Entretien # Sobek

Entretien

Lundi 18 septembre, 17h

Cela faisait un peu plus de quinze jours que la rentrée avait eu lieu, et je continuais tranquillement à faire mes entretiens avec les élèves de ma maison. Cela commençait à se savoir et les élèves que je recevais étaient bien moins stressés qu'au départ. J'avais même l'impression qu'il se murmurait que je n'étais pas une professeur si sévère que je le laissais croire. Il faut dire que la situation de chacun de mes élèves me tenait à coeur, et que je voulais absolument aider chacun à se trouver.

Je venais de terminer l'un de mes cours et je savais que l'étudiant que je voulais voir finissait aussi sa journée. Je lui avais donc envoyé une simple note afin de le convoquer. M'installant au bureau, posant son dossier fermé à côté de moi, je pris un parchemin et une plume. Alors que j'entendais des pas, avant même que le jeune homme ne frappe, je lançai :

"Allez-y, installez-vous, Monsieur Ojeda. Prenez un parchemin et de quoi écrire. Je vous sers quelque chose à boire ? Un gâteau ?"

D'un simple geste de la main, je fis apparaître des viennoiseries qui provenaient des cuisines de Poudlard, ainsi que, pour ma part, une grande tasse de café. J'aurais bien pris un bon whisky à cette heure, mais j'évitais dans le cadre professionnel.

"Alors, comment se passe votre intégration à Poudlard ? Le professeur Ezzat n'a pas manqué de me dire à quel point vous étiez un étudiant de qualité ! J'ai travaillé 4 ans à ses côtés et je sais que ses recommandations sont toujours très pertinente !"

En effet, j'avais enseigné les potions à Louxor, durant mon périple à travers le monde pour échapper à mon père. Amon Ezzat avait été très accueillant et nous avions longuement parlé de nos expériences éducatives réciproques, nouant en quelque sorte une amitié, même si ce dernier n'avait jamais rien su de ma véritable identité, jusqu'à ce que je le contacte début septembre.

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Une note prisonnière de sa grippe, la silhouette de l'égyptien se figea devant la porte du cachot hébergeant potions et onguents. Le regard figé sur ce trop peu de lumière fuyant l'humidité des sous-sols, le sang-mêlé se surprit d'une stase suante d'hésitation. Immobile et le bras levé en suspens d'un coup annonçant son arrivée ponctuelle, Sobek s'était ravisé en plein élan. Ô, il n'avait plus rien de cette armoire à glace confiante scindant l'éther en chasse d'un cognard avide de se heurter au cuir de l'adversaire. Comme tétanisé par la crainte d'une énième session à ressasser passé, présent et avenir, il tenait plus de l'enfant anxieux. Et à l'aune de ce rendez-vous, la toile des duplicités effleurait déjà le fard de lèvres pincées en grimace.

C'est que les bruits de couloirs et messes basses de la salle de lions n'étaient pas restés creux à l'oreille du métisse. Ainsi le fils du désert avait pu, avec plus ou moins de succès, s'apprêter à cet entretien. Et la surprise n'avait guère su le cueillir lorsque l'avis de sa directrice de maison était tombé. Pourtant, même préparé, les incertitudes et inconnus que lui réservait le temps, le noyaient d'une angoisse inflexible. Finalement, ce fut la voix de Miss Miller qui le tira de cette perplexité latente. Ouvrant grand les poumons, le torse bombé, le Gryffondor épancha la soif d'une assurance éteinte en une inspiration, avant que l'impulsion de ses doigts n'étende le battant austère sur une salle de classe encore étrangère.

À l'énoncée de son nom, le jeune homme arqua un sourcil. Toujours autant scié d'entendre ce nouveau patronyme raisonné d'une apostrophe respectueuse, il caressa de son index les rives d'une lippe courbée sous le mensonge. « Bonjour Professeur !, qu'il répliqua d'un anglais au parfum d'ailleurs, mais copieusement prévenant.  Son sac en bandoulière, le rouge et or releva la tête. In extremis, tout en franchissant l'entrée d'un pas aérien et silencieux sur le pavé froid de la pièce, il était parvenu à sauver les apparences d'un prodigue sourire solaire gommant une inquiétude maladive. Un Karkadé, s'il vous plait…», répondit-il du tac au tac sans que la fibre courtoise du vers ne s'étiole.

