Whatever It Takes - ft. Saúl Ochoa

ft. @Saúl Ochoa-Reyes

D’abord, il y eut cette voix qui manqua de la faire trébucher sur sa destinée comme sur son chemin. Plus qu’une une plainte, ce simple mot résonnait à ses oreilles comme une supplication, un cri du cœur auquel il n’existait aucune alternative plus sincère.

Puis, ce contact sur son épaule termina de la stopper dans sa fuite avant qu’elle ne puisse rejoindre le cœur battant du Marché aux Trolls. À ce stade, les raisons qui avaient fait changer Saúl Ochoa d’avis méritaient encore d’être éclaircies. Était-ce ses mots, inhabituellement durs, qui lui avaient permis de prendre conscience qu’il n’avait jamais été un ennemi à ses yeux ? Ou bien était-ce cette Suçacide qu’elle lui avait rendu, au creux de ses mains, comme le signe que ce pacte n’avait jamais été vraiment le sien ? Quoi qu’il en soit, l’ancien Auror fut convaincu. Puis, à son tour, il se montra suffisamment convaincant dans son acte comme dans sa parole pour que le visage d’@Aethelia G. Sanderson s’efface instantanément devant les yeux de sa protégée.

Dans ce laps de temps, Siobhán avait beau s’être déjà questionnée sur la meilleure façon de rentrer en contact avec quelqu’un quand on avait jamais existé dans sa vie, il n’y avait désormais plus que le regard charbonneux de Saúl plongé dans le sien.

Elle avait fini par lever vers lui ses grands yeux bleus assombris par sa large capuche pour répondre :

« Je ne demande que ça depuis le début, Saúl », souffla-t-elle, rassurée qu’il ait finalement recouvré la raison à son sujet bien que toujours un peu offensée qu’il ait pu vouloir la mettre hors-piste.

Avait-elle conscience du double sens de son affirmation ? Le charme de Saúl opérait-il sur elle par intermittence ou n’avait-elle en tête que la satisfaction d’avoir enfin été entendue, sans autre arrières pensées ? Elle-même n’aurait su le dire.

Le silence s’épaissit autour du trouble vaporeux que laissaient les derniers mots de Saúl dans ses pensées.

« C’est donc ça, le petit nom de cette organisation ultra secrète. Le Witan… »

À peine perceptible, un fin sourire malicieux s’étira au bas de son visage, preuve du plaisir qu’elle éprouvait d’enfin pouvoir poser un nom sur ce groupuscule dans lequel interférait Aethelia et qui avait mis son ange-gardien hors-de-lui au point d’en devenir méconnaissable.

Le souvenir des flyers de propagande qui lui avaient été distribués et qu’elle avait fait disparaître aussitôt en les confondant avec une énième publicité ne lui effleura pas l’esprit.

« C’est d’accord », conclut-elle avec un sérieux qui dissimulait mal sa satisfaction d’obtenir gain de cause. «  Si tu promets que ce n’est pas un choix par défaut. Tu dois me faire confiance. Sinon, ça ne m’intéresse pas. »

Pendant le temps qu’ils parlaient, la douleur de sa récente rupture s’apaisait.

L’espoir était une branche suffisamment solide à laquelle se raccrocher. Saúl n’avait probablement pas conscience qu’en acceptant sa présence à ses côtés, il l’aidait aussi à faire son deuil d’Edel. Son visage de poupée de porcelaine semblait retrouver sa lumière et son éclat, avalés quelques jours plus tôt avec l’encre du tatouage à son doigt.

« On commence quand ? », demanda-t-elle avec une pointe d’empressement mêlée à une espièglerie partiellement retrouvée avant d’enchaîner, tournant le visage vers le bout de la ruelle en direction d’un monde qui continuait de tourner. « J’aimerais vraiment que tu me fasses visiter cet endroit où tu vis », avoua-t-elle, les joues roses, un peu honteuse maintenant d’avoir prétendu qu’il s’y cachait, sous la colère. « Et ces personnes que tu connais… elles vivent ici, n’est-ce pas ? »

ft. @Saúl Ochoa-Reyes

La notion de dangerosité lui avait toujours échappé. Son excellent esprit d’analyse semblait ne pas avoir été livré avec le bagage suffisant pour lui permettre d’appréhender tous ces lieux communs que pouvaient constituer le risque, le danger et surtout la peur. Siobhán s’inquiétait  rarement d’une situation avant d’y être vraiment confrontée et là encore, elle savait mobiliser ses forces pour l’affronter et la surpasser quand il n’y avait pas d’autre option.

