Che Confione! (Nott)

Ça faisait combien de temps qu’elle n’était pas sortie pour vraiment sortir ? La mine un peu affligée devant le miroir qui lui renvoyait son reflet, elle avait l’impression désagréable qu’il se moquait en même temps. Nott se tourna lentement, observant la cambrure de ses reins, les sous-vêtements rouges qu’elle avait choisi et qui pour une rare fois matché l’un avec l’autre. Elle eut une petite moue en voyant le rebondis de ses fesses, venant les pinçant, circonspecte. Plus ferme ? Emily ne pouvait pas avoir plus ferme que ça... Mais c’est vrai qu’elle faisait plus douce, plus chétive, et elle était mignonne Emily Davis. Tout comme la petite Mira et toutes les autres.

« Qu’est-ce que je suis en train de faire » marmonna Nott pour elle-même, avant d’enfiler le jeans qu’elle avait choisi de porter. Elle avait un instant considéré la robe mais avec ses épaules, c’était peut-être le pire choix, tout du moins c’était ce qu’elle avait fini par se dire.

Une petite voix lui soufflait un « n’en fais pas trop », puisqu’après tout, il n’y allait rien avoir de plus qu’un simple repas pris autour d’une pizza. Au final, elle pourrait ne même pas y aller. Elle enfila un chemisier noir ainsi qu’un blaze léger et noir également, jetant un regard dans le miroir. On aurait presque dit un lundin matin, juste avant d’aller au Ministère.
Lamentable, s’amusa Nott, avant de jeter un œil à l’oeil. Il était presque l’heure de partir.


Le pas tranquille, Nott poussa la porte de la pizzeria qui, en plus de dix ans, avait à peine changé. Elle y était revenue quelque fois, et c’était même Tony qui lui avait parlé de Mira, mais après ça, elle avait fini par ne plus sortir. Se faire servir, de temps en temps ramper tant bien que mal jusqu’à l’épicerie. Et maintenant elle était là, et lui venait, servile et agréable, habillé comme s’il était au bureau.

Un sourire amusé peignit les lippes de Nott, se faisant la remarque qu’elle avait bien fait de pas prendre une robe.

« Peur ? » Nott allait rebondir quand il tirait la chaise, mais elle se ravisa. Elle pouvait au moins tenter de se dire hors du cynisme et du caustique pendant quelques minutes. Son regard passa sur Ebenezer qui faisait son petit cirque, sans savoir s’il savait qu’elle savait à quoi il jouait (on ne menait pas des enquêtes et des interrogatoires à longueur d’année pour ne pas sentir l’arnaque) ou s’il était tout simplement naïf. Là aussi elle se garda d’en faire la remarque, penchant la tête avec un air moqueur. Valait mieux en rire qu’en pleurer à un moment. « Ca a l’air terrible dis-moi... »

Un bruit de verre brisé retentit, mais Nott ne perdit pas son temps à se tourner. Elle guetta Ebenezer qui s’asseyait enfin en face d’elle. Elle eut un sourire simple à son compliment. Pour une rare fois, ses cheveux ne s’affolaient pas au moindre geste de tendresse ou à la moindre preuve d’affection. Quelques jours ne suffisaient pas pour avaler une pillule aussi grosse.

« C’est gentil, tu es très ravissant aussi » plaisanta-t-elle en retour, jetant un regard à l’habit plus en détail, « tu voulais m’inviter à boire un verre ou faire une planque tous les deux ? J’ai pas de talons, on peut toujours se lever et aller en intervention si tu veux... »

Cette fois, son sourire se fit goguenard. Elle était restée à poireauter plusieurs minutes devant son armoire, mais lui n’avait même pas pensé à faire un effort, même minime. Et puis cette cravate... Nott le fixa un petit instant, avant de soupirer :

« Excuse-moi, c’est... je suis pas très à l’aise avec tout ça, là. Le fait de pas devoir parler boulot et en même temps, je sais pas trop quoi te dire. » Elle eut un moment, avant de se rappeler d’un truc : « ... est-ce que... ça va Ninja ? »

Ninja le chat. Le seul truc vivant et présentable dans l’appartement d’Ebenezer. La seule chose qui l’avait faite sourire à son retour.

