Now We Say Goodbye

« ... idiot. », Perséphone avait laissé derrière elle le stade gallois, vide en cette période hors saison.

Elle avait attendu presque une heure avant de se faire une raison. Avant que la pluie ne se mette à tomber, dernier signe qu'il fallait lâcher l'affaire. Elle ne savait pas bien ce qu'elle avait espéré en venant à ce rendez-vous. Elle avait versé suffisamment de larmes sur l'épaule de Hank, elle qui s'était promis de ne pas pleurer comme une gamine, mais elle s'était tout de même laissée prendre au piège.

Son balais posé sur les épaules elle avait transplané.


Quelques journalistes avaient réussi à avoir l'info. Elle se prêta au jeu, comme d'habitude avec son aisance naturelle mais sans rien livrer de ce qui l'attendait de l'autre côté du pacifique. Le coach Kauri s'était occupé de tout et, d'une certaine manière, il avait déjà pris le relai de Warwick. L'irlandais n'avait pas pour autant l'intention de laisser sa petite protéger quitter le nid sans lui dire au revoir.

Perséphone lui donna une longue accolade, pour le plus grand plaisir des appareils photos magiques. Après sa dernière campagne pour Veela, Perséphone Fogg semblait avoir gagné une certaine maturité. Avec son grand manteau haute couture et son étui brodé dans le dos, elle avait l'allure d'un supermodel.

« Alors cette fois tu t'en vas pour de bon gamine ? », conclut le coach Warwick.
« On dirait bien... »
« Mh, tu n'avais pas une tripotée de frères aux dernières nouvelles ? »
« On s'est fait une bouffe hier soir. »

Les Foggs avaient l'art des agendas remplis quant à Ariana, sa mère, le bureau des aurors s'était chargé de lui trouver un empêchement. Cela rendait probablement le départ plus simple. Oro Kauri avait prévu un programme chargé, de quoi ne pas se laisser aller au mal du pays, avait-il dit.

Apparemment, il connaissait bien son sujet...

« J’ai un rendez-vous... » avais-je répondu.

Comment j’en étais arrivé là, attaché à une chaise dans un endroit sans fenêtre et obscur. Deux personnes face à moi, baguette à la main qui se posaient encore la question de ce qu’ils allaient faire de moi ? L’embuscade avait été… Facile. Et, je devais ma place ici, très certainement avec une récente baisse de vigilance. Entre mes séances chez ma psy, mes récents congés et le reste, j’avais eu l’imbécilité de croire que j’étais hors d’atteinte. Alors, que, dans les faits, je restais toujours un Auror du Ministère, et une fichue épine dans le pied de certains petits Mages Noirs.
Et… Si je disais petit, c’était parce que c’était certainement le cas. Des vrais, des durs, n’auraient pas hésité une seconde à m’exécuter ou à me torturer pour me soutirer des informations confidentielles. Là, on avait affaire certainement à une bande d’amateurs, qui, pris entre la panique et la joie, n’avait toujours pas décider de mon sort.

« Ta gueule Clearwater. » avait dit le premier avec un accent flamand.

Le revers de sa main percuta ma joue. Classique. J’en fus même pas surpris et aucun son ne sortit de ma bouche. Putain, j’avais juré de réduire la violence, mais… ma main se contracta, liée dans mon dos.

« Bon, Ed, qu’est ce qu’on fait de lui. Le boss doit savoir les dossiers qu’il connaît, j’ai envoyé un message, il devrait pas tarder à rappliquer. »

« J’ai, un rendez-vous. » répétais-je inlassablement. « Franchement, si vous me libérez maintenant, je dirai rien, on fera comme si on s’était pas vu. Même pour la gifle, Ed c’est ça ? Ca doit être le diminutif d’Edouard. Y’a pas 150 Edouard dans nos fichiers hein… Doit y en avoir 5 ou 6, mais certainement pas trente avec une baguette en bois de cerisier. »

Le fameux Ed recula d’un pas. Pris de panique, il dégaina à nouveau la dite baguette pour la mettre en mes deux yeux. Un bleu sur la joue et un petit sourire en coin, je le regardais faire.

« Faut que j’le butte. Il va savoir qui j’suis. »

On pouvait sentir la panique. C’était parfaitement ce qu’il me fallait. Attrapant la lame de mon couteau qui était dans ma manche intérieur, je m’appliquais à couper les cordes pendant qu’ils me parlaient. Ces crétins n’avaient jeté aucun maléfice, de vrais débutants, et juste de quoi arriver en retard au rendez-vous que j’avais avec ma petite amie. L’autre, lui posa une main sur le bras.

« Attends, euh… là… Butter un Auror, on risque gros, si on se fait cho... »

Mais il n’eut pas le temps de finir sa phrase que, les mains à nouveau libre, je lui plantais la lame qui m’avait servi à me libérer dans la cuisse. Loin de l’artère. Je soupirais en exécutant cet acte. Bon sang, j’avais promis à ma psy…
Dans la cohue, je lui mis un coup d’épaule pour le projeter contre son camarade d’infortune. Dans un mouvement sec, rapide et précis, je changeais de garde, pour me retrouver de profil à lui, lui saisir sa main armer et lui briser son avant bras sur mon genou dans un geste sec et répété mille fois. Lui aussi, se mit alors à hurler. Dans un soupire, je me baissais, récupéré ma baguette, pris les leurs. Puis d’un geste sec je les brisais sous leurs yeux.

