Let It Be (Nott)

15.02

Tournant encore et virant encore une fois, je me demandais bien évidemment sur mes heures de bureau, comment récupérer le coup avec Nott. J’avais tout plus ou moins fait foiré, la dernière fois, et je réfléchissais à un plan d’action digne de ce nom et de ma carrure pour essayer de recoller les morceaux. Faisant bien évidemment semblant de travailler, plusieurs dossiers ouverts, je regardais la porte de l’ascenseur en essayant de rassembler les éléments pertinents qui pouvaient m’amener à la revoir et marquer le coup. Au final, ce n’était pas bien plus compliqué que de monter un dossier sur une source, ou de repérer des failles dans des lignes de compte d’une entreprise douteuse. Enfin… en théorie.
Attrapant un dossier au hasard, je me levais finalement et je déclarais dans l’open space.

« Je vais au Bureau des Aurors. Ya un point sur l’affaire Tawer qui correspond pas aux témoignages des sources sur place. »

Plusieurs m’écoutèrent, d’autres non. A vrai dire, j’en avais rien à foutre. De toute façon, j’avais lancé un sujet assez réel pour que personne ne se doute de quoi que ce soit. Ce qui était étrange, c’était que je travaillais avec autant d’ardeur avec le bureau des Aurors en ce moment.

« ‘Serai pas long. » marmonnais-je en me dirigeant vers l’ascenseur.

J’avançais vers le couloir, puis je me dirigeais vers l’ascenseur. Qu’est ce que j’allais bien pouvoir dire ? Qu’est ce que j’allais bien pouvoir faire pour récupérer les morceaux brisés ?
Après tout, est ce que je n’avais pas agi inconsciemment quand j’avais appelé pour organiser cette partie de Poker ? Est-ce que je voulais vraiment que Nott fasse partie de ma vie ? Est-ce que je n’avais pas intégré son discours sur les Aurors qui m’avait retourné le cerveau ? Ou étais-je tout simplement, assez bien pour elle ?
En proie au doute, j’arrivais devant le bureau de Nott. J’inspirais. Le secrétaire me vit, et roula des yeux. Il prit quelques dossiers et s’en alla plus loin. Visiblement, il avait flairé le mauvais coup. Je frappais, deux coups rapides et j’entrais. Et je pris soin de bien refermer la porte derrière moi, avec une lenteur infinie…

« Salut salut... »

Je me retournais avec un petit sourire. D’un coup de baguette, je fis apparaître sa boisson non-alcoolisée préférée et je la posais sur son bureau.

« Tu vas bien ? Hm ? Bon, je suppose que ça va pas fort. Ecoute, faut que j’te dise quelque chose. Et écoute moi jusqu’au bout s’t’euplé... »

Je posais le dossier fictif sur son bureau, qui était à moitié remplie et à moitié. Comme à mon habitude de toute façon, j’allais tout faire au dernier moment.

« Je suis désolé pour la semaine dernière. Ecoute, j’ai paniqué tu vois. J’me suis dis… Elle va rester au boulot, elle va jamais venir, et elle va faire... »

Comme d’habitude. Je me mordais la joue intérieurement. Parce qu’elle m’avait souvent fait le coup. Et malheureusement, cette fois-ci ce n’était pas un argument, car on en avait largement discuté et… avec ma putain de langue, j’avais signé un contrat. Pourquoi j’avais dit tout ça.

« Bref, j’arrête de dire des conneries, je te rejette la faute. J’ai merdé. Je suis désolé et je viens m’excuser avec… avec... »

Je regardais autour de moi, ce qu’il y avait dans le bureau à offrir. Finalement, rien. Je fis juste apparaître des fleurs et je lui tendis avec un léger sourire maladroit.

« Des appareils génitaux de plantes. »

Je marquais une pause, et je me dirigeais vers la porte. C’était l’entrée en matière la plus nulle du monde. Je n’avais plus rien à faire ici, car je m’étais enfoncé  plus que j’étais sorti du sable. Penaud, je m’étais imaginé tous les scenarios derrière mon bureau plus bas dans les étages, mais pas celui ou je faisais autant de merde à la minute.

« Ah, et, je t’aime. »

J’étais de dos. La main posée sur la poignet de la porte, je parlais à cette dernière, et je n’osais pas me retourner. C’était parti comme une balle de fusil, soit comme l’ultime façon de merder, soit comme ma dernière chance de m’en sortir avec elle. Toujours de dos, je n’osais pas me retourner pour lui dire dans les yeux.