« Tout est bon à prendre vu le dossier » souffla Nott, pas certaine de ce qu’elle devait faire, ni de quel jeu était en train de jouer Ebenezer. Il lui soufflait dans les bronches comme quoi ils ne faisaient que parler boulot, et dès le premier quart d’heure, il parlait information, dossier… Nott se redressa un peu dans sa chaise, préférant enchaîner sur Ninja, le chat du Grimm qu’elle avait connu tout petit et qui commençait à prendre un peu d’âge.

Un petit rire fila entre les lèvres de Nott, en imaginant ce pauvre père tout seul, dépérissant sans avoir une victime pour ses attaques furtives. Cela signifiait aussi qu’Ebenezer ne ramenait plus personne chez lui, du moins c’est ce que l’auror en déduit, sans savoir s’il s’agissait d’une manipulation ou non.

« Tu devrais lui prendre une copine pour jouer » commenta-t-elle simplement, préférant ne pas rebondir sur ce qui était évident.

La cheffe du bureau des aurors était toujours tiraillée au sujet de ce rencard, puisque ça avait tout d’un rencard dans lequel deux grands nigauds ne savaient ni de quoi parler, ni quoi faire. Ebenezer avait pourtant bien plus d’expérience qu’elle en la matière. Jusque-là, elle s’était contentée de coucher avec des homologues d’autres pays après des missions corsées, toujours dans l’idée de faire redescendre ou d’user toute l’adrénaline accumulée. Avec Ebenezer ça avait été un peu différent, et c’est peut-être pour ça que ça la faisait déprimer.

Grimm avait pour lui l’humour et une attitude débonnaire qui lui plaisait, c’est vrai. C’est ce qu’elle avait trouvé séduisant sans jamais lui avouer. Sa façon d’avoir toujours les épaules rabattues, de se fiche du qu’on dira-t-on, de ne pas chercher à plaire et en même temps…

Nott attrapa son verre, soufflant par le nez.

« Je sais pas trop quoi te dire… Je ne connais pas beaucoup d’auror en couple, et encore moins leurs sujets de discussion à la maison », et les agents qui l’entouraient ou l’avaient entouré n’avaient jamais tenu sur la distance. @Paz Valero avait fini divorcé, Ellie Clearwater avait fini par démissionner, @Noma Karma était seul avec un oiseau pour animal de compagnie, quant aux autres, la famille devait davantage compter sur eux en photo qu’en réalité.

Ça avait toujours été le sujet, mais Nott n’avait jamais eu dans l’idée de changer son job – pour rien au monde, d’ailleurs. Elle se pinça les lèvres, alors que Grimm avait l’air d’avoir vidé sa bouteille juste pour se donner le courage de parler. Était-ce vraiment sincère ? L’auror était incapable de le savoir. Elle n’avait pas encore touché à son verre et ne comptait pas. Elle n’oserait pas lui dire que c’était « au cas où », au cas où son gallion l’appelle, au cas où le bureau ait besoin d’elle, mais il le saurait.

« Est-ce que t’en es sûr de ça ? » souffla Nott.

Elle ne savait pas trop si le contexte avait joué en leur faveur ou pas, mais avec du recul, Nott ne faisait jamais que parler boulot. Il n’y avait qu’à voir, même dans l’appartement de @Noma Karma, sous les traits d’une pauvre loque, elle avait fini par revenir à sa mise à pied, aux lois, aux règles. Pouvait-elle sortir et être autre chose que Nott Tyrfing dans ce monde ? Elle avait cherché ce rôle, elle l’avait accepté, mais Ebenezer ne se satisferait pas de ça. Elle détourna le regard, sentant que la soirée n’allait pas aller dans le bon sens. Elle n’avait aucun mot pour dire qu’elle ne changerait pas, aucun qui ne soit assez doux ou assez simple. La norvégienne allait intervenir quand une note se posa devant elle.

