La Vida Tombola (Selma)

« Je t’aime Miranda ! Tu m’entends ! Je t’aime plus que tout au monde ! »
17.12

La scène était cocasse. Owen McCornic était vraisemblablement devenu étrangement fou amoureux de Miranda Welligntone, une quatrième année brillante mais qui avait tendance à vouloir écraser les autres en permanence. Ca lui avait pris d’un coup, brusquement, alors qu’il s’était simplement mis à boire son jus de citrouille en faisant ses devoirs dans la salle commune. Elle, ne le prenait pas du tout du même avis. Elle était monté sur un des canapés de la salle commune et elle le repoussait avec sa baguette. Un Protego Totalum avait été érigé et l’empêcher d’y accéder. Visiblement fou d’elle, il n’osait pas lever sa baguette sur elle de peur de la blesser.

« McCorwin ! Arrête ça tout de suite ! Qu’est ce qui te prends ! On se connaît à peine ! »

Assis dans le fauteuil un peu plus loin, j’observais la scène en buvant une tasse de café bien serré et cubain que j’avais fait importé de la Havane, jambes croisés. Le spectacle était vraiment saisissant… Sans rien dire, je faisais comme tout le monde, la surprise, alors qu’un petit sourire en coin apparut sur mes lèvres quand Selma arriva à ma hauteur.

« Tu as raté le meilleur. Il l’a demandé en mariage y’a quelques minutes... »

« Miranda ! Laisse moi une chance ! »

Il se remit à genou. La barrière était toujours là et Miranda l’observait d’un air ahuri. Elle était entre la peur, l’hilarité et l’incompréhension. Buvant mon café, je faisais comme tout le monde. J’observais cette scène en silence.
Oh, il fallait aussi avoué que la petite Miranda Wellington était une vraie peste… La semaine dernière, elle avait eu le malheur de critiquer ouvertement en salle commune, et devant toutes ses copines, mon jeu de batteuse dans l’équipe des Faucons. Tout le monde s’était alors moqué de moi… Et j’avais été profondément blessé.

« Attends… Ca devrait revenir... »

« MIRANDA ! EPOUSE MOI PAR PITIE ! JE TE LEGUE TOUT MON OR ! »

« MAIS QUE QUELQU’UN AILLE CHERCHER UN PREFET ! » hurla Miranda.

Mon café toujours à la main, je me levais brusquement.

« Mais oui ! Vous regardez tous depuis tout à l’heure ! Spero Patronum. »

Un iguane en sortie et je déclarais très sérieusement.

« Va chercher un préfet. »

L’iguane s’en alla, à son rythme. Je pris alors Selma par le bras et je me dirigeais vers la sortie, comme si nous allions à la rencontre du fameux préfet qui ne serait plus là quand nous reviendrons.

« Viens, allons chercher un Préfet.. ! » lui dis-je les yeux brillants d’espiéglerie, dans une regard que seul elle pouvait comprendre...

L’air un peu absent, Selma avait observé toute la scène qui lui était étrangement familière. L’empoisonnement n’était pas toujours le même, la répartition des rôles non plus, pas plus que les conséquences plus ou moins désastreuses pour les protagonistes. Elle reconnaissait néanmoins la mise en scène savamment travaillée et pleine d’originalité de sa jumelle Alejandra.

Quand cette dernière évoqua l’intervention d’un préfet cependant, Selma releva le regard vers elle en retrouvant un peu de vie dans ses pupilles sombres. Elle avait évidemment songé à  @Sheraz Mahal m et s’en était mordu la lèvre, comme une petite fille prise en train de voler une chocogrenouille dans le chariot à friandises. Sans doute que le préfet de Poufsouffle n’aurait pas approuvé les méthodes des Montero – bien qu’il n’ait pas semblé porter McCornic dans son cœur… Heureusement que la scène se trouvait dans leur salle commune et qu’il n’y avait qu’un bleu et argent pour intervenir.

