce n'était pas comme si on pouvait deviner de quoi était fait le passé de ceux que l'on croisait simplement en les regardant. Plutôt que de lui poser des questions sur ce qui était fait, elle préférait croire en l'avenir. « Votre fille est une sang-mêlée, vous êtes de la même génération que mon père et donc elle doit avoir mon âge, n'est-ce pas ? Avez-vous regardé du côté de Beauxbâtons ou de Poudlard ? » Elle marqua une pause, certaine à son regard désespéré et profondément triste qu'elle avait déjà tout essayé. « Professeur, si je peux faire quoi que ce soit pour vous aider... » Le reste de sa phrase ne vint jamais, mais il n'y avait pas besoin de la terminer pour savoir ce qu'elle signifiait.

Quant à sa relation avec son père, elle n'avait pas beaucoup plus de conseils en réserve que ceux qu'elle venait de lui donner. Leur lien père-fille n'avait jamais été aussi fragile, surtout que les efforts ne venaient que d'un seul côté.

« Je n'en sais rien. J'ai déjà beaucoup pardonné, et rien n'a changé. J'aime mon père mais je ne peux plus continuer comme ça. » Ses joues rosirent légèrement lorsqu'elle repensa à cet été. Le prénom d'Edel s'imposa de lui-même si bien qu'elle fit l'impasse sur ce sujet, préférant encore noyer le strangulot sur la façon dont son mari l'avait aidée à surmonter la mort de sa mère depuis la salle commune. « J'arrive à court de solutions, Professeure. Mais je dois dire que vous arrivez dans sa vie à point nommé. Si votre amour peut l'aider à faire son deuil, d'une manière ou d'une autre... Je ne vais pas vous donner ma bénédiction parce que cela fait des mois que j'essaye de lui faire entendre que personne n'a besoin de l'aval de quiconque pour vivre sa vie comme il l'entend. Mais sachez que je ne me mettrai jamais au travers de votre route. Je vous demanderais juste une chose. Ne lui faites pas de mal. Parce que je crains que personne ne puisse jamais recoller les morceaux... »

Elle avait déjà échoué une fois, après tout.