« Vous êtes pas croyable. Je m’évertue à m’appliquer à devenir meilleur, et faut dire que vous m’aidez pas à la tâche. Je suis en congés merde. Et j’ai un rendez vous... »

Lançant un Patronus, pour avertir mes collègues, j’envoyais ensuite deux Incarcerem et je plaçais un mot sur l’un d’eux pour décrire rapidement ce qui s’était passé. Puis, sans cérémonie, je transplanais.
Et évidemment… Quand j’arrivais… C’était trop tard. Il n’y avait que la pluie, le vent et ma tristesse.
Je n’avais pas eu le courage de lui envoyer un message. A quoi bon. Encore trouver une excuse, et par la même occasion, lui montrer que mon travail nous empêcherait de vivre normalement ? Non. J’avais tout faux sur toute la ligne, et il fallait croire que je préférais qu’elle s’en aille déçue mais libre que pleine d’amour mais enchaîné à un foutu Auror.
Observant mon reflet dans le miroir de la salle de bain, je regardais la plaie qui guérissait. Je n’avais pas osé allé à Ste Mangouste, par peur qu’on me pose trop de question et j’étais resté terré chez moi à rien faire  et à déprimer. Tant et si bien qu’au final, la douleur était partie et j’avais fini par l’oublier, mais la couleur, elle était bien là, entre le jaune et le violet.

« Qu’est ce que j’fous de ma vie moi. » répétais-je au miroir un peu perdu.

Mais… oui. Bon sang. Qu’est ce que je faisais encore là. Il fallait absolument que j’aille la voir. Que j’aille lui dire aurevoire que… Mais qu’est ce que j’avais fait ! Soudain, un éclair passa dans mes pupilles. Il fallait que j’y aille. Que je lui dise aurevoir ! Que je la suive !
Sans l’ombre d’un doute, je me ruais vers ma chambre et je commençais à m’habiller. Choisissant un vieux sweat à capuche aux armoiries de Gryffondor, un peu usé mais assez classique pour ne pas faire trop « Auror », je m’habillais, pris ma baguette et avant de transplaner, je me tournais vers Sekhmet, ma phénix.

« Je… euh… Je vais la rejoindre ! Si tu veux resté là, Lucy s’occupera de toi sinon retrouve moi là bas ! Souhaite moi bonne chance. »

Je fus persuadé de voir la phénix rouler des yeux. Sortant, un instant plus tard je transplanais dans l’aérogare internationale magique.

Perçant la foule de fans et de journaliste comme je pouvais, j’arrivais rapidement au cordon de sécurité. Jouant des coudes comme je le pouvais, je regrettais alors de ne pas avoir mis mon uniforme pour passer plus rapidement. Mais, au cas où, j’avais quand même pris mon insigne que même en congés j’avais le droit de porter.

« Perséphone ! »

« Ouais ! Perséphone elle est trop belle ! Un jour elle sera ma femme ! »

Un espèce de fan hystérique, qui visiblement ne m’avait pas reconnu semblait croire que je partageais son vice bizarre. J’eus soudain une grande envie de lui éclater la tête au sol mais… j’avais promis à ma psy, et surtout à moi même. Prenant un peu sur moi, je continuais d’avancer, et j’arrivais rapidement au cordon de sécurité. Sans réfléchir, je passais dessous.
Une main musclée m’arrêta aussitôt et me prit par le col. Deux agents de sécurités m’avaient barré la route.

« C’est pas pour les étudiants ici. Tu devrais resté derrière le cordon. »

Je sortis mon insigne, et je le levais calmement.

« C’est pas non plus pour les trou du cul qui ont raté le concours d’Auror. »

Sa main me lâcha, et il fit bien. Deux fois en peu de temps que mes nerfs furent mis à l’épreuve mais… Après tout… j’allais pas non plus faire un scandale. Avançant au milieu des journalistes, qui commencèrent à me mitrailler de photos, je mis une main devant mon visage pour éviter d’être ébloui trop longtemps. Une fois arrivé au niveau de Perséphone, une vague d’amour m’envahit tout le corps et m’électrisa. Comment j’avais pu être assez débile pour avoir manqué de la perdre ? Ou pire, comment avais-je été aussi débile pour l’avoir perdu ?…

« Salut, je sais, je suis un gros connard. »

Son coach allait dire quelque chose, mais je levais la main pour lui intimer de se taire.

« Franchement, ça a été assez difficile comme ça, n’en rajoutez pas s’il vous plaît. Je… je peux te parler une minute ? »

Je passais ma main dans mes cheveux, que je ne devais pas avoir lavé depuis trois ou quatre jours, ce qui était rare chez moi. Mais les congés et le manque de courage que j’avais eu avait entrainé une espèce de mini-dépression, qui m’avait empêché de prendre trop soin de moi.

« Je sais que j’ai été un gros con. Mais, à ma décharge, le soir ou je devais te retrouver j’ai été kidnappé. Enfin, par des amateurs, mais kidnappé quand même, demande à ta mère c’est la vérité. Ca doit etre consigné au Ministère. Bref. Après, je me suis dit que tu serais trop en colère pour me parler ou que… que j’avais déjà raté ma chance et je crois que j’avais peur que tu me renvoies chier. »

Je baissais un peu les yeux. Je voyais les journalistes tendre les oreilles à rallonge et prendre des photos. Mais accessoirement j’en avais un peu rien à foutre.

« J’ai… j’ai avancé. Je pourrai te dire tout ce que j’ai fait pour essayer de m’en sortir, et de faire tout ce que tu m’avais demandé de faire pour que ça marche entre nous. Mais c’est assez personnel. »

Je relevais les yeux et, je sortis un billet de la poche arrière de mon jean. Un billet pour la Nouvelle-Zélande.

« Alors si tu veux de moi à bord, je pense qu’on sera plus au calme pour qu’on en parle sans tous tes fans, ton coach et les journalistes, qui soient dit en passant font un travail merveilleux... »

J’avais dit ça avec un grand et faux sourire à une oreille à rallonge. Mon sourire s’effaça et je regardais Perséphone avec mon billet à la main.

« Bon, c’est en classe éco pour moi. Mais p’t’etre que la personne qui aura son billet à coté du miens refusera pas une place en carré or ? » osais-je alors toujours très gêné la main derrière la nuque.