Alejandra se leva, sa jumelle à sa suite, et après une tirade théâtrale, elles quittèrent leurs appartements avec des ports de tête de véritables reines. Cependant, quelques pas plus loin, les épaules de Selma s’affaissèrent alors qu’elle se prit à soupirer. Les empoisonnements de leurs ennemis ne lui provoquaient plus autant que plaisir qu’avait. C’était clair : elle était déprimée…

Si elle ne cachait quasiment rien de ses malheurs à sa sœur – la preuve en était la vengeance auprès de McCornic – il y avait certains éléments au cours de son aventure avec  @Xris Andērson sur lesquels la jeune cubaine souhaitait revenir. Au-delà de la singularité de l’aventure qu’elle avait déjà relatée à Alejandra, des détails lui avaient paru… bizarres, décalés, rendant sa compréhension de la situation encore un peu plus floue qu’avant.

- Sandra, cariño, tu te souviens quand je t’ai raconté avoir revu des souvenirs de mamá en compagnie de ce Serpentard… Il y a plusieurs choses qui m’ont surpris…

Bras dessus, bras dessous, elles quittaient la tour de Serdaigle, les bruits de leurs pas étant étouffés par le moelleux tapis rouge qui protégeait l’escalier.

- Je ne sais pas si c’est parce que je me souviens moins bien de mamá…

Les divers médicomages qu’elle avait vu avaient évoqué la notion d’amnésie dissociative pour faire face à la mort de sa mère, ce qui avait également causé une perturbation dans la maîtrise de son don de métamorphomagie. Alejandra, elle, avait géré son deuil différemment, mais non moins difficilement.

-… mais il y a vraiment des détails qui m’ont perturbé. J’ai vu mamá dans sa chambre… Ses affaires étaient renversées comme si quelqu’un venait d’y mener un combat. Mais elle, elle se brossait les cheveux devant le miroir comme si de rien n’était… Elle avait un étrange sourire, un peu absent je dirai… Et j’ai vu le reflet d’un sortilège à sa fenêtre. C’était peut-être le bouclier magique qui protégeait la maison. Mais bizarrement, ça m’a presque donné l’impression qu’elle était enfermée…

Prise d’un frisson, Selma ressentit soudain le besoin de voir la lumière du jour. Elles étaient parvenues à une ouverture vers l’extérieur, et la sorcière entraîna sa sœur sur un pont de pierre qui reliait deux tours, tout en donnant vers une petite cour à ciel ouvert.

- Tu as des souvenirs d’elle de ce genre toi ? Est-ce que tu crois que mamá… avait des… problèmes ?

Je commençais à descendre lentement les escaliers de la Tour Serdaigle, tout en réfléchissant aux éventuels conséquences. Derrière moi, alors que je descendais les escaliers avec calme et une sérénité renouvelée, j’entendis Selma souffler. Fronçant les sourcils et n’y prêtant pas encore attention plus que cela, je me demandais où nous allions aller pour justement ne trouver aucun préfet, quand j’entendis ma sœur parler de notre mère. Ratant une marche, littéralement, je me rattrapais de juste à la rambarde. S’il y avait bien des sujets sur lesquels nous nous épanchions pas souvent, voir pas du tout, c’était maman.

« Hein ? » commençais-je à dire un peu bredouille.

Parce que pour moi, qui était en surface la plus forte ou du moins qui essayait de le montrer à tous, c’était un sujet assez sensible. Car, à chaque fois qu’on en parlait et que nous étions toutes les deux, je me mettais simplement à pleurer en m’enfermant dans mes sombres pensées, à en devenir mutique. Alors, pour que Selma aborde le sujet, c’était que c’était quelque chose d’important. Un peu blême, je restais sur la marche, accrochée à la rambarde en réfléchissant à ce que je pouvais lui répondre.

« C’était un souvenir ou un rêve ? »

Je venais de me rendre compte que ma main avait lâché la rambarde et qu’elle s’était accrochée au poignet de Selma. Non. Je n’avais pas ce souvenir en mémoire, à vrai dire j’avais du mal à me souvenir d’elle. Plus le temps passait, plus elle s’éloignait. J’avais perdu son odeur, sa voix et maintenant je sentais que des souvenirs importants commencer à partir. Ce qui, pour moi était sensé être normal vu que j’avais vécu cela comme un traumatisme. Mais visiblement, nous étions deux dans le même cas, car la question de Selma semblait sous entendre qu’elle aussi avait des soucis dans le genre. Là, ça devenait un problème.

