Irish Family (Finn)

Assis tout au fond de la classe, bien planqué dans son coin, Finn gribouillait sur le bout de son  parchemin des sortes de dessins que l’on ne pouvait reconnaître au lieu de boire le thé tant son esprit était troublé. On dit parfois que l’ennui est le meilleur terreau pour la créativité, avis que le Serpentard aurait volontiers corroboré si les tracas ne finissaient pas d’anéantir la moindre de ses pensées positives. Ces derniers mois, l’amour avait occupé chaque millimètre carré de son esprit ou presque, l’étudiant cherchant à oublier celle qui avait volé puis brisé son coeur tout en surveillant du coin de l’œil la relation palpitante qu’entretenaient @Siobhán Gavalagh-Korrigan et @Edel Almadovar. Tout avait été si vite et, pour Finn, source d’inquiétude. Rien que l’annonce de leur relation avait été une réelle surprise, celle du mariage au bout de quelques semaines avait fini d’enflammer sa jalousie et son inquiétude pour sa sœur.

Il avait prévenu son ami, assez rapidement après de nombreux tacles et quelques disputes: au moindre écart, à la moindre larme versée par sa sœur, le Korrigan serait prêt à bondir pour défendre sa jumelle. Tout avait été si beau dès le début avant que tout ne finisse par dégringoler, aussi vite que la relation était née. Finn regardait du coin de l’œil son ami, tiraillé. Il ne savait guère comment réagir pour l’heure, ne sachant pas réellement qui avait initié la rupture et pour quelle raison. Encore quelques heures ou quelques jours et l’on entendrait bientôt les rumeurs enfler dans les couloirs. Finn ne résisterait pas longtemps à la colère qui se cachait derrière son incertitude.

La voix du professeur de divination ne parvint pas à ses oreilles, Finn étant trop occuper à gratter son parchemin du bout de sa plume, formant presque un trou à travers ce dernier. En réalité, c’est sa voisine qui l’avait sorti de ses rêveries en lui donnant un coup de coude dans les côtes. Il avait failli s’agacer et lui demander quel était son problème avant d’apercevoir la tête de son père dépasser de la trappe. Il aimait son père de tout son coeur, bien que ne le lui disant jamais et passant le plus clair de son temps à se disputer avec lui mais, aujourd’hui, il aurait pu courir dans ses bras tant il était heureux à l’idée de prendre ses affaires et de déguerpir de cette salle de cours. Lire l’avenir dans les feuilles de thé, ce n’était pas son délire, il avait même du mal à y croire. Lorsqu’il se leva pour tout rassembler, sa tasse fumait encore, attendant patiemment d’être bue.

Il avait descendu l’échelle si vite qu’on aurait pu croire qu’il avait directement sauté au sol. Finn contempla rapidement l’endroit, se remémorant la soirée qu’il avait passée ici avec Evelyn quelques mois plus tôt.

« Sans dec, c’était tellement barbant. On est vraiment obligés de suivre ce cours? Pourquoi on nous impose ces conneries, sérieux? » demanda-t-il sans réellement attendre de réponse. Il avança d’un pas détendu tout en finissant de ranger ses affaires dans sa sacoche. Puis naquit une vague de question qu’il tut: pourquoi son père venait-il le chercher? @Siobhán Gavalagh-Korrigan avait-elle eu un souci? Impossible, il avait l’air trop détendu pour cela. Dans ce cas, avait-il eu vent de ses dernières frasques? Impossible, il n’avait pas l’air assez fâché pour cela.

Le Serpentard le suivit dans une salle de classe vide, affichant un regard perplexe. Pourquoi tous ces sorts de protection? On aurait dit qu’il allait lui confier le plus précieux des secrets. Certes, Poudlard avait en son sein des yeux et des oreilles dont il fallait se méfier mais cette conversation allait-elle être aussi importante que cela?

Finn posa sa sacoche sur la table, dubitatif, avant de croiser les bras.
Il ne rebondit pas lorsque son père évoqua les propos de @Chelsea Waldorf . Après tout, il aurait pu être le premier à balancer un ragot bien juteux auprès de la concernée voire même à éditer une gazette étudiante pleine à craquer d’informations semi vérifiées. La commère qui sommeillait en lui se nourrissait volontiers de ces brèves tant qu’elles ne le concernaient pas directement ni ses proches.

