Fuck Around, Find Out

feat. l'incroyable  @Yara Morães De Carvalho   

Jack relâcha le dossier avec agacement sur le bureau. Les feuilles s’éparpillèrent devant lui, certaines flanquées de l’acronyme IDEM, d’autres du blason de Poudlard. Toutes portaient sur @Eugène Fogg, et de multiples clichés animaient un visage plus jeune et non balafré. Un visage juvénile et heureux, aux yeux pétillants. Un visage qu’il était pourtant sûr de ne pas avoir raté, et pourtant il était là, quelque part dans la fange de Londres, à chercher une trace, à remonter une piste. Futé l’animal, mais pas assez pour le Chasseur.

Le pouce de l’américain vint s’appuyer contre son front, alors qu’il écartait du bout des doigts de son autre main les photos. Derrière les premières pages apparaissaient les visages de @Perséphone Fogg et de son équipe de Quidditch, également quelques clichés de @Fergus Clearwater et de cette dernière. Encore derrière, on voyait un cliché de la remise de diplôme d’une cousine, où on voyait sa mère, Ariana Fogg, et la multitude de ses cousins et cousines, y compris Eugène.

Le regard sombre de Jack balaya l’ensemble des portraits qui s’agitait sous ses yeux, alors que son pouce venait rejoindre son index sur ses lèvres, pinçant sa lèvre inférieure alors qu’il ne regardait plus rien. Il se faisait des réflexions, des plans. Il avait des envies de violence, mais il n’ignorait pas que c’était le Pacte qui parlait, le Pacte qui lui murmurait d’utiliser tous les moyens pour attirer le loup à sortir de sa tanière.

La famille était toujours le levier le plus simple.
Le plus évident.

Lui-même se serait donné pour sauver son fils.

Mais s’attaquer à des civils relevait du crime dans ce pays. Ariana Fogg était intouchable. Mentor de l’actuelle Cheffe du bureau des aurors, quand bien même celle-ci avait déserté les étages supérieures du Ministère.

Un crime qu’il ne pouvait pas se permettre de faire, d’abord car il lui manquait une pièce essentielle dans ce puzzle - qu’était Eugène pour Yara ? Ensuite, car Jayson avait besoin de lui pour avoir accès à une éducation et une vie paisible. Il devait au moins ça à @Tyler Argyros.

Jack balança l’ensemble du dossier sur le sol, d’un geste agacé, puissant.

Ramène ton cul si tu fais rien.

Salle n°7 du Hunger.

Mot de passe : FAFO

Le bar de l’allée des embrumes était assez réputé. Jack n’avait pas précisé, mais Yara devait connaître, il n’allait pas croire qu’elle ignorait la plus élémentaire des choses. Pas plus qu’elle n’ignorait pas que l’arrière-salle n’était pas ouverte au public lambda, qu’il fallait payer assez cher, et qu’en règle générale, ce n’était pas pour consommer un peu d’alcool.

Jack ne l’ignorait pas non plus, et pour autant il n’avait aucune envie d’autre chose que de consommer de l’alcool, comme pouvait en témoigner les trois verres qui trônaient sur la table, au milieu du box de velours grenat qu’il avait réservé.
Le n°7.
Confession.
Un nom amusant, alors que le visage du Chasseur respirait seulement une morgue étrange, qui ne s’effaça qu’au moment où la Chasseuse arriva.


Le regard de l’américain glissa sur elle, se taisant jusqu’à que l’homme l’ayant guidé ne ferme derrière elle le rideau assourdissant. La sensation de la bulle était réelle, et la chaleur toute parfaite pour pousser à se défaire de ses vêtements en trop. Jack avait pourtant gardé sa veste sur son t-shirt. Une habitude.

Il l’avait vu ce matin au bureau, aussi il ne prit même pas la peine de la saluer. Au lieu de ça il releva le menton vers elle, fronçant légèrement les sourcils, comme s’il l’accusait de quelque chose, mais au lieu d’un reproche, il formula plutôt une question :

« @Eugène Fogg. »
Une pause.
« C’est qui... »
Une pause, un besoin de respirer, pour se canaliser.
« ... pour toi ? »

Le choix des mots n’était pas anodin. En quelques longues heures, il avait eu le temps de réfléchir, à la ponctuation, à la prononciation, même au ton. Ca ne voulait pas dire qu’il était très content de comment il l’avait dit - avec cette voix rauque, sauvage qui le caractérisait tant - mais au moins, c’était sorti, et il se sentait soudainement plus libre, moins en colère - contre lui-même.

Il n’en voulait pas à Yara, il s’en voulait comme toujours à lui-même, à lui-même de tomber dans les travers du Serment, de s’inquiéter là où il n’y avait pas lieu de s’inquiéter. Ô pas pour Yara, mais pour lui-même, pour ceux qui voudraient lui retirer le plaisir de la sentir mourir entre ses doigts, ceux qui voudraient lui donner autre chose, une nouvelle étincelle de vie.

La possessivité gagnait du terrain sans qu’il ne puisse rien y faire, hormis questionner les raisons de celle-ci.

ft. @Jack Deschain

La note magique était arrivée en silence. Dans l'open-space de la Confédération Internationale des Sorciers, le morceau de papier émit à peine un bruissement pour se faufiler jusqu'à sa destinatrice. De la même façon, Yara avait enchainé en la lisant sans un bruit. Son visage resta stoïque du premier au dernier mot, sans trahir le cœur dans sa poitrine qui rata misérablement l'un de ses coups.

