A monster only you can’t see [ft. Ebe]

Le regard perdu dans le vague, Vicky fixait le parc de Sainte Mangouste qui s’étendait à perte de vue devant elle. Étrange pour un bâtiment se trouvant au sein de Londres, mais pas si étrange que cela quand il s’agissait du Londres magique. Quand elle se trouvait assise sur son banc, face à tant de beauté, la sorcière oubliait complètement qu’elle était retenue enfermée ici depuis deux mois, et ça lui faisait beaucoup de bien.

Après la première visite surprise de Serena le soir de son arrestation, la sécurité avait été renforcée et elle n’avait pas pu voir grand monde pendant longtemps avant que – suite à l’appui des médicomages – les gardes ne l’autorisent à un peu plus de liberté.

Son ami Ebenezer avait été dans les premiers à être contacté évidemment. Vicky avait la terrible habitude de se reposer complètement sur lui lorsque la situation la dépassait – ce qui était souvent le cas. Mais cette fois-ci, même Ebenezer et son talent de négociateur n’avait rien pu faire. Après tout, Vicky restait toujours la principale suspecte dans une affaire de meurtre, et les agents avaient apparemment été témoins d’un comportement plus que troublant de sa part.

Selon Miss Wanda, sa psychomage (@Urielle Grimm), Vicky avait toute sa place à Sainte Mangouste, ce que la couturière continuait de trouver étrange. Elle ne s’en plaignait cependant pas, car la Graham craignait plus que tout de finir dans une geôle sombre et humide du Ministère, ou encore pire, à Azkaban. Alors, elle faisait son possible pour se montrer conciliante avec tous les médicomages ; même s’ils avaient tendance à la perturber en remettant par exemple en cause l’existence même de son sauveur le capitaine Oliveira, ou Oliviera comme certains disaient.

De l’avis de tous, Vicky était une adorable patiente, souriante et polie, charmante en tout point si oubliait cette fâcheuse histoire de meurtre. Aussi, la sorcière avait depuis peu droit à de longues promenades dans le parc, et même à des visites non supervisées. La vie était donc plutôt belle à Sainte Mangouste pour la criminelle.

Soudain, une ombre lui cacha le soleil, et en relevant les yeux, un sourire ravi étira ses lèvres. Sautant sur ses pieds, elle enlaça le nouveau venu avant de lui proposer de prendre place à ses côtés sur le banc.

- Ebenezer, merci vêpre tenu… d’être venu, tu bas viens… vas bien ?

Le Grimm avait jusqu’à présent uniquement pu lui faire des visites-éclair sous supervision d’un de ses gardes. C’était la première fois que les deux amis avaient l’occasion de se revoir un peu plus longtemps.

- Désolée mur pont… pour mon charabia, je n’ai pas le droit à paix motion… mes potions ici. Ni à calque col… l’alcool d’ailleurs, ahaha… Donc il faut faire avec mon vin cerf scions… inversion…

Son visage se tourna vers lui, aussi rayonnant que d’habitude. La sorcière ne donnait pas l’impression d’être retenue dans cet endroit contre son gré.

- Je suis tellement thon quant… contente de te voir !

Observant la fiche protocolaire de visite de Vicky, je regardais le Brigadier en charge de sa surveillance au sein de Ste Mangouste, ainsi que le Médicomage en charge des traitements. Debout, et bien plus grand qu’eux de l’autre côté du comptoir, j’affichais une mine sombre et menaçante.

« Pourquoi son traitement contre l’inversion n’est pas effectif ? » demandais-je d’une voix froide en tournant les pages de son dossier.

Le Brigadier, qui n’avait pas envie de se frotter à un agent des renseignements et se retrouver avec une fiche ArchimageS répliqua avant le docteur.

« Parce qu’on a peur qu’elle altère sa personnalité et... »

Le regard que je lui lançais suffisait largement à lui faire fermer. Le Médicomage quand à lui regarda ailleurs. Il y avait quelque chose qui m’échappait. Et surtout qui échappait à tout le monde. Comment pouvait-on soupçonner Vicky du moindre mal ? Elle qui n’avait jamais fait de mal à un Gnome de Jardin.
Je serrai les dents et je regardais le Médicomage avec insistance.

