Nothing breaks like a heart (One shot)
05 11 2023
Quelques heures après la parution du dernier exemplaire du Chelsea's Express.
En plein milieu de l'escalade de marches pour atteindre la plus haute tour du château, une silhouette était assise dans l'obscurité, immobile sur l'une des planches de bois craquelé. Recroquevillée sur elle-même, l'ombre était là depuis plusieurs heures et n'avait pas bougé.
Ce n'était pas dans son habitude, pourtant, à cette belle tête rousse, de rester ainsi des heures durant alors que la vie continuait de battre son plein au-dehors.
Pour ceux qui ne savaient pas regarder, elle en était presque devenue invisible tant elle demeurait silencieuse. À l'exception d'un seul sanglot qui s'en échappait à intervalle irrégulière, suivant certainement le rythme incertain d'un cœur qui battait désormais en officielle désharmonie.
Les larmes étaient familières sur ce visage ; elles y avaient déjà creusé leur sillon. La peine aussi était une vieille amie, bien qu'elle ne l'ait pas accueillie depuis plusieurs mois et qu’elle ne l’ait jamais abordée sous cette forme-là.
Quant à la douleur... C'était une autre histoire. Celle qu'elle ressentait en cet instant était à part, bien plus éminente que toutes celles qui l'avaient déjà saisies auparavant. Elle était d'un nouvel ordre, d'une autre dimension. Et parce qu'elle était inconnue, cela la rendait infiniment plus dure à encaisser. Éminemment plus dure à accepter.
Pourtant, maintenant qu'elle était là, il semblait qu'elle avait pris ses quartiers et qu'elle resterait là pour toujours. Comme un autre souvenir figé dans le temps, éternellement.
Car cette fille, celle qui pleurait sans réussir à s'arrêter sur les marches de cet escalier menant à la Tour d'astronomie, venait de perdre son premier amour, incapable de trouver les mots justes pour le garder à ses côtés.
C'était une nouvelle plate et insignifiante pour tous, vous en conviendrez.
Sauf pour celle qui la subissait.
On avait pour habitude de dire que toute la magie d’un premier amour résidait dans l'ignorance qu'il puisse se finir un jour. C'était d'autant plus frustrant de se dire que ce genre de phrase, d'une banalité à rendre fou, pouvait un jour finir par faire sens, y compris pour ceux qui s'étaient promis l'éternité devant ceux qu'ils aimaient.
Siobhán avait perdu Edel. C'était à la fois un fait et une vérité, dure à accepter.
Mais voilà qu'elle récoltait finalement ce qu'elle avait semé depuis son passage éclair dans les cavernes de Gragareth. Une confiance en elle ébranlée, des entailles invisibles mais pourtant toujours sensibles. Une peur panique de voir tout ce qu'elle avait construit lui échapper.
Saisie par la crainte de blesser celui qu'elle aimait dans toute son insouciance, indirectement et sans le vouloir, elle avait fini par s'en éloigner sans parvenir à mettre de mots sur le trop plein d'émotions qui débordait depuis des semaines maintenant. Ses confidences s'en étaient allées à un autre par souci de protéger Edel de tout ce qui se tramait dans sa tête embrouillée.
Et aussi purs furent ses gestes envers
@Xris Andērson, aussi désintéressées furent ses paroles, la rumeur d’une relation naissante entre deux serpents, dont l’une avait pourtant déjà trouvé sa moitié, avait suffit à briser leur confiance mutuelle. Malgré tout ce que Siobhán avait pu dire à Edel pour le rassurer, comme elle l’avait fait quand il avait douté d’elle en la voyant partir main dans la main avec
@Saúl Ochoa-Reyes, aucun de ses mots n’avait été suffisant pour apaiser ses doutes et sa rancunes. Possédé par la rage et la colère, il lui avait claqué la porte au nez, convaincu qu'elle mentait.
Personne à Poudlard ne croyait un mot de ceux écrits par
@Chelsea Waldorf dans son journal, mais Edel, lui, avait toutes les raisons de douter. Il avait vu de ses propres yeux le rapprochement entre sa femme et son meilleur ami. Il les avait senti s'éloigner de lui, peu à peu.
Comment dès lors ne pas écouter son intuition et les rumeurs si d'autres écrivaient que ses soupçons étaient fondés ?
C'était fini.
A l'instant même où Siobhán s'était retrouvée les yeux brouillés de larmes, de l'autre côté de la porte de son dortoir, le priant encore de l'écouter, une onde magique avait traversé son corps jusqu'à l'extrémité de son doigt portant désormais les promesses d'un autre temps. La marque runique tatouée sur ses phalanges était pour la première fois ternie d'un noir sombre, sans couleur.
C'était fini. Pour de bon cette fois-ci.
Sentant tout à coup la force de ses jambes l'abandonner sous l'effet du choc de cette vision, la jeune femme s'était accroupie devant le dortoir fermé pour glisser son alliance à travers le mince filet de lumière qui s'échappait sous la porte. Cette bague ne signifiait plus rien, maintenant que le charme qui les reliait était rompu. Il n'y avait plus rien d'autre entre eux que les restes d'un passé révolu et d'un cœur émietté qu'elle lui laissait avec ardeur même s'il n'en voulait plus.
Elle se releva tant bien que mal, posant son front sur le bois épais et ancien qui la séparait du seul homme qu'elle ait jamais aimé de cette façon-là.
«
Tu as oublié de reprendre ça », avait-elle murmuré, sans savoir s'il l'entendrait.
Et dans l'ombre des couloirs enterrés, elle s'était éloignée en direction de la plus haute tour de Poudlard, la poitrine vidée, seulement pleine d'un silence fracassant.
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