Gabh mo leiscéal # Maëve & Zion

14.01.24Elle avait toujours considéré avec affection cette habitude de Freya de lui donnait ce nom de Máthair, comme une énième preuve de son allégeance à son père. Une allégeance que Maeve approuvait du plus profond de son être. Ce qu'elle n'approuvait pas, en revanche, c'était ce que s'apprêtait à lui dire sa fille.

Silencieuse, elle écouta sans couper, consommant intérieurement l'uppercut d'une telle nouvelle. Finalement les larmes embuèrent ses yeux sans jamais verser et la Chasseresse détourna un instant ses yeux clair vers l'océan enragé. Devait-elle déverser sur Freya la longue litanie des raisons morales et de bon sens pour lesquelles ce qu'elle avait fait été la pire des choses à faire ? Lui rappeler que, de tout temps, les Cynfeirdd avaient lutté contre les ténèbres, que c'était le coeur même de leur engagement. Chasseurs, certes, mais pas de ceux qui s'y adonnent comme on languirait un jeu entre amis. Les Cynfeirdd avaient fait serment d'aider les désespérés et les laisser pour compte, ce qu'ils faisaient avec expertises depuis la nuit des temps. Mais le seul flirt qu'ils s'étaient jamais autorisés avec la magie noire c'était celui qui conduisait toujours à la mort de l'ennemi.

Fallait-il lui dire que la candeur naïve avec laquelle elle lui parlait des retrouvailles avec son père lui faisait froid dans le dos ? Peut-être l'aurait-elle dû. Peut-être s'apprêtait-elle à le faire.

« J'aurais très certainement fait de même si j'avais pu être crédible. », abandonna la matriarche en reportant son regard tant sévère qu'ému sur sa fille, « J'imagine quelle joie ce doit être ma fille mais trop de naïveté pourrait te mener à ta perte et Fearchach ne cessera jamais de vouloir m'atteindre, tout comme moi je n'aurais de cesse de vouloir le bannir de ce monde. Portes-tu le claddagh des Korrigans ? »

L'alliance que Maeve s'était refusé à ôter jusqu'à il y avait quelques mois, pour la confier à sa fille. La chasseresse avait déjà dépassé l'instant présent. Il n'était pas l'heure à la réprimande. Si elle espérait sauver son unique fille du gouffre dévorant qui l'appelait, elle ne pouvait pas se permettre de perdre son coup d'avance.

« Suivez-moi, tous les deux. Il se peut qu'à partir de là, je vous confie des choses que vous ne pourrez répéter à quiconque. Je ne tiens pas à t'imposer cela @Zion Webb . Tu en as déjà beaucoup fait. Nos affaires de famille n'ont pas à t'éclabousser... »

14.01.24 Zion s'étouffa tout simplement lorsque Maeve leur avoua ne pas être prête à être grand-mère. Le Gryffondor se retint de dire qu'il n'était même pas prêt au mariage mais il préféra se taire. De toute façon, il ne pouvait faire que ça puisqu'elle venait de lui couper le sifflet par cette simple phrase. S'il avait pu rougir, il serait probablement écarlate sur l'instant. Alors Zion, mal à l'aise, se contenta de perdre son regard quelques parts sur les vagues noirs qui venaient lécher paresseusement le sable des terres galloises. Un bref regard vers le sommet des falaises, le jeune Webb ne pouvait qu'admirer la beauté de ce lieu où régner une ambiance assez particulière.

Finalement, Freya recapta son attention en entrant dans le vif du sujet. Zion l'observa avec un grand sérieux pourtant il ne put s'empêcher de ressentir un élan de compassion. En pur soutien qu'il était dans cette situation, le Gryffondor n'osait dire un mot de peur de fracasser cette conversation pour le moins terrible. En effet, il se doutait qu'un mot de travers, qu'une action mal interprétée par Maeve, et tout l'espoir que Freya nourrissait quant à la réaction de sa mère pouvait fondre comme neige au soleil. Retenant à peine son souffle, il fut soulagé lorsque Maeve lui donna l'impression de bien prendre cette information.

Lançant un regard sous-entendu à Freya en espérant qu'elle ait bien compris ce que Maeve lui disait quant aux faits d'être utilisé dans les dessins de ce mage noir, Zion sursauta presque lorsque Maeve leur proposa de la suivre. Le Gryffondor leva aussitôt les deux mains à hauteur de ses épaules tout en secouant la tête.

« - Non. Je pense que ce moment est pour vous deux. Je voulais soutenir Freya pour... Pour ça. Et bien que je n'en sache que le principal, je pense que vous avez besoin de vous rapprocher plus que ce que vous êtes déjà. J'aime pas ce mage noir alors si vous pouviez la préparer ou que sais-je, faites-le. »

C'était un de ces moments où Zion savait se montrer incroyablement perspicace. Il saisit délicatement la main de Freya pour la serrer avec douceur avant de la lâcher pour remettre les mains dans ses poches.

« - J'vais plutôt vous attendre ici. J'ai l'impression que la mer me parle. » Il ne put s'empêcher de rire en se rendant compte que sa formulation ne devait pas jouer en sa faveur. « Vous inquiétez pas, je pense que c'est lié à quelque chose qui m'arrive depuis peu. Je vous en parlerais à votre retour. » Ajouta Zion, le visage étrangement doux.