« ... »

Elle ne s'était pas attendue à ça et d'ailleurs Warwick réagissait bien avant elle, prêt à écarter le gamin comme il l'appelait, tandis que Perséphone était encore en train de réaliser que c'était Fergus qui se tenait devant elle. Elle savait très bien ce que Warwick pensait de leur relation, quand bien même il s'était abstenu la plupart du temps de dire quoi que ce soit. Il avait fini par vider son sac en voyant sa protégée se demander ce qu'elle devait répondre à l'invitation des Blacks Snatchers... que cette relation était toxique. Que le type avait quand même dix ans de plus qu'elle et pas fichu de savoir ce qu'il voulait. Qu'il jouait probablement avec elle sans se projeter sur le long terme. Elle avait eu droit à une longue litanie de critiques acerbes auxquelles elle n'avait même pas cherché à répondre. Ça n'aurait servi à rien.

Et elle, idiote de première, ne pouvait s'empêcher de relever qu'il ne s'était probablement pas lavé les cheveux de quelques jours et que - curieusement ou honteusement - ça lui faisait un peu le même effet que les lunettes. Pour autant, Fergus n'avait pas l'air totalement dans son assiette et c'est surtout cela, qui retint l'attention de Perséphone.

Plantée devant lui, la main de Warwick sur son épaule, Perséphone écoutait, pesant le pour et le contre dans sa belle tenue simple mais griffée qui lui donnait vraiment l'allure d'un mannequin grande classe. Le contraste en était presque comique. Presque autant que ce billet en classe éco qui ne faisait pas du tout rire Warwick. Finalement, Perséphone poussa un sourire de façade sur ses lèvres - c'était pour les journalistes - et tourna les talons tout en lui faisant signe de suivre.

Warwick serra les dents, suivant également, jusqu'à la zone d'embarquement où les journalistes ne pouvaient pas les accompagner. Elle n'avait toujours rien dit et, comme elle confiait ses bagages à une hôtesse, son ex-coach en profita pour broyer l'épaule de Fergus de sa patte d'ours :

« T'as intérêt de savoir ce que tu fais petit. Cette gosse là, elle vaut de l'or. Si tu me la bousilles, c'est moi qui te bousilles comp- »
« Coach... », coupa la voix de Perséphone, d'un ton reproche.
« Je faisais quelques recommandations pour... le voyage. L'aérostat c'est quelque chose, c'est pas comme le portauloin, certains ont le mal de l'air n'est-ce pas ? », et d'écraser littéralement le petit Fergusson Clearwater contre lui avant de le libérer.

Perséphone adressa un dernier regard entendu à son coach avant de le serrer dans ses bras. Elle ne dit rien de plus. L'étreinte dura un peu, le temps de ravaler ses larmes discrètement. Elle avait un peu la sensation de quitter un père et ça n'était pas rien. Quand ce fut le moment, elle lui posa un baiser d'enfant sur la joue et tourna les talons, saisissant au passage la main de Fergus :

« Je sais pas quoi te dire Fergus. Je crois que j'ai un petit peu envie de t'étrangler quand même. Mais on aura tout le temps en sirotant un jus de baie de lune en première classe... »

Finalement, elle lui adressa un petit regard par en-dessous, l'attirant avec elle vers la passerelle où déjà les hôtesses, plus élégantes les unes que les autres, les attendaient. Contrairement à d'autres personnalités, Perséphone Fogg n'avait pas jugé bon de se déplacer avec son petit personnel, déjà parce qu'elle n'en avait pas et puis parce qu'elle n'en aurait probablement jamais. Aussi dût-elle prendre un petit instant pour expliquer son plus un imprévu et après un petit moment d'attente, le commandant de bord consentit à ce que Fergus partage avec elle une banquette en classe affaire plutôt que de risquer des débordements en la laissant échanger sa place avec un quidam de la classe éco.

On les installa rapidement. C'était la première fois qu'elle posait ses fesses dans un aérostat. On lui avait beaucoup parlé de ces engins mais pour autant, elle n'était pas très rassurée, aussi sa main retrouva-t-elle naturellement celle de Fergus quand l'engin se mit à vibrer. Elle n'avait pas trouver de quoi rompre le silence jusque-là, mais le regard un peu emprunté qu'elle lui adressa quand le vol se stabilisa en disait long.

Après quoi, ses doigts s'échappèrent pour aller se réfugier entre ses genoux. Elle ne voulait pas céder à la simple pulsion de retourner dans ses bras, même si c'était la plus spontanée, avant qu'ils n'aient eu cette discussion.

« Tu sais quand tu m'as plantée devant chez moi, avec Hank et Hope, je me suis vraiment dit que c'était fini. Enfin j'imagine que tu le sais... », vu la réaction de Hank, elle doutait que Fergus n'ait eu quelques échos de sa réaction à elle, en tout cas elle était certaine qu'il avait certainement dû avoir l'écho du poing qu'Hank avait dû lui coller sur le nez, « Et puis tu m'as écrit cette lettre et je savais pas si je devais être soulagée ou désespérée. Si on avançait ou si on reculait et finalement, quand t'es pas venu... et maintenant... qu'est-ce que tu veux vraiment Fergus ? »
« Puis-je vous proposer une petite coupe de champagne Madame ? », l'interrompit la voix asceptisée d'un stewart.
« Euh... pardon ? Non merci. », évinça la jeune femme, perturbée dans ce qu'elle était en train d'essayer de dire.

Je regardais son coach, visiblement, me broyer l’épaule. Un petit sourire apparut sur mon visage… S’il avait su comment j’avais été élevé, il saurait que, ce genre chose je l’avais vécu plus de fois qu’il ne voulait l’imaginé. Au final, ça ne faisait que me ramener en enfance, quand mon père m’attrapait avoir emmerder copieusement ma sœur. C’était pour ça que j’étais en train de sourire comme un con quand il fit ce geste.