« Je n’en ai plus beaucoup, et le peu que j’ai reste très flou. Je pensais que l’entraînement, et les études commençaient à jouer sur ma mémoire à long terme avec l’épuisement. »

Mes yeux se plissèrent, et j’essayais alors de me rappeler si dans mes souvenirs, elle avait effectivement pu avoir des problèmes. Très certainement, car elle était la femme de Montero. Rien que le fait d’exister faisait d’elle une cible, et c’était d’ailleurs pour cela qu’elle avait été éliminé. Toujours au milieu de l’escalier en colimaçon, je commençais mes questions pour cerner un peu le problème, consoler Selma et aussi résoudre ce mystère qui était en train d’apparaître.

« Est-ce qu’elle était au même âge que quand on l’a connu, ou est-ce qu’elle te semblait plus âgée ? »

Dans le ton sombre de ma voix, on pouvait y voir une lueur d’espoir. C’était pathétique, j’en étais venu à espérer qu’elle soit encore là, et que sa mort n’avait été qu’une machination. Cherchant une autre question, pour recentrer le mystère, je poursuivais :

« Tu étais de quel côté du miroir ? Je veux dire, tu voyais son reflet, ou tu voyais mama ? Et, est-ce que tu te rappelles de la couleur du sortilège ? »

Je fronçais les sourcils, lui tenant toujours le poignet. Mes yeux sombres observèrent leurs reflets en face de moi en regardant ceux de ma sœur.

« Mama avait tout un tas de problème Selma. A cause de Papa. C’est devenu une cible à partir du moment où ils se sont mis ensemble. » dis-je pour essayer de me rassurer.

Puis, je relevais les yeux et je murmurais :

« Comment as-tu eu accès à ce souvenir déjà ? »

Elle me l’avait dit, mais la discussion que nous venions d’avoir avait totalement occultée cette information.

Comme le craignait Selma, le fait d’entendre parler de leur mère avait suffisamment perturbé Alejandra pour qu’elle manque une marche. Sa jumelle se raccrocha à elle comme un botruc à son arbre et Selma l’agrippa en retour pour la maintenir sur ses deux pieds. C’était ce qu’elles faisaient sans arrêt l’une l’autre. Se soutenir, empêcher l’autre de tomber, se montrer plus forte dès qu’une des jumelles montrait un signe de faiblesse. Ainsi, bien qu’elles fussent toutes deux lourdement impactées par un tas de traumatismes qui aurait brisé le directeur de Poudlard en personne, les deux sœurs Montero bravaient la tempête de leur vie, vaillamment, pas après pas, faisant de chaque avancée une victoire.

Il y avait encore peu, Selma n’aurait pas osé parler de ses interrogations à sa sœur sous peine de la voir éclater en sanglot. Mais aujourd’hui, Alejandra lui semblait plus forte et épanouie que jamais grâce aux différentes rencontres qu’elle avait fait à Poudlard. La preuve, elle parvenait à lui répondre et à l’interroger de nouveau en ayant presque conservé quelques couleurs sur son visage.

- C’est un souvenir, répondit catégoriquement la jeune cubaine en hochant la tête. C’est l’un des guérisseurs de papá qui avait mis ce système en place pour que je puisse avoir accès à ces souvenirs en cas de besoin mais sans qu’ils ne polluent mon don. Enfin je crois. C’est ce qu’on m’avait dit en tout cas.

Le fait que pour sa sœur aussi, ces souvenirs avaient un aspect plus que vaporeux lui parut cependant suspect. Avaient-elles toutes deux eu ce que les médicomages appelaient une amnésie dissociative ? Pourquoi Selma avait-elle étrangement l’impression que leur père était encore une fois derrière tout cela ?