« C’est une erreur, je pense. »

Mes yeux se posèrent sur lui, et je refermais le dossier. Sans rien dire de plus, je pivotais pour me rendre dans le parc, où elle devait m’attendre. Le Brigadier commença à me suivre et je me tournais vers lui :

« Jusqu’à preuve du contraire, je n’ai pas besoin d’un garde du corps, Smith. »

J’arrivais donc seul, le soleil dans le dos. Les mains dans les poches de mon grand manteau gris, j’avais toujours ce petit sourire taquin sur le visage. Sans rien dire, j’écoutais ce que Vicky avait à me dire, tout en comprenant parfaitement ses propos, vu que je la connaissais depuis l’enfance.

« Comment tu vas ? » dis-je simplement en m’essayant à côté d’elle.

L’observant, d’un œil un peu critique, j’espérais qu’elle était bien traité. De ce que j’en avais vu, ce n’était pas trop le cas, mais elle était mieux ici qu’à Azkaban c’était certains. Fronçant les sourcils et essayant de me remettre tous les éléments du dossier en tête pour essayer de la sauver bien évidemment, je commençais en douceur.

« Je viens de voir avec le Médicomage, c’était une erreur de protocole. C’est mieux pour te comprendre, et pour toi aussi. »

Puis, enfin dans un soupire las, je regardais le parc à côté d’elle sur ce petit banc, mes yeux passant sur les différents patients. Elle n’avait rien à faire ici, ni à Azkaban d’ailleurs.

« Je vais te prendre un autre Avocat. Le tiens n’a fait que ralentir la procédure, mais c’est insuffisant. Et je suis également en train de voir où en est ton enquête, même si… J’ai pas trop le droit. C’est quand même dingue cette affaire… Tu te rappelles vraiment de rien ? Un indice, qui pourrait te rendre innocente ? »

Parce que, bien évidemment que je ne croyais absolument l’hypothèse selon laquelle elle pouvait être considérée comme coupable. Le seul crime que pouvait commettre Vicky Graham, c’était de sourire de manière un peu trop rayonnante.

- Oh je vais braie tien… très bien, mentit joyeusement Vicky avant de poser à son tour le regard sur le parc qui s’étendait devant eux.

Ebenezer lui expliquait que l’arrêt de ses potions faisait partie d’une expérimentation, et en l’entendant, la modiste retint une grimace. Elle n’appréciait pas vraiment être examinée ainsi sous toutes les coutures par la bande de médicomages qui s’occupaient de son cas. Sans ses remède, Vicky retomberait dans une inversion toujours plus handicapante. Elle pourrait très bien le leur expliquer sans qu’ils aient besoin d’en être témoin…

Mais son ami poursuivit en indiquant vouloir changer d’avocat, et vérifier lui-même certains éléments de l’enquête. Si Vicky sentit son cœur se serrer, elle fut profondément reconnaissante de voir que le Grimm s’occupait toujours aussi bien d’elle depuis leur enfance. Il ne semblait pas la croire coupable, et lui demandait de faire un effort pour lui donner d’autres éléments sur ce qui s’était passé. En soupirant, la Graham secoua la tête, tout en fronçant le nez pour mieux réfléchir.

- C’est pont cliquer… compliqué… Tu sais qu’avec mes vous nos… nouveaux traitements, j’avais de plus en plus de ment mot… moments d’absence. Ça a aussi impacté ma mère moi… mémoire et j’ai vraiment dû mal à me roue venise… souvenir de tout. C’est un peu comme ayez sait… essayer de se rappeler un verre… rêve. Quand j’ai l’impression ce d’avoir… de savoir, j’oublie tout Otis sceau… aussitôt. Dans ces moments, un veule si sage… seul visage me reste en tête, c’est celui du paquitaine… capitaine Oliviera… On m’a dit que c’était pain bleu six… impossible qu’il ait été là car il était en Simion… mission au Brésil, mais… Je ne paux ça… sais pas…

La sorcière ne voulait pas trop s’épancher sur ce sujet car elle avait bien compris que l’évocation du capitaine était un élément de crispation pour ses médicomages. Elle-même restait persuadée que le brésilien était toujours présent à Londres, et intervenait discrètement pour l’aider dans son quotidien, en écartant notamment de manière plus ou moins agressive les éléments perturbateurs qui lui compliquaient la vie. La styliste pensait qu’il se livrerait pour lui éviter la prison, mais étonnement, le sorcier semblait avoir un solide alibi à l’autre bout de la planète.