Parvenu à hauteur de ce bureau aux airs de boulangerie à l'occidental, l'onyx du méditerranéen s'attarda sur la maître des potions. Plus proche que jamais, mais sans se montrer trop insistant, l'ancien Sekhmet discerna chez elle une prestance mêlée d'un charisme à l'anglaise que dégageait les grands sorciers d'ici. À l'image de Margareth Geddes, sa grand-mère, le batteur avait ainsi reconnu la noble aura émanant d'Améthyste Miller. Au premier regard, ce halo d'autorité naturelle l'avait rendu si intimidante que le nouvel élève n'osa croiser les papillons noirs de ces prunelles au bronze d'iris troublants.

Suivant les instructions de l'enseignante, la main de Sobek s'affaissa sur le dossier d'une chaise solitaire qu'il tira délicatement à lui. Son havresac posé à même les dalles moites, il s'exécuta sans demander son reste et en sorti un parchemin vierge complété de sa plume de paon aux couleurs orgueilleuses. L'oreille attentive, alors que son nécessaire de note s'échouait sur le secrétaire en noyer, l'égyptien esquissa un sursaut de gêne soulevant l'accotement de sa bouche aux éloges d'un mentor d'autrefois. Le pourpre s'associant au cuivre de ses joues, l'étudiant se racla la gorge comme pour se défaire de ce malaise.

« Bien pour le moment. », affirma-t-il d'une politesse à l'emphase d'orient. Bien sûr, si sa psy avait été là, elle lui aurait sans doute savonné le bec d'un coup de baguette pour avoir enfreint cette règle d'or stupide d'un 'ni bien, ni mal'. Mais était-ce réellement une semi-vérité ? Pas vraiment, depuis quelques jours, il s'était ouvert aux autres, acceptant volontiers d'accueillir au sein du grimoire de sa vie des personnalités neuves. Plus encore, il avait rejoint l'équipe de Quidditch lui dépliant un éventail social conséquent au sein du foyer au lion. Et s'il demeurait encore un parfait étranger aux secrets qu'abritait ce château, ces camarades n'hésitaient pas à lui venir en aide, quand bien même ce dernier la refusait tièdement.     

Entretien

Lundi 18 septembre, 17h

Sobek Ojeda s'installa avec précaution, et je remarquai son expression légèrement tendue malgré ses efforts pour afficher un sourire confiant. Lorsqu'il demanda du Karkadé, un sourire sincère se dessina sur mes lèvres. Ce choix exotique reflétait bien son héritage et sa personnalité distinctive.

Un simple mouvement de main fit apparaître une tasse de Karkadé fumant sur la table devant lui. Le parfum floral se mêla à l'air ambiant, ajoutant une touche d'exotisme à notre rencontre.

"Un choix raffiné, Monsieur Ojeda," dis-je, inclinant légèrement la tête. "Je suis ravie de voir que vous vous adaptez bien à Poudlard. Les premiers jours dans une nouvelle école, surtout aussi différente que la vôtre, peuvent être difficiles."

Je pris une gorgée de mon café, laissant un court silence s'installer, assez long pour qu'il puisse se détendre un peu, mais pas assez pour que l'atmosphère devienne pesante. Je notai avec intérêt son équipement de prise de notes, particulièrement sa plume de paon, un choix qui révélait son goût pour l'originalité et peut-être une certaine fierté de son identité.

"Le professeur Ezzat m'a beaucoup parlé de vous," repris-je avec un sourire encourageant. "Il m'a décrit un élève déterminé, talentueux, et toujours prêt à relever les défis. Je suis certaine que vous trouverez ici de nombreuses occasions de briller et de vous épanouir."

Je notai sa réponse polie et concise. Sobek semblait réservé, probablement encore en train de s'habituer à son nouvel environnement. Je voulais l'encourager à s'ouvrir davantage et à partager ses sentiments plus librement.

"Vous savez, je comprends à quel point il peut être difficile de s'adapter à un nouvel environnement," dis-je doucement. "Moi-même, j'ai beaucoup voyagé et j'ai dû m'intégrer dans des cultures et des contextes très différents. Ce n'est jamais facile, mais cela peut être très enrichissant."