Machinalement ses yeux vinrent la lire, avant de voir une note se poser juste devant Grimm.

Nott se pinça les lèvres, tentant de réprimer un sourire moqueur, mais au lieu de ça, elle suivit juste d’un regard circonspect le pauvre Grimm qui n’avait visiblement plus aucun contrôle sur lui-même. L’alcool ou la frustration ? La norvégienne pencha la tête, avant de jeter un regard à sa note violette.

Elle inspira profondément, cherchant quoi faire dans cette situation alors qu’Ebenezer, rouge, de honte et de colère sans doute, ouvrait la sienne.

D’une toute petite voix, mi moqueuse, mi hésitante, Nott souffla :

« J’imagine que… ça ne me sera pas reproché si j’ouvre la mienne aussi ? »

D’une main calme, Nott ouvrit alors sa note, fronçant soudainement les sourcils. L’air embêté, elle se leva d’un petit coup, d’un réflexe habituel, malgré son blazer un peu léger et ses chaussures flambants neuves. Elle allait pour partir mais s’arrêta, surprenant le regard de Grimm.

« Je… »

L’hésitation la piquait. Ça ne faisait pas un quart d’heure qu’elle avait déjà foutu en l’air le petit cœur de Grimm et l’espoir de passer une soirée au calme, sans avoir à gambader ou bourlinguer dans un trou sordide de mages noirs complètement fous.

Et en même temps, elle pouvait très bien déléguer. Elle était en mesure de le faire.

Est-ce qu’Ebenezer Grimm en valait le coup ? Est-ce que son histoire avait assez de poids dans la balance, si tant est qu’il y avait une histoire ? Il avait eu Mira, il avait eu Esmeralda, il avait eu tant de filles, et pourtant il revenait sans cesse.

Nott se pinça les lèvres, serrant la note dans son poing.

« Je suis désolée, Ben. J’adorerais manger cette pizza avec toi, et j’aurai adoré qu’on discute, mais j’aime mon travail aussi, j’aime ce que je fais et surtout pourquoi je le fais. Je sais que tu rêves d’un autre contexte, d’une autre rencontre et peut-être d’autres moments que celui-là, mais j’ai rien d’autre, tu vois. Si… Si tu veux vraiment persévérer, et si ça marchait, ça serait ça ton quotidien. Pour de vrai. Je veux pas te mentir, te dire que je ferais des efforts, parce que j’suis qu’une merde. J’arrive pas à en faire, pour personne, même pas pour moi-même. Alors c’est… c’est soit tu me suis, même si tu dois râler, mais c’est soit tu me suis, soit tu restes là et dans ce cas, je te conseille de trouver quelqu’un qui a un boulot chiant, quelqu’un qu’a pas en responsabilité du territoire anglais sur les épaules, quelqu’un qui affronte pas des mages noirs toutes les semaines, quelqu’un qui est pas cheffe du bureau des aurors. Parce que je serais jamais autre chose que ça. »

La cheffe du bureau des aurors souffla en entendant Grimm, et alors qu’il sortait, elle glissa sur la table quelques pièces – de quoi rembourser elle espérait le pauvre Tony qui se faisait avoir par cette enflure d’Ebenezer depuis aussi longtemps qu’elle le connaissait, c’est-à-dire bien trop longtemps. Elle talonna, en le poussant à avancer malgré l’embarras dans lequel il se trouvait, mais elle ne pouvait pas nier que ça avait nécessairement un effet. Deux mèches de cheveux encadrant son visage osaient des variations roses alors qu’elle tentait de garder son calme et son sérieux :

« T’en as pas marre de te vexer comme une grosse dinde à chaque fois ? »

Mais visiblement, non. Il but sur le trottoir. Nott eut un petit sentiment, se demandant si elle-même ne devait pas tenter sa chance, mais l’alcool commençait à prendre trop de place dans sa vie. A partir du moment où il s’était invité jusqu’au bureau, tard le soir, et qu’il l’avait accompagné certains matins, la norvégienne s’était résolue à considérer ça comme un problème.

