Goblin Blood (Camaël)

Je croisais alors les bras et je posais doucement mon marteau. Je ne savais pas si je devais être impressionné ou choqué de l’attitude de mon frère. Lorsqu’il balança enfin un nom, je le regardais un peu ébahi. Mon jugement avait donc autant d’importance pour lui ? Laissant un silence planer, je répondais simplement et calmement :

« La petite dernière de la famille Dagoniat ? Mais pourquoi c’est une catastrophe Cama ? Je vois pas où est le problème… Cama... »

Je m’avançais vers lui et je lui mis une main sur l’épaule. De l’autre je passais une main dans ses cheveux pour l’ébourifer et je le regardais en ricanant légèrement.

« Qui suis je pour te faire la morale ? Tu veux que je te rappelle le nom de famille de la mère de Rachel... » dis-je avec un léger sourire en coin. « Les Grimm aiment qui ils veulent. Le sang, on s’en cogne un peu. De toute manière, elle aura pas à le savoir donc tu t’inquiètes pour rien. Et si tu veux lui dire, choisis le bon moment c’est tout, même si ca serait très idiot de ta part. En soit, si elle t’aime, elle t’aime comme ça. On s’en balance un peu du reste... »

Je lui tapais plusieurs fois l’épaule. Avec une grande fierté. Il était un homme accompli et il avait enfin une petite amie. C’était d’ailleurs très débile de ma part de penser comme ça… Après tout, comme Urielle le disait on avait besoin de personne pour être heureux.

« Alors qu’est ce qui t’empêche de sortir avec elle ? Si tu l’aimes, tu dois foncer. Tu te fous de ces conneries de famille, de bien séance etc. En plus tu coches toutes les cases, son père adore papa. Je vois pas où est le problème oh… je vois… Le Syndrome de George MacFlouy. »

George McFlouy était un écrivain célèbre, pour avoir écris sur le tard des chefs d’oeuvre de la littérature magique. Toute sa vie, il avait cessé de reculé en disant « Et si ce que j’écris, c’est de la merde ? » Je lui tapotais l’épaule, car je savais qu’il comprendrait la référence, après tout c’était mon frère.

« C’est une mentalité de looser ça. Et t’es pas un looser. T’es un mec super bien. T’es même le meilleur de la famille pour ce genre de chose… Tu devrais pas te poser de questions et l’inviter à sortir avec toi tu sais. »

Si Michel-Ange parut un instant choqué, cela tenait finalement plus de son attitude que du nom précis que ce dernier venait de lui hurler à l’oreille. Rapidement, il vint fourrager sa chevelure et ruiner ses efforts de style avec un ricanement très goblin. Visiblement, il ne voyait pas de problème avec le fait de côtoyer une Dagoniat car elle pouvait très bien ne pas être au courant, ou bien se foutre complètement de leurs petites magouilles familiales.

Avec une grimace, Camaël se contenta de rester silencieux, obligeant son frère à pousser toujours plus loin ses réflexions qui se firent de plus en plus moqueuses. Tous deux connaissaient bien l’égo Grimm, et il souhaitait sans doute uniquement le faire basculer dans ses retranchements pour le faire réagir. Cela fonctionna à merveille car l’étudiant se dégagea rapidement en râlant.

- Personne ne me traite de looser !

Le comparer - lui qui voulait passer sa vie à rédiger des bouquins sur la métamorphose - au controversé George McFlouy, c’était gonflé ! D’autant que selon les rumeurs, McFlouy avait illégalement remonté le temps pour devenir cet écrivain à succès que tous connaissaient à présent. Mais Michel-Ange convenait lui aussi du génie de son frère, et vint adoucir son humeur avec quelques flatteries qui fonctionnèrent tout aussi bien. C’était assez vrai que Camaël était le meilleur des Grimm, mais la situation était bien plus compliquée que ça…

- J’ai rencontré sa famille tu sais, commença-t-il en croisant les bras de traumatisme tout secouant lentement la tête. Je sais pas qui papa a tué pour être respecté des Diagoniat, mais je te le dis tout de suite : c’est pas du tout mon cas ! J’ai eu le droit à une tentative d’assassinat de tous les membres de la famille simplement parce que j’ai osé inviter @Kira Dagoniat à aller danser. Et en plus à l’époque, y’avait vraiment aucune ambiguïté !

