Hear the whistle blow [Sio]

ft.  @Camaël Grimm

Le petit et adorable boursouf était bien loin dans l'esprit de Siobhán, désormais accaparé par la menace aux yeux brillants, luisant dans le noir au-dessus de la tête de Camaël. Sans doute perturbée plus qu'elle n'aurait voulu l'admettre par cette épreuve imposée par la vie sans aucune possibilité de révision pour mieux s'y préparer, la demie-vélane avait mal mesuré l'étendue du risque et sa voix s'était montrée bien plus inquiète que la situation ne le demandait vraiment.

Sa baguette s'abaissa à l'instant même où la tarentule cessa sa danse sinistre. Et le rythme effréné de son coeur, lui aussi, sembla regagner sa tranquillité initiale. Le visage fermé, l'Irlandaise détourna le regard pour se concentrer sur la boule de poils à l'abri dans les bras du Poufsouffle.

« Hé, toi », dit-elle avec plus de douceur tandis que l'animal s'enroulait sur lui-même pour frotter la plus grand surface possible de son petit corps sur leur peau ou leurs vêtements.

D'une oreille distraite, elle écoutait la nouvelle théorie de son compagnon d'aventures, perplexe quant à la façon de se sortir de cette boucle. Pendant un moment, la fulmination de son esprit lui rappela celle qui l'avait possédée entre les murs de Caerfyrddin, quelques mois auparavant. Ce souvenir lui tira un bref frisson. Car ce n'était certainement pas la vue des innombrables yeux de la gigantesque araignée qui pouvait créer pareille réaction sur sa peau.

« Peut-être », répondit-elle simplement, pensive.

Ses mains continuaient de s'extasier de la douceur du boursouf, bien qu'elle commençait à voir où Jimena voulait en venir. Et la question du Poufsouffle qui suivit confirma ses craintes.

Car son patronus était de loin son plus beau reflet, bien que peu de gens savaient tout du véritable sens qu'il avait pour la jeune Korrigan. Un instant, elle resta immobile, indécise. Devait-elle jouer aux idiotes devant le Grimm ? Fallait-il qu'elle prenne ses distances, comme le monde la poussait souvent à le faire ? Était-il nécessaire de remettre Camaël à sa place, quand bien même ce dernier n'était absolument pas responsable de cette situation dans laquelle il la plongeait, inconsciemment ?

La jeune femme remonta sa baguette à la hauteur nécessaire pour prononcer le sortilège du patronus. Un mince filet de lumière blanchâtre s'échappa aussitôt de la pointe du bois de chêne blanc, en direction de la tarentule, immobile aux côtés de son propriétaire.

Puis, son enchantement protecteur vint prendre vie sur l'une des branches de l'arbre au-dessus de leur tête.

De larges griffes s'étiraient avec lenteur au bout des deux immenses serres qui venaient étouffer le tronc. Après les pattes qui s'élevaient peu à peu dans l'obscurité, ce fut au tour d'un corps imposant de s'étoffer petit à petit, peut-être rendu plus impressionnant par l'envergure de l'oiseau une fois ses ailes déployées. Mais parmi tout ce qui formait son anatomie, et même au-delà du bec solide et pointu surmonté d'une mâchoire puissante, c'était peut-être son regard qui se faisait le plus inquiétant, même pour un Patronus - sombre, féroce, à l'image de son espèce. La Harpie, ce célèbre aigle forestier des plus épaisses forêts du Brésil, n'était pas seulement réputée pour sa rareté de plus en plus prononcée ou sa taille imposante ; surtout pour l'extrême agressivité qu'elle est capable de montrer quand elle ou les siens sont menacés. Ou encore pour ses talents de chasseur.  Ce qui, tout bien considéré, n'était pas son plus grand point commun avec Siobhán.

Leur plus grand point commun, c'était d'abord leur essence profonde. Celle qui se cachait à l'intérieur d'elle, et qui était perçu par beaucoup comme une menace.

Le regard bleuté de la jeune femme était captivé par celui, nettement plus obscur, de la harpie féroce qui les couvrait de son aura bienfaitrice. Par sa nature, elle jouait à la perfection son rôle de gardien.

C'était la première fois que Siobhán réussissait à produire un Patronus aussi précis dans ses détails et elle ne pouvait s'empêcher d'en ressentir une immense fierté, qu'elle décida de partager. Mais contrairement à ce qu'on pouvait attendre d'une Serpentard, elle le fit sans aucune vanité.  