Un peu comme le cas Ebenezer, mais il fallait croire qu’elle faisait toujours les mêmes erreurs.


Assise sur un tabouret de fortune, Nott tournait nerveusement les pages du dossier, tentant de lire le maximum d’information sur un laps de temps court. L’analyse des allers et venues était pertinente, les corrélations avaient du sens – en soit, le dossier était plutôt irréprochable et lourd. Restait à savoir pourquoi il n’était pas encore sous les barreaux. Est-ce qu’un monsieur aussi épais pouvait se permettre de faire l’anguille ?

Nott ne releva pas les yeux quand Ebenezer parla, mais elle l’écoutait d’une oreille comme elle le faisait souvent. Au lieu de ça, elle releva son regard sur Grimm comme s’il venait de sortir la pire connerie de son existence.

« Parce que ça serait naïf de croire que si tu fermes cette ruelle, plus rien ne se passe ailleurs. Là, des gars comme Brown sont trop cons. Ils persistent et signent. C’est parfait pour tracer et remonter les réseaux ! »

Question pratique.

« Et de toute façon, on préfère les avoir à l’œil quand ils font leur business de merde plutôt que de pas les voir… »

Et cette piaule-planque, elle y avait passé des heures déjà, que ce fut avec ses aurors ou avec des agents. Des heures à ne pas bouger, à attendre qu’un petit poisson ou un gros requin ne se pointe la bouche en cœur pour mieux lui tomber dessus. Nott referma calmement le dossier, alors que Grimm râlait – encore. Semblait qu’il n’avait toujours pas digéré leur discussion d’avant, mais depuis qu’ils avaient quitté la pizzeria, Nott n’avait pas touché un mot là-dessus. Elle n’avait de toute façon rien de plus à lui dire. Oui elle lui demandait de choisir, de la choisir, pour ce qu’elle était et non pas pour ce qu’elle pourrait être. Lui avait l’air convaincu qu’elle lui forçait la main… Rien n’allait. Comme toujours. Pourquoi persister ?

Ça ne manqua pas ; Nott termina par lever les yeux au ciel en entendant encore Grimm geindre sur le fait de travailler, mais elle esquissa malgré tout un sourire amusé. Le pauvre se trouvait en rencart dans une planque miteuse. Dans le genre super samedi soir, on pouvait faire mieux – encore que.

Le sourire s’effaça aussitôt qu’il recommençait.

Nott passa sa main sur son visage, marmonnant un « mais où est Karma quand j’ai besoin de lui », parce que c’était sûr qu’avec le Kahuna, il n’y aurait pas eu la moitié de ses renâclements, de ses petites brouilles absurdes et secondaires. Elle leva les yeux au ciel, le maudissant dans sa tête, avant de faire disparaître le dossier qu’elle venait de parcourir trois fois.

« Je te demande pas de choisir, soit pas débile. Je te dis juste que si tu me veux, moi, tu peux pas espérer que je rentre à la maison tous les soirs à dix-sept heures pétante, juste parce que c’est comme ça que tu aimerais ta vie. » Elle pencha la tête, plus calme et moins agressive que d’ordinaire quand ils avaient ce genre de conversation. « J’adorerais rentrer chez moi et que quelqu’un m’attende, mais si c’est pour que tu râles tous les soirs et qu’on se dispute parce que j’ai fait des heures sup’ ou que j’me suis blessée… et j’te dis pas que c’est juste ou simple, mais c’est le quotidien de tous les conjoints d’auror. »

Et c’était pas pour rien que ça courait pas les rues.

Son regard glissa vers la ruelle où rien ne se passait. Brown avait peut-être un sixième sens et se terrait ? Allez savoir. Peut-être qu’ils allaient passer à côté de l’histoire du siècle, restait à savoir si c’était l’arrestation de Brown ou la leur.