« Pas de soucis, je vais faire au mieux et rattraper le temps perdu. Vous inquiétez pas… euh.. monsieur ? »

Je ne savais pas trop comment l’appeler. Immédiatement et vu sa posture, j’aurai plutôt dit « Papa », mais le lapsus n’était pas encore assez fort pour qu’il sorte de ma bouche. Je me contentais de le regarder partir, en passant ma main dans les cheveux.
Je restais finalement silencieux, pensant qu’on aurait tout le trajet pour discuter, et puis, le temps d’y aller me laisser un air de réflexion qui n’était pas des moindre. Qu’est ce que j’allais bien pouvoir lui dire ?
Une fois à bord, on consentit à me laisser aller avec elle. Je trouvais cela plutôt cool, car ça m’évitait d’utiliser mon statue d’Auror, mais qui ne devait pas être le même désormais qu’on était en FreeZone. Je fronçais les sourcils, tout en m’installant. A partir de maintenant, je n’étais plus Auror, mais Fergus. Les paroles de Wanda me revinrent en mémoire et j’essayais d’y faire abstraction alors que l’engin se mit à démarrer. Voyant Perséphone mal à l’aise, je l’observais d’un air mi-amusé, mi rassurant.

« What The Fogg n’est plus rassuré dans les airs ? Ne t’inquiète pas, si ça vire au drame, je te laisserai prendre le balai si on a pas la place pour deux dessus... »

Je faisais référence à ce film moldu que j’avais vu il y a des années, Titanic. On y voyait un mec se sacrifier pour sa promise, sur une planche qui avait largement la place pour deux personnes… Finalement, le vif du sujet arriva plus vite que prévu et, je commençais par retirer ma main de la sienne et m’agiter nerveusement sur ma banquette.

« Oui… Alors, déjà, si je ne suis pas venu c’est que j’ai été agressé. Enfin agressé… On m’est tombé dessus, et je suis arrivé en retard. Ta mère pourra dire que c’est pas des flûtes… »

Je pointais ma joue avec un petit sourire désolé. Puis, venait le moment de répondre à cette fichue question : qu’est ce que je voulais. Cherchant mes paroles, je regardais dehors alors que l’Aéronef commençait à s’envoler. Observant le stewart, d’un air suspicieux, mes réflexes d’Aurors revinrent au galops. On était avec une star de Quidditch, qui avait été victime d’agression de Mage Noire, et il n’y avait aucun service de sécurité ! Enfin, maintenant, j’étais là.

« Ce que je veux. Être avec toi, chaque jour que dieu fait et essayer d’être là pour chaque lever de soleil. »

Je relevais la tête d’un air un peu amusé. Mon côté poète ressortait, mais je savais que ce n’était pas trop ce qu’elle voulait entendre. Elle voulait du concret, et surtout des faits avérés et pas de promesses non tenues.

« Ce que tu m’as dit ce jour là. Ca a fait tilt. Ca a éveillé en moi une certitude. C’est déjà… Je vais pas le dire 5 fois donc écoute bien. Que tu avais raison. »

Je détournais les yeux, comme si j’avais avalé un truc de travers. Ca faisait toujours mal au cul d’avouer des trucs comme ça, surtout quand on était un Clearwater.

« J’ai pris le temps de prendre des congés. De me soigner. D’aller mieux. Parce que je sais maintenant que tant que tout ça sera pas résolu ici... »

Je fis un geste au niveau de ma tempe, un peu bizarre.

« ...je pourrai pas te rendre heureuse comme tu le mérites. J’avance bien. Enfin, je pense. J’ai réussi à trouver ce qui allait pas maintenant… ya plus qu’à. Enfin c’est pas si facile, mais crois moi j’essaie. Et quand je veux quelque chose je me donne à fond. »

Mes amours, mon concours d’Auror, mes études, ma famille. Quand ça me tenait à coeur, je me donnais toujours à 100 %.

« Faut que j’arrive à régler mes problèmes, et une fois que ce sera fait, ça ira mieux. Enfin j’espère… mais toi. Surtout, est ce que tu es prête à attendre que ça aille mieux ? Parce que je vais devoir reprendre le travail un jour et… tout sera peut être pas résolu d’ici là. Et on sera séparé par la distance… C’est pas rien. Peut être que… t’as pas envie de t’emmerder avec un boulet à des milliers de kilomètres ? »

Je détournais les yeux. Mon estomac se noua légèrement et je n’osais pas la regarder dans les yeux en attendant sa réponse.

D'ordinaire, elle se serait plu à le laisser assumer le rôle du chevalier blanc, c'était vrai, mais elle avait encore un peu en travers tout ce qu'il s'était passé entre eux et, pour une rare fois, elle voulait que ce soit clair : elle n'avait pas envie d'être sauvée. Ne comprenant pas vraiment la remarque sur le balais pour deux - puisqu'ils l'avaient déjà fait - elle se contenta de plisser le front en lui glissant un regard oblique.

« C'est juste que là j'ai aucune prise, c'est tout... »

Quand elle enfourchait son balais, elle était capable de tout et surtout de donner des sueurs froides à son public. C'était pour cela qu'on l'aimait et pour cela qu'elle aimait tant les airs, mais dans un aérostat, elle ne maîtrisait rien du tout en effet.

Résolue à prendre les choses en adulte, elle prit sur elle de lancer la conversation. Il fallait être claire. Rien n'était acquis et à l'instant T, ils n'étaient pas un couple à ses yeux. Ils étaient, quelque chose, qu'elle ne voulait pas prendre le risque de définir elle-même et c'est ainsi qu'elle posa les choses. Il était nerveux, comme chaque fois qu'elle remettait la question de ce qu'il voulait sur le tapis et elle ne savait pas si c'était bon signe.