Je fis une pause, scrutant ses réactions, puis décidais d'aborder des sujets qui pourraient l'intéresser particulièrement.

"J'ai entendu dire que vous aviez un intérêt marqué pour le Quidditch," continuai-je avec un sourire. "Être batteur demande beaucoup de courage et de détermination. Comment trouvez-vous l'équipe ici ? Avez-vous eu l'occasion de vous entraîner avec eux ? Je compte sur vous pour que Gryffondor devienne une équipe qui fasse trembler nos concurrents .... "

Le Quidditch, souvent un excellent moyen de créer des liens et de surmonter les barrières, pourrait être une bonne façon de le faire parler de ses passions.

"Et en dehors du Quidditch," ajoutai-je, "quels sont les autres aspects de la vie à Poudlard qui vous intéressent ? Y a-t-il des matières ou des activités que vous aimeriez explorer davantage ? J'ai remarqué que vous suivez un double cursus en communication magique, ce qui est assez impressionnant. Comment gérez-vous cette charge de travail ? Avez-vous déjà pensé à vos futurs stages ?"

Mon ton était chaleureux et encourageant. Je voulais qu'il comprenne que cet entretien n'était pas simplement une formalité, mais une véritable opportunité pour lui de partager ses pensées et ses aspirations. J'étais là pour l'écouter et l'aider à trouver sa place dans ce nouvel environnement.

"Si jamais vous avez besoin de conseils ou d'aide, n'hésitez pas à venir me voir. Mon bureau est toujours ouvert pour mes élèves," ajoutai-je, en espérant qu'il se sente soutenu et compris.

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Les curiosités et éloges de sa professeur fusaient à tel point que ce début d'entretien donnait à l'enfant du désert un sentiment de malaise particulièrement difficile à surmonter. Et devant cette introspection à venir, Sobek suffoquait déjà. Intérieurement, l'envie de prendre ses jambes à son cou lui talonnait les trippes, mais par soucis de politesse, il n'en montrait rien, même si malgré lui, l'onyx de ses iris se perdit un court instant par dessus son épaule et la convoitise d'une porte entrouverte. Les mains posées sur ses cuisses et les doigts clos sur les pans de son pantalon, le Gryffondor tâchait de se montrer docile et composé.

Civilisé, il n'osa répondre à la curiosité du maître des potions, de peur d'interrompre l'excitation de l'anglaise à percer à jour les parts d'ombres de ce nouvel étudiant. En fin de compte, peut-être aurait-il été préférable pour l'égyptien de se trouver nez-à-nez avec cette fouineuse de psychomage. Au moins, cette folle alliée avait le mérite de lui retourner le crâne et le sortir de sa zone de confort sans se perdre en panégyrique. Le voile de l'impatience fila entre ses lèvres barricadées d'un sourire courtois.

Sous l'éclat solaire de l'artifice, d'un coup de main élégant, l'élève commanda à son barda de s'activer. Ainsi, plume de paon et parchemin s'élevèrent en ordre de bataille. L'aigrette s'activa à gratter de son sifflement doux les points d'une boulimie d'indiscrétion. D'une paume lourde, Sobek arracha sa collation du bureau et porta le parfum réconfortant de l'hibiscus sous ses narines. Les lippes enroulées contre les buvants de son verre, le jeune homme se dessécha palais et gorge, comme pour chasser la chaleur s'emparant de ses pommettes. Si seulement il avait pu se laisser glisser sous le secrétaire et disparaitre sous le tapis pour se défaire de l'embarras l'assaillant de toute part.   

« Les sélections viennent seulement de se terminées, notre calendrier d'échauffement ne devrait dont pas tarder à être publier., finit-il par répondre sans ambages au plus aisé des points de cette discussion. Gryffondor a une bonne équipe équilibrée, elle a toutes ses chances pour le championnat de cette année !» enchérit-il un sourire sincère sublimant son teint de bronze. La reprendre sans se montrer négligent lui demandait un effort colossal, pourtant la fibre galante et noble de son vers ne perdit pas de sa splendeur.