« Mais, comme d’habitude, je fais tout foirer avec ceux que j’aime. Et quand je les aime plus que tout, je fais vraiment, d’la merde. »

01.02.24


Les derniers mois avaient filé sans qu’elle ne les voit. Elle avait fêté noël sans personne, autour d’une bouteille au goût amer, et s’était demandée si elle n’allait pas mourir seule dans une mission merdique. Une mort sans envergure, comme sa carrière qui était en train de sombrer. Nott jeta un regard morne à l’avertissement qui traînait sur son bureau, qu’elle n’avait pas besoin de relire une énième fois puisqu’elle avait fini par mémoriser chaque mot, chaque espace, et chaque reproche bien tourné de cette foutue administration.


Nott avait la nausée. Elle se passa la main sur le visage et y jeta de nouveau un oeil, comme si les lettres avaient le pouvoir secret de se réorganiser. Comme si le message pouvait changer, en mode « premier avril ! ». Mais non.


Les iris bruns de Tyrfing se plissèrent, prenant des airs de meurtrière.

Morfin Byrne se foutait de sa gueule.
Ouvertement. Poliment.

Une formulation irréprochable, des ronds de jambe, pour des mots assassins de fils de pute.


Morfin Byrne était un fils de pute, maintenant au moins, c’était certain.

Nott se redressa, ses épaules nouées et le visage fatigué, mais désormais, tout faisait sens ou presque. Le départ précipité de Thaddeus qui, trop intègre, avait dû subir aussi et à sa façon la pression de Byrne. L’étouffement de l’affaire de la drogue, le fait que @Noma Karma semblait être dans le viseur du Directeur.

Pourquoi une telle trouille de la part du Directeur, d’ailleurs ?

Nott se frotta les tempes, avant de finalement plier le document et l’envoyait d’un Evanesco dans les méandres d’une autre réalité - loin d’elle, même si cela finirait par lui ronger l’esprit dès qu’elle rentrerait chez elle.

Tyrfing allait envisager de rentrer au moment où la porte s’ouvrit.

Son regard se leva instinctivement sur le visage d’Ebenezer, et elle se sentit à la fois terrassée par le destin, comme si ce dernier lui envoyait un second signe annonciateur d’une défaite face à la vie - un second cavalier de son apocalypse personnel, et en même temps, c’était à la fois presque ironique.

Elle n’ouvrit pas une seule fois la bouche, plus car elle n’était pas capable de dire ou d’objecter, et écouta avec une certaine attention les mots du Grimm, le visage un peu pâlot.

Je t’aime.

A l’origine, la norvégienne s’était attendue à ce qu’il lui parle de tout et de rien, peut-être qu’il avait même entendu parlé de l’histoire avec Byrne - même si elle en doutait, Morfin n’avait aucun intérêt à mettre qui que ce soit de plus dans la boucle, au risque de rameuter des alliés à la Cheffe du bureau des aurors dont les états de service étaient impeccables - mais non.

Le disque était rayé. La scène un peu étrange, un mélange de déjà-vue et de nouveauté.

Et elle, elle était fatiguée, à cause peut-être de la mi-saison, ou d’à chaque fois avoir l’impression de frôler le firmament et de s’écraser la seconde d’après.

Silencieuse à son bureau, un ange passa, où elle ne savait pas bien quoi dire.

Enfin, si, d’une certaine manière.

« Je sais, Ben. Moi aussi. Je t’aime. »

Les yeux bruns de Nott détaillèrent Ebenezer. Dans les films romantiques, c’était sans doute à ce moment que les deux protagonistes se levaient, se rapprochaient jusqu’à se sentir, jusqu’à se toucher, et qu’ils s’embrassaient avec passion.

Mais elle comme lui n’étaient pas ce genre d’acteur.

« L’amour, ça n’a jamais été ce qui manquait. »

Elle jeta un regard à son bureau, vide et perdue. L’avertissement de Byrne, le message de son paternel après quasiment dix ans de silence, et maintenant Ebenezer. Elle se passa la main sur le visage. Nott n’avait pas bougé d’un pouce. Son monde s’écroulant doucement autour d’elle suffisait largement, pas la peine d’y ajouter son propre tango.

« On est juste... nuls. L’un pour l’autre. Nuls dans le genre... où je te fais du mal, et où tu me fais du mal. »

Les épaules trop lourdes, Nott le fixa, l’air un peu désabusé.

« Je suis pas disponible pour ce genre d’histoire. J’ai trop de chose à faire, Ben, et je me sens putain de seule. Je me sens... tellement perdue, tellement au fond du trou, que je sais même pas pourquoi je continue. J’en suis à un point où je te dis que je t’aime aussi, et je sais que ça va te donner de l’espoir, mais c’est juste moi, ma personnalité malsaine, mon incapacité à laisser aller, ma putain de possessivité qui me ronge, et ce fichu complexe d’infériorité, et-et... »

Elle leva la main, comme si la liste allait être encore longue, mais plus rien ne sortit de ses lèvres.