« La tarentule est synonyme de patience, de transformation et de protection. De ce que tu as montré ce soir, tu as beaucoup plus de points communs avec elle que tu ne le crois. » Elle marqua une pause avant de poursuivre. « Qu'est-ce-qu'on fait maintenant ? »

ft.  @Camaël Grimm

Le spectre de la harpie féroce n'était pas commun dans la communauté sorcière. Mais quoi que circonspect par cette apparition, Camaël ne fit aucun commentaire. À en croire son visage agréablement surpris, il était plus captivé par les effets canalisés de sa propre magie que par les questionnements que Siobhán avait redoutés.

Elle n'était pas la seule à avoir produit un Patronus formé pour la première fois, ce jour-là. Si aucune magie ne semblait s'être échappée de la baguette du Poufsouffle visuellement, il était clair qu'elle s'exprimait suffisamment fort tout autour d'eux. Le Poufsouffle avait remarquablement réussi son tour pour un troisième année et aussitôt, un sourire sincère s'esquissa sur le visage de la demie-vélane. Elle s'apprêtait d'ailleurs à le féliciter pour ce coup de maître quand leurs patronus s'agitèrent d'une bien étrange manière.

Les intentions de Jimena Cobb derrière cette petite aventure improvisée étaient décidément de plus en plus floues. Mais aucune autre alternative ne s'offrit à eux quant au chemin à emprunter ; aussi, ils n'eurent d'autre choix que de suivre la marche ouverte par leurs esprits protecteurs. Que pouvaient-ils bien risquer à leurs côtés ?

Une fois arrivés à destination et quand la marche des Patronus s'interrompit enfin, le regard de la jeune femme se posa aussitôt sur le miroir qui leur faisait face. Étrangement, et à en croire la façon dont il était ancré dans le sol, l'objet ne dénotait pas avec la suite de paysages qui avaient ponctué leur voyage. Il semblait presque avoir sa place, là, pourtant planté au milieu de nulle part.

Siobhán échangea un regard circonspect avec son acolyte, comme un leitmotiv à chaque nouvelle curieuse confrontation. La première pensée que cet objet mystérieux lui inspira, concernait un objet magique cité dans de nombreux livres de la bibliothèque de Poudlard. La légende racontait qu'un Miroir du Risèd avait été caché entre les murs de la célébrissime école de magie, mais qu'aucun élève n'en avait jamais témoigné l'existence réelle. Les illustrations contenues entre les pages de ces livres reprenant l'histoire de Poudlard montraient un imposant miroir surmonté d'une grande structure en fer forgé, laquelle portait une inscription énigmatique que ce miroir-là ne semblait pas posséder.

Le reflet perçu par Camaël confirma a minima son intuition que ce miroir n'était pas un simple miroir - il n'aurait pas fallu un M.U.L.O.T pour le deviner. Mais à sa question, Siobhán ne répondit rien, si ce n'était un bref « Kira ? Kira Dagoniat ? La première année ? Tu la connais ? » Trop méfiante pour s'approcher plus près en ce qui la concernait, trop pensive pour s'exprimer davantage sur ce qui l'attendait.

Et peut-être aussi trop appréhensive à l'idée de découvrir son propre reflet.

Mais il y avait trace d'un autre miroir magique, dans sa mémoire — elle en aurait mis sa main à couper que c'était une de ces trop rares histoires que son père lui avait racontées quand la plupart de son registre provenait des récits gallois des Cynfeirdd, ce qui expliquait la particularité de ce récit-là. Et tant qu'elle n'avait pas mis le doigt dessus, l'hybride refusait catégoriquement de se plonger dans la contemplation d'un tel artefact.

Au cas-où.

Épreuve de Jimena Cobb ou pas.

« Camaël, tu ne devrais pas... On ne sait pas... »

La fin de sa phrase resta en suspend alors qu'un souvenir fusait dans son esprit, comme une clé pouvait déverrouiller une serrure.

« Ça y est, ça me revient », reprit-elle après un court laps de temps, sans se soucier de savoir si son collègue la prenait pour une folle ou s'il doutait encore devant cette silhouette qui faisait les cent pas devant lui. « On dit que l'histoire de ma famille, côté Korrigan, remonte à un ancêtre lointain très célèbre en Irlande, appelé Fionn Mac Cumhaill. On en parle dans les livres comme un héros légendaire, même si, si tu veux mon avis, je ne suis pas certaine qu'on puisse vraiment en dire autant. Mais soit, ce n'est pas l'objet de la réflexion. Dans certains contes qui relatent ses aventures, on dit qu'il possédait un miroir magique pour "voir ce qui ne peut-être vu, savoir ce qui ne devrait être su" ».