Elle ne commenta pas cette histoire d'agression. Il était auror, c'était très possible et elle ne voulait pas être cette hystérique parano prête à tout vérifier. Elle décida donc de le croire sur parole et de ne pas relever. Pendant ce temps, lui, poursuivait, d'un ton presque lyrique mais elle ne s'en émut pas. Elle ne voulait pas entendre quelque chose de beau. Ce qu'elle voulait c'était entendre quelque chose qu'elle pourrait croire. Elle le laissa parler, déjà heureuse d'entendre qu'il se prenait en même. Elle se renfrogna tout de même un peu lorsqu'il lui retourna sa propre question :

« Fergus, je viens de signer chez les Blacks Snatchers, littéralement à l'autre bout du monde. C'est une équipe qui est très suivie sur le plan international même si ça n'est pas l'équipe nationale. Alors oui je crois bien que je sais ce que je veux et ce dont j'ai besoin. Il va falloir que je fasse mes preuves. Là bas je suis personne et c'est très bien comme ça. C'est pas la distance qui va changer ce que je pense. C'est les actes. Je sais ce que je veux. J'ai aucun doute. »

Elle s'abstint d'ajouter moi se disant que ça ne faisait pas le meilleur terrain pour une conversation honnête.

« Et tu le sais aussi, ce que je veux. Tu peux le prendre pour gallions comptants, je suis plutôt du genre idée fixe. »

Sur ses mots, elle releva finalement le regard vers lui qui ne la regardait pas. A un an de là, elle n'aurait jamais pu imaginer qu'ils puissent en arriver là.

Je fronçais les sourcils en l’écoutant. Bon, ça partait mal et c’était encore moins facile que je le pensais. Ou plus facile. Je n’y comprenais rien en réalité, car à mes yeux, le simple fait qu’elle m’accepte à bord avait suffi pour me dire que tout serait arrangé. Visiblement non, elle avait attendu qu’on soit piégé dans ce bâtiment pour changer un peu la donne. Alors qu’elle parlait, je me contentais de regarder l’extérieur, une main sous le menton tout en gardant le silence pendant un petit moment. Je ne savais pas trop quoi répondre à cela, j’avais tout dis. Enfin tout ce que j’avais sur le coeur mais visiblement ce n’était pas suffisant pour elle.

« D’accord. » dis-je simplement

J’étais un peu perdu. Regardant alternativement Perséphone et l’extérieur, sans vraiment trop quoi faire ou quoi dire. Qu’est ce qu’elle voulait entendre par là ? Qu’elle savait ce qu’elle voulait ? De tout ce qu’elle me disait, j’avais l’impression que, si j’étais dans sa vie ou non, rien n’aurait changé. Que, si je prenais la décision de prendre directement un billet de retour et de finir notre histoire une fois arrivée là bas, au final, ça ne changerait pas grand-chose à sa vie. Cette pensée sombre me trotta un petit moment à l’esprit et je me contentais de baisser les yeux.

« Moi aussi je sais ce que je veux. » dis-je simplement pour me défendre un peu

Parce que j’avais bien compris, derrière cette insistance à m’expliquer qu’elle avait tracé sa route et qu’elle savait où elle allait, ça me renvoyait à ma propre condition qui était l’exact opposé. Mais qu’attendait-elle de moi maintenant ? Un peu vide, un peu perdu, je fus interrompu par un stewart qui déclara simplement :

« Mademoiselle, Monsieur, puis-je vous offrir un rafraichissement ? »

Je levais la main, en guise de réponse et avec une vague grimace. Comme si j’avais un ulcère à l’estomac. Le stewart fronça les sourcils, et finit par s’en aller. Très tendu, je regardais à nouveau par la fenêtre. Le silence en devint presque gênant pour moi.

« Je vais prendre l’air. » dis-je simplement

Et, sans cérémonie, je me levais pour prendre la direction de la sortie.

Environ une heure plus tard.

J’avais marché, longtemps. Ses paroles avaient eu un impact tellement fort dans mon esprit que j’étais un peu tombé de haut. Les mains dans les poches, en observant les nuages j’avais réfléchi. Mon pull des gryffondors toujours sur moi, j’avais rabattu ma capuche et je m’étais appuyé sur la rambarde du pont. Est-ce que je n’avais pas brûlé les étapes avec Perséphone ? Est-ce que je n’aurai pas mieux fait d’aller un peu mieux après mon épisode avec Solvi et attendre pour pouvoir aimer à nouveau ? Est-ce que j’étais en train de la faire souffrir ? Ou au contraire, est-ce qu’elle s’en fichait désormais ? Est-ce qu’elle ne pensait qu’à sa carrière et son avenir et est-ce que je n’étais pas qu’un pion dans sa vie ? Est-ce que j’y avais encore une place ? Est-ce que c’était trop tard ?
J’avais longtemps pensé, à tout ça. Et aussi longtemps réfléchis sur ce que m’avait dis mon père et mon grand-père sur l’amour. Ca valait la peine de tout faire pour lui, quitte à en crever. Ils répétaient ça souvent mais… et si ce n’était pas réciproque ? Et si il n’y avait plus d’amour dans son coeur ? Accoudé, je regardais les nuages défilés. Alors, je soupirais, et comme tout bon Clearwater que j’étais, je marmonnais en bougonnant et plus déterminé que jamais :

« Qu’un seul moyen d’le savoir. »

Encore 10 minutes plus tard. Soit 1h10 après le départ de Fergus auprès de Perséphone.

« Mais t’es un malade mon garçon... »

A la barre, le Capitaine semblait suivre une espèce de ligne sur une immense carte du monde. Concentré, il avait écouté mon discours et mes explications. J’avais quand même eu besoin d’un avis neutre avant de me jeter à l’eau.