Ou tout juste un soupire.

« Ma grand-mère est morte, Ben. Faut que j’aille en Norvège... »

Ca ne devait pas lui dire grand à chose à Ebenezer, car Nott n’avait jamais parlé de sa famille, ou alors vaguement. Son père était pourtant une personnalité bien connue du paysage politique des pays nordiques, et sa mère une beauté sans nom. Sa soeur quant à elle, plus qu’une étoile montante, une diplomate incroyable et charmante.

Elle... Elle n’avait jamais été la même qu’eux, et sa grand-mère était morte.

Les derniers mots qu’elle lui avait dit, c’était « je reviendrais te voir vite », et elle n’était jamais revenue la voir.

La tête de Nott se pencha en avant, se cachant le visage d’une main alors que ses épaules, fébriles, se mirent à trembler. Tyrfing ne pipa aucun mot, mais ses cheveux virant au bleu pour la première fois de sa vie laissaient croire que c’était plus qu’une mauvaise nouvelle pour la métamorphomage.

Je me figeais quand j’entendis sa réponse, la main sur la poignée de la porte. Lentement, je l’enlevais et je me retournais avec un léger sourire, qui s’effaça à la suite de ces propos. Je l’écoutais en silence, me répondre qu’elle m’aimait. Puis me poignardait en me disant que c’était compliqué et qu’on était peut être pas fait l’un pour l’autre parce qu’on était nuls. Et aussi par rapport au fait qu’elle n’était pas disponible pour ce genre d’histoire. Ca, je l’encaissais dans un coin de mon coeur et je fis une très légère grimace.

« D’accord. » dis-je sans plus d’éléments de réponse.

Mais en même temps qu’est ce que je devais dire ? Que j’étais prêt quand même à tenter le coup, parce qu’on ne pouvait connaître un échec que si on avait tenté quelque chose. Mais la suite de ses propos me ravisa sur ma position. Elle semblait perdue. Totalement égarée, pour la première fois depuis que je la connaissais, elle semblait même vulnérable. Je plissais des yeux et je m’avançais vers elle pour la prendre par les épaules.

« Hé. Hé… Calme toi. T’es sur que ça va ? »

Mes réflexes d’agents des renseignements opérèrent. Quand une source changeait d’attitude alors qu’elle avait toujours été fiable, c’était qu’il y avait eu un évènement extérieur majeur. Et la disparition de sa grand-mère n’était pas suffisant pour abattre la femme que j’avais en face de moi à ce point, qui voyait tous les jours l’injustice de la mort frapper nos collègues. Mes yeux passèrent sur son bureau, dans son ensemble. Rien. Il avait quand même du se passer quelque chose.

« Tu étais proche d’elle ? » demandais-je

Je commençais à récolter des informations. C’était très bête mais toutes les relations fonctionnaient de la même manière. Que ce soit celle d’une source et d’un agent des renseignements, ou de deux êtres qui visiblement s’aimaient mais qui étaient incapable de se le prouver par les actes. Mon regard se baissa et je continuais :

« Et il y a autre chose ? »

Et toujours poser des questions simples, précises et qui allaient droit au but. Mes yeux passèrent sur elle à nouveau, puis sur le bureau. Comme si je cherchais une trace d’un évènement que j’avais pu rater. Il était certains que quand j’allais quitter ce bureau, je menerai ma petite enquête personnelle. Après quelques temps, je finis quand même par reprendre le sujet d’une conversation normale. Ca aussi ca faisait parti du protocole.

« Je vais venir avec toi. L’Ambassade Britannique en Scandinavie magique a toujours des informations précieuses à nous fournir, et je suis certains que je trouverai rapidement un ordre de mission pour venir avec toi. Au pire, je prendrais des congés. »

Bien sur, je n’avais plus de congés. J’étais du genre à les prendre tous en même temps et à bouffer mon pain blanc en soirée à jouer à des jeux d’argents et à picoler jusqu’à ce que mon immense carrure tombe comme une masse au milieu du Casino Gobelin. Mais j’allais me débrouiller pour la suivre, j’étais débrouillard et inventif. Au pire, je demanderai à un ami de me sectionner un bras, et je prendrais un arrêt maladie pour la suivre.