Focalisant son attention sur un rythme cardiaque apaisé par la légèreté d'un sujet aussi dérisoire que le Quidditch semblait porter ses fruits. Pourtant, le métisse accentua cette concentration afin que sa respiration ne revienne à s'écharper par le poids plus personnels des autres motifs de sa venue. Le regard fuyant l'inquisition d'une avidité prévenant, l'Ojeda cherchait à reprendre contenance devant elle. Une chose était sûre, il ne survivrait guère à une énième salve de paroles saintes. Les yeux survolant les notes du duvet flotteur, il se surprit à calmer l'ardeur d'un talon nerveux martelant le sol. La menotte ajournant l'humeur joueuse de ses nerfs, il inspira avant de relever la tête vers la mère lionne.

« Le travail ne m'a jamais vraiment effrayé et je vois l'obtention de ce double cursus comme une chance..., se reprit-il sans déroger à l'agréable accent des bonnes manières. et je ferais tout mon possible pour ne pas fouler le pied à la confiance que vous m'avez accordé !, en fit-il le serment. Et Merlin savait que la promesse d'un Geddes valait son pesant de gallion et naïvement l'héritier du monstre commercial espérait ne pas s'être vautré en un engagement qu'il ne saurait tenir. En matière de stage je peux me reposer sur l'entreprise familiale au besoin, même si j'aimerais beaucoup aborder le côté plus humain d'une firme artisanale. » qu'il lâcha comme si cette information coulait de source.

C'est qu'il n'était pas le genre d'homme se reposant sur ses lauriers. Et si le conglomérat Ojeda-Geddes semblait être une évidence pour celui qui viendrait à s'acquitter de la responsabilité d'un pareil dévoreur de concurrence, l'égyptien envisageait une approche plus minimaliste pour ce qui advenait de sa formation. Bien que Margareth n'ait pas perdu de temps à le mettre en scelle, le sang-mêlé comptait bien se forger sa propre expérience en la matière quitte à s'étendre en erreurs. Après tout, si c'était en forgeant qu'on devenait forgeron, c'était aussi dans l'échec que naissait la réussite.

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Lundi 18 septembre, 17h

Je n'avais clairement aucune conscience que ma bienveillance mettait l'étudiant mal à l'aise. J'étais naturelle et je n'avais nullement l'intention de changer. Il faut dire que j'avais, durant des décennies, dû être beaucoup plus froide et cela me faisait un bien fou de retrouver cette petite note de naturel qui m'avait tant manquée. Bon, je n'étais pas non plus totalement idiote et je me rendais bien compte que les réponses du gryffondor étaient laconiques. Et le fait de lui poser autant de questions était pour moi une façon de l'aider à s'ouvrir davantage.

Le quidditch n'avait jamais été vraiment une passion pour ma part. Non pas que je n'étais pas douée sur un balai, mais je n'étais pas ce qu'on pouvait appeler une sportive. Néanmoins, durant les 3 années que j'avais passées à Poudlard, j'avais veillé à toujours aller encourager mon équipe, et je comptais bien continuer à le faire en tant que directrice.

"J'ai hâte de voir le premier match pour confirmer ce que vous êtes en train de me dire. Les Gryffondors ont toujours été réputés pour avoir du talent dans ce sport."

Est-ce que j'étais du genre chauvin ? Totalement ! Et j'avais bien l'intention de gagner la coupe des 4 maisons, et ce même s'il me fallait secouer mes étudiants.

Mais c'est sur le travail que s'orienta la suite de notre discussion, sujet tout aussi important voire plus important que le quidditch. Et j'avais beau ne pas avoir suivi un cursus très classique puisque je m'étais formée à travers le monde, je savais pertinemment à quel point le sérieux et l'assiduité étaient importants pour réussir ses études, d'autant plus lorsqu'on faisait un double cursus.

"Je suis ravie de voir que tout est bien établi dans votre tête, Monsieur Ojeda. Je vous avoue que nous préférons aussi éviter les entreprises familiales pour les stages, pour la simple et bonne raison que le but de ces stages est de vous donner une vision de la vie active objective. Si vous me dites plus en détails ce qui vous ferait vibrer comme stage, je peux voir si j'ai des contacts à vous transmettre."

Je sortis alors un immense parchemin qui semblait sans fin, sur lequel j'avais répertorié toutes les personnes que je connaissais ainsi que leur métier.

