Wonderful Tonight

Bien occupée à bavasser avec Lady Longerbane, ses parents aux aguets prêt à rattraper toute petite erreur qui pourrait glisser de ses lèvres, Céleste fut interrompue par un jeune homme visiblement désireux de l’inviter à danser. Elle l’examina très rapidement bien qu’il dusse se douter qu’une jeune femme bien éduquée de son genre ne déclinerait pas l’offre, par pure question de bienséance. En tout cas dans ce genre d’environnement.

C’était un Rackharrow, pas exactement le jeune homme qu’avaient visé Edouard et Hortense Delacroix pour leur fille. Ils auraient certainement préféré qu’elle danse avec Atreus, ils en rêvaient d’ailleurs certainement depuis des mois. Pour commencer, Carth lui offrait l’occasion de poser un premier pas sur la piste de danse et donc, potentiellement, de se faire remarquer par les Longerbane.

Elle y voyait une chance d’échapper au joug de ses parents l’espace d’une danse. Devant l’usage excessif de bienséance dont faisait preuve Carth, Edouard Delacroix ne put qu’accepter d’offrir la main de sa fille le temps de cette mélodie.

Céleste accepta la main qu’il lui tendit puis s’éloigna à ses côtés alors qu’on jouait les premières notes d’une valse.
La Française se contenta d’abord de sourire à l’étudiant de Durmstrang lorsqu’il la complimenta sur sa beauté. Elle était tout particulièrement fière de la pièce qu’elle portait, robe qui avait été travaillée dans le plus renommé des ateliers français.
« Les tisserands et les couturières ont fait un travail remarquable. La robe est étudiée pour convenir à chaque centimètre de ma peau et toute la broderie a été faite à la main par une seule couturière. Aucune magie là-dedans, c’est ce qui rend la chose encore plus remarquable. »

La Delacroix était habituée aux bals de ce genre et à toutes les danses que l’on pouvait y voir. Elle les connaissait toutes par coeur et aurait pu briller sur la piste les yeux fermés. Le Rackharrow n’avait visiblement pas les mêmes habitudes que Céleste ou peut-être était-ce la timidité… car beaucoup d’enfants nobles de Sang-Pur suivaient des leçons dès le plus jeune âge.

« Mettons cela sur le compte de votre confusion M. Rackharrow. » lui glissa-t-elle poliment quoi que ce ne soit pas le genre de choses que l’on ose dire d’ordinaire… La jeune femme n’était pas plus intimidée qu’embarrassée mais plutôt gênée par la propre gêne de son partenaire. Il la serrait tout contre elle, comme s’ils étaient fiancés ou plutôt parce qu’il s’accrochait comme il pouvait à elle, de peur de ne pas réussir à suivre le rythme qu’elle imposait. Céleste attendait de son prétendant qu’il prenne les rênes. Venir lui proposer une danse n’était pas suffisant.

Elle présenta ses excuses à celle qui s’était vu arracher sa traîne, comme si elle avait été fautive. La danse avait des airs de scène comique. Elle aurait aussi pu faire ce genre de prestation avec @Michel-Ange Grimm .

La jeune femme dévisagea son partenaire lorsque sortirent ces quelques mots vaguement soufflés dans un moment d’égarement. Est-ce que vous m’aimez? En voilà une question ridicule. Avait-il vraiment dit cela ou était-ce une vue de l’esprit?
Ses sourcils s’arquèrent encore plus lorsque des mots plus que familiers franchirent la barrière de sa bouche. C’était un jeune homme qui sortait vraiment du lot dans tout ce décor feint de perfection. Si ses parents avaient entendu cela, ils l’auraient certainement déjà rayé de la liste des prétendants possibles. Les Delacroix voulaient un diamant, pas du toc.

« J’aime danser mais de moins en moins. J’imagine que les leçons m’ont lassé. » Pour ne pas dire qu’elle aimerait, de temps en temps, danser juste pour s’amuser que par simple devoir. « Et vous? » demanda-t-elle à son tour, poliment, histoire d’entamer la conversation et de faire passer sous silence l’incident précédent. En réalité, elle connaissait déjà la réponse à sa question.