« En tout cas, je vais pas te laisser tomber. Amant, collègue ou ami. Je sais pas trop ce qu’on est toi et moi mais une chose est certaine, c’est hors de question que je te laisse tombé t’entends ? »

Je passais ma main sous le menton pour lui relever la tête afin qu’elle me regarde dans les yeux et qu’elle se reprenne. C’était bizarre de la voir ainsi, et encore plus bizarre de voir cette couleur de cheveux.

« Tu as peur ou tu es triste ? » dis-je en poursuivant mon petit interrogatoire.

01.02.24


Proche d’elle.

Nott se figea, le regard perdu un instant. Est-ce qu’elle était proche de sa grand-mère ? Avait-elle été plus proche un jour d’une autre personne seulement ? Elle qui avait toujours accueilli la mort avec une certaine philosophie se trouvait presque déracinée, perdue même. Tout lui tombait dessus en même temps. C’était comme si sa tête enflait, comme si elle allait exploser.

Au lieu de ça, Nott releva le menton vers Ebenezer qui se dévouait à l’accompagner. En Norvège.

Elle fronça les sourcils, mais elle n’avait pas l’air en colère, juste… touchée ? Nott ne le dirait pas, mais elle avait l’impression que pour la première fois, Ebenezer Grimm se comportait exactement comme elle le voulait, et sans qu’elle n’ait eu le besoin de le lui dire. En temps normal, elle aurait balayé aussi sec la proposition, elle se serait voilée dans l’envie d’être seule, de pouvoir panser ses plaies sans un regard sur elle, mais elle ne le fit pas. Au lieu de ça, elle sentit son souffle se faire plus profond, tentant de récupérer les morceaux d’elle qui s’étaient éparpillés.

Qu’est-ce qui était le plus douloureux ? La lettre d’avertissement ou la mort de sa grand-mère ? Il fallait que les informations décantent. Nott détourna le regard en se demandant combien de temps elle resterait là-bas. Il y avait fort à parier que son père ferait des pieds et des mains pour qu’elle reste. Elle finirait vite étouffée en face de sa sœur. Et puis il faudrait retourner à la maison, dans cette petite chaumière au pieds des fjords où elle avait vécu toute sa jeunesse. Où sa mère l’avait abandonné alors qu’elle n’avait que quatre ans, sans un regard en arrière.

A quoi bon ?

La main sous son menton la tira hors de ses souvenirs houleux, et alors son regard put s’amarrer dans celui de Grimm. Elle le fixa, muette, avant de détourner les yeux vers ses mèches devenues bleues, d’un bleu délavé, d’une tristesse lavée par des vagues d’amertume.

« Je… ne sais plus vraiment – ce que je ressens, là » murmura-t-elle, sans une once d’ambiguïté puisqu’elle se trouvait démunie, les bras ballants et le regard perdu sur son visage.

« J’ai l’impression que le monde s’écroule autour de moi » reprit-elle, d’une voix plus petite, qui pour autant ne donnait pas lieu à croire qu’elle était assez vulnérable pour se briser : « la disparition de ma grand-mère, l’avertissement que je viens de me prendre de la part de Byrne, l’impression que plus j’essaye de protéger l’Angleterre, plus la violence explose dans les rues, l’alcool… toi… »

Elle détourna le regard rapidement, se rendant compte de l’absurdité de la chose.

Nott avait toujours voulu une vie de chaos, où on ne s’ennuie pas. Elle avait cherché l’adrénaline, elle avait cherché la guerre puisque son sang était celui des guerriers d’Odin. Les Tyrfing n’étaient pas réputés pour être des tendres mais ils étaient à défaut sages, sauf elle.

La cheffe du bureau des aurors se redressa, jetant un regard à son bureau, à sa pile de paperasse, à ses centaines de feuille, au bois qui sentait bientôt un mélange de sang et d’alcool.

« Je crois que… que j’ai besoin de dormir » conclut-elle, d’un air étranger, répugnée par tout ce qui l’entourait, à l’exception d’Ebenezer qui devenait, dans le taudis de sa vie, la seule pièce non branlante. Changeant, intrépide, instable, oui, mais pas branlante.

« Si... Si tu veux vraiment m’accompagner, sache que je pars dans deux jours, juste le temps de passer mes dossiers à Hatcher. J’ai déjà posé des congés. Byrne ne me retient pas, c’est pour ça que c’est aussi rapide. »

En même temps… Mais elle ne parlerait plus tard, une fois sorti du pays, une fois ses yeux reposés.