- Plus j’y sempe… pense et moins je pont cran… comprends… Honnêtement je crois que si on me pet raite… répète suffisamment de fois que je suis poux cable… coupable, je riz snifai… finirai par le croire…

L’idée était pour l’instant complètement inconcevable, mais Vicky se savait assez manipulable pour finir par douter de sa propre innocence. Après tout, ce client l’avait réellement agacée. Mais de là à l’attaquer, à le tuer… Non impossible…

Se souvenant soudain de quelque chose, Vicky attrapa un petit paquet posé à côté d’elle sur le banc pour le tendre à Ebenezer avec un visage soudain aussi ravi que s’ils ne venaient que d’évoquer une mauvaise météo.

- Avec sous tas… tout ça, je n’ai même pas pu te taie fée… fêter ton anniversaire ! Alors voilà ton taco… cadeau un peu en terre rat… retard ! J’ai fait ce que pais jus… j’ai pu avec le trame éteule… matériel que j’avais à ma pisse dossier son… disposition. J’espère que ça va pleutre ère… te plaire.

En ouvrant le paquet kraft, Ebenezer pu avoir l’immense joie de découvrir une peluche en vieux draps et feutres récupérés particulièrement hideuse qui reviendra sans doute hanter ses pires cauchemars.

Alors qu’un patient qui passait devant nous se présentait comme étant Godric Gryffondor en personne, je lui fis un léger sourire sans répondre, et il se contenta de dire :

« Ah manant… Je m’occuperai de toi plus tard ! Comme Salazar ! »

Les mains dans les poches de mon manteau, je contemplais le tableau hivernal sans rien dire de plus. L’écoutant avec attention, je remettais automatiquement les mots dans l’ordre avant même qu’elle ne se reprenne. Je la connaissais depuis tellement d’années maintenant que je n’avais plus vraiment besoin de décodeur.

« Consciente ou inconsciente, je doute que tu es tué quelqu’un. Ce n’est pas dans ta nature et ça ne l’a jamais été. Et si c’était le cas, il devait y avoir une raison valable. »

C’était ce qui me différencier de beaucoup de monde. J’avais la foi. Je croyais en Vicky, aveuglément sans avoir un seul élément du dossier et sans rien connaître. Peut être d’ailleurs que c’était la première fois de ma carrière que je vivais quelque chose ainsi. Être persuadé qu’elle était innocente.
Je la revoyais encore, courir dans le chemin de traverse, habillé de ses vêtements de toutes les couleurs.

« Le Brésilien. Ok. » dis-je simplement.

Je notais mentalement de lui rendre une petite visite. L’avantage d’être au bureau des renseignements étaient qu’on pouvait obtenir des informations sur pas mal de monde, et que j’allais très certainement le retrouver pour lui poser une ou deux question.

« Oh ! Merci ! »

J’étais réellement touché. Et même si la peluche semblait moche, elle avait pour moi énormément de beauté et de valeur, car malgré tous ses problèmes et ses soucis, elle avait le mérite de venir d’elle, et d’avoir utiliser son temps pour ça. Je la rangeais, me jurant intimement de la conserver à jamais.

« Je vais te faire sortir d’ici. » dis-je comme une promesse. « Tu n’étais pas obligé, elle est magnifique et tu as pris du temps... »

Je passais mon énorme bras autour d’elle, et je la serrais contre moi. Mes yeux regardaient l’inconnu, sans vraiment rien observer. Je réfléchissais très vite.