Du moins, c’était ce qu’elle pensait au plus profond d’elle. Car du haut de sa tour dorée dans laquelle tous ses proches l’avaient toujours protégée comme le plus précieux des trésors, elle n’avait jamais vraiment été confrontée à des situations dangereuses.

En dehors du rire sournois des Gobelins de Gragareth, aucune situation dans sa vie ne lui avait jamais donné de quoi avoir la chair de poule. Les mises en garde de Saúl, bien que légitimes, n’avaient donc pas l’effet escompté sur la Serpentard. En pleine conscience de ce fait, elle se garda de lui répondre pour éviter de lui mettre la puce à l’oreille sur ce qui l’attendait s’il acceptait de la traîner avec lui dans ce qui allait suivre.

Au lieu d’une réponse qui aurait pris tous les traits d’un mensonge, elle privilégia un sourire qui voulait dire « tu as vraiment besoin de me poser la question ? » quand oui, c’était bel et bien nécessaire.

Finalement, il reprit la parole. Rien dans ce qu’il lui disait n’indiquait qu’il avait changé d’avis ou qu’il devait s’assurer de son autorité sur elle — bien au contraire. Siobhán semblait avoir retrouvé sa place dans le cœur de son ange-gardien et elle comptait bien la garder, maintenant qu’elle était sûre et certaine qu’il avait réellement confiance en elle.

Observer était tout à fait dans ses cordes, elle qui avait passé sa vie à observer les autres pour s’assurer qu’ils pouvaient se faire une place dans sa vie. Son visage, sérieux, prouvait son écoute attentive alors que ses yeux, déjà, observaient tout ce qu’ils pouvaient et qui leur tombait dessus.

À peine Saúl eut-il le temps de lui dire d’agir normalement qu’elle libéra sa tête du large tissu qui venait la recouvrir. Elle avait le pressentiment qu’il valait mieux avancer à vue et le visage découvert, dans de tels lieux. Peut-être était-ce parce qu’elle avait fait tout le contraire jusque-là que Saúl l’avait interceptée si rapidement.  

«  Allons-y », finit-elle par dire avec une détermination qui transpirait de ses pupilles.

Jamais il ne lui était venu à l’esprit qu’une ville entière puisse se cacher sous une autre. Pourtant, le Marché Aux Trolls semblait accueillir tous ceux qui le souhaitaient sans distinction de sang ou d’origine. Les regards qui croisèrent le sien avaient ça de communs qu’ils semblaient tous avoir une bonne raison d’être là et que personne n’avait l’air d’être arrivé en ces lieux par hasard. À commencer par elle. À commencer par Saúl.

De la bouche de l’ancien Auror, Siobhán apprenait à faire des listes de ceux à éviter jusqu’à ceux à qui elle pouvait se fier. Les Gobelins, vraiment ? Elle avait beau aimer se faire sa propre idée des individus qu’elle rencontrait, il n’en restait pas moins qu’elle gravait dans son esprit chacune de ses paroles — c’était dire l’étendue de la confiance qu’il avait gagnée.

Pendant de longues minutes, elle laissa sa mémoire s’imprégner des lieux, prendre des photos mentales de chaque endroit important, jusqu’à entendre une musique, des paroles loin de lui être familières. C’était loin, très loin des sons de son Irlande natale ou de Caer Cynfeirdd. Mais il allait lui falloir s’habituer car ici, tout était différent.

Par exemple, jamais sa route n’avait croisé celle de telles habitations. Ce qui semblait habituel pour Saúl était loin de l’être pour elle et elle fut frappée par ces différences qui n’avaient pourtant encore jamais pointé le bout de leur nez. Car tout ce qu’elle avait jamais vu en Saúl, c’était leurs points communs. Il avait eu tout le loisir de s’imprégner de son monde, de Poudlard, quand elle était en train de faire ses premiers pas dans le sien.