Je la gardais dans mes mains, passant un coup d’oeil par dessus elle, pour observer son bureau plus en détails. Il n’y avait pas besoin d’être un analyste au bureau des renseignements pour comprendre immédiatement que rien n’allait et que tout était en train de se casser la gueule. Elle semblait perdue, égarée. Et ça ne lui ressemblait pas, elle qui d’habitude était si forte et droite. Je n’arrivais pas à juger ce qui l’affectait le plus, le boulot ou la mort de sa grand-mère. A vrai dire, au final, ca me ramenait au fait qu’en dehors de nos petites escapades nocturnes je ne connaissais pas grand-chose d’elle derrière la carapace.

« Tu as juste besoin de calme et de repos. A force de trop vouloir en faire, voilà où ça mène. Tu peux te foutre de ma gueule quand je dis que je suis un gros flemmard mais j’ai pas ce genre de soucis ! »

Je l’attirais à moi, avant de lui sourire en coin. J’essayais toujours de faire un trait d’humour pour dédramatiser les situations, mais je devais avouer que cette fois-ci, c’était complexe. Ma tête me disait de dégager et de la laisser à ses problèmes car j’en avais déjà assez, mais mon coeur qui dirigeait toujours ma vie me forçait à rester et à être juste là pour elle.

« Tu as besoin d’un VISA ? Tu as tout organisé ou tu as géré ca comme ton bureau ?.. hm ? »

Je regardais le bureau d’un œil critique, et je consentais enfin à la libérer. Croisant les bras, je restais entre elle et la sortie, réfléchissant à mes prochaines paroles, car je savais que j’avais affaire à quelqu’un qui était plus faible qu’à l’ordinaire. D’ailleurs c’était encore très choquant de la voir ainsi.

« Tu vas venir chez moi ce soir. Mais tu dormiras sur le canapé. Il est hors de question que je te laisse rentrer chez toi dans cet état. Parles moi de Byrnn. Qu’est ce qui se passe ? »

Je plissais des yeux. Je comptais bien lui ouvrir une fiche de sécurité si jamais cet idiot s’en prenait à elle. Même s’il était plus haut placé que moi dans l’organigramme, j’étais en charge de la sécurité intérieure et je ne rendais de compte qu’au Ministre en la matière. C’était un bureau qui était sensé, en théorie, faire abstraction de la corruption étrangère même dans les plus hautes sphères gouvernementales. Mais avec le nouveau Ministre, on n’était jamais sur de rien et cet enfoiré était peut être de mèche.

« Tu devrais pas t’en faire. Les gens qui sont au dessus n’aiment pas les gens qui sont plus compétents qu’eux. Ca les empêche de briller, donc soit ils écrasent ceux qui sont en dessous, soit ils essaient de prendre le mérite à leur place. Tu sais ce que tu vaux, c’est le principal. J’ai jamais vu un Bureau des Aurors aussi bien tourné Nott. »

01.02.24

Se faire gronder par Ebenezer au sujet de son rapport au travail – Nott aurait d’ordinaire eut quelques répliques cinglantes sur le flegme légendaire du Grimm, mais pas cette fois. Au lieu de ça, elle le fixa un long moment, avant de finalement se laisser faire comme il l’attirait contre lui. Sa tête glissa d’ailleurs naturellement sur son épaule, légèrement penchée, alors qu’elle inspirait profondément. Ça faisait une éternité qu’elle n’avait plus été si proche d’Ebenezer. Elle en aurait presque oublié combien c’était agréable.

« J’ai la double nationalité » souffla Nott, puisqu’elle n’avait pas renié ses origines quand elle avait été naturalisé, « et mon père a déjà tout organisé… »

Forcément.

Si elle avait perdu sa grand-mère, lui avait perdu sa mère. Otto n’était pas un homme simple ni facile, mais il avait au moins un peu de principes – pour un homme politique. Sa dureté n’avait jamais été qu’une apparence, Nott s’en était vite rendue compte. L’être sans-cœur qui avait fait de sa vie ce qu’elle était, c’était sa mère, et elle aussi elle devrait la revoir.

Nott fronça les sourcils, avant de faire le tour du bureau pour récupérer sa veste. Il fallait qu’elle sorte d’ici et vite. Les murs commençaient à l’étouffer, et Grimm lui offrait une échappatoire qu’elle n’allait pas refuser.

« Du moment que je dors avec Ninja », souffla-t-elle, ne relevant pas qu’il n’était même pas assez galant pour lui laisser le lit. De toute façon, si elle arrivait à dormir, ça serait déjà une sacrée victoire.
« Ah, Byrne… c’est tout un sujet… »

Son visage s’était vaguement obscurci, alors qu’elle jetait de nouveau un œil sur le bureau vaguement rangé. Elle claqua ses mains, forçant les dossiers à se ranger les uns après les autres, comme dans les dessins animés pour moldus. Nott se passa la main sur le visage, l’air fatigué mais un sourire peignit ses lèvres quand Ebenezer tenta de lui remonter le moral.