« Il faut que tu restes forte Vicky. Vraiment. Et plus que jamais. Ils vont essayer de classer l’affaire à partir du moment où ils n’auront rien, mais il ne faut rien lâcher. Je vais te trouver un autre avocat, et je vais voir ce que je peux faire au Ministère. Il va falloir que tu gardes la tête froide. Car je suis certains que tu es innocente ok ? »

Je lui relevais le menton, et finalement j’enlevais mon bras.

« Je t’en fais la promesse, ça va bien se passer. »

Ebenezer semblait persuadé qu’elle était innocente, comme si aucune autre vérité n’était possible. Vicky l’observa de ses yeux de veaudelune, s’accrochant à son optimisme. Elle avait besoin de sa foi sans faille en elle, car elle-même pouvait facilement se décourager et manquer de confiance. Dans ces moments, la couturière sentait qu’elle pouvait tout simplement se reposer sur son ami d’enfance, sans avoir à se soucier de rien.

C’était si reposant… Elle n’avait qu’à tenter de survivre, persuadée que le Grimm s’occuperait du reste, peu importe ce que ça lui coûterait. Son attitude était sans doute un peu égoïste, mais il semblait à la Graham que chacun d’entre eux se retrouvaient dans cette relation d’amitié parfois un peu bancale.

Après avoir profité de son étreinte aussi douce que les chocolats chauds de Dilshad, la sorcière se mit à observer le parc où les nombreux arbres n’avaient aucune feuilles pour parer leurs branches qui semblaient aussi mortes que les yeux de certains patients.

- Changer vas dos cas… d’avocat tu dis ?… Mais il m’a été sont ceuillez… conseillé par @Serena Ronsmal. Et il a une tête de migre… Grimm, ça ne peut être que sauf titi… positif !

Son sourire se tourna de nouveau vers lui, alors qu’elle reprenait.

- Merci pour ta font qui anse… confiance en moi, ça me fait cocheur eau… chaud au coeur ! Peu importe que je ne proie cule… croie plus en moi, tant que toi fus le tais… tu le fais !

Puis, se détournant, elle osa poursuivre bien qu’elle se doute que ses paroles n’allaient pas plaire à son ami.

- Tu ne s’ampe… penses pas qu’il faudrait que je plaide poux câble… coupable ? Les agents m’ont dit que si je peau quérais… coopérais gentiment, ma peine serait quai tourtée… écourtée. Surtout si je d’aile peu… plaide le fait que je suis… mot quand… comment dire… un peu raie danger…. dérangée…

Gênée, Vicky replaça l’une de ses mèches de cheveux derrière son oreille en tentant d’avaler cette couleuvre digne d’un héritier de Serpentard. La sorcière n’avait pas toujours eu une relation des plus aisés avec son inversion, mais de là à s’appuyer sur cette dernière pour justifier une soi-disant perte de contrôle qui l’aurait mené droit à l’agression meurtrière… Non vraiment ça ne lui plaisait pas du tout.

La modiste aurait aimé au contraire se voir comme une grande défenseuse de l’inversion et de la vie des inversés ! Oui, l'existence était compliquée quand on inversait tous ses mots et tous ses gestes, mais cela faisait d’eux de grands combattants, infatigables et déterminés. Cependant, elle avait sans doute trahi les siens en enchaînant ainsi les remèdes sans prendre garde aux préconisations qu’on lui avait laissées. D’ailleurs, en parlant de ça…

- Ce serait teu prêtre… peut-être une bonne chose pour moi rat detter… d’arrêter les potions pendant tympan… un temps… De toute façon je n’ai chat le poids… pas le choix… Mais peut-être qu’il dro fée… faudrait en parler à @Améthyste Miller. C’est elle qui m’a sexe prit… prescrit la plupart des saut pions… potions que j’ai prises, en me si dans… disant bien de ne pas les lait manger… mélanger. S’il y a un cirque… risque à ce qu’elles finissent par me récré… créer un trouble de la cerf pone alité… personnalité, ou s’il n’y a aucune sceau pisse ibilité… possibilité qu’elle aient ce genre d’effet de concert… secondaire, il n’y a qu’elle qui peut doux ne lire… nous le dire !