Un petit « humpfr » s’échappa de Nott alors que le pauvre Noma Karma en prenait pour son grade. Elle n’était bien évidemment pas d’accord avec lui mais préféra ne pas le lier à toute cette histoire. Ça aurait fait cela dit un très bon sujet de discussion si tant est que Nott avait quelqu’un pour discuter de ce genre de chose, et à part avec Ariana, elle n’avait jamais vraiment trouvé une amie. Peut-être parce qu’elle n’avait jamais laissé personne entrer non plus.

Un petit soupire s’échappa de ses lèvres alors que Grimm s’agitait. Elle leva de nouveau les yeux au ciel, parce que c’était toujours la même soupe froide qu’il lui servait, les mêmes « je serais l’homme idéal », ce qui était une vaste fumisterie. L’homme idéal ne claquait pas toute sa paye dans les machines ou la roue aux casinos clandestins de ces fichus gobelins, et l’homme idéal ne draguait pas des petites jeunes aux fesses plus fermes.

Nott passa nerveusement sa main dans ses cheveux, se rendant compte qu’il allait la rendre chèvre avec tous ses grands mots, ses beaux discours. Soit il ne comprenait pas, soit c’était elle qui le tenait à distance. Elle ne savait plus ce qui était vrai et ce qui était faux, de la même façon qu’elle ne savait plus vraiment si elle lui serait suffisante avec ses absences, avec ses retards. Connaissant Grimm, il finirait par se lasser, il finirait par se faire entraîner par une jolie secrétaire et alors elle devrait vivre avec ça. Nott trompée mais Nott absente. Quelque part, elle l’aurait mérité.

Les cheveux tirèrent un instant sur le blond alors qu’Ebenezer s’arrêtait net dans son discours, repérant le gars pour qui ils étaient venus. Elle passa ses mains dans ses cheveux, inspirant profondément, puis finalement se redressa, tirant sa baguette dans sa main gauche.

« On va y aller directement. S’il nous échappe, on risque de rester sur notre faim. »

Elle ne préféra pas relever sa tentative un peu désespérée, et commençait à croire que la seule chose qui le taraudait, c’était peut-être ça d’ailleurs. L’idée que ce ne fut que ça lui fendait un peu le cœur, mais surtout la rendait plus aigrie encore, plus agacée et revêche.

« Si tu veux tester des lits qui puent la sueur, tu pourras toujours trouver une petite jeune pas trop regardante pour ça. »

Sa langue claqua sur son palais.

« On va y aller à deux, on vient de la droite, on fait comme si on était deux clients, on entre, et dès que c’est possible, on le neutralise proprement. »

En disant ça, Nott changea de visage. La voleuse de peau prit soudainement celle d’une femme dont les cheveux roux glissaient jusqu’à la moitié de son dos et à l’allure soignée. Une tenue plus protocolaire mais pas trop, et de petites bottines en cuir brun. Elle lui fit signe et finalement transplana en l’agrippant par le bras à un autre coin de la ruelle un peu plus en aval.

Devançant Grimm de quelques pas, Nott se présenta sereinement à la porte, la poussant comme si elle y avait toujours été invitée ou qu’elle était une connaisseuse des environs. Elle laissa le soin à Ebenezer de fermer la porte derrière lui, avançant en silence vers le comptoir, alors que des yeux elle cherchait quelque chose sur les étagères, quelque chose de précis. Ce quelque chose de précis n’était autre qu’Adam Brown lui-même. Nott jeta un regard à son imbécile de coéquipier et lui fit un léger signe vers la porte arrière, qu’elle ne pouvait guère bloquer pour la fuite puisqu’il lui bloquait le chemin.

Sans se démonter, elle avança vers Adam Brown. Respecter le protocole d’arrestation était devenu important de nos jours, avec tous les vices de procédure que le Magenmagot n’autorisait plus. Plus question de choper quelqu’un par le col de manière discrète, il fallait déclamer des droits, des options, aux prisonniers, et il y avait même une durée maximale de garde à vue désormais. De quoi rendre fou les plus vieux aurors qui n’y voyaient qu’une vaste fumisterie.