14.01.24 Maeve saisit la délicate alliance d'un geste doux qui ne trahissait ni plus ni moins que l'amour qu'elle portait toujours à celui qui la lui avait offerte. Dédaignant la chevalière presque tape-à-l'oeil du mage noir, elle délia ses doigts autour du cou de Freya, formant un lacet gracile et fin comme un cheveu où elle glissa finalement l'anneau d'or.

« Porte le toujours. C'est plus prudent. »

Elle ne pouvait pas s'en tenir là maintenant. Si elle escomptait que sa fille unique survive à Fearchach McLachlan, il allait falloir qu'elle lui donne toutes les armes pour cela. Le jeune M. Webb lui, préférait se mettre un peu en retrait.

« Sage décision M. Webb. Mais je serais plus rassurée de ne pas vous laissé seul ici. Nous avons une très belle vue sur l'océan de là-haut. »

Elle n'avait pas prévu de s'étendre sur les raisons pour lesquelles elle ne voulait pas le laisser seul sur la plage. Le kelpi en était une et pas des moindres. Mais il n'était pas la seule raison. Sans plus attendre, Maeve prit le chemin du retour par l'étroit escalier aux marches glissantes. Arrivés devant la double porte monumentale, Maeve posa sa main sur le front large du kraken sculpté dans le bois. Les tentacules de l'effrayante créature se mirent en mouvement, enserrant d'avantage les minuscules marins terrorisés. La porte s'ouvrit sur une entrée majestueuse, où le vitrail de la jeune fille paresseuse les salua d'un gracieux mouvement de tête.

« Bonjour Eirian, je suis bien contente de voir que tu es levée... »

Eirian, la jeune fille paresseuse leva le nez, un peu offusquée avant de peigner ses longs cheveux roux. Ca n'était pas la plus bavarde des vitraux de la famille mais elle était très expressive à sa manière. Ainsi le sourire intéressé qui passa sur ses lèvres au passage du jeune M. Webb en disait long. Posant sa brosse à cheveux, le vitrail se proposa d'accompagner le jeune homme et de lui faire la visite.

« Fais donc. Mais tenez vous en aux pièces que tu sais... », ordonna la matriarche. Un regard à Freya annonçait qu'elles ne prenaient pas la même direction. Très vite, Freya le comprendrait, elles se dirigèrent vers les cachots d'ordinaire interdits aux plus jeunes. C'était de toute manière un endroit peu accueillant, très humide du fait de la proximité de l'océan, où les lumière, même enchantées, ne tenaient pas longtemps. Elles descendirent les escaliers, Maeve prenant au passage une torche qui s'enflamma à son contact. Après les interminables escaliers aux marches émoussées, elles laissèrent de côté les anciennes geôles et le prisonnier qui moisissait là depuis si longtemps que des minicelliums des catacombes lui sortaient par les orbites. On n'y voyait guère à plus d'un pas devant comme si l'obscurité s'appliquait à dévorer la faible lumière émise par les flammes. Elles ne laissaient même pas d'ombre au sol. Après un long, très long moment, Maeve bifurqua vers la droite quatre fois, attrapant la main de Freya de peur que les ténèbres ne l'englobent.

Freya n'avait jamais été autorisée à descendre ici. Si Maeve ne se faisait aucune illusion sur le fait que, comme tous les enfants de Caer Cynfeirdd, elle avait dû venir jouer à se faire peur ici, elle savait qu'elle n'avait certainement pas dépassé le squelette laissé derrière elles il y a un moment déjà.

L'endroit où elles se rendaient désormais n'était jamais révélé qu'aux chefs de famille, ce que Freya serait appeler à considérer un jour où l'autre, à moins de nouvelles naissances parmi les quatre héritiers qu'avaient produits Aderyn et Geraint.

Elles prirent encore une fois à droite et l'obscurité les avala toutes entières. La sensation de passer à travers une épaisse toile d'araignée puis l'impression ténue qu'une harpe jouait un peu plus loin. Dans le noir total, elles suivirent la musique.

« Est-ce que tu l'entends ? », demanda Maeve, curieuse de savoir si Freya avait elle aussi ce petit privilège des chefs Cynfeirdd, seuls capables d'entendre jouer les échos sans âge de la harpe de Taliesin. Maeve avait toujours aimé les contes du Llyfr Du Caerfyrddin. Bientôt, une lueur chaleureuse se dessina l’extrémité du boyau dans lequel elles s'étaient engagées. Cela provenait d'une porte basse ou plutôt d'une arcade dont l'entrée était couverte d'un brocard d'or magnifique. Le drap semblait miroiter. Maeve leva respectueusement la main, caressant longuement les motifs de l'un éternel tournoi de gentilhommes et de gentes dames.

« Es-tu prête Freya ? Reconnais-tu cette étoffe ? »

Si peu de Cynfeirdd était entrés ici mais tous entretenaient la légende du fabuleux trésor amassé de chasse en chasse sous l'imprenable forteresse de Caer Cynfeirdd. Le secret de son entrée presque sacré, transmis d'héritier en héritier au fil des âges n'avaient jamais encore été trahi.