- On m’a donné un pendentif en pierre de lune dans lequel ces souvenirs étaient conservés. Il s’est brisé accidentellement. C’est comme ça que Xris et moi avons été aspirés dans ce souvenir. Mais c’était… vraiment très bizarre…

L’interrogation pressante de sa sœur la fit soudain se figer pour l’observer tristement. Est-ce qu’Alejandra s’accrochait encore au doux espoir que leur mère était encore en vie ? Il fallait absolument que Selma se montre catégorique à ce sujet. Elle ne supporterait pas de voir sa jumelle subir cette perte douloureuse une seconde fois. Aussi, son regard se durcit alors qu’elle fixa sa sœur sans lâcher sa main.

- Non elle n’était pas plus âgée. Elle avait exactement l’âge qu’elle avait quand nous devions avoir 6 ans environ. Je la voyais de mon point de vue d’enfant, près de la porte. Mais beaucoup de détails me sont apparus bien différents. Sans doute qu’à l’époque je n’y faisais pas vraiment attention. Mais le comportement de mamá était vraiment… étrange.

La Montero se tut un instant pour se forcer à se remémorer correctement ce souvenir qu’elle avait à priori déjà vécu deux fois.

- Au début, elle avait l’air heureuse. Enfin, non… plutôt absente. Après, elle a eu un accès de colère dont je n’ai pas compris l’origine. Et le sortilège qui brillait aux fenêtres avait des éclats multicolores. Je ne me souviens pas avoir vu un enchantement de ce genre ici à Poudalrd, mais bon tu sais que ce n’est pas vraiment mon fort… J’ai peut-être simplement oublié…

En inspirant lentement par le nez, elle n’hésita pas une seconde à se montrer la plus directe possible auprès d’Alejandra. Tourner autour du chaudron n’était pas son fort, et certainement pas quelque chose qu’elle ferait avec sa sœur.

- Je vais te donner mon impression. Mamá avait l’air d’avoir perdu la raison et le contrôle d’elle, et elle semblait enfermée contre son gré dans cette pièce qui avait plus l’air d’une prison que de sa chambre.

Mes traits s’assombrirent légèrement et je fixais désormais ma sœur comme rarement je l’avais fait. On pouvait voir que je réfléchissais avec intensité, et avec la flopée d’informations qu’elle venait de me fournir il y avait de quoi être perturbé. Il fallait que je fasse comme dans un match de quidditch. Que je réagisse vite certes, mais pas sans avoir traiter les informations une par une et pas sans avoir pris en compte l’ensemble des données. La tenant toujours par le poignet, je répondais d’abord simplement :

« Lequel était-ce ? Rodrigue ou Filipe ? » dis-je en fronçant un peu les sourcils.

Car cela pouvait avoir son importance. Soit on était en face d’une machination organisée, soit on était avec un allié qui avait voulu laisser des traces à Selma si jamais notre mémoire avait partiellement effacé. Pour le moment, j’optais pour la deuxième option mais je me gardais bien de lui dire tant que je n’étais pas plus sûre de moi.

« Est-ce que le souvenir a pu être conservé où il s’est évaporé ? »

Car je voulais avoir des détails. Prenant en compte le point de vu de Selma, je ne pus qu’être d’accord avec elle. Non seulement c’était ma sœur jumelle et personne d’autre que moi ne pouvait analyser aussi bien une situation pareille qu’elle. De plus, elle semblait avoir compris plusieurs choses à travers ce souvenir, notamment que les détails avaient leurs importances. Je gardais ces derniers en mémoire. Sa colère, sa folie, sa tristesse, les éclats multicolores des sorts de la fenêtre. Mais surtout, le fait que le souvenir était à travers le prisme du regard de Selma, enfant. Ca c’était l’information la plus importante qu’elle ait dites depuis le début.