« Je sais, mais en même temps, je suis certains qu’elle attend que ça. Elle m’a dit : Et tu le sais aussi, ce que je veux. Tu peux le prendre pour gallions comptants, je suis plutôt du genre idée fixe. Je suis persuadé que c’est ça. »

Le capitaine se recula alors de la carte qu’il fixait. Nous étions en passe de survoler le Proche Orient. Finalement, il lâcha la barre et consentit à me regarder droit dans les yeux.

« Mais mon garçon… Les femmes et l’amour, c’est si complexe… Ca peut vouloir dire tout autre chose et c’est un gros risque que tu cours. Imagine qu’elle ne vienne pas. On passera tous les deux pour des cons, et j’ai pas envie de remettre en doute ma réputation et celui de ce rafiot magique... »

Sur de moi, je fis non de la tête. De toute façon j’en avais plus rien à faire j’avais perdu un peu la raison. Mais je sentais que c’était ce que mon coeur voulait et que c’était la seule chose à faire pour remédier à la situation. Je répétais alors :

« On est dans la zone internationale, c’est légalement valable et c’est mon droit. En plus, elle a très clairement dit… Et tu le sais aussi, ce que je veux. Tu peux le prendre pour gallions comptants, je suis plutôt du genre id... »

« CA VA CA VA GAMIN ! » beugla t-il « Après tout c’est ta vie sentimentale, pas la mienne ! Mais crois-moi, si elle nous plante, tu finis à la plonge jusqu’à la fin du trajet. »

4 minutes plus tard, soit 1h14 après le départ de Fergus.

Une voix magique résonna alors dans tout le bâteau-volant. Cette dernière avait un fort accent français, signe que c’était le Capitaine du vaisseau qui s’adressait à l’ensemble des voyageurs. On l’avait déjà tous entendus avant le décollage.

« Mesdames et Messieurs, bonjour à nouveau. C’est encore votre Capitaine. Il s’agit d’une annonce un peu spéciale, qui, j’en suis certains sera appréciée. »

Derrière, on pouvait entendre la voix de Fergus plus faible :

« Elle a dit Et tu le sais aussi ce que... »

« C’est donc avec joie ! » coupa le Capitaine « Que vous êtes tous conviés sur le pont supérieur au mariage de Ferguson Clearwater et Perséphone Fogg. Comme le veut le droit magique international, je suis habilité à procédé au mariage dans les espaces internationaux. La cérémonie sera suivi d’un petit pot offert par la Hermès Compagnie, venez nombreux… Et surtout notre chère future Madame Clearwater... »

Le micro n’était pas encore coupé qu’on entendit derrière une voix à la fois paniquée et soulagée :

« Bon, bah maintenant, au mieux, je me fais juste défoncer par mon père parce qu’il est pas là. »

Elle ferma longuement les yeux, faisant signe de la main. Ça n'était pas le moment pour un rafraîchissement. Intérieurement, elle s'était préparée à ce genre de réaction. Sa posture inflexible en avait fait le terrain et elle connaissait maintenant suffisamment bien Fergus pour savoir que ce dont il aurait eu besoin pour que les choses se passent autrement c'aurait plutôt été un moment de tendresse ou quelque chose qui aurait été plus mu par les sentiments qu'elle éprouvait toujours que par la raison à laquelle elle avait décidé de s'accrocher. Elle ne voulait pas d'une autre relation toxique dans sa vie. Ça n'était pas la première fois qu'elle l'insinuait et c'était sans doute le plus important à ses yeux.

Alors elle lui laissa prendre cet espace dont il avait sans doute désespérément besoin, le coeur serré, sans trop savoir si tout ça ne les menait pas droit dans le mur. Finalement, le stewart revint avec son plateau de rafraîchissement. Elle accepta une coupe, se disant qu'il ne faisait que son taff. Fergus était parti depuis un petit moment déjà quand un petit garçon l'aborda timidement pour parler de Quidditch. Elle l'accueillit tout sourire, ravie de cette adorable distraction et de l'opportunité d'une conversation où elle n'avait pas l'impression de jouer sa vie. Après un petit moment, les parents du gosse finirent par venir chercher leur progéniture en s'excusant du dérangement, à quoi Perséphone répondit qu'il pouvait revenir autant qu'il voulait. Le vol allait être long.

Elle avait finalement résolu de s'accorder une petite sieste - puisque Fergus ne revenait pas - quand la voix du capitaine les interpella. Dissipant la petite alcôve de nuit instantanée autour d'elle, Perséphone plissa le front. Une annonce un peu spéciale ? Elle se demandait s'il fallait déjà commencer à s'inquiéter, adressant malgré elle un regard à son étui à balais quand elle crut percevoir un léger chuchotement en bruit de fond. Quelque chose de très indistinct mais de très familier en même temps. La suite de l'annonce la fit bondir de son siège :

« Le Quoiiii ???!!! »

Elle venait définitivement de bousiller sa tenue Wellington. Elle en était à ce constat quand elle sentit d'un coup tous les regards se braquer sur elle avec intensité. Apparemment ça n'était pas une blague et si c'en était une personne ne l'avait prise comme telle. On attendait donc la mariée. Passablement agacée, Perséphone se leva, suivant les sourires ravis jusqu'au pont supérieur où une hôtesse lui colla un bouquet de fleurs dans les mains. Perséphone affichait sa pire tête de sceptique, abandonnant le bouquet presque aussitôt sur le premier plateau de petits fours qui lui passait sous le nez. Elle avisa Fergus, planté à quelques distances de là. Il allait falloir faire mieux si elle voulait avoir l'air de filer le parfait amour avec ce specimen. Décidément, il était unique en son genre.

Bien décidé, Perséphone Fogg approcha de son apparemment fiancé, souriant de toutes ses dents dans une mimique un peu statique.