Il frissonna au souvenir de cette rencontre terrifiant en roulant des yeux en direction de son frère.

- Quand j’ai quitté leur maison en vie, par simple miracle je crois, ils ont jugé bon de me rappeler qu’une tombe avait été creusée pour moi dans leur jardin au cas où !

Camaël comprenait ce besoin de se montrer protecteur vis-à-vis de leur fille unique, et lui-même l’était un peu avec ses sœurs – même si @Urielle Grimm tenait plus du Gobelin que de la femme – mais là, c’était tout-de-même pousser le chaudron un peu loin !

- Mais le pire… C’est son frère… Il est à Poudlard et c’est le mec le plus flippant que j’ai jamais vu…

Le frère Dagoniat n’était fort heureusement pas encore au courant de l’intérêt de Camaël pour sa sœur, mais quand il l’apprendrait, le Grimm ne donnait pas cher de sa peau. Cependant, toutes ces affirmations le faisaient passer pour quoi ? Un faible ? Un looser, pour reprendre les termes de son aîné ? Plongeant un regard un peu plus sérieux dans celui de son frère, il lui coupa la parole avant même qu’il n’ait le temps de rouvrir sa bouche.

- Je sais ce que tu vas dire… Le pouvoir de l’amour gagne toujours… M’enfin faudrait déjà que je sois sûr de ce que Kira… ressent… pour moi…

Après tout, il avait peut-être complètement imaginé ce rapprochement ? A quoi toute cette conversation leur servirait-elle si la Serpentard ne le voyait finalement que comme un ami ? Attrapant son menton entre ses doigts, il se mit à marmonner dans sa barbe imaginaire.

- Faudrait peut-être que je parle à @Apolline Dunn pour que je voie ce qu’elle en pense... Elle au moins, elle me le dirait si elle pensait que c’était une cause perdue…

Posant mon marteau et mon tablier, j’écoutais mon frère se confier tout en me lavant les mains. C’est que je commençais à avoir la dalle moi. Frottant mes doigts avec le produit magique, mes mains redevinrent toutes aussi douce que lorsque j’avais huit ans. Tout en écoutant avec attention d’une oreille mon frère et son passage chez les Dagoniat, je commençais à ouvrir un frigo situé en dessous d’un plan de travail. Sortant quatre tranche de pain, du bœuf en tranche mariné, de la salade et des épices, je commençais à nous faire deux sandwich chacun, plus qu’appétissant.

« Ah ouais ? Ils t’ont dit ça ? C’est vraiment des grands malades. Ils savent pas à qui ils parlent. Ils doivent rien avoir dans le slibard pour essayer d’tfaire peur comme ça. C’est typique. »

Tout en parlant, je regardais les cornichons. Passant mon nez au dessus du bocal, je les estimais encore bon. Passant ma main dans ce dernier, j’en pris un morceau que je portais à mes lèvres. J’étais de ce genre d’explorateur, qui était prêt à gouter des trucs empoisonnés pour savoir si c’était vraiment empoisonné.

« Non mais sérieusement, Cam. Ils ont juste essayé de te faire peur. Si tu veux, on va leur rendre une petite visite des familles avec Urielle et Amenadiel. Y’en a pas pour 30 ans, et crois moi quand on va être parti Dagoniat ou pas Dagoniat crois moi ils vont regretté d’avoir parlé comme ça à mon p’tit frère. »

Je pliais désormais son sandwich avec soin et cérémonie. Je faisais beaucoup plus d’efforts pour le siens que pour le miens. En même temps, je voulais lui faire plaisir. Parce que je voyais bien que ça n’allait pas fort. Moi, j’en avais rien à foutre de la gueule de mon sandiwch, je voulais juste manger. Lui, il avait besoin de réconfort. Prenant une serviette, je l’emballais avec soin comme le faisait maman et je lui tendis.

« Tiens, t’as bien mérité ça. Tu vas rien dire à Apo. Parce que c’est moi que tu vas écouté. »

Je lui fis un léger clin d’oeil, passant à mon sandwich que je réalisais avec moins de soin et moins de cérémonie. Tout en faisant ce dernier, je me concentrais pour m’appliquer à la tâche tout en répondant à mon frère, chose très complexe pour moi mais j’allais y arriver.