OOTD


Toute forme de familiarité était évidemment de mauvais goût ce soir, le faux pas n’était pas permis. Céleste aurait pu rire d’un rire tout léger, tout simplement, ou hausser un sourcil en réaction à la remarque charmeuse que venait de lui adresser son partenaire de danse mais elle n’en fit rien, par pure courtoisie. C’était visiblement un drôle d’oiseau qui se tenait tout contre elle et, l’espace de quelques secondes, elle se demanda clairement pourquoi elle attirait toujours d’étranges phénomènes à elle. @Michel-Ange Grimm , James qui était aussi un homme singulier tout à sa manière et maintenant Carth. Il avait semblé étrangement timide les quelques premières minutes puis il avait semblé que, tout à coup, en écrasant la traîne d’une malheureuse femme, le Rackharrow avait fait sauté un verrou et prenait confiance en lui. Drôle de réaction. C’était certainement un homme au caractère changeant et qui, visiblement, dissimulait beaucoup de sa personnalité. Un peu comme Céleste, après tout.

Carth avait ce petit quelque chose de puérile, il dansait comme un enfant qui n’avait jamais pris de cours particulier. Elle s’abstiendrait bien de le dire, même si elle avait été plus familière avec lui, craignant de vexer son égo. Il fallait bien préserver ces hommes de la dure réalité: ils n’étaient pas si forts et inébranlables qu’ils voulaient bien le prétendre. Sang-Pur ou pas. Alors qu’elle sentait le jeune homme serrer un peu plus fort sa main, certainement de peur de perdre le fil, Céleste jeta un regard vers la foule à la recherche de celui de @Siobhán Gavalagh-Korrigan . Visiblement, elle avait trouvé  bonne compagnie en la personne d’Ares et le moment n’était pas adéquat pour lui adresser un message par un simple clignement d’yeux. Ce n’était pas plus mal, la connaissant, elle aurait pu lui faire tout un foin pour connaître le fond de l’histoire. Bien sûr qu’elle aurait adoré entendre qu’il l’avait presque suppliée du regard pour qu’elle lui accorde une danse. Céleste se garderait bien de le lui raconter.

Le voir reprendre la tête de leur danse apaisait Céleste. C’était agréable de se laisser porter. Ou presque. Céleste aimait toujours garder un peu le contrôle, elle qui l’avait perdu sur beaucoup de points.
« Qu’aimez-vous danser? » demanda-t-elle alors à son cavalier, véritablement curieuse de savoir ce qu’il pouvait bien danser. Mais aussi: où? Elle imaginait, dans le fond, que cela l’aiderait à beaucoup mieux le connaître. Une personne qui aime danser le rock n’est pas la même qu’une autre qui apprécie le tango.

La Française s’étonna de l’entendre parler d’elle ainsi. Pouvait-on lire en elle comme dans un livre ouvert ou Carth était-il particulièrement clairvoyant? S’il s’agissait de la première option, il n’était pas à douter qu’une pluie de reproches s’abattraient sur elle à Noël.

Céleste, tu aurais pu faire un effort.
Comment veux-tu que l’on réussisse à te marier si tu n’y mets pas un peu du tien?
A ce rythme, Agathe sera mariée avant toi.

C’était certain, Agathe ravissait plus facilement les cœurs. Son sourire charmeur faisait tout alors que Céleste retenait la moindre émotion qu’elle pouvait préserver.

« Triste? » répéta-t-elle en tentant de retirer un peu sa main de la sienne. « Pas le moins du monde, je ne sais pas ce que vous vous imaginez. » Se dévoiler n’était pas ce qu’elle préférait. La Serpentard aimait analyser les autres en silence, pas qu’on la découvre.

« La réception est splendide, il serait ridicule de se sentir malheureux ce soir lorsqu’on voit la chance que nous avons de participer à ce bal. » Ses paroles écorchaient presque sa gorge tant elle ne croyait qu’à la moitié de ce qu’elle disait. Chance n’aurait pas été le terme le plus adéquat à son humble avis mais telle était la manière dont chacun ici devait penser.