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Passant outre les espoirs de sa professeure en matière de Quidditch, l'égyptien se mordilla l'intérieur de la joue. Si son destin semblait lui être tout tracé. Que les portes du futur lui offraient sur l'argent d'un plateau un héritage au gout de responsabilité. Le métisse n'avait encore jamais réellement réfléchi à ce qui pouvait le faire vibrer. Formé à Louxor dans l'art des duels et combats magiques, un temps il s'était vu comme fier défenseur d'un idéal pluriel. Désormais, il ne désirait briller académiquement que pour voir la fierté des Geddes le nimber d'un amour indéfectible. L'Empire familiale, ses parts d'ombres et de secrets, sa richesse et ses inclinaisons, demeurait la seule aspiration à laquelle i s'accrochait.

Resserrant sa prise contre les courbes de son verres, le regard de l'étudiant se cristallisa  sur le parfum fumeux d'un passé brumeux. Inspirant profondément, ses doigts se décrochèrent de la coupe et d'un revers de main flasque, presque paresseux, ce dernier s'isola au milieu des douceurs sucrées. Ramenant son aile tressautant sous le couvert du bureau, les lèvres du sang-mêlé se pincèrent d'un sourire en éclipse peinant à voiler l'aria de l'enfant d'autrefois. Et la réalité le frappa, tel un éclat de révélation. Il n'était rien. Fils de rien, bon à rien. Une âme sans horizon dessiné, un optimiste sans aventures à rêver. Il n'était qu'une coquille vide, attendant que la fortune se décide à l'habiter.

Le myocarde battant d'un rythme lent et fatigué, légèrement bousculé d'une illumination, les yeux du nomade s'ancrèrent au vivant. L'anxiété et les appréhensions dus à l'entretien se ternissaient peu à peu, chassés par la conviction de trouver en ces paroles de réconfort une silhouette à laquelle s'encorder. Involontairement, il flanchait devant la bienveillance maternelle que sa directrice de maison lui accordait. Pourtant, l'Ojeda ne céda guère de terrain aux sentiments où à l'émotion de l'instant, signe de faiblesse dans l'impitoyable monde de la magie.

« Pour être honnête… hum…, les mots venaient à manque, l'esprit à s'ennuager. Inspire. Expire. Un pas à la fois qu'il se répéta comme pour se donner la force de rester plénier. À dire vrai, je n'ai pas eu le temps d'y réfléchir., avoua-t-il d'une gène poudrant à nouveau le bronze de la chair. Son accent solaire se rata de quelques ridules hésitantes. Je suis arrivé ici, il y a peu… mais je finirais par en obtenir… », qu'il promit un rictus en coin des lippes.

De l'aide, la fierté d'un enfant du Nil lui interdisait de la quémander. Pas plus à une inconnue attentionnée, qu'à une mère désœuvrée. Débrouillard, dégourdi, l'ancien Sekhmet avait toujours su s'en sortir seul jusqu'à maintenant. Et malgré le caractère neuf d'une nation adoptive, de mœurs étrangères, Sobek ne comptait pas changer la donne. Il devait essayer par lui-même avant de devoir se reposer sur l'intervention d'une toute autre personne.    

Entretien

Lundi 18 septembre, 17h

Bon, Sobek Ojeda n'était pas très loquace, mais pouvais-je lui en vouloir ? Louxor n'était pas vraiment réputé pour ce genre d'entretien, que j'avais instauré en arrivant ici, considérant qu'un directeur de maison devait connaître tous ses étudiants. Et c'est pourquoi j'abordais, avec les élèves, la question de leurs stages, qui me semblait primordial.

Surprise qu'un étudiant qui semblait aussi sérieux n'y est pas réfléchi, je fus un peu déstabilisée, mais pas bien longtemps. Je n'allais pas retenir trop longtemps le jeune homme qui ne semblait pas vouloir trop s'étendre. Et je respectais cela.

"Bien. J'aimerais simplement qu'on se fixe quelques objectifs. Le premier est évidemment de vous intégrer. Je pense que vous allez vite remarquer, si ce n'est pas déjà fait, que nous avons quelques étudiants à Gryffondor qui ne manquent pas de piquant ... Un seul conseil, faites attention de ne pas vous faire attraper lorsque vous faites quelque chose qui est contre le règlement."

Je ris légèrement, doutant néanmoins que le nouvel arrivant aurait ce sens de l'humour.