« Faut que tu poses les bonnes questions, et t’auras les bonnes réponses. Est-ce que tu vis pour toi ou pour les autres, bonhomme hm ? »

Je croquais dans mon sandwich, mettant un peu de sauce partout mais tout en bougeant un peu dans des tiques à ma façon me donnant un charisme fou je le savais.

« On s’en fout des noms de famille, t’as pas encore capté ? Dagoniat, Dunn, Grimm… C’est juste des noms. Des titres et des broderies. Ce qui compte c’est le gars qui a là, et la fille qui a sa place ici. »

Je posais mon doigt sur son coeur, tout en lui faisant un petit sourire et un léger clin d’oeil.

« C’est pas du tout une cause perdue. Si c’était une cause perdue, tu le saurais et tu aurais pas la trouille. D’ailleurs si c’était vraiment une cause perdue et qu’elle n’était pas amoureuse, ils auraient pas montré les biceps. C’est juste des crétins, tu devrais lâcher l’affaire et te concentrer que sur elle. »

Je repris ma nourriture, méthodiquement, je mangeais d’abord les angles avant de croquer au milieu.

« Son frère c’est le p’tit Serpentard fragile qui pense que Poudlard lui appartient ? Tu m’dirais, ils sont tous comme ça dans cette maison... »

Le temps se suspendit l’espace de quelques instants et Camaël finit par attraper le sandwich que lui tendait son frère avec un contentement tel qu’il en retrouva le sourire

- Ah lutin de perle, merci Mich’, j’avais trop faim…

Comment l’ainé faisait-il pour toujours savoir quand le ventre du cadet gargouillait ? A moins que ce ne fut la seule vision de son frère en train de lui préparer un encas qui suffisait à réveiller l’estomac du Poufsouffle ? Il s’en suivit tout en paquet de mots que le jeune Grimm écouta d’une oreille distraite à présent qu’il était bien plus occupé à mastiquer.

Il s’agissait d’un condensé de soutien fraternel destiné à lui faire comprendre qu’il comptait, qu’il avait toutes ses chances avec Kira et que si les Dagoniat s’avisaient de le menacer à nouveau – les Grimm sauraient riposter. En temps normal, Camaël se serait contenté de grogner qu’il savait déjà tout ça en tant qu’ingrat petit privilégié de dernier de fratrie. Mais Michel-Ange avait dû mettre toute sa magie dans ce sandwich qui remplit d’amour et de bien-être son petit frère.

- Chon frère est à Cherdaigle, se contenta de répondre Camaël en haussant les épaules, mais son air béat prouvait que la stratégie du fils du forgeron avait fonctionné.

L’anxiété un peu trop persistante du Grimm avait accepté de s’asseoir dans un coin de son esprit en attendant que le jeune homme lui accorde de nouveau toute son attention. Avalant son dernier bout de pain, Camaël s’essuya la bouche avant de poser ses poings sur les hanches en réplique exacte de son grand frère.

- Ça va mieux !

Puis, s’approchant du comptoir, il prouva a quel point il avait oublié ses misères pour fouiller à sa guise les quelques outils et notes éparpillées. Michel-Ange avait vraiment pris soin de tout remballer, c’était frustrant…

- Bon et sinon, reprit Camaël d’une voix trainante en continuant de farfouiller. Tu voudrais pas m’en dire plus sur ces histoires de sceaux, d’archanges et tout ça…

Il releva un regard malicieux vers son aîné, sentant que ce dernier pouvait d’un moment à l’autre balancer son masque de grand frère protecteur pour le foutre à la porte.

- T’auras beau me mettre dehors, tu sais que je vais faire mes propres recherches quoi qu’il arrive, argua-t-il en haussant les épaules.

Il était de notoriété publique qu’il était le plus curieux de tous ses frères, ce qui faisait de lui le génie qu’il était. La bibliothèque de Poudlard, certes limitée, aurait sans doute certaines réponses à lui apporter à ce sujet…

Je l’observais sans rien dire, terminant mon propre sandwich. Quand est ce qu’il avait grandi aussi vite dans sa petite tête ? Je n’avais pas vu le temps passé. Hier je rentrais à Poudlard et je le revoyais me harceler de question sur comment était justement l’université, si Poufsouffle était la meilleure maison et est ce que la métamorphose était impressionnante là bas. Et aujourd’hui, j’avais un adulte quasiment accompli qui était peut être prêt à entendre sa destinée. Soupirant, je récupérais les parchemins que j’avais trouvé et je les dépliais pour dire d’une voix méthodique.