Assis sur ce banc, je me renfermais un peu en mettant les mains dans les poches et en écoutant Vicky. Il y avait plusieurs choses que je ne comprenais pas et qui m’échappaient, mais que je mettrais au clair aussitôt sorti d’ici. Déjà, je ne connaissais pas Serena, et le fait de pas connaître son nom de famille me faisait dire que l’avocat n’était certainement pas un avocat de Sang Pur et donc, pas un bon avocat. Généralement, les plus riches familles étaient de sang pur et conseillaient les autres. C’était bien la première fois que je m’inquiétais des questions sociales et de sang qui en découlaient.

”Mouais. T’as aussi le droit d’en avoir plusieurs. Je vais contacter un ami, qui m’a aidé plusieurs fois. Un certains John Goodman. C’est un brave gars.” dis-je sommairement.

Puis, remettant moi même les informations dans l’ordre, je répliquais calmement pour ne pas la paniquer, mais je restais quand même ferme.

”Non, tu ne plaides surtout pas coupable. C’est une technique pour classer un dossier rapidement sans éléments supplémentaires. C’est hors de question de faire ça. Ils essaient de t’entuber. Tu te rappelles quand le petit Flinch t’emmerder sur le terrain vague? Bah c’est pareil. Tu lui trouvais toujours des excuses, et tu le trouvais gentil. Sauf que c’était un enfoiré de première qui voulait juste te faire parler pour se foutre de ta gueule.”

Et, il avait bien sur arrêter du jour au lendemain, quand je l’avais suspendu par les pieds au dessus de la forge Grimm pour lui faire fermer. Il avait tellement été apeuré par mon frère Abraham et moi, qu’il s’était barré sans demander son reste.

”Tu fais surtout pas ça. Et tu vas essayer de me donner les noms de ces deux agents. Je peux les ralentir.”

J’allais bien trouver une ou deux conneries mises sous le tapis pour leur mettre un peu la pression. Toujours assis, et détestant rester statique, je fis quand même un effort avec elle. Avec lenteur, je sortis une longue pipe de ma poche intérieure et je tirais du tabac dans une boite en ferraille. Je l’allumais d’un coup de baguette, m’en foutant que ce soit interdit. Ca m’aidait à réfléchir et ça me faisait faire quelque chose de mes mains pour que mon cerveau ralentisse.

”C’est une possibilité, et dans ce cas là ce serait un homocide involontaire. Ca change aussi grandement la donne.”

Avec sa particularité et son sourire, elle s’en sortirait juste avec une lourde amende, que je me ferais un plaisir de gagner aux jeux. Me tournant vers elle, je déclarais soigneusement.

”Est-ce qu’ils t’ont interrogé sous Veritaserum, et est ce qu’ils t’ont proposé la Legilimancie? Si tu veux… Je peux fouiller ta mémoire avec.”

Je serrais un peu le bois de ma pipe, nerveux. Je n’appréciais pas faire ça, surtout aux gens que je connaissais depuis l’enfance comme Vicky.

Ebenezer n’en démordait pas avec son histoire d’avocat, et Vicky se contenta pour une fois de rester muette. Son ami savait ce qu’il faisait… Le Grimm avait toujours eu ce bagou qui lui collait à la peau, donnant à son entourage l’envie de suivre son charisme un peu gauche mais toujours sincère. Et en cet instant où elle se sentait si perdue, Vicky n’avait qu’une envie, c’était de faire confiance aveuglément à un vieil ami.

John Goodman… Il devait forcément être un homme bon avec un tel nom… Mais Vicky secoua la tête pour se concentrer sur les propos de son ami. Pourquoi diable lui parlait-il du jeune Flinch ?

- J’avais peu da laine… de la peine pour Flinch, murmura-t-il en se perdant de nouveau dans ses pensées. Je pense pile na cas eu… qu’il n’a pas eu une enfance sa file… facile, son papa n’était tas près… pas très présent… Je ne sais pas court pois… pourquoi on a arrêté de veut loire… le voir du jour au mande l’un… lendemain… J’ai été craie zinc tête… très inquiète pour lui…

Mais un regard d’Ebenezer lui fit comprendre que là n’était clairement pas le propos. Aussi, la modiste se reconcentra en fronçant les sourcils.