« Tu sais bien que je veille sur Siobhán. Elle traverse une période difficile et se tapit dans l’ombre autant que possible. C’est difficile de lui tirer les vers du nez mais je vais essayer de lui parler. »

Finn observa attentivement son père. Il avait l’air inquiet, si inquiet que l’anxiété de Finn commença à monter d’un cran.

« Tu me fais vraiment flipper à être comme ça. » grogna-t-il en s’écartant un peu de @Luke pour mieux l’observer. « T’as peur de quoi en fait? Et pourquoi tu mets tous ces sorts pour que personne n’entende quoi que ce soit? »  

tw: grossièretés



Il savait profondément que son père avait volontairement la mémoire courte. Il était flagrant que pour lui, de l’eau avait coulé sous les ponts et que tout semblait derrière eux. Mais les apparences sont trompeuses et, comme bien souvent, le moindre sentiment éprouvé par Finn tenait en équilibre précaire comme un château de cartes. Ne serait-ce qu’un petit coup de vent et tout pouvait s’effondrer. Une remarque, un petit souvenir anecdotique à première vue, un ressenti, une constatation. Ou plus: un reproche, une engueulade, une rupture, une relation unilatérale, une trahison. Des brimades et des rancœurs entre Luke et son fils, il y en avait eu. Il y en avait d’ailleurs presque toujours eu dès lors que Finn avait atteint l’âge ingrat de l’adolescence. Son don de vélane n’avait aidé en rien, accentuant sans mal le manque de confiance en soi qu’il cachait derrière des montagnes d’excès.

Il avait toussoté, refrénant une certaine envie de lever les yeux au ciel. Prévoyant? Nous voilà biens. L’avait-il été quand il avait choisi de volontairement heurter ses propres enfants? L’était-il quand il accumulait les maladresses? Ah, il pouvait bien avoir peur des rumeurs tant il y avait à dire. Le moindre mot mal calculé, et ça arrivait plus souvent qu’il ne l’imaginait, était sujet aux discrets sifflements des oreilles et des bouches traînantes. Y compris celle de @Chelsea Waldorf et, peut-être ne le savait-il pas, celle de son propre fils dont les mots excédaient souvent la pensée. Bien que soucieux de protéger son père malgré tout, Finn n’hésitait pas à le pourrir auprès de ses très proches lorsque la potion débordait.

« Je comprends pas que tu aies peur pour moi » commença-t-il à dire, plus perplexe qu’agacé. « ‘Fin, j’comprends parce que t’es mon père et qu’apparemment les choses marchent comme ça quand on est un daron. Mais c’que j’veux dire c’est qu’il y’a pas d’raison de s’inquiéter pour moi. A part courir les jupons, j’fais rien de bien méchant. C’est pas moi qui m’balade aux endroits qu’il faut pas. » Il faisait bien évidemment allusion à sa sœur, il y a quelques mois de cela.


« T’as raison sur un point, si t’avais dit la vérité dès le début, ç’aurait certainement moins dégénéré. » Le pic était lancé. « En soi, si tu caches plus rien et que plus rien ne pique son intérêt, y’a pas de raison que  @Siobhán Gavalagh-Korrigan recommence. Même si tu la connais… » Finn croisa les bras, véritablement perplexe. « J’sais que ce sera toujours ton petit bébé, et en plus c’est une fille, mais c’est avant tout une femme. Tu pourras jamais l’empêcher de vouloir en savoir plus sur l’autre branche de la famille. Il vaut mieux l’accompagner dans sa démarche que de la laisser faire toute seule et de la laisser foncer droit dans le mur. J’dis pas de la jeter dans leurs bras, mais un entre deux quoi. »

D’ailleurs, il ne l’avait jamais dit, mais voir sa sœur s’impliquer autant avait aussi piqué sa propre curiosité. Lui aussi se demandait bien qui pouvaient être ces gens. Si @Siobhán Gavalagh-Korrigan lui demandait de l’aider à chercher, il l’en dissuaderait peut-être mais pourrait bien, dans leur dos, reprendre le flambeau.