« Si tu veux, de toute façon tu pourras chercher. Tout est ici ou en Allemagne je pense. » dis-je avec calme.

Je lui montrais les différents parchemins. Il n’y en avait aucun écris en anglais, il y en avait seulement trois, écrits dans une langue que je n’avais jamais vu, et que je n’arrivais pas à déchiffrer.

« Il va falloir que je pose cette question à papa, car je ne connais pas du tout ce langage. Ce n’est pas du gobelin, ce n’est rien de connu dans les archives. Ni langue moldu, ni langue magique. J’ai supposé que ça doit être très ancien. En fait, je te parle d’archange mais il se pourrait que j’ai mal traduis le mot. Je l’ai nommé en fait, parce que c’est plus une suite d’adjectif. Salvateur, Ailé, Gardien. C’est ce qui m’en approché. Enfin, si ça se trouve je me suis complètement planté, la base de la langue ressemble au Norvégien en terme de structure, mais elle diffère au niveau des graphèmes, c’est ce que mon analyse linguistique magique m’en a permis de déduire. »

Il y avait aussi des dessins, des schémas. Des choses bizarres et en tout genre, des parties anatomiques fines et étranges. Ce qui était le plus choquant et m’indiquant j’avais compris et que j’étais sur la bonne voie était un dessin d’oreille légèrement déformé et pointu.

« Et c’est le même langage qu’il y a sur le sceau. Il ne se révèle qu’à la lumière de la lune. C’est pour ça qu’on s’en ait jamais trop rendu compte. Et je pense qu’à poudlard, les enchantements filtres la lumière véritable de la lune. Sinon quand j’étais avec Céleste au Lac Noir... »

Je me coupais, relevant des pommettes rouges et timides de parler de ça avec lui. J’avais l’impression par contre que ce genre de chose et de détails ne pouvaient pas encore être dévoilé. Il était bien trop jeune pour entendre ce genre de coquinerie !

« Bref, c’est tout ce que j’ai. C’est pas grand, mais on pourrait avoir des réponses si l’on va dans la Forêt Noire, en Allemagne. Je pense qu’oncle Goliath doit avoir des informations là dessus, même si papa refuse qu’on aille lui parler depuis toujours. Et je pense qu’on pourrait partir avec Amenadiel et Urielle. Mais d’abord je dois leur demander s’ils sont au courant de quoi que ce soit. Voilà. La seule règle maintenant c’est... »

Je roulais tous les parchemins, puis je les replaçais là où je les avais trouvé. C’est à dire dans le coffre de mon père qu’il croyait protégé et sécurisé, mais que j’avais réussi à déverrouiller magiquement grace à la construction d’une clef spéciale.

« … tu fermes ta gueule et tu dis rien à papa ! »

Le silence retomba sur la pièce tandis que Michel-Ange refermait précautionneusement le coffre, glissant les parchemins à l’intérieur comme si leur simple contact risquait de libérer briser le sceau dont il venait de parler. De son côté, l’aspect horrifique de la découverte passé, Camaël ne pouvait réprimer un sourire emporté à l’idée de l’aventure qui les attendait.Son frère ne lui demandait qu’une chose : garder sa langue dans sa poche. Le Poufsouffle haussa un sourcil amusé dans sa direction. Il était temps de montrer à son frère qu’il n’était plus le gamin à qui son aîné pouvait donner les tapes sur la nuque pour éviter qu’il ne les balance par inadvertance à leur mère.

- Évidemment que je vais fermer ma gueule !

En temps normal, Camaël n’aurait jamais accepté d’obéir sans rechigner à un ordre de son frère sans une ironie débordante. Autant demander à un sombral de briller en plein soleil ! Mais pour une fois, l’enjeu dépassait de loin son égo perpétuellement piqué de petit dernier, et de basses chamailleries fraternelles. Le moindre faux pas, et cette histoire pourrait leur exploser en pleine tronche…

Le jeune Grimm s’approcha lentement du coffre, traînant les pieds de manière presque exagérée, les mains glissées dans les poches de son pantalon. Son regard se fixa sur la serrure du coffre, gravée de runes qu’il avait examiné des tas de fois sans jamais les comprendre… Michel-Ange était doué, ça c’était certain… Dire que ce secret si bien gardé avait été là, sous leurs yeux, depuis si longtemps ! C’était fou !