« On peut dire que vous avez une attitude qui sort du lot ici et que, dans un sens, j’aurai pu voir d’autres horizons le temps d’une danse. Seulement, une valse ne dure que quelques minutes. Vous savez pertinemment qu’une fois la danse achevée, cet instant éphémère disparaîtra comme fumée au vent. »

OOTD


Pour l’heure, la jeune femme n’avait qu’une idée en tête : vaguement bavarder pour distribuer les maigres banalités qui étaient d’usage lors de ce genre de soirées mondaines. Si ce jeune homme l’avait invitée à danser, c’était soit pour lui faire les yeux doux, soit pour passer le temps qui lui semblait certainement bien trop long à lui aussi. Son intuition lui murmurait qu’il fallait plutôt songer à la première option. Céleste, elle, avait été happée dans le jeu de ce jeune bourgeois, désireuse de faire une pause dans ce terrible marathon où l’on ne devait jamais avoir l’air essoufflé.

Pour faire preuve d’un minimum d’amabilité et, au fond, peut-être pour donner sa chance à Carth, Céleste avait cherché à en savoir un peu plus sur l’homme qui se dressait face à elle. Elle ne s’était pas attendue à ce qu’il jette un voile de mystère supplémentaire à sa première question. C’était typiquement ce qui pouvait piquer sa curiosité. Pourtant, être trop curieuse était mal apprécié dans son milieu et la Française se devait de garder un peu de réserve. Surtout dans ces circonstances. Les doigts de Carth appuyèrent un peu sur sa taille, l’incitant ainsi à virevolter sur elle-même, balayant en même temps la lassitude qui commençait à la ronger.

Si l’homme l’intriguait, Céleste ne comptait pas offrir sa confiance aussi rapidement. Elle l’avait appris bien assez vite : la confiance est un trésor que l’on ne peut offrir au premier venu, sous peine de le retrouver brisé. Elle retira sa main aussi poliment que possible dès que l’occasion se présenta.
« Je vous trouve très éloquent mais j’ai la nette impression que vous n’êtes qu’un beau parleur. » Elle laissa sa phrase en suspens quelques instants fugaces puis l’acheva : « Peut-être suis-je moi-même dans le faux. »

Carth faisait beaucoup trop de sourires et de compliments pour que tout cela ne cache pas un loup. Le sentiment qu’elle était une proie qu’il souhaitait attirer dans ses filets se dessinait nettement. Elle n’était pas contre un petit jeu, le temps d’une soirée, histoire d’oublier le profond ennui que provoquait cette soirée. De toute manière, d’ici quelques heures, chacun reprendrait certainement le cours de sa vie comme si rien de tout cela n’avait jamais existé.

Les notes de musique s’égrenaient à une vitesse folle, laissant entrapercevoir la fin de la mélodie et, ainsi, la fin certaine de leur danse sans queue ni tête. Etait-ce un regret ? Difficile à dire. Céleste n’arrivait pas à percer le jeu qu’entretenait avec elle le Rackharrow, mystère simple mais suffisant pour piquer la curiosité de la Serpentard.

« Je pourrais vous accompagner. » répéta-t-elle, d’un ton assez froid. Alors que l’on n’entendait plus que les dernières notes de musique, Céleste arrêta la danse d’un joli pas de fin et s’éloigna suffisamment du buste du jeune homme pour marquer le terme de cet instant.

« Et j’accepte. » ajouta-t-elle, un vague sourire complice accroché aux commissures de ses lèvres. Il fallait avoir l’œil fin pour l’apercevoir, celui-ci. « Simplement car l’art m’intéresse. » commença-t-elle à se justifier. L’art de la peinture. L’art de la supercherie aussi, elle qui voulait faire de la justice sa profession. D’un coup de baguette, elle fit flotter le bas de sa robe pour éviter la moindre trace de salissure ainsi qu’une chute malencontreuse.
« Vous connaissez le chemin, je présume ? » demanda-t-elle en tendant sa main. En réalité, elle n’avait pas besoin de se faire guider par la main d’un homme. L’éducation et, au fond, le désir de jouer avec lui suffisaient amplement à justifier ce geste.