Aussi, elle murmura en retour un tout petit et timide :
« Merci. »


Assise dans le canapé, une part de pizza dans la main droite, sa main gauche dans le pelage de Ninja qui ronronnait bientôt comme une vieille harley, Nott pencha la tête d’un air désespéré. Elle avait regagné quelques couleurs aussitôt la porte de l’appartement passée, et encore plus quand un elfe de maison était venu leur livrer deux pizzas et une bouteille.

« Byrne est un enfoiré de première. Depuis qu’il a prit la place, il se pavane comme un coq dans sa bassecour… Mais si c’était que ça encore, ça serait supportable, c’est juste que… Je crois qu’il manipule les faits et qu’il falsifie certains dossiers, quand ça l’arrange. »

Elle pencha la tête, cette fois l’air sinistre.

« J’ai pris un avertissement récemment juste parce que j’ai envoyé une convocation à l’agent @Noma Karma dans le cadre des derniers faits divers. Je voulais juste avoir un entretien officiel et pas une discussion entre deux portes, pour donner un peu d’épaisseur à la piste que j’étais en train de suivre. Noma est en charge du dossier, je me suis dis qu’il en prendrait pas ombrage si je lui en parlais, d’autant que j’ai de nouveaux éléments… Au lieu de ça, j’ai reçu un refus sec et un avertissement, comme quoi j’usais et j’abusais de ma position et que je n’avais pas à convoquer ou donner d’ordre à l’agent Karma car il n’était pas de ma hiérarchie… En fait, c’est comme si Byrne m’avait dit de rester à ma place et de pas poser de questions car hors de mon périmètre. »

Pour elle qui avait été Commissaire intérimaire pendant pratiquement un an, ça lui paraissait ahurissant.

« Ca t’explique qu’il faut plus d’agents de liaison entre nos deux secteurs, ça te greffe des @Urielle Grimm avec des @Fergus Clearwater, mais par contre, dès que je veux discuter avec un agent… ‘fin, je comprends pas » maugréa la Cheffe du bureau des aurors, même si la réponse lui semblait évidente.

En fait, il n’y avait même que deux possibilités.

Soit Byrne et Karma cachaient quelque chose et Byrne protégeait son poulain.
Soit Byrne était complètement con.

Ou alors elle avait véritablement dépassé les bornes ?

Elle ne savait plus trop.

Tout en faisant ma valise magiquement, j’écoutais Nott se confesser sur ses problèmes de boulot. De temps en temps, les mains sur les hanches, je regardais un vêtement en me demandant si j’aurais besoin de ça car le froid là bas était réputé solide. Je devrais certainement usé à de nombreuses reprises de sorts réchauffants et ça m’agaçait un peu. Enfin ça m’agaçait… J’avais juste déjà la flemme… Observant Ninja d’un coin de l’oeil, qui d’ordinaire lui aurait sauté à la gorge pour la sectionner si elle n’avait pas été Nott Tyrfing, un léger sourire passa sur mon visage.

« Byrne n’est pas réputé pour être un mec sympa. Il a fait ses armes dans les gouvernements précédents, où la paix était plus prononcé.. Mais il a toujours eu un goût pour l’ordre. »

Je fermais ma valise, et la verrouiller en fronçant les sourcils. Apposant le sceau diplomatique du Ministère, pour être sûr de ne pas être fouillé, je m’appliquais ensuite à la ranger à côté du fauteuil dans lequel j’allais m’affaisser par la suite. Étendant mon corps trop grand pour moi à mes yeux, je mis les mains sur les genoux en regardant la bouteille léviter toute seule pour me servir un verre à moi aussi.

« Peut être qu’il est impliqué. C’est curieux qu’il entrave une liaison entre deux bureaux qui travaillent pour le Département de la Justice Magique. Ce que tu me décris arrivent tous les jours entre les agents Ministériels. C’est assez étrange pour que cela devienne soupçonneux... »

Il faudrait que je fouille pour en avoir le coeur net. Qu’est ce que Byrne nous cachait ou cherchait à cacher ? Si ça avait été une simple affaire, il aurait laissé faire Nott sans rien dire, car cela n’était pas assez important pour que le dossier soit repris à mes yeux par le Directeur du Département, et encore moins en y ajoutant un avertissement.