- Les jeux à dent… deux agents ? Je ne paix ça… sais pas… Mais une Grimm est court le su… sur le coup. C’est la meurt pierre… première à m’avoir un geais doré… interrogée. @Urielle Grimm. Vous vous ressemblez mère vent… vraiment tous dans la famille… Quelque sauge… chose au niveau des groseilles… oreilles j’ai l’impression…

D’un geste de la main, elle voulut pointer son lobe mais au lieu de ça faillit se mettre le doigt dans l’œil. C’était tant mieux, car quand Ebenezer se mit à sous-entendre qu’elle pouvait tout bonnement être responsable d’un homicide involontaire, le choc lui emplit les yeux de larmes. Le Grimm avait toujours été celui qui la croyait coute que coute et qui la soutenait quoi qu’il arrive. Le voir soudainement envisager sa possible culpabilité fut un coup dur pour la pauvre sorcière. Elle essuya rapidement ses yeux embués avant de lisser nerveusement sa jupe.

- Oh oui, alors si ça gens cherrait… changerait la donne… C’est ment tieu… tant mieux…

Mais la nouvelle question du sorcier la figea sur place et elle en perdit le peu de couleur qui lui restait aux joues.

- Non, finit-elle par répondre. Ils n’ont pas usé de Seritaverum… Veritaserum, je crois que c’est grâce à jalent… l’agent Grimm…

Quant à savoir s’il pouvait user de Legilimancie sur elle… Après tout pourquoi pas… Ce n’était pas comme si Ebenezer ne savait pas déjà tout de sa vie. Vicky n’avait que peu de sujet de honte dans sa petite vie simple et répétitive, et son ami devait être au courant de la plupart d’entre eux. Alors pourquoi quelque chose au fin fond de ses entrailles semblait sur le point de se mettre à grogner à cette simple idée ? Secouant brièvement la tête pour s’éclaircir les idées, elle inspira profondément pour lui répondre.

- Oui… De la Megililancie… Legilimancie… Pourquoi pas. Si pue tanse… tu penses que c’est une donnie bée… bonne idée. Ça nous terre perma… permettra d’en avoir le nerf quête… cœur net.

Ainsi donc Urielle était passée avant moi ? Me contentant de sourire en coin, je m’étais relevé pour regardé un peu mieux Vicky. Au fond, elle me faisait de la peine, car les deux pistes que j’envisageais étaient tout aussi terrible pour elle les unes que les autres. Me renfermant un peu, je mis mon visage dans le col de mon grand manteau, et je commençais à faire les cents pas devant elle. Ignorant la ressemblance, je me contentais de répondre simplement d’une voix un peu perdue :

« Oui, c’est ma nièce. Mon père m’a eu sur le tard si tu te souviens bien. Tout le monde m’appelait Chouchou-Poulet car j’étais le petit dernier. Elle a presque mon âge, c’est une bonne agent et mon frère l’a bien élevé. »

Un peu trop bien d’ailleurs. Et le fait qu’elle s’arrange pour que le Veritaserum ne soit pas employé faisait que la première piste, ou Vicky était totalement innocente commençait à s’éloigner à grands pas. Fronçant les sourcils, je me contentais de répondre finalement à ma propre proposition :

« Je sais pas si c’est une bonne idée. Tu es encore en état de choc et cela peut causer des dommages sur ta mémoire. Je ne veux pas non plus interférer avec le travail des Médicomages. Il va me falloir un nom d’ailleurs, pour que je vois où en est ton dossier médical. J’aimerai savoir quel était ton traitement et surtout qui te la recommander à quelle période. Chaque détail peut être important et... »

Je coupais ma phrase, car un des Brigadiers en charge de la surveillance des « détenus » de Ste Mangouste arrivait vers moi. Un espèce gars fin, au visage émacié et aux petits yeux cupides répondant au nom de Willy Dervich. Je gardais les mains dans les poches et je changeais de sujet de conversation une fois qu’il fut à portée d’oreille.

