Avec une patience infinie, le masque de forgeron sur mes yeux, je frappais encore et encore avec de plus en plus de détermination sur le plastron de ma future armure. Les récents évènements qui s’étaient passé dans la forge, m’avait fait prendre conscience que Adair Dunn, ainsi qu’Apolline avait encore de nombreux ennemis. Aussi, pour mieux les défendre, j’avais décider de me forger une armure, qui avait pour vocation de repousser les maléfices mineurs. Faites d’un alliage entre draconite et mythril, elle était aussi résistante en théorie contre les attaques magiques que les attaques physiques. Ce n’était qu’un stade de projet, mais il commençait à bien prendre forme. Alors que je regardais la forme du plastron, mon petit dragonnet l’admira d’un air envieux, et commença à souffler dessus pour faire apparaître des gravures décoratives. C’est pile à ce moment précis, que mon père descendit dans la forge, de sa démarche lente et calme. Depuis l’attaque, il avait décidé de ne plus la quitter jusqu’à ce que le Département de Justice Magique ait mis au grand jour les résultats de l’enquête. Bougonnant comme à son habitude, il s’avança vers moi de sa démarche chaloupée.
« Ces Brigadiers ont l’âge de faire encore dans leurs frocs. » Dans un grognement, il arriva vers moi. Avec calme et prudence, chose qui était si rare chez moi j’enlevais mon masque de forgeron et je posais mes gants et marteaux pour l’accueillir. D’une main, il observa le plastron que je venais de fabriquer pour l’armure. Il se pencha, réajusta ses lunettes et l’examina un long moment.
« Tu as trouvé les plans où ? » demanda-t-il simplement
Je cherchais une excuse. Je les avais volé dans notre petite réserve gardée sous scellé, secrète et sous haute protection magique. Je m’étais rendu compte que mon sang suffisait à ouvrir la porte du coffre. Le simple fait d’être Grimm nous permettait en réalité d’avoir accès à tous les plans. Ou alors, mon père m’avait fait confiance depuis le départ et avait lu mon avenir comme un livre ouvert…
« Dans le coffre. »Il se mit à ricaner, et à sourire en coin. Plutôt fier, il attendit que l’alliage soit froid pour le soulever et fut surpris par sa légèreté. Il le mit vers moi et comprit immédiatement qu’il était à ma taille. Il soupira.
« Ca ne suffira pas à arrêter ces fous furieux qui en veulent aux Dunn. Vous avez eu de la chance qu’Urielle réponde à ton appel, la petite et toi ? Que quand Dishald Zaman passe… D’ailleurs, tu devrais m’aider. J’ai un présent pour lui. Il faut que je le termine, il n’est pas encore tout à fait au point... »Je posais mon tablier, et je le suivais dans la réserve. Dans un simple carton,
deux gantelets étaient visible. Ils étaient d’un ouvrage sans nom. A côté, le plastron que j’étais en de faire faisait bien pâle figure. Il me regarda en diagonal, un petit sourire en coin.
« Ils...ils sont magnifique et c’est de... »Je regardais l’alliage. C’était fait de plusieurs métaux, dont la recette était bien gardé uniquement par mon père et n’était réservé que pour les plus grands Ministres, Rois, Sultans ou personnalité de très haut rang qui nous passaient de très rare commande que mon père se réservaient seul à chaque fois. Rien que le prix de l’alliage, il y avait de quoi racheter la moitié du Chemin de Traverse.
« Oui. » fit-il simplement
« Mais celui qui sauve mes enfants, et ma petite fille, mérite le présent des plus grands. Ils sont basé sur le modèle qu’Isaak Grimm ton arrière-grand-père a fait pour Zhang Shun, le célèbre archimage chinois. Je les ai personnalisé dans sa langue d’origine, je pense que les incantations marchent. »
J’observais ces derniers avec émerveillement. N’osant même pas les toucher, mon père referma le carton et me regarda d’un air grave. Il observa mon œuvre au loin et poursuivit :
« C’est une très belle œuvre. Mais la vengeance ne rimera à rien mon garçon. »Je le regardais dans les yeux. Cette fois-ci on pouvait voir que toute trace d’immaturité avait quitté mon regard. Rachel avait failli y passer, et je devais rester là sans rien faire ? Qu’est ce qu’il avait dans le crâne au juste ?