- Non mais c’est quand même incroyable ces histoires de sceaux, d’archanges, de salvateur ailé… Une vraie cabalette !

Tout ce mystère, ces parchemins, ces indices disséminés au gré de la lune, c’était bien trop excitant pour qu’il reste en retrait.

- Quand je pense que t’allais rien me dire...

Se détournant du coffre, Camaël se laissa tomber lourdement dans l’un des vieux fauteuils qui trainaient là, les jambes étendues devant lui. Ses doigts jouaient distraitement avec un morceau de cuir qui s’était fait trancher hors de son accoudoir par une épée un peu trop bien affutée.

- Ok… Si on va en Allemagne dans la Forêt Noire, tu crois qu’on va découvrir quoi ? Tu penses que l’oncle Goliath acceptera de nous répondre ?

Goliath Grimm, le paria de la famille, était un sujet sensible depuis des années. Leur père l’avait banni de toutes conversations, et si par malheur son nom était prononcé, il était toujours accompagné d’une tension palpable. Il y avait de quoi s’interroger… et se montrer impatient !

- Et tu penses parler quand à Amenadiel et à Urielle ?

Revenant vers lui et commençant à ranger parce que cette discussion m’avait épuisé et que j’avais envie de passer du temps avec ma fille, je relevais la tête vers Camaël quand il déclara d’un air presque déçu que je n’allais rien lui dire. Evidemment, que j’avais pour objectif de ne rien lui dire… Je réfléchissais à comment répondre au mieux afin de le rassurer.

« Tu aurais fait pareil. Si papa ne nous en a jamais parlé c’est qu’il y a une raison à cela. Imagine, j’aurai trouvé quelque chose d’horrible, et de difficilement supportable. Quelque chose qui change ton existence et ta perception du monde à jamais ?.. Il vaut mieux parfois être dans l’ignorance que de connaître de mauvaises vérités. »

Je regardais le coffre du coin de l’oeil. Rangeant les différents matériaux magiques avec minutie, je commençais à nettoyer les outils avec le sorts d’usage. Lui indiquant de m’aider d’un signe de tête. On faisait ça avec papa depuis qu’on était gamin et c’était le premier truc qu’il nous avait appris. Ranger les matériaux, nettoyer les outils, et ordonner la forge. Quelque chose d’assez simple mais de réellement utile et déterminant même si plus jeune, on avait juste trouvé cela fastidieux.

« Je te répète, je me suis peut être planté dans la langue. Et je ne peux pas te répondre sur Oncle Goliath, papa n’en parle jamais. Si ça se trouve il ne vit pas là bas… J’en sais rien. Les indices sont très minces, et j’ai un mauvais pressentiment. Je veux dire, pourquoi on nous cache ça ? Tu vois on en est au même point toi et moi maintenant... » dis-je d’un ton un peu lugubre.

Continuant ma besogne avec ma baguette, je balançais un philtre nettoyant du Professeur Zagoth sur le plan de travail. Un petite monstre vert se mit alors à ingérer toutes les impuretés restantes sur le plan de travail. Papa et Aménadiel avait fait ça mille fois.

« Je pense qu’Urielle ne sait rien et qu’Aménadielle doit en connaître les bases... »

« Connaître les bases de quoi ? »

Une ombre apparut dans la forge, venant de la boutique. C’était mon frère aîné qui venait d’arriver. Visiblement il n’avait entendu que la fin, sinon il ne nous aurait pas regardé de manière aussi débile. Il plissa des yeux et nous regarda tous les deux un par un.

« Les bases de la bagarre pour vous démonter ? Les elfes ont préparé le repas, et Maman arrête pas de gueuler que Rachel est plus chiante qu’Urielle. Qu’est ce que vous foutez tous les deux là ? Vous avez pas autre chose à foutre ? »

Il parlait toujours aussi mal. Il avait toujours été le plus vulgaire d’entre nous. Terminant de descendre les marches, il nous regarda chacun notre tour. D’un air menaçant de grand frère qui avait passé sa vie à nous terroriser pour nous embêter. Toujours avec bienveillance… Bien évidemment…

« Vous complotez sur quoi ? Vous voulez me piquer mes parts de la forge c’est ca ? Bande de p’tits connards. »

Il nous frappa avec un livre de compte chacun notre tour derrière la tête. Je fis une grimace gêné parce qu’au fond, je n’aimais pas mentir à mon frère non plus.