Le doute ne se montra jamais. À part peut-être quand il lui parla de sa mère qui, elle l’avait compris au fil des moments passés ensemble, avait toutes les grâces à ses yeux. Bien sûr qu’elle avait des questions — des tas, comme à son habitude.

Mais étrangement, sur un terrain dont elle ne savait rien, aucune ne franchit ses lèvres en première instance. Était-ce à cela que ressemblait la peur, finalement ? La crainte de ne pas être assez bien, de ne pas trouver sa place quand elle se trouvait à deux pas d’un lieu qu’elle avait toujours cherché sans même le savoir ?

Sa nervosité ambiante la trahit quand ses doigts vinrent loger une mèche de ses cheveux roux détachés derrière son oreille. Puis, qu’ils tapissèrent sa longue cape de voyage pour en faire disparaître les faux plis. L’apogée, ce fut quand sa gorge se noua. Aucun son ne sortit plus de sa bouche à partir de là, même pour répondre à une question qui n’avait pourtant rien de compliqué. Elle se contenta juste d’hocher la tête de gauche à droite pour dire « non » alors que Saúl était en train de saluer deux hommes un peu plus loin.

Il était comme un poisson dans l’eau quand elle semblait tout à coup avoir perdu toute son assurance et sa brillance.

ft. @Saúl Ochoa-Reyes

Il n’y avait pas besoin d’être un legilimens pour comprendre que la vert-et-argent était troublée. La trouille au ventre, ce n'était pas la crainte d'être dévorée toute crue qui la saisissait, comme s'en amusait Saúl. Pas plus que l'appréhension de faire un premier pas concret dans la vie passée, présente ou future de son ange-gardien. Au contraire, cette marque de confiance la touchait bien plus qu'elle n’aurait su l'admettre.

Siobhán était en proie à des sentiments bien plus profonds qui touchaient de près à ses racines et à son sang. Sa seule peur était de ne pas être acceptée des siens, elle qui avait grandi et vécu loin de ceux qui lui ressemblaient. Tout épouvantard digne de ce nom en serait sûrement bien embêté.

Voir Saúl dans son élément eut au moins le mérite de détendre peu à peu ses membres à mesure que la visite se poursuivait. Elle s'était résolue à le suivre - non sans marquer un court temps d'hésitation.

Lorsqu'il marqua un premier temps d'arrêt un peu plus loin comme le ferait n'importe quel guide à un point d'intérêt notable, le sourire de Siobhán se joignit au sien avec une pointe de couleur jaune en plus.

« S'il figure sur le registre des gens que tu apprécies, j'aimerais beaucoup le rencontrer. Ne t'en fais pas pour mon cœur », répondit-elle seulement avec un mélange de douceur et d’amertume légitime.

Son ton avait pris tous les accents de l'humour mais cachait pourtant une vérité sincère - celle d'un cœur désormais sous scellé. Saúl avait été le seul à en avoir gardé l'accès, depuis que sa  protégée était tombée dans ses bras, ce soir-là.

Les deux demi-vélanes reprirent ensuite leur route jusqu'à une roulotte qui dénotait des autres dû à la couleur moins vive de ses murs, mais néanmoins remarquable par sa beauté. Sans trop savoir pourquoi ni comment, Siobhán sut immédiatement qu'ils étaient arrivés à destination. Les explications de Saúl lui donnèrent bientôt raison et son visage s’attendrit sans qu’elle n’ose prendre la parole, trop effrayée à l’idée d’interférer dans le fil de ses pensées. Les questions lui venaient naturellement comme sa curiosité le lui imposait. Mais il y avait un temps pour tout et Siobhán savait aussi quand il lui fallait se taire pour écouter. Saúl dégageait une aura particulière qui au-delà d’inspirer naturellement le respect, lui facilitait grandement les choses dans sa quête du silence.