« Tu peux me dire ce qui te passe par la tête ??? Continue de sourire... », grinça-t-elle entre ses dents, « T'as pensé à ta famille ?? Je tiens à ma vie moi. J'ai vu ton père, j'ai absolument pas envie de me marier à la va-vite dans son dos alors qu'on n'a même pas fait les présentations officiellement. Et qu'est-ce que c'est que cette idée de-, le capitaine approcha pour s'enquérir de si la cérémonie devait commencer, « Oui ! »« se marier au milieu d'une dispute ??? Fergus ! Je crois que je vais te tuer - « On va se contenter de "voulez-vous prendre pour époux blabla / oui / vous pouvez embrasser la mariée hein... » précisa-t-elle au capitaine pour qu'il ne se lance pas dans tout le blabla officiel qui aurait précisément rendu ce mariage bien réel, « Faites semblant. Je vous le revaudrai au centuple capitaine. »

En même temps qu'elle disait cela, elle avait littéralement coincé le bras de Fergus sous le sien, comme si elle avait eu peur de le voir s'enfuir...

« T'es vraiment le pire Fergus Clearwater - mais je t'aime quand même...

Sur le pont de l’aéronef volant, j’attendais Perséphone assez nerveux. Je ne m’étais pas changé, dans la précipitation, et je trouvais quand sans mon kilt et mes habits traditionnels, je devais avoir l’air d’un navet pour ce genre d’évènement. J’étais trop loin de mon domicile pour faire venir mes vêtements à l’effigie de mon clan, et j’espérais simplement que le fantôme de mon grand-père ne viendrait pas cette fois-ci me hurler dessus car je ne respectais aucune tradition. Mais en même temps… Est-ce qu’on se mariait pour les autres ? Est-ce qu’on se mariait pour son clan ? Ou pour soit même avec tout ce que cela pouvait représenter pour l’autre avec qui on avait décidé de s’unir pour la vie.
Mon coeur fit un bond dans ma poitrine, quand je vis enfin ma… future femme arrivée. Dans son expression, je ne vis rien. En revanche dans ses yeux, je pus en lire beaucoup. J’allais très certainement me faire défoncer. Mais… elle était là non ? Donc elle m’aimait encore. Donc elle acceptait. Aussi, j’entendis que d’une oreille ce qu’elle était en train de me dire sur mon père quand elle s’agrippa à moi comme un faucon sur sa proie.

« Ca va ca va tranquille… Il dira rien... » mentis-je effrontément « Et puis d’habitude c’est ma sœur qui fait ce genre de conneries. Là, je la prends de cours, et en plus je fais un truc que j’ai pas l’habitude de faire. Je sors des sentiers battus, je suis sur que tout le monde sera très fier de moi... »

Je souriais aux anges, mais bien sûr, j’essayais de me convaincre moi même dans ce que j’étais en train de dire. Quand je vis qu’elle voulait faire ça vite, je fronçais les sourcils. J’avais quand même préparé mes vœux… D’un petit coup de baguette, discrètement dans mon dos, je fis brûler le petit bout de parchemin avec mes notes. Le capitaine nous regarda en fronçant les sourcils.

« Vous êtes sûr de vous au moins ? »

Je relevais alors les yeux, cette fois-ci presque comme un défi. On pouvait sentir le sang magique de mes ancêtres trembler et transpirer hors de moi.

« Bien sûr, j’ai une tête à plaisanter ? C’est la femme de ma vie Capitaine. »

Ma main trouva celle de Perséphone et je l’enlaçais un peu fortement. Je ne comptais pas la laisser partir. Je ne comptais pas la laisser s’enfuir. Et faire cela, comme une preuve d’amour alors que la distance allait nous mettre à l’épreuve, c’était un gage de fidélité éternel pour moi. Chose qui, avec son père et sa vie de bohème, je le savais était important pour elle.

« Très bien… Vite et propre... »

Le Capitaine regarda autour de nous. Puis, attendant que tout le monde se taise, il déclara :

« C’est avec honneur que je vais unir ces deux jeunes gens. De manière assez brève, car le temps ne permet pas de faire de longs et beaux discours. Mais sachez que ce n’est pas grave, car au contraire, le temps file et s’efface à une vitesse folle. »

Je me contractais brusquement, sentant que cette fois-ci, c’était réel. Mon courage m’abandonna et je serrai un peu plus fort la main de Perséphone. Qu’est ce qu’allait dire ma famille ? J’allais me faire détruire c’était certains. Un petit vent de panique passa dans mes cheveux et je devins blême. Mais, le Capitaine continua.

« C’est donc par un poème, simple, que l’union sera effectif. En vertu des lois internationales, je suis habilité à marier ces deux jeunes gens, et sachez que pour moi, c’est un vrai plaisir. »

Je me mis à trembler un peu. Parce que je savais que ça aurait du être mon père qui aurait du nous marier. J’avais déjà failli lui faire le coup avec Solvi et là je le faisais réellement avec Perséphone. Comme quoi… il mit une écharpe sur nos deux bras tendus, comme le voulait la tradition des marins.