« L’avertissement confirme mes soupçons, car il est là pour que tu n’ailles pas plus loin dans tes investigations. »

Je réfléchissais en même temps que je faisais tourner le liquide rouge sang dans mon verre à pied. Sans me soucier de manger pour le moment, parce que je n’avais pas faim, je reportais mon regard sur Nott. J’avais une envie irrésistible de me jeter sur elle, surtout quand elle était en colère, et qu’elle me regardait de manière aussi farouche. Mais, étant donné sa faiblesse affective, je préférais rester dans mon coin. Je n’étais pas du genre à abuser des situations comme celles là.

« Je comprends que tu aies réagi ainsi. C’est anormal, j’en conviens. Mais… tu réagis comme quelqu’un qui s’investit un peu trop. »

Et qui n’a que ça. Mais ça aussi je le gardais pour moi. Portant mon verre à mes lèvres calmement, je baissais mes yeux vers elle pour rajouter :

« J’ai de la chance avec Clearwater, pour l’instant il n’a pas trop mis son nez dans mes affaires. Mais ça ne devrait pas tarder. Mais j’ai rien à craindre. Quand on fout pas grand-chose, on a intérêt à briller de temps en temps ! C’est ma stratégie ! » dis-je avec un léger sourire en coin.

Je reportais alors mon attention à elle. Puis, attrapé encore d’un sentiment d’envie, je me levais finalement et je déposais mon verre sur la table basse. Dégageant Ninja d’un petit mouvement de la main, ce dernier me jeta un regard mauvais et s’en alla sans même daigner me jeter un regard assassin. Il était vraiment fâché…
Passant mon bras par dessus son épaule, j’essayais un câlin pour tenter de la rassurer :

« Par contre ça ne justifie pas totalement l’état dans lequel tu t’es mis… Il faut que tu fasses une pause. Et que tu profites de ce voyage pour te reposer. Enfin, qu’on profite de ce voyage pour ce reposer ! »

Car moi aussi, même si je foutais pas grand-chose, j’avais toujours besoin de repos.

« Euh… Il faut que je loue un hotel d’ailleurs ? Parce que si je me pointe avec toi, ils vont croire qu’on est ensemble non ? » dis-je maladroitement.

01.02.24

Si Byrne cachait quelque chose, il venait en effet de mettre comme une immense flèche au-dessus de sa tête. Ou alors pensait-il que le bureau des aurors n’était pas loyal à Nott Tyrfing ? Ou que son influence n’allait pas jusqu’au département des agents de la BIM ? Elle termina calmement son morceau de pizza alors que Ebenezer arrivait à la même conclusion que la sienne. Ça ne pouvait qu’être une mise en garde.

Les doigts enfoncés dans le pelage de Ninja, la norvégienne écouta d’une oreille distraite la suite. Ebenezer et le travail – le couplet revenait encore, lancinant. Trop investie. Oui, c’était vrai, et alors ? Il n’y avait pas qu’elle de trop investi au Département de la Justice, et ça n’était pas une tare que d’aimer son métier. C’était ce qu’elle avait l’air de dire à Ninja alors que Grimm continuait, réussissant à lui tirer malgré tout un sourire.

« Et quelle stratégie » souffla-t-elle, pas méchante mais moqueuse.

Son regard croisa celui d’Ebenezer et elle se tendit un peu, d’une tension agréable qu’elle n’avait pas ressenti depuis des mois. Ses yeux suivirent le moindre mouvement du Grimm, à la façon d’un prédateur peu inquiété, alors qu’il approchait.

Nott ne le repoussa pas. Au lieu de ça, elle ferma doucement les yeux et déposa d’elle-même sa tête sur son épaule, inspirant doucement le parfum qui se dégageait du Grimm, profitant de la chaleur de son corps. Elle mentirait si cela n’allumait pas en elle une envie particulièrement, mais sa tête était encore pleine de Byrne et du décès trop récent de sa grand-mère pour vraiment y penser.

Elle rouvrit doucement les yeux, jetant un œil sur le profil d’Ebenezer. Il n’avait presque pas changé depuis son premier voyage en Norvège. Il n’avait pas eu l’idée de la suivre la première fois. Peut-être qu’il était vraiment sérieux, cette fois ? Qu’il ne se voyait plus chasser les petites espagnoles et les perses aux longues boucles noires ? Que faisait-il avec elle, qui était presque à l’opposé de son type idéal ?

« On dormira chez ma grand-mère, on y sera seuls et tranquilles. On ne restera pas chez mes parents longtemps. Juste le temps de payer mes hommages à mon père. »

Dormir dans la Demeure familiale, dans le Château Tyrfing, c’était impensable. Eyfura, sa mère, n’y consentirait jamais, et de toute façon, ce n’était pas pour eux qu’elle faisait le voyage. C’était pour sa grand-mère, c’était pour Hervor.

Nott releva les yeux, avec un sourire amusé.