"Deuxième objectif ... Je voudrais que ... d'ici janvier dirons-nous, vous soyez capable de me donner trois stages qui vous feraient rêver."

Je réfléchissais à un troisième, mais cela me semblait déjà pas mal. Notant les deux objectifs sur le parchemin, je reportais ensuite mon regard sur Monsieur Ojeda.

"Est-ce que c'est bon pour vous ? Aviez-vous des questions à me poser ... ? Des remarques à faire ? Sachez que Gryffondor est la maison de la liberté, et c'est ensemble que nous ferons avancer les choses."

J'attendis patiemment la réponse du gryffondor, un peu perplexe sur cet entretien.

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L'air pantois du professeur arracha à l'ancien Sekhmet une grimace de désespoir. Et même si cette mine dubitative ne fut que brève, l'enfant du Nil ne put que se morfondre encore plus. Le dos glissant au fond de sa chaise aux allures de croix, Sobek se repliait sui lui-même. Et comme à son habitude, docile et humble, il essuya ce non-dit sans trouver à redire. Pourtant, le fil de ses pensées lui en martelait le contraire. Battant contre ses tempes, l'envie de prouver qu'il n'était pas juste une pièce rapportée lancinait corps et âme. Mais encore une fois, il n'en fit rien, se préférant le silence morne et trouble à la catharsis explosive.

Réajustant sa posture, le Gryffondor déterra le vestige du paon de son vol d'écrivain. Les doigts crispés sur la tige de l'aigrette, sans relever le regard de ce parchemin à l'aspect d'épitaphe, il griffonnait les recommandations de sa professeur dans une atmosphère religieuse. Était-il aux yeux du corps enseignant une de ces nombreuses causes perdues ? S'il n'en savait guère plus, il soupira à l'idée même de n'être qu'un énième boulet catapulté dans ce château austère et froid. Même l'éclat léger d'un jeu d'humour ne su détendre l'ambiance morose dans laquelle le métisse se laissait volontiers couler.

Académiquement, le jeune homme coucha sur le papier ces maigres objectifs fixés à la faveur d'un optimisme latent. Elle croyait en lui, du moins ce fut ce qui transpirait de ce vaseux entretien. Ils ne se connaissaient pas, et spontanément, elle plaçait une lueur d'espoir, tentait certainement de raviver une flamme dans l'esprit d'un phénix sur le déclin. Suspendu aux paroles de sa professeur, le myocarde malade battit d'un fredon aux accents d'espérance. Alors, comme pour la remercier de ses efforts, tout en gardant ce saint silence au creux duquel il s'était perfectionner à demeurer, un sourire à l'empreinte mélancolique balafra ses lippes grisées.

S'il ne doutait pas de pouvoir s'intégrer ici plus qu'ailleurs, la seconde et ultime requête de la mère lionne ne put l'empêcher de relever ses deux billes d'onyx de son manuscrit. Parachuté dans un monde aux antipodes d'une éducation boiteuse, sans attache si ce n'était la noblesse d'une famille découverte entre deux archives gouvernementales, le rouge et or voyait mal comment il pouvait en quelques mois seulement se dégoter des rêves qu'une vie de sursis n'avait suffit à dessiner. Relâchant sa plume, les mains retombant sur ses cuisses, ses doigts pincèrent à nouveau le plis de son pantalon.

« Hum… oui c'est bon pour moi..., balbutia-t-il la teinte de l'embarras se mêlant au cuivre du cuir. Et... je crois que... Merci pour votre temps professeur !, qu'il continua de ce même vers tranché par la gène échaudant jusqu'à ses oreilles. Je tâcherais de m'en souvenir. » Les yeux brillant d'une supplique, la joue rongée par l'ancre d'ivoire écorchant le derme au sang, le sang-mêlé se crispa d'une hésitation s'effritant sous l'étoile d'une liberté pleine de crédulité, mais dont l'écho d'une réplique aurait le pouvoir de pigmenter un avenir monochrome de de grains colorés.

Ainsi prenant son manque d'intérêt poussé pour cet entretien, sans que sa directrice ne lui en donna l'aval, l'ancien Sekhmet repoussa sa chaise dans un silence de cathédrale. Ramassant son nécessaire à écriture et ses quelques notes ne faisant sens que pour lui, il salua poliment Mrs. Miller avant de prendre congé.