Elle marqua une pause, dans sa voix mais aussi dans sa marche, s'interrompant pour regarder Camaël qui n'avait pas bougé de devant le miroir.

« Certains chapitres mentionnent ce miroir et Fionn l'utilise pour y voir ce qui lui est caché. Ça lui permet de déjouer des pièges, de découvrir qui sont ses ennemis, les traitres, et de localiser des objets magiques très puissants ! »

Siobhán avait cette voix quand elle était sûre d'elle même si, bien sûr, d'autres théories pouvaient venir invalider la sienne. Il n'y avait qu'un seul moyen de s'assurer qu'elle avait vu juste.

La jeune femme fit alors quelques pas pour s'approcher du Poufsouffle et se positionner devant le miroir.

Le reflet qui s'offrit à elle était celui d'une femme infiniment belle, dont elle avait hérité certains traits parmi les plus purs et les plus ensorcelants. Pendant quelques instants, l'étudiante fut subjuguée par la beauté de ce visage, encadré de cheveux longs blonds comme les blés, avant de marquer un mouvement de recul en comprenant sans comprendre vraiment ce que cela signifiait. Ce miroir venait-il de confirmer ce que  @Luke Korrigan n'avait cessé de lui répéter ? Devait-elle vraiment se méfier d'@Aethelia G. Sanderson ?

Siobhán secoua vivement la tête pour s'enlever cette image avant de brusquement s'éloigner du miroir.

Un peu déboussolée.

Comme on se devait de l'être quand on ne savait plus quoi penser. Mais pour ne pas attirer l'attention de son camarade outre-mesure, la Korrigan tenta un subterfuge. Médiocre, certes, mais tous les moyens étaient bons pour éviter de potentielles questions.

« Tu crois... que Kira pourrait faire partie de ceux que miroir révèle ? »

ft.  @Camaël Grimm


La suite des événements prit un tournant inattendu. Si inattendu que Siobhán ne fut bonne qu’à ouvrir de grands yeux ronds lorsqu’elle vit Camaël disparaitre de l’autre côté du miroir. La lumière de son patronus s’évanouit en même temps que sa silhouette s’effaça vers l’inconnu. Elle ne fut pas suffisamment vive pour le retenir, et s’arrêta net dans son élan lorsqu’elle se retrouva à quelques centimètres à peine du reflet d’Aethelia.

Certainement pas, pensa-t-elle. Elle ne ferait pas la même erreur. Camaël n’aurait jamais dû plonger la tête la première dans une magie qui lui était inconnue, d’autant que toutes leurs théories se devaient d’être assimilées comme telles par deux sorciers en cours de formation : des théories. Siobhán avait vu suffisamment de magie autour d’elle depuis son plus jeune âge pour savoir qu’il valait parfois mieux s’abstenir que de foncer sans réfléchir, exactement comme le Grimm venait de le montrer. Mais ses connaissances ne venaient avec aucune certitude.

La Korrigan tourna un moment autour du miroir en quête d’un indice, d’un signe, mais rien ne se révéla devant ses yeux. Il n’y avait plus qu’elle et le reflet tentateur de sa tante qui essayait de la guider vers elle — appels qui restaient pour le moment sans réponse, malgré la force de persuasion du spectre. Mais la nièce d’@Aethelia G. Sanderson était bien trop butée pour céder aussi facilement.

La seule faille dans sa détermination, c’était qu’elle n’avait plus aucune nouvelle du Poufsouffle et qu’elle ne pouvait pas laisser son égo l’emporter tant qu’elle ne savait pas s’il allait bien.

Plusieurs dizaines de minutes passèrent durant lesquels la vélane pesa le pour et le contre, ne se gênant pas pour parler à sa tante de temps à autre à coups de : Tu ne m’auras pas silencieux. Elle allait et venait dans une marche infinie, passant et repassant devant ce reflet qui n’avait de cesse de répéter le même discours sans attendre de réponse. Comme une boîte à musique cassée.

Après quelques temps, Siobhán finit par marquer un temps d’arrêt devant le miroir, se demandant ce que @Saúl Ochoa-Reyes aurait fait à sa place.

Mais ce n’était pas comme si les options se bousculaient au portillon.

Il n’y en avait qu’une seule.

« Et puis merde », fit-elle avec vulgarité, comme à chaque fois lorsque les émotions prenaient le dessus. «  Ce n’est pas pour toi que je le fais », grogna-t-elle comme une mise en garde à l’attention d’Aethelia.

Une jambe, puis deux suffirent pour que l’intégralité de son corps se retrouve finalement de l’autre côté.