Arrivée à une hauteur suffisante, qu’elle jugeait moins dangereuse et alors que l’homme recherché se tournait mollement vers elle sans se méfier, Nott sortit sa baguette :

« Adam Brown, vous êtes en état d’arrestation par mandat ministé- »

Un bombarda sur les étagères… Quelle idée, Brown, maugréa Nott alors qu’elle se reculait aussitôt, jetant tout d’abord un sortilège de protection afin d’éviter d’être écrasée par la masse incroyable des livres, puis un finite incantatem pour stopper l’hémorragie. Son œil suivit d’un côté Ebenezer qui tentait de se débattre dans la marée de feuilles brûlantes pour rattraper Brown. Nott grogna une insulte en norvégien entre ses lèvres avant de s’avancer également, évitant avec une certaine rapidité d’être embarquée ou avalée par la vague de bouquins enchantés.

Plusieurs fois elle aurait pu avoir un angle de tir mais Grimm avait l’air de vouloir à tout prix faire du corps à corps. L’auror leva plusieurs fois les yeux au ciel avant qu’Ebenezer ne se retrouve au-dessus de la cible, la cramponnant par les cheveux. Un petit rire passa sur les lippes de l’agent avant qu’elle ne finisse de le sauver en lançant un Petrificus Totalus sur le pauvre Brown qui se maudissait soudainement de ne pas avoir hérité de la calvitie de son père. C’était bien la peine de prendre tout un tas de potion pour ça d’ailleurs...

Le gars tomba comme une planche de bois dure sur le sol, les mains soudainement le long du corps et le visage creusé. Ebenezer suivit, la tête vers le sol, mais fut in extrémis réceptionné par un sortilège de Nott qui lui permet d’atterrir sur les pieds plutôt que sur le nez.

Elle jaugea d’un regard mi amusé mi dépité la situation, avant de finalement se rapprocher de leur suspect à intercepter. Derrière, Garluk avait réussi à creuser un chemin jusque devant la boutique, à travers les multiples livres, mais l’auror n’y fait pas attention. Elle lança un sortilège de menottes sur le gars, récitant comme une leçon apprise par cœur et avec une certaine lassitude l’éternel et sempiternel :

« Je me répète donc même si je déteste ça… Adam Brown, vous êtes en état d’arrestation par mandat ministériel, vous allez être transféré en garde à vue. Vous avez le droit de garder le silence, Si vous renoncez à ce droit, tout ce que vous direz pourra être et sera utilisé contre vous… »

D’un petit coup d’œil, elle avisa Ebenezer, avec un sourire amusé en coin.

« On devrait y aller avant que les curieux n’arrivent. »

L’Allée des embrumes n’en restait pas moins un coupe gorge et pour deux agents du Ministère, c’était aussi un risque. Certains des leurs s’étaient déjà faits agressé ici, que ce fut à coup de stupefix ou de pierre, tout simplement.

« On se retrouve au poste » souffla-t-elle, en zyeutant le gobelin qui semblait avoir une affaire en cours avec Grimm. S’il y avait bien une chose que Nott préférait, c’était de ne pas écouter leur gobelbabil absolument désagréable à l’oreille.

Elle transplana sans outre forme de procès.


Arrivée dans la salle du poste, la seule où les agents pouvaient transplaner avec un extérieur, deux agents se ruèrent vers elle pour récupérer le colis. Nott avait repris entre temps sa véritable apparence et signa les papiers pour la garde à vue, laissant cette fois le plaisir à ses collègues de permanence au Ministère de prendre le relai sur la question.

Elle jeta un œil à son blazer et eut une petite grimace en voyant qu’il était déchiré au niveau du coude. Nott n’avait pas fait attention, mais elle avait dû l’écorcher au moment où elle avait passé la porte, poussée par la vague des artefacts.

Nott se fit la réflexion que maintenant que l’adrénaline retombait, elle aurait bien eue besoin d’un petit verre et d’une pizza.

« T'es toute seule ? Je croyais qu’on menait toujours les opérations à deux minimum » souffla Milan Hatcher dans l’encadrement de la porte, un autre dossier entre les mains. Nott eut un petit rire, levant un sourcil.