L’étudiant souffla en continuant d’écouter son père. « Mais pourquoi ça pose problème ce don, sérieux? C’est comme ça et puis c’est tout, pourquoi est-ce qu’on devrait se cacher? J’vis bien comme ça moi! C’est même un atout si j’dois nous défendre, non? Jamais je les laisserais toucher un cheveu de Sio et je suis prêt à user de toutes les ruses pour ça, crois-moi bien. »

De quels endroits parlait-il? Finn dévisagea son père, cherchant consciencieusement les mots qu’il allait utiliser. N’était-il pas au courant de toutes les sorties, parfois dangereuses, que Siobhán avait faites l’année passée à la recherche de bribes d’informations sur l’autre côté de la « famille », si l’on pouvait appeler ça comme ça.
Il était étonnant qu’il ne soit pas déjà au courant de tout cela. Après tout, il était tellement toujours sur son dos qu’il savait certainement tout des activités de sa fille, à la minute près. Il avait le droit d’être un père, mais pas un mec plus que relou.

« J’te parle des multiples moments passés dans des drôles de cafés à fouiner dans les documents qu’elle a réussi à récolter à droite à gauche. » Ça sonnait beaucoup mieux que: eh, tu t’souviens pas des quelques fois où elle est allée à l’Allée des Embrumes faire des investigations? Nan? Pas d’bol.
Finn voulait protéger sa sœur, certes, mais pas se la mettre sur le dos. De toute façon, ce qui était fait était fait. Il pouvait bien le coller ou toute autre chose, rien ne sortirait de sa bouche.

Puis soudainement, Luke se mit en colère, bien trop en colère aux yeux de son fils qui n’y comprenait plus rien. La discussion qui avait semblé légère au tout début, qui avait presque sonné comme un moment de partage père/fils tournait au vinaigre… comme d’habitude.

« Ah parce que c’est moi qui sort des conneries? » demanda-t-il, époustouflé par une telle remarque. Finn n’avait rien dit qui pouvait justifier cette remarque. Comme d’habitude, il s’en prenait plein la gueule sans avoir jamais rien demandé. « J’ai jamais sous-entendu que tu te souciais plus de Sio que de moi, j’ai jamais parlé de l’amour que, paraît-il, tu me portes. Alors arrête de me gonfler, tu cherches toujours la merde et après tu t’en mords les doigts. Je sais pas, prends peut-être le temps de réfléchir avant de me sortir des conneries du genre, non? » Parce que, maintenant que Luke en avait parlé, Finn aurait tout le temps d’étudier la question dans son dortoir. Était-ce quelque chose qui questionnait son père dans le fond?

Les secondes filaient à une vitesse folle et Luke montait en pression au fur et à mesure qu’il parlait. Sa nervosité gagnait son fils qui, lorsque son père laissait mourir ses derniers mots au bout de ses lèvres, balança de colère la première table à côté de lui.

Le ton autoritaire, les traits tirés de colère et le poing écrasant la deuxième table à côté de lui, Finn se mit à hurler: « Putain, j’en ai ras le cul d’entendre ça. Est-ce que tu sais ce que ça fait de cacher qui on est en réalité, est-ce que t’as idée de ce que ça veut dire? De jamais pouvoir être soi-même et de passer son temps à se cacher? » Car Finn n’avait plus jamais été l’enfant qu’il avait été au tout début. Les années avaient abîmé sa confiance, son père aussi peut-être, et tout ce que souhaitait Luke, c’était d’effacer encore un peu plus Finn. Il lui proposait d’être un vieux grimoire de magie caché au fond de l’armoire. « Dis-le clairement aussi si tu veux que je ferme ma gueule et que j’fasse mes bagages pour Mahoutokoro? Au moins, p’têtre que là-bas on m’acceptera comme je suis puisque mon père n’est même pas capable de le faire! »

Les discussions entre père et fils n’étaient jamais teintées de gris: elles étaient toujours toutes blanches ou toutes noires. Le calme succédait très vite à la tempête et il fallait avoir le coeur bien accroché pour ne pas en sortir ébranlé. Si ce n’était pas Finn qui criait, c’était @Luke Korrigan , et inversement bien sûr. Ça tournait toujours au pugilat et, bien souvent, @Maeve Cynfeirdd ou @Siobhán Gavalagh-Korrigan étaient là pour rattraper le coup (et heureusement).