« ...et cette idée de voyage à Bora Bora est une excellente idée quand tu sortiras Vicky ! »

Il me regarda, plissa des yeux. Il n’était pas assez dupe.

« Ton temps est écoulé Grimm. Fais pas de zèle, t’es là pour voir une amie, pas pour interroger un suspect potentiel. »

Je me tournais vers lui, les mains toujours dans les poches avec un sourire de sale môme. Celui que je prenais toujours lorsque mon but était de faire chier la moitié de la planète en un minimum de temps :

« Hey Willy le Kid ! Comment ça va ? T’es plus chez la nounou ? » dis-je avec un ton moqueur.

Le Brigadier se tendit un peu. Il regarda autour de lui, pour bien vérifier qu’ils n’étaient que tous les trois et pas entendus. Il se pencha alors vers moi et avec un petit sourire cracha son venin.

« C’est pas la peine de la couvrir bonhomme… Elle va prendre perpète une fois que les Médicomages l’auront estimé valide et... »

Dans un mouvement un peu brusque, je me tournais comme pour le voir. Etant plus grand, mon épaule frappa directement son nez et ce dernier se mit à couler rouge. Sortant enfin mes énormes mains de mes poches, je pris Willy par les épaules et je déclarais d’un ton inquiet.

« Oh merde Willy. C’est con ça. J’ai vraiment pas fait exprès. C’est vraiment bête ça. Mais ça t’arrange un peu, je crois que j’ai redressé ton nez en trompette... »

Je lui serrais les épaules. Le Brigadier commença à grogner et ne sembla plus vraiment savoir quoi faire.

« Mais t’es tombé au bon endroit ! Hep ! M’sieur ! Je crois qu’il s’est fait mal ! Mon épaule à touché son nez dans un mouvement accidentel ! Oulala. En même temps, c’était pas évident de le rater. »

Le Médicomage arriva et nous regarda étrangement, puis il prit Dervich par l’épaule et l’emmena un peu plus loin pour lui prodiguer des soins.

« Hé beh. T’as vu ça ? Son nez était vraiment très gros. »

Après lui avoir proposé de venir farfouiller dans sa mémoire, Ebenezer semblait vouloir rétropédaler – action complexe que l’inversion de Vicky ne lui aurait jamais permis. Son ami était peut-être soudain anxieux des dégâts qu’une telle exploration ferait sur son propre cerveau. Après tous, Vicky fonctionnait à l’inverse de tout bon sens… Ses idées devaient être toutes retournées et sa logique aux antipodes de tout ce que devait connaître le Grimm. Qui savait ce que la rencontre de leurs deux esprits pouvait créer ? Peut-être un trou noir qui engloutirait l’humanité dans son ensemble ?

En plein discours, son ami fut interrompu par l’un de ses gardiens. La visite devait toucher à sa fin… Ebenezer évoqua soudain un voyage totalement inattendu et Vicky l’observa avec des yeux ronds. Bora Bora lui paraissait effectivement une destination de rêve, mais n’était-ce pas une contrée un peu chaude pour leurs caractères si britanniques ? L’homme garda une mine plus que morose et finit par se pencher vers Ebenezer pour lui chuchoter quelques mots que Vicky ne put entendre.

Soudain, Ebenezer le frappa de son épaule que Vicky savait dure comme la roche pour avoir parfois tenté de le cogner en rigolant et s’être quasiment brisé le poignet à son contact. Le brigadier se mit à saigner abondamment du nez et Vicky retint une exclamation d’horreur en se plaquant les mains sur la bouche, les yeux écarquillés devant ce spectacle.

- Ebenezer, quai messe… mais qu’est-ce que fût à taie… tu as fait, gémit-elle en retirant ses mains de son visage pour se les tordre d’angoisse.

Vicky risquait gros dans ce lieu qui pouvait tout aussi bien devenir la prison où elle terminerait ses jours ! Son ami ne pouvait s’en prendre ainsi à ses gardiens qui finiraient tôt ou tard à se venger sur elle ! Et Vicky n’avait ni la taille ni la force du Grimm… Peut-être même que suite à cet épisode violent ils lui interdiront les visites ! Atterrée, la Graham se sentit sombrer dans un cauchemar sans fin, un piège aux dents d’acier qui se refermait sur elle, l’empêchant de respirer convenablement.