« Je pense que tu as raison. Quelqu’un a cherché à nous effacer nos souvenirs, et une autre à chercher à nous laisser des pistes pour que justement, on n’oublie pas. Comme une sauvegarde de sécurité. Quoi que tu aies vu, je pense que c’était la vérité, et qu’on l’a effacé de notre mémoire. »

Je tenais toujours le poignet de ma sœur, et à travers une des fenêtres de l’escalier en colimaçon dans lequel nous étions rester pour parler, je regardais le parc du château sans vraiment le voir. La neige était bien présente en cette période de l’année, et nous allions rentrer pour les fêtes à la Havane. Et, nous devions avoir un plan pour savoir quoi faire une fois là bas ; et rétablir la vérité. Car, et elle devait déjà s’en douter, mon coeur ne serait apaisé qu’une fois ce mystère totalement résolu.

« Il faut que l’on commence méthodiquement. Déjà, savoir si l’on nous a bien effacé nos souvenirs, et si ce que tu avais été une sauvegarde. Ou si ce n’est qu’un leurre pour nous amener sur une fausse piste. Une fois cela découvert, on pourra commencer à chercher qui est le coupable de l’un ou de l’autre. »

Mes yeux noirs se posèrent sur les siens, en tout point identique. J’essayais de me souvenir du mieux que je pouvais de Mama, mais tout était encore très flou dans mon esprit. J’avais estimé cela aux ravages que le temps pouvaient faire sur les souvenirs, même les meilleurs. Mais peut être qu’il y avait autre chose, et que Selma venait de le découvrir.

« En tout cas, si c’est Papa qui est derrière tout cela, je le tue. »

Je marquais une pause et je regardais Selma dans les yeux.

« Je me suis toujours promise de venger mama, peut importe qui lui ai véritablement fait cela. Mais ça ressemble au travail de père. Il a pris une famille que nous détestions et qui desservaient ses intérêts, les Almodovars. Ca commence à faire sens. »

Je détournais alors les yeux, puis, après une courte minute de silence, je regardais finalement ma sœur en lui prenant les deux mains :

« On en apprendra plus une fois à la Havane, mais il nous faut un plan d’action. En attendant, il faut que Xris se taise sur ce qu’il a vu. Et il pourrait nous être utile. »

Je gardais mes yeux dans les siens et finalement je soupirai :

« J’ai une idée, mais elle ne lui plaira peut être pas. Je ne suis pas dans les faveurs de père depuis que je suis au Quidditch. Si je reviens avec un éventuel prétendant pour agrandir la famille Montero, avec un noble sang comme Xris, alors peut être que Papa voudra bien changer d’avis, et moins me soupçonner. Bien sur, ça ne sera que fictif. Xris est trop… trop. Pour que je l’épouse réellement. Je vais voir avec lui. »

Et puis, mon coeur balançait plutôt ailleurs depuis quelques temps.

Selma compris que sa sœur prenait à présent leur conversation très au sérieux. Son regard s’était intensément fixé sur elle comme deux lunes rouges dans un ciel assombri. Selma pouvait presque voir son esprit brillant se mettre en marche, les engrenages s’enclenchant tandis qu’elle voyait déjà se dessiner devant elle une multitude d’interprétations différentes. Quand elle l’interrogea, la tenant par le poignet pour faciliter la transmission d’information entre elles, Selma fronça les sourcils afin de se souvenir au mieux.

- Filipe… je crois… Non. J’en suis sûre. Oui. C’était Filipe, pas de doute possible !

Il était étrange que même ce souvenir-là lui apparaisse si confus… Le tout faisait-il parti d’un stratagème qui les dépassait ? Si on lui avait transmis des souvenirs trafiqués, le sorcier qui avait fait cela avait-il volontairement effacé toute trace de lui ? Ou s’il s’agissait effectivement de Filipe qui avait souhaité leur laisser quelques indices pour leur révéler la vérité, avait-il tenté de préserver son anonymat pour se cacher de leur père ?

- Non le souvenir s’est évaporé dès que nous l’avons vécu malheureusement… et tous les autres avec lui…

La jeune sorcière fit son possible pour que sa voix ne se brise pas à l’idée que tous les souvenirs de sa mère lui aient définitivement échappés. De son côté, Alejandra était en train d’émettre des suppositions similaires au siennes, preuve encore une fois que les jumelles étaient sur la même longueur d’onde. L’hypothèse que ce qu’ait vu Selma ce jour-là ce soit vraiment passé était vraiment terrifiante. Car alors, tout ce que la Montero avait jusqu’alors considéré vrai pouvait s’effondrer comme un château de carte, tout comme l’illusion qu’elle et sa jumelle aient pu un jour goûter à une enfance heureuse.