« Je ne veux pas que ça se reproduise. C’est tout. »Il ne répondit pas immédiatement. Se contentant de revenir vers la forge, il resta silencieux. Comme un disciple, chose que j’étais devenu d’ailleurs depuis que j’avais quitté mes études pour travailler ici, je le suivais sans rien dire, ne sachant plus si je devais me comporter comme un fils ou comme un apprenti.
« Le problème ne vient pas de lui. Il est plus profond que cela. Les hybrides seront de plus en plus nombreux dans la violence, de nombreux récits de famille attestent que ce que nous vivons n’est que le commencement d’une guerre. Ca c’est déjà produit, ça se reproduira. A partir du moment où tu t’es uni à Apolline Dunn, tu as indirectement fait un choix. Nous entraînant tous avec toi. »
Je relevais mes yeux vers lui d’un air de défi. Qu’est ce qu’il voulait dire par là ? Que j’avais fait de la merde ? Que je n’aurai pas du ? Apolline était tout ce que j’avais et Rachel aussi. Je m’étais battu pour elle, pour qu’on vive la vie qu’on vivait aujourd’hui. Aussi, mon père dut lire dans mes pensées car il rajouta en me posant une main sur l’épaule.
« Mais de toute manière, notre famille n’a jamais été aimé des hybrides. Ni des sangs-purs qui les ont toujours opprimés. Nous sommes un clan à part, qui ne survit que par nos secrets et notre savoir-faire. Nous servons le plus riche, et le plus offrant. C’est la devise. »
Je réfléchissais à ses paroles. Que voulaient-elles dire ? Qu’on entrait en guerre nous aussi ? Et qu’on suivrait celui qui nous demanderaient le plus d’artefacts ? Il me regarda d’un air amusé car il vit que je ne pouvais comprendre. Avec un sourire, il se contenta de dire :
« Et ce n’est pas non plus pour rien que nous perdurons au fil des siècles. Sans nous, tous ça... »Il désigna la forge d’un geste vague de la main.
« C’est que du métal et du feu. Le savoir, il est là et là. Et ça, ils ne pourront jamais l’avoir. »Il posa son doigt sur mon coeur, puis sur ma tête.
« Et quelque soit l’ennemi, à chaque fois, on cherche à nous le voler. Mais à chaque fois, ils échouent. Tu sais pourquoi ? »Je regardais mon père dans les yeux. Qu’est ce qu’il voulait dire ? On était une très vieille famille. Pour moi, on s’était toujours rangé dans un camp ou dans un autre, pour survivre. Mais, plus je réfléchissais plus je me disais qu’en réalité, on n’attirait que la convoitise de tout le monde. Devant l’absence de réponse de ma part, il déclara :
« Tout simplement parce qu’on s’adapte. On n’est pas les plus forts, on n’est pas les plus brillants. Nous sommes juste ceux qui s’adaptent le plus vite. Et tu n’échappes pas ça. Ta sœur la déjà bien compris, même si elle l’ignore encore elle même. Bien. »Je le regardais s’éloigner, avant de partir, il s’approcha de mon plastron et se mit à sourire en coin.
« Ca manque d’un petit quelque chose quand même... » Il s’approcha de lui et souffla quelques mots dans une langue étrange. Un mélange de wisigoth et de gobelbabil. Immédiatement, le plastron se mit à scintiller, avec nos armoiries (à savoir la tête d’un Gobelin mort sur une enclume)
« Bien mieux. Monte voir ta mère, elle s’inquiète pour toi. »Et, sur ses bonnes paroles, il disparut en remontant vers la boutique.