Sautant sur ses jambes tremblantes, elle fit son possible pour s’approcher du brigadier afin de voir si elle pouvait l’aider. Mais ce dernier fut finalement accompagné par un autre gardien qui l’éloigna d’eux d’un air méfiant. Grimm semblait très fier de lui quand il se tourna vers elle, mais fut sans doute étonné de la trouver en pleurs, et le visage furieux. Toute rouge, Vicky se mit à frissonner et lui tambourina le bras de ses petits poings serrés, faisant ainsi preuve d’une incroyable coordination de mouvement.

- Tu n’as de la proie… pas le droit de jouer somme cas… comme ça sur mes dont qui scions… conditions de détention ! Sous tas… Tout ça va me de bond ré… retomber dessus ! Ton gris da biais… brigadier va se jean vais… venger sur moi et je rot nez… n’aurai aucun moyen de me fée tendre… défendre !

La seule arme que Vicky possédait était sa gentillesse, et elle espérait qu’elle suffirait pour lui permettre s’en sortir dans un environnement aussi hostile. Maintenant qu’Ebenezer avait grillé sa seule carte, elle se trouvait sans ressources et sans défense.

Récupérant lentement ses phalanges douloureuses, la couturière s’en servit pour essuyer sa face humide. Rien de tout cela n’était la faute de son ami évidemment… Elle déversait sur lui toute la peur qu’elle avait emmagasiné sans pouvoir l’exprimer depuis sa macabre découverte. Le Grimm ne méritait rien de tout cela… Son visage ayant perdu les dernières couleurs qu’il lui restait, la sorcière finit par se détourner en baissant le nez, croisant les bras dans un pauvre effort de préservation.

- Tu veux drais… devrais partir assez prend… à présent Ebenezer. S’il pleut tais… te plait…

Je me rendis alors compte des dégats que j’avais causé un peu tard, comme à mon habitude. Laissant le brigadier partir, je regardais Vicky et j’eus la boule au ventre de l’entendre me dire de partir. Je serais bien rester là plusieurs jours, à parler avec elle, mais il fallait dire que j’en avais fait beaucoup. Tentant de m’apaiser à son contact, je me contentais de dire d’une voix calme et un peu honteuse.

« Je suis désolé. Je n’aime pas te savoir dans cette situation, je trouve ça injuste c’est tout. »

Et je détestais l’injustice, depuis toujours. Mais je me devais cette fois-ci de bien considérer ses dernières paroles. Elle voulait que je parte, et c’était bien plus sage ainsi. Les yeux dans les yeux je m’avançais pour m’approcher d’elle et murmurer ses douces paroles.

« Ne t’inquiète pas, je vais arranger la situation. Si tu es innocente, tu sortiras. Et si tu es coupable contre ton gré, tu sortiras aussi. »

Je comptais bien la faire partir d’ici, et il était hors de question qu’elle finisse ses jours à Azkaban. Observant le visage de Vicky, je lui lâchais enfin les mains, ma promesse de gobelin étant acté. Je l’observais dans les yeux, et au fond de mon esprit, je savais quelle personne je devais aller voir désormais. Ce connard d’Olivieira, ou Oliviera allait voir de quoi je me chauffais quand mes amis et mes plus fidèles compagnons étaient menacés.

« Je reviendrais te voir. Prends soin de toi en attendant. »

Je mis les mains dans les poches, et je m’éloignais en lui embrassant le front. Qu’avais-je à dire de plus ? Que j’étais désolé ? Non. Car il était hors de question qu’elle reste ici et que l’on la traite de la sorte, comme une folle ayant assassiné quelqu’un par pure folie. Passant les portes de Ste Mangouste, je fis claquer mon manteau sombre et je me mis à transplaner, au dernier endroit où j’aurai voulu aller dans mon existence… A la forge de mon père, là où je savais que je pourrai trouver certainement Urielle, sans me défier de mon propre frère à qui je n’avais pas parlé depuis des années.
Il était temps de revenir à la maison...