Ses pensées cheminaient tranquillement dans son esprit pendant le temps qu’il mentionnait son passé, mais surtout, ses yeux caressaient chaque couleur, chaque forme, chaque matière pour mieux s’en imprégner. Elle savait bien pourquoi sa mère, sa sœur et lui avaient fui le Mexique et elle savait aussi que c’était l’un des rares sujets qu’elle n’oserait aborder par elle-même. Il y avait une part d’intimité qui entrait en jeu mais surtout des cicatrices à vif qu’il valait mieux laisser reposer au risque de les voir s’ouvrir à nouveau. Elle le savait bien mieux que personne.

Une fois à l’intérieur de la demeure, la demie-vélane sentit son cœur bondir dans sa poitrine et une étrange bulle se former dans son estomac. Elle n’aurait su dire pourquoi cette roulotte retouchée par un sortilège d’extension lui donnait cette impression inédite d’être chez elle, quand bien même ses pieds franchissaient le pallier pour la toute première fois.

Rapidement, sa silhouette se détacha de Saúl pour laisser son regard s’aventurer là où il avait accès : des photos, des objets, des souvenirs. Tous contenus entre quatre murs, chacun marqué par différents moments de vie si bien que tout était à sa place même là où on ne l’attendait pas. Siobhán ne put s’empêcher de s’attarder sur les merveilleuses variétés de plantes qui embellissaient les lieux et elle savait déjà que ses premières paroles envers la mère de Saúl seraient des félicitations pour le soin particulier apporté à chacune d’elle.

Lorsqu’il l’invita à s’installer, elle s’exécuta sans broncher bien que l’envie de continuer ses observations se faisait très forte.

« C’est magnifique », glissa-t-elle en s’asseyant sur le canapé moelleux qui lui avait été indiqué pendant que Saúl se retirait dans une autre pièce.

Ces paroles banales peinaient à exprimer pleinement son ressenti sur le moment. Il y avait bien quelque chose d’ensorcelant dans ce lieu, autant que savaient l’être les membres de la famille qui la peuplaient. Magnifique n’était peut-être pas le mot tout bien réfléchi, mais c’était pourtant celui qui lui était venu en premier même si elle aurait voulu donner beaucoup mieux que cette triste simplicité.

Et quel mot dans ce cas pourrait le mieux résumer l’horchata, qu’elle ne goûtait pas pour la première fois ? Edel aussi l’aimait à la vanille, pensa-t-elle avec force avant de se souvenir qu’il lui faudrait bientôt oublier ce genre de détails en reprenant une nouvelle gorgée.

La mention de l’Ordre du phénix suffit à remobiliser pleinement son attention. De ce qu’elle en avait lu et entendu, de ce que son père avait bien voulu lui dire, lui qui ne parlait que très peu de la grande guerre, il s’agissait d’une organisation secrète résistante composée d’éminents sorciers réunis autour d’une lutte commune.

Et c'est ainsi que l'histoire se répétait.

« Je peux ?  »», demanda-t-elle en tendant ses doigts vers les siens lorsqu’il prit dans sa main une pièce brillante qui ressemblait à un gallion tout ce qu’il y avait de plus commun — excepté qu’il ne l’était peut-être pas.

C’était cette façon que Saúl avait eu d’aborder le sujet et de se saisir de l’objet qui lui avait rappelé une manie que son père avait de jouer avec entre ses doigts à chaque fois que l’occasion lui était donné de se reposer ou de ne rien faire, chez eux, et qu’il ne le supportait pas. Mais avant d'aller plus loin, elle devrait s’assurer, une fois entre ses mains, qu’il était bien frappé d’un phénix qui viendrait le différencier de tous les autres gallions qui passaient quotidiennement entre leurs mains.

« Tu penses qu’il va y avoir une guerre, Saúl ? », finit-elle par demander, plus évasive. « La condition à la renaissance de l’ordre du phénix n’est-elle pas celle-ci ? Que la guerre s’invite à nouveau chez nous ? C’est ce que veut le Witan ? »

Siobhán avait abandonné son masque de mutisme et de pudeur pour se laisser aller aux questions qui la traversaient dans un grand sérieux, prenant soin d’ignorer ses doigts qui frôlaient ceux de Saúl.