Finn s’attendait à ce que la dispute éclate davantage, que la colère de chacun monte en flèche. Son père s’apprêtait à ouvrir la bouche pour vomir toute sa furie mais n’en fit rien, pour la plus grande surprise de son fils. Il sentait son coeur battre à tout rompre, presque prêt à bondir hors de sa poitrine tant l’adrénaline était montée. Il ne dirait donc rien. Finn avait déversé sa colère et s’était probablement heurté contre un mur. Avec un peu de chance, son père aurait enregistré le quart de ce qu’il aurait dit. Avec un peu de chance.

Le père soupira, Finn ne savait pas réellement interpréter cela: fatigue? Désespoir? Mépris? Une vague de douceur tout à fait inattendue franchit les lèvres de Luke, bousculant sur son chemin le Serpentard. Il s’attendait à un tsunami et recevait à la place la simple caresse d’un père pour son fils. Ils restèrent tous deux muets: un silence de mort suivit le chaos qui avait précédé. Les oreilles qui écoutaient peut-être à travers les murs auraient pu croire que l’un avait tué l’autre. Luke fit un pas pour combler le fossé qui les séparait puis tendit ses bras pour le prendre dans ses bras. L’étudiant ne serra pas son père dans ses bras, trop pudique à ce moment-là pour montrer ne serait-ce qu’un signe de faiblesse.

Il ne fit que grommeler en réponse à son père, ne sachant que rajouter de plus. Il le laissa en profiter un peu, prenant sa part de tendresse en chemin puis finit par commencer à se tortiller pour se dégager de l’étreinte du Korrigan. Le jeune homme pensa subitement à sa mère, disparue depuis toujours à ses yeux, dans lesquels il aurait aimé se blottir au premier conflit avec son père. Sio était aussi bien sa soeur, que sa meilleure amie mais aussi que sa mère. Elle avait, peut-être malheureusement pour elle, dû endosser tous ces rôles.

Le Serpentard finit par s’échapper des bras de son père, presque gêné d’avoir profité de ce moment. « Tu parles, elle ferait sa petite vie toute seule. Elle n’a pas besoin de moi. » répondit-il, en esquivant le sujet. Après tout, on parlait de lui et pas d’elle. Et puis, ce n’était qu’un vulgaire mensonge, histoire de faire croire qu’il n’avait pas été légèrement piqué par sa remarque. Il fallait l’admettre: il n’était pas grand chose sans sa jumelle pour qui il aurait fait n’importe quoi. Il s’était promis de ne jamais être trop loin pour toujours veiller sur elle, pour intervenir en cas de pépin. Et des pépins, il y en avait déjà eu.

Finn fit une petite moue, l’air de dire que pour une fois (vraiment une fois), son père avait peut-être raison. Il pouvait bien lui accorder ça.
Il haussa un sourcil lorsqu’il aborda l’histoire de son prénom. Il le trouvait joli, mais assez fade en réalité. Finn signifiait blanc. La neutralité, la virginité. Bof. Peut-être qu’en voulant se rendre un peu original, le jeune homme tentait d’ajouter un peu de couleurs, histoire de se rendre plus vivant.

« Je sais que t’as fait de ton mieux et que c’était pas facile. Ça l’est pas toujours encore maintenant d’ailleurs. » Sous-entendu à cause de moi et un peu de Sio. « J’te remercie pour ce que tu as fait, souviens-toi bien de ça parce que j’sais pas si j’suis prêt de le r’dire. » Finn se sentit ravigoré et rassuré: son père était fier de lui. Il ne se souvenait pas l’avoir déjà entendu le dire.

Il esquissa un vague sourire, tapa sur l’épaule de son père et le laissa s’en aller. Il avait compris la leçon: il fallait faire attention. Mais… parfois le chemin entre comprendre et appliquer est long et parsemé d’embûches.