« Camaël ? », appela-t-elle dans un écho.

De l’autre côté du miroir, de retour dans la clairière, la lumière de la harpie féroce s’éteignit brutalement.

Où avait-elle atterri exactement ?

ft.  @Camaël Grimm


Si Camaël n’avait pas été là pour la réceptionner, Siobhán se serait effondrée sur le sol dans une tentative ridicule de l’éviter. Heureusement, et malgré le temps qui s’était écoulé depuis qu’il avait lui-même décidé de passer de l’autre côté du miroir de Fionn, il n’avait rien perdu de sa patience ni de son évidente gentillesse. Force était d’admettre que c’était un trait partagé par tous les élèves de sa maison — si on excluait son frère @Michel-Ange Grimm qui tenait définitivement plus du Serpentard que Siobhán n’aurait jamais voulu l’admettre.

Emportée par son élan, la préfète des vert-et-argent se rattrapa donc du mieux qu’elle put. Un sourire sincère vint remercier Camaël, écartant le souvenir de sa décision difficile à comprendre. Pourquoi s’était-il ainsi jeté dans la gueule du loup, sans réfléchir ? Bien sûr, en d’autres circonstances et avec un autre reflet pour lui faire face, Siobhán aurait certainement fait comme lui. Le spectre de sa tante l’avait donc suffisamment chamboulée pour lui faire oublier temporairement sa témérité. Alors que c’était justement le message qu’avait voulu leur faire passer Jimena Cobb avec toute son histoire.

Ça n’empêchait pas un curieux goût amer de remonter sur son palais.

Précautionneusement, la jeune femme épousseta sa robe pour retirer tous les débris et souvenirs de cette bien étrange escapade. La vue plongeante sur le château de Poudlard, signe qu’ils étaient bien de retour à la maison, ne s’imposa que dans un second temps, encore sous le coup de ses émotions.

Surmonte tes peurs Siobhán, et rejoins-moi.

Qu’est ce que cela pouvait bien signifier ? Y avait-il une chance pour que la présence de sa tante l’aide à s’épanouir pleinement et développer tout le potentiel de ses aptitudes ? Ou bien était-ce justement tout l’objet du piège que cette dernière lui tendait ? Elle n’écoutait plus le compte-rendu de Camaël que d’une oreille, revenant à elle seulement quand ce dernier la prit à partie pour lui proposer de rentrer.

«  Tant qu’on est là… Allons plutôt boire un verre à Pré-au-Lard. Je pense que ça ne pourra que nous aider à nous remettre de nos émotions… »

Mais en vérité — et ça, Camaël l’avait bien intégré — elle avait nettement plus besoin de se remettre que lui. Il n’avait pas l’air perturbé plus que ça par ce qu’il avait vu quand Siobhán, elle, ne risquait pas de l’oublier de sitôt.

Et puis, quand il remit le sujet de leurs reflets respectifs sur le tapis, lui rappelant qu’il avait aperçu celui de @Kira Dagoniat et arguant que sa famille avait tendance à l’effrayer, Siobhán se tapa la paume de sa main contre le front sans donner davantage d’explications. Elle venait de se rappeler qui étaient les Dagoniat, aidée sans doute par la façon dont il venait de les décrire. Elle-même avait toujours soigneusement évité cette famille de chasseurs. Par principe, par instinct ? Quoiqu'en était la raison, Siobhán n'avait jamais cherché à les approcher durant leurs visites à Caer Cynfeirdd et ce malgré la sainte image que le peuple sorcier en avait.

«  Mais oui… bien sûr », lâcha-t-elle simplement. Et puis, après un temps, sans se justifier sur cette drôle de réaction, elle lui demanda : «  Qui est Kira pour toi ? » Mais en vérité, ce n’était juste de l’interroger que si elle prenait la peine de répondre à sa question d’abord. «  J’ai vu… quelqu’un de ma famille que je n’avais pas vu depuis longtemps. C’est pour ça qu’elle me ressemble beaucoup », mentit-elle à moitié, le regard perdu au loin. C’était plus facile que de s’expliquer, car elle aurait certainement fini par devoir lui mentir réellement sur ses origines. Déjà que son patronus n’était pas pour éloigner les soupçons… «  On parlera de tout ça quand on sera à Pré-au-Lard », enchaîna-t-elle rapidement. «  Je meurs de faim. Dépêchons nous, avant que Jimena Cobb n’ait l’idée de nous aspirer dans une autre de ses épreuves… »

Plus tard, à Pré-au-Lard, comme deux vieux amis, ils parlèrent de tout sauf de cette bien étrange expérience.