Elle avait besoin de savoir les ambitions de sa tante derrière cette organisation. Et surtout, de comprendre pourquoi Saúl tenait autant à l’en éloigner quand il lui avait assuré, il n’y a pas si longtemps, qu’il n’avait rien à reprocher à la famille d’@Eynaelle Sanderson.

ft. @Saúl Ochoa-Reyes

Aussitôt l'accord de principe obtenu, ses doigts s'emparèrent de la fine pièce d'or sans demander leur reste. Inquisiteurs, ses yeux brillaient avec la même intensité que le métal étincelant sur lequel ils glissaient.

On aurait dit un niffleur qui avait été privé de sa vue pendant trop longtemps.

« Qui t'a donné ça ? », demanda-t-elle en soupçonnant bien malgré elle l'identité du propriétaire.

Elle avait immédiatement pensé à @Luke Korrigan parce que c'était entre ses mains qu'elle avait vu ce gallion d'or rouler pour la première fois, il y a fort longtemps. La mémoire de Siobhán était remplie de ce genre de détails insignifiants au premier abord, mais qui pouvaient parfois s'avérer essentiels dans sa compréhension du monde.

L'instant d'après, la Korrigan se mit à jouer fébrilement avec le gallion estampillé de l'Ordre du Phénix, exactement comme son père le faisait en son temps.

Le silence qui suivit sa question sur une guerre en devenir en disait bien plus long que n'importe laquelle des réponses que Saul n'était pas en droit de lui donner.

L'éventualité d'une telle finalité n'était jamais souhaitable pour ceux qui avaient quelque chose à perdre ; mais pour ceux qui n'avaient déjà plus rien, c'était parfois la seule option. Certains trouvaient dans ces conflits d'ampleur un avantage stratégique, quand pour d'autres, c'était avant tout une question de survie. C'était en tout cas ce que le cadet Korrigan, ancien combattant, avait toujours répété à ses deux enfants. Une vérité parmi d'autres qui avait permis à son unique fille de grandir loin de l'appréhension d'un tel conflit, quand bien même l'ombre d'une histoire vouée à se répéter n'avait de cesse d'obscurcir le tableau houleux de leurs existences.

Le verdit tomba finalement lorsque Saúl reprit la parole. Les sourcils de la demie-vélane se froncèrent en voyant que l'ancien Auror ne pouvait articuler la suite de ses pensées.

Qui étaient ces mystérieux supérieurs ? Qu'avait-il bien pu devoir affronter pour se retrouver dénué de sa faculté de libre expression ? À quel triste double jeu devait-il s'adonner pour ne plus être en totale possession de ses moyens ?

Il était inutile de poser ces questions et espérer obtenir une réponse concrète. Siobhán poussa un soupir désolé, frustrée de ne pas être suffisamment puissante pour aider Saúl par ses propres moyens. Les ongles de sa main libre de tout écu glissaient sur le relief du verre qui lui avait été servi, signe de sa nervosité naissante.

L'absence de contrôle était sa pire ennemie.

Heureusement, son attention fut happée par d'autres révélations ; si Saúl était sous muselière d'un côté, l'autre camp semblait lui faire suffisamment confiance pour ne pas le brider.

Du moins, pour l'instant.

« Quelle discussion ? » demanda Siobhán, surprise. Mais profitant d'une brèche qui venait de s'ouvrir, la vert-et-argent n'hésita pas longtemps avant de s'y glisser comme le serpent qu'elle était. « Saúl... Quel est ton lien avec ma tante, ma cousine, et le Witan exactement ? »

Ce qui ne la surprit pas, en revanche, ce fut que cette question lui soit retournée.

Tous deux avaient cruellement besoin d'en savoir plus sur l'autre, maintenant qu'ils avaient la certitude d'être dans le même camp.

« Eynaelle fait partie de ma famille, Saúl. Elle est tout ce qu'il me reste de ma mère et d'une grand-mère que je n'ai jamais connues. » Sa voix marqua naturellement une pause, bouleversée par les sentiments qui la traversaient. « Je sais qu'elle ne brille pas par la légalité de ses actions, mais je suis incapable de renier ce qui nous lie. Par exemple... Nos baguettes sont jumelles et je ne peux pas m'empêcher de penser que ce n'est pas un hasard... »

Ses yeux d'azur se relevaient vers son interlocuteur dans l'unique but de sonder sa réaction.