Sa sœur avait un temps d’avance sur elle, et devinait déjà que leur père pouvait être à l’origine de tout ce mal. Alejandra n’eut pas une seconde d’hésitation sur sa sentence, dans le cas où il se révèlerait coupable. Pour sa part, Selma se contenta de blêmir en silence sans réagir. Serait-elle capable de la même détermination si elles étaient amenées à une telle extrémité ? Mais à l’écoute du plan de sa sœur, elle finit par reprendre vie en relevant les yeux vers elle.

- Je doute que cette idée soit au goût de @Xris Andērson, commenta-t-elle lentement en haussant les épaules. Ça m’étonnerait qu’il accepte…

N’y avait-il pas d’autre garçon au sang pur qui pourrait jouer le jeu en ayant quelque chose à gagner en retour ? Mais Selma se contenta de secouer sa chevelure brune avec agacement. Il lui était profondément désagréable que les soeurs doivent se reposer sur l'aide d'un homme pour servir leur plan. Soudain, une idée lui vint – une piste encore plus fraiche les attendait peut-être… Saisissant Alejandra par les épaules, ce fut à son tour de planter son regard dans le sien.

- Sandra… Si Filipe a vraiment laissé ces souvenirs pour moi… Il a peut-être fait pareil avec toi ? Réfléchit, est-ce qu’il ne t’a pas donné quelque chose par le passé ? Un pendentif, ou autre chose qui pourrait renfermer quelques souvenirs ? Tu as peut-être simplement oublié ?... J’avoue que moi-même je ne me souviens pas bien de la manière dont il s’y est pris…

Sans réfléchir et sans hésiter, quand elle déclara que les souvenirs avaient disparu, je m’élançais vers ma sœur pour la serrer de toute mes forces dans mes bras. C’était toujours une curieuse sensation que de serrer son double contre soit. Mais, elle était différente sur bien des points. Mes lèvres se posèrent sur son front et je déclarais en parlant un peu plus bas.

« C’est pas grave. On trouvera une solution. » dis-je d’un air convaincu.

Alors qu’en réalité, je ne savais absolument pas comment on pouvait récupérer des souvenirs qui s’étaient évaporé, d’une personne disparu. L’idée la plus simple, mais pas la plus facile, était de récupérer très certainement les souvenirs qui semblaient nous avoir été volés auprès du voleur lui même. Dans mes yeux, une détermination nouvelle apparut, alors que je libérais ma sœur de mon étreinte. Quand elle déclara que Xris n’accepterait pas, je fis une mine faussement surprise et indignée.

« Quoi ? Monsieur Anderson daignerait refuser mes avances ! Décidément c’est un sport national en ce moment. »

Je faisais bien sur référence au rateau que j’avais pris par Matthew. Immédiatement après ce rendez-vous plus que raté, j’en avais informé ma sœur en rentrant dans les dortoirs. Je fis une légère grimace, en me disant que finalement père avait peut être raison sur mon compte. Que je n’étais bonne à rien, même pas à être mariée. Alors qu’elle me posa la question, sur Filipe et son éventuel aide auprès de moi, je me mis à réfléchir et essayer de fouiller dans mes souvenirs.

« Tout ce que j’ai de maman est dans un Coffre à Gringotts. Je les ai mis là bas en arrivant, par instinct. Je trouvais ça idiot de ma part mais il faut croire que j’avais raison. Ils sont en lieu sur là bas, je pourrai les récupérer. Au départ, j’avais honte de ne mettre qu’une petite boite dans un coffre si gros. Mais le Gobelin m’a dit qu’il n’y avait pas que l’or qui avait une valeur... »

Je commençais à comprendre le sens de ses mots, avec le temps. Ils voulaient tout simplement dire que tout était monnayable dans ce monde de brutes. Y compris les simples souvenirs d’une mère. Mes yeux se posèrent sur Selma et j’essayais de me remémorer ce qu’il y avait dans la boîte.