« On parlait de la Transfiguration du bois dans des métaux précieux. On disait qu’Urielle ne savait pas faire, car l’aspect vivant du bois était trop complexe pour le fixer sur des matériaux. Que c’était hors de ces compétences contrairement à toi. On voulait savoir si tu avais les bases. »

Il nous regarda, un long moment les mains sur les hanches de manière suspicieuse puis…

« Bien sur que j’ai les bases. P’tits branleurs. J’vous montrerai quand Camaël aura de la barbe... »

Camaël eut une moue grognon quand son frère ne chercha même pas à démentir le fait qu’il ne lui aurait rien dit s’il n’avait mis de manière indiscrète le nez dans ses affaires. L’étudiant se contenta de lever les yeux au ciel en attrapant un chiffon pour frotter l’une des pinces qui traînaient sur le comptoir afin de retirer les traces de saleté. Michel-Ange supposait que Camaël aurait fait la même chose s’il avait été dans ses basques, mais il n’y avait rien de plus faux… Le Grimm sous-estimait le charisme de grand frère qu’il dégageait, et malgré toutes ses jérémiades, Camaël restait le petit dernier de la famille qui avait l’habitude de se reposer sur ses grands frères.

Bien-sûr le Poufsouffle gardait certaines informations pour lui, comme par exemple le pouvoir que son ami @Zion Webb s’était découvert, car ce secret ne lui appartenait pas. Mais même son attachement à @Kira Dagoniat, il n’avait pu le taire bien longtemps ! Alors un secret qui renversait tout ce qu’ils pensaient sur leur famille… Non vraiment, y’avait pas idée à garder ça pour soi !

Camaël allait rétorquer quand une voix plus grave encore que celle de Michel-Ange le fit sursauter comme un gamin pris en flagrant délit d’un vol de chocogrenouilles. Aménadielle venait de débarquer avec sa discrétion habituelle. Camaël tendit l’oreille pour voir à quel point ils avaient été surpris dans leur conversation. Mais apparemment, l’aîné n’avait entendu que la dernière partie de la phrase de Michel-Ange. Il savait cependant qu’ils venaient de se dire des choses d’importance, et on le voyait trépigner à l’idée d’en avoir loupé une bonne partie.

Michel-Ange parti sur une excuse bidon qui ne visait qu’à flatter l’égo d’Aménadielle. Camaël l’observa avec des yeux écarquillés, persuadé qu’un plan aussi gros ne passerait jamais. Mais il n’en fallait apparemment pas plus à son grand frère pour accueillir la flatterie avec sa gouaille légendaire. Le cadet se mordit les lèvres pour ne pas rire en évitant le regard des deux autres.

Si ça n’avait tenu qu’à lui, il aurait sur l’heure tout déballé à Aménadielle, persuadé que ce dernier aurait toutes les réponses à ses interrogations. Mais Michel-Ange semblait penser autrement. Camaël respecterait son choix pour l’instant, mais s’il se retrouvait en tête à tête avec son autre frère, Merlin seul savait combien de temps il tiendrait avant de l’ensevelir de questions.

En attendant, il était hors de question de suivre Michel-Ange dans ses courbettes et il se contenta de pointer les restes des sandwichs qu’il venait de leur préparer, prêt à se venger de le laisser ainsi dans cette ignorance temporaire.

- Michel-Ange s’est bouffé à l’instant deux sandwichs, s’écria-t-il avec un sourire diabolique. Juste avant le repas ! Maman va te défoncer, je vais tout lui dire !

Et il s’échappa dans les escaliers avec un rire de farfadet. C’était son rôle de petit frère de passer sa vie à faire chier ses aînés, et il n’avait pour mener à bien sa mission qu’une tâche à réaliser : ne pas se faire attraper ! Pour le reste, leur mère prendrait toujours et quoi qu’il arrive son parti.

Cette discussion avec Michel-Ange était loin d’être finie mais elle attendrait un moment plus propice !