Persuadée, au fond, que cette interrogation n'aurait pas été soulevée s'il n'avait pas changé d'avis depuis la première fois qu'@Eynaelle Sanderson avait été un sujet de discussion.

ft. @Saúl Ochoa-Reyes

« Évidemment », avait-elle murmuré, un sourire teinté d'ironie innondant aussitôt ses lèvres.

Qui d'autre ?, avait-elle tout de suite pensé, non sans avoir soufflé du nez au préalable. Immédiatement après l'aveu, ses doigts avaient cessé de jouer avec la pièce d'or, comme pris sur le fait.

C'en était fini de jouer, quand le patriarche Korrigan avait de toute façon toujours un coup d'avance sur sa fille. C'en était fini de jouer, tout simplement parce que ce petit jeu ne l'amusait plus.

Siobhán se mura un moment dans le silence, les bras croisés sur sa poitrine comme une enfant frustrée, incapable de savoir quoi penser. Qui d'autre que son père pouvait lui prêter un tel dessein ? @Luke Korrigan n'avait jamais eu besoin de dire à voix haute qu'il n'avait aucunement confiance en la clairvoyance de sa fille. Jour après jour, il le montrait. Peut-être avait-il ses raisons, mais l'idée même de savoir que son propre père avait pu influencer Saúl au point de lui faire miroiter des intentions obscures et infondées avait de quoi l'écœurer.

Et même le délicieux horchata entamé de moitié n'y pouvait rien.

« Si c'est lui qui t'a donné cette idée et qu'il t'a donné cette pièce, alors crois-moi, il ne voudra jamais que j'en fasse partie », finit-elle par ajouter, amère, à propos de l'Ordre du Phénix, les yeux rivés sur le gallion immobile sur la table.

Ce qui sonnait comme une évidence à ses yeux prenait surtout la forme du plus triste des constats : Luke ne voulait pas que sa cadette emprunte une mauvaise route, mais lorsqu'elle s'aventurait sur le bon chemin, il s'arrangeait aussi pour faire obstacle. Il aurait sûrement préféré qu'elle ne fasse rien du tout. Mais Siobhán n'avait pas le tempérament pour rester les bras croisés.

Aussi, lorsque le sujet divagua sur un autre pan de son arbre généalogique, le silence de Saúl lui fit réétudier sa position. Ses bras se replacèrent en parallèle sur la table, les mains entourant le verre qui avait été déposé là.

Finalement, il était bien sous le joug d'un sortilège qui devait être suffisamment puissant pour l'empêcher lui dire tout le fond de sa pensée sur ce sujet également.

Son visage de demie-vélane immaculé se teinta d'une moue désappointée. C'est qu'elle n'était pas très douée pour lire les sous-entendus, même s'il était évident que l'ancien Auror faisait du mieux qu'il pouvait.

« Je vois », répondit-elle simplement même si elle ne voyait pas grand chose en vérité, mais qu'elle refusait de l'admettre. Tout ce qu'elle comprenait, c'était qu'il avait à peine écouté ce qu'elle lui avait dit sur sa cousine. @Eynaelle Sanderson était son sang. Par conséquent, leur lien allait bien au-delà de la haine que Saúl pouvait lui vouer, à elle et sa mère. « J'ai compris que ma tante était dangereuse, mais Eyna n'est pas une menace. Elle ne me force à rien. Au contraire. » La Poufsouffle avait même tenté de la dissuader plus d'une fois de la suivre sur son chemin. C'était probablement pour cette raison bien précise que l'allégeance de Siobhán revenait inlassablement vers Saúl.

C'était à croire que toutes les routes qu'elle pouvait emprunter finissaient toujours par croiser la sienne.

En revanche, tout ce qu'il y avait à espérer à ce stade de leur discussion, c'était que Saúl ne la force pas à faire un choix.