« Il y a plusieurs fioles de souvenirs. Et la Pensine de maman. Des écharpes, des vêtements, et surtout des recettes secrètes de potions et philtres connus que par les membres de la famille de son côté... »

J’essayais encore. Et plus j’essayais, plus je comprenais que moi aussi, j’avais certainement été victime d’un sort ou d’un philtre d’amnésie. Car, toute personne sensée aurait été en mesure de se rappeler de ce qu’il y avait là bas, vu l’importance affective que j’y accordais.

« La clef se trouve certainement là bas. On ira demain. » dis-je déterminée.

J’allais continuer la conversation quand justement des bruits de pas se firent entendre. Me plaçant d’instinct devant ma sœur, je tombais face au visage ahuri d’Owen McCormick qui descendait les escaliers de la tour Serdaigle.

« Ah… C’est que vous… Vous n’auriez pas vu Miranda… Il faut que je lui dise à quel point je l’aime... »

Je me tournais vers Selma, et je déclarai :

« Mais qu’est ce que tu lui as trouvé pour vouloir aller au bal avec lui ? » dis-je en mettant ma main devant la bouche amusée.

L’étreinte de sa sœur lui fit un bien fou, et Selma lui adressa un sourire doux alors qu’elle venait de l’embrasser sur le front, comme elle le faisait lorsqu’enfant, Selma tombait et s’écorchait le genou. Si Alejandra lui assurait qu’elle trouverait une solution, alors sa jumelle lui accordait toute sa confiance.

Cependant, Selma détestait lorsque Alejandra perdait la sienne. La voir se rabaisser devant le soi-disant manque d’affection auquel elle était confrontée suffit à l’assombrir complètement. Si ce Matthew dont elle lui avait parlé n’avait pas voulu d’elle, alors tant mieux pour sa sœur ! Aux yeux de Selma, il n’était rien d’autre qu’un imbécile débraillé et sans aucun goût. Alejandra méritait bien mieux… Le meilleur uniquement !

L’horizon lui sembla soudain s’éclaircir quand sa sœur lui révéla avoir conservé plusieurs fioles de souvenirs et autres affaires qui appartenaient à leur mère dans un Coffre à Gringotts. L’excitation gagna Selma qui joignit ses mains avec espoir.

- Oh hermana, mais c’est fantastique !

Un étudiant accouru vers elle en s’époumonant. Il s’agissait de McCormick, toujours sous l’influence du philtre d’amour. La Montero l’observa gesticuler avec un petit air de pitié avant de se désintéresser de lui pour se tourner vers Alejandra.

- Ce qui m’a plu, c’était son intérêt pour moi. Il se trouve qu’il s’agissait plutôt d’un intérêt pour toi, Alejandra… Tu n’imagines pas le nombre d’étudiants ici qui feraient n’importe quoi pour recevoir tes avances.

Sa main se posa sur le haut de sa tête, pour effleurer sa chevelure d’une caresse tendre avant de lui tapoter la joue d’un air taquin. Puis, délaissant le pauvre Owen, elle attrapa le bras de sa jumelle pour l’éloigner de là. Le lendemain, elles iraient trouver à Gringotts de nouveaux indices et certainement, un chemin se déroulerait devant elle pour les mener à la vérité, aussi terrible soit-elle. Mais pour ce soir, les Montero pouvaient se permettre de se laisser aller à d’autres révélations.

- Il faut que je te raconte comment @Sheraz Mahal embrasse, chuchota la Montero en rougissant avec un sourire à l’oreille de sa sœur.

Évidemment, Alejandra était au courant depuis deux jours, mais Selma ne se lassait pas de lui narrer encore en encore les moindres détails, au risque de finir par l’exaspérer. En pouffant de rire, les deux sœurs s’éloignèrent et en les observant, on pouvait se demander quel nouveau coup elles préparaient…