« Je connais des bateaux qui restent dans le port
De peur que les courants les entraînent trop fort,
Je connais des bateaux qui rouillent dans le port
A ne jamais risquer une voile au dehors.
Je connais des bateaux qui oublient de partir
Ils ont peur de la mer à force de vieillir,
Et les vagues, jamais, ne les ont séparés,
Leur voyage est fini avant de commencer.
Je connais des bateaux tellement enchaînés
Qu’ils en ont désappris comment se regarder,
Je connais des bateaux qui restent à clapoter
Pour être vraiment surs de ne pas se quitter.
Je connais des bateaux qui s’en vont deux par deux
Affronter le gros temps quand l’orage est sur eux,
Je connais des bateaux qui s’égratignent un peu
Sur les routes océanes où les mènent leurs jeux.
Je connais des bateaux qui n’ont jamais fini
De s’épouser encore chaque jour de leur vie,
Et qui ne craignent pas, parfois, de s’éloigner
L’un de l’autre un moment pour mieux se retrouver.
Je connais des bateaux qui reviennent au port
Labourés de partout mais plus graves et plus forts,
Je connais des bateaux étrangement pareils
Quand ils ont partagé des années de soleil.
Je connais des bateaux qui reviennent d’amour
Quand ils ont navigué jusqu’à leur dernier jour,
Sans jamais replier leurs ailes de géants
Parce qu’ils ont le coeur à taille d’océan. »

Je fronçais les sourcils. Encore aujourd’hui, je n’arrivais pas à me souvenir d’avoir compris quoi que ce soit à ce foutu poème. Car, j’étais dans un tel état de stresse que je manquais de m’évanouir.

« Ferguson Clearwater, consentez vous à prendre Perséphone Fogg ici présente pour épouse. »

Je relevais les yeux vers le Capitaine. Puis vers elle. Mes yeux se posèrent dans les siens, et un long silence s’installa avant que je ne dise d’une voix ferme…

« Oui. »

« Non mais Fergus, on est d'accord que je ne suis pas venue là pour me marier avec toi, juste pour éviter de te mettre un blanc qui va tourner dans la presse pendant des mois... », souffla la joueuse de quidditch qui se demandait sérieusement si son petit ami n'était pas sous substance illicite.

Et que dire du capitaine d'ailleurs ?


« Comment ça "on est sûrs" ? Que ce soit bien clair : c'est pour de faux là. Personne ne va épouser personne. », insista la jeune femme qui se demandait l'espace d'un instant s'il ne valait pas mieux dire non tout court - tant pis pour les apparences - de peur de se rendre compte le lendemain que ce soit disant mariage pipeau était un vrai mariage.

Puis sans qu'elle y opposa vraiment son opinion, le capitaine commença son office, elle sentit la main de Fergus serrer la sienne plus fort. Son coeur s'emballa comme elle se voyait un instant à la place de toutes les concubines que son père avait cru bon d'engrosser à commencer par sa mère. Sa bouche sécha instantanément. Elle n'entendit pas un traitre mot de ce foutu poème finalement, trop occupée à ne pas paniquer. Après tout c'était un mariage bidon. Ce fut le oui de Fergus qui la tira de ce petit cauchemar éveillé.

« Oui ! moi aussi !! Tu peux embrasser le marin - euh la marée ! la Mariée ! Embrasse-moi ! » fit-elle avant de se rendre compte qu'on ne lui avait encore rien demandé à elle, mais ça ne faisait rien, elle prit le visage de Fergus entre ses mains et pressa ses lèvres contre les siennes avec plus d'urgence que de tendresse au début.

Pourtant, il suffit de ce simple contact pour chasser l'angoisse et lui rappeler combien il lui avait manqué pendant tout ce temps. Alors l'urgence s'évapora, emportant avec elle le petit démon rancunier qui s'était installé entre eux ces dernières semaines, et Perséphone fondit avec douceur dans ce baiser qui disait tu m'as manqué.

Elle crut entendre un c'est trop mims tout émoustillé un peu plus loin et, se rappelant qu'ils n'étaient pas seuls, rompit doucement le baiser en s'éclaircissant la gorge.

« Et maintenant champagne tout le monde ! », lança-t-elle pour détourner l'attention de ce public qui, à ses yeux, était de trop.

J’atterrissais à nouveau. Normalement, l’écharpe sur nos bras aurait du scintiller de magie, mais ce ne fut pas le cas, preuve que le mariage était bidon. Je crus voir d’ailleurs une lueur dans le regard du capitaine, qui crut un instant qu’il fallait vraiment procéder au mariage. Mais… au dernier moment il se ravisa et Perséphone se jeta sur moi. Mes pensées se déconnectèrent instantanément et je m’apaisais. Ce geste valait mille mots. Quand elle proposa du champagne pour tout le monde, je redressais mon nez, commençant à compter le nombre de personne. Je fronçais les sourcils. Cette blague allait me coûter une peau de dragon.

« Reste à savoir si c’était un vrai faux mariage. Ou un faux vrai mariage. » dis-je avec un regard plein de malice.

Je restais un long moment à regarder Perséphone, mes bras sur ses épaules. Le reste se fit sans bruit. Je restais discret, face aux journalistes, ne répondant à aucune question. De temps en temps, j’échangeais avec un sorcier étranger. Mais, le plus souvent je restais silencieux, la main dans celle de Perséphone, bien décidé à ne plus jamais la lâcher. Après tout, même si c’était pour faire semblant, j’avais déjà promis.

Quand nous arrivâmes à l’aérogare internationale, nous descendîmes encore sous les félicitations. Mais, malheureusement, ce ne fut que de courte durée. Descendant le pont, toujours Perséphone dans la main, un spectacle nous attendaient. Plusieurs hommes et femmes, vêtus en tenus traditionnelles l’attendait. De nombreuses pancartes disaient, « Nau mai haere mai What The Fogg ! ». Un sourire apparut sur mes lèvres, assez fier au final qu’elle ait un aussi bon accueil de la part de sa nouvelle équipe.


« Il faut vraiment que tu récupères la nationalité écossaise avant la prochaine coupe du monde. » laissais-je entrevoir d’un air amusé.

Puis, je la libérais et je me penchais pour lui dire simplement :

« On se retrouve plus tard, je te laisse apprécier ton moment. Je vous aime, Madame Clearwater. »

Dans un élan d’affection, je posais simplement ma tête sur son épaule, lui glissant un petit mot que j’avais bien sûr préparer en amont. Lui faisant un léger clin d’oeil, je m’écartais pour finalement m’éclipser et disparaître dans la foule, gardant bien évidemment, toujours un œil sur elle.