« Tu vas devoir te présenter à mes parents… Tu as déjà une idée de ce que tu vas répondre quand ils vont te demander ce que tu es, pour moi ? »

Et qu’est-ce qu’était Ebenezer Grimm qu’une plaie infligée au palais, incapable de soigner et qu’elle revenait sans cesse titiller du bout de la langue, dans le plaisir masochiste de savoir qu’elle était toujours là, cette fichue plaie ?

Sa gorge était toute proche, et seul le silence des planques inconfortables savait combien elle avait déposé de baisers sur cette jugulaire, combien de cris elle avait étouffé contre son derme brûlant.

L’auror ferma les yeux, se frottant les paupières de sa main droite.

« Je devrais dormir… Je suis fatiguée », ce qui était somme toute plus raisonnable que de s’abandonner aux désirs futiles.

Mon bras toujours autour d’elle, je profitais de cet instant. Les yeux posés sur le feu, je la sentis bouger légèrement quand elle me parla de sa grand-mère et de l’endroit où l’on allait dormir. Je ne lui disais pas, mais j’avais un peu la trouille de partir comme cela à l’aveugle. D’ordinaire et dans chaque périple de ma vie, tout était millimétré avec soin. Que ce soit en mission diplomatique ou en recueille d’information, ou même dans un déplacement personnel. Pour moi, c’était inconcevable d’aller à un point B sans en savoir sur les jours et les heures à venir avec précision. C’était un aspect que je cachais à tous, car je préférais que certains voient en moi ce bon vieux procrastinateur adepte du chaos.

« D’accord. » dis-je simplement

On allait donc chez sa grand-mère décédée. L’ambiance n’allait pas être au beau fixe, dormir dans l’endroit où la personne décédée avait vécue. Pour moi, ca ne changerait certainement rien mais pour Nott ça allait certainement être complexe, douloureux et pleins de souvenirs. Pour ma part, j’étais à un point de bascule concernant ma vie, j’en étais certains. Soit je la laissais partir seul, car je n’étais peut être pas la meilleure personne pour l’accompagner et je n’avais peut être pas le rôle adéquate… Soit je faisais le choix d’y aller, et d’être là pour elle pour la première fois quand c’était le bordel dans sa vie.

« J’improviserai sur le moment. Au pire je dirai la vérité. Que je suis un gigolo qui se fait nourrir de temps en temps contre quelques pizzas ! »

Quand elle déclara qu’elle était fatiguée par la suite, mon regard se déposa sur l’extrémité de ses cheveux, puis sur la finesse de sa jambe. J’inspirais son parfum, qui fit bouillir en moi quelques secondes d’excitations, puis, je la libérais de mon étreinte et un léger sourire aux lèvres je déclarais :

« Je comprends. Bon, je vais te laisser mon lit. »

Je levais ma carcasse du canapé, et je la regardais, en attendant qu’elle bouge. D’un coup de baguette je rangeais le tout. Puis, d’un geste lent je montais vers la mezzanine qui me servait de chambre. L’observant d’en haut je déclarais :

« C’est pas ce que tu penses, je vais te chercher une potion de sommeil. »

Je lui fis un léger clin d’oeil. Ouvrant un placard de la salle de bain, je me saisis du philtre que je cherchais, puis je redescendis l’escalier rapidement. L’attrapant par le poignet, je la forçais à se lever pour qu’elle vienne contre moi. Avec douceur et calme, je l’embrassais sur le front.

« Tiens, même si je sais que t’aime garder le contrôle, je surveille tes arrières pour cette nuit. Mais si tu veux pas la prendre, j’te comprendrais. »

Je lui fis un léger clin d’oeil et je lui déposais le philtre dans les mains. C’est à ce moment précis qu’une espèce de fouine traversa le mur de mon salon. La Patronus s’installa sur le canapé, comme s’il était chez lui, et de sa voix trainante et surexcité il déclara :

« Eb eb eb ! Mon p’tit pote ! Ce soir chez moi pour une petite partie ? La mise est pas grosse, et y’aura du beau monde ! »

J’avais toujours Nott contre moi. Je la libérais calmement.

« Désolé Phil. Mais pas ce soir. »
La fouine passa son regard sur Nott et un regard dédaigneux passa dans son regard. Elle s’en alla comme elle était venue. Je me tournais alors vers Nott et je passais ma main derrière sa nuque pour déposer un tout petit baiser sur ses lèvres.

« Qu’est ce qui faut pas faire. Bonne nuit. »

Souriant légèrement, je m’effondrais alors sur le canapé en position couché. Cherchant des yeux mon poste de radio pour écouter une petite émission avant de m’endormir...