De ses yeux qui parcouraient la note, elle ne mit pas longtemps à reconnaitre l'écriture de l'expéditeur. Même sans ça, elle l'aurait reconnue. Au-delà des mots, Jack avait une façon de faire, un mode opératoire qui commençait à lui être familier. C'était bien là le problème.

Pendant un moment, Yara pensa ne pas se montrer. Elle était occupée. Il y avait des artefacts de magie noire qui jonchaient encore sa table de nuit et qui ne demandaient qu'à sentir le sang de la proie traquée s'écouler ; mais ils étaient puissants. Trop peut-être. Yara n'avait jamais manié que l'art de la magie blanche. Seule, ils ne lui étaient d'aucune utilité. Seule, c'était ainsi qu'elle opérait. Et juste comme ça, son excuse pour rater son rendez-vous fila sous son nez. La chasseuse grogna. Ce n'était pas dans ses habitudes de chercher des excuses, ni de se sauver.

D'un geste qui traduisait son agacement, elle attrapa une large cape sans manche qui lui permettrait de ne pas se faire remarquer. Même dans l'allée malfamée des Embrumes, on était jamais trop prudents.

Puis, sans un bruit, elle transplana.

Le Hunger. Drôle de nom pour un bar où manger n'était pas la première activité. L'enseigne en façade était délabrée, presque invisible à qui ne savait pas regarder. Et pourtant, il décrivait à merveille l'état d'esprit dans lequel la Brésilienne se trouvait. Elle avait faim, oui. Elle était même affamée de cette vengeance, maintenant qu'elle se savait officiellement condamnée. Et ce n'était pas seulement la sentence du Pacte qui voulait ça.

Depuis environ deux semaines, d'étranges marques avaient fait leur apparition sur son corps. Parsemé de ces éclats colorés, son dos était particulièrement touché entre deux cicatrices de lacération, ce qui lui permettait encore largement de les dissimuler.

Ce qui était préoccupant, au-delà de la présence de ces larges ecchymoses violacées qui éclataient presque quotidiennement sous sa peau, c'était qu'aucun coup ne les avait jamais enfantées. Et là, derrière cet épiderme aussi fin que du papier à cigarette, la peau de Yara brûlait constamment. De temps à autre, selon les aléas de ses mouvements, son visage se tordait de douleur dans une grimace à peine assumée mais aussitôt, elle se reprenait. Personne ne devait être au courant. La seule à savoir, pour avoir lancé la malédiction, c'était la Peeira.

Et elle était morte. Il n'y avait plus que Yara.

Dès son entrée dans le bar rigoureusement sélectionné par Jack sans doute pour sa neutralité, Yara fut escortée jusqu'à un premier pallier. Là, le code de la note, valide, lui octroya le droit d'avancer. Un homme mystérieux l'invita à le suivre jusqu'à sa destination. Ils serpentèrent un moment dans des couloirs obscurs puis, d'une seule main, il écarta la partie droite d'un épais rideau magique à l'intérieur duquel elle se faufila, le visage toujours couvert par une large capuche. Lui disparut aussitôt dans les ombres. Elle, en face à face avec celui qui l'avait convoquée, s'assurait d'un unique regard qu'ils étaient bel et bien seuls. C'était le cas. Il n'y avait qu'une seule issue, et elle se trouvait derrière elle. Réflexes de chasse.

Confession. Le mot d'ordre était donné. Yara esquissa un sourire en coin imperceptible avant de retirer une première couche de vêtements qui en dévoilait d'autres, aussi noirs et sombres que l'atmosphère qui les entourait. Sous son col roulé couleur charbon, une fine chaine d'or et un joli pendentif en forme de lune se cachait pour profiter jalousement de la chaleur indécente de sa peau.

Sans surprise, le chasseur l'accueillit d'une question, confirmant qu'ils n'étaient pas là pour le simple plaisir de se retrouver. D'autant que Yara avait passé les dernières semaines à l'éviter. Mais que fuyait-elle exactement ? Pas son regard, en tout cas. Celui-là, elle le soutenait aussi fort qu'elle le pouvait pour lui montrer que tout ça ne l'intimidait pas et que quoiqu'il voulait d'elle, il ne l'obtiendrait pas comme ça.

Sa question la laissa d'ailleurs complètement de marbre quand tout son intérieur fulminait à la mention du premier homme qui l'avait abandonnée.

« Un mort parmi tant d'autres », répondit-elle sans réfléchir, sans bouger, sans flancher. Son menton se leva vers lui dans un mouvement de tête nonchalant. « À mes yeux en tout cas. Depuis quand tu t'intéresses aux fantômes, Deschain ? », fit-elle, son singulier sourire mauvais tâchant désormais son beau visage.

Son talon haut claqua sur le sol. Une fois, deux fois, trois fois, jusqu'à ce qu'elle soit assez près pour prendre place sur la large banquette au tissu douteux, juste en face de lui.

« T'as commencé la fête sans moi, on dirait », dit-elle en ramenant l'un des verres vides à elle pour humer son contenu sans vergogne. Une fois la teneur des effluves reconnues, Yara commanda la petite sœur pour Jack, et une Vodka Martini pour elle. Le morceau de papier s'extirpa de la pièce pour se diriger vers le premier serveur qu'il croiserait. « C'était tout ce que tu voulais savoir ? Tu m'as vraiment fait venir pour ça ? Une note aurait suffi, tu sais. »

Interroger sans avoir l'air de vouloir connaître la réponse, c'était là un art qu'elle savait maîtriser.

Mais s'ils étaient là pour se confesser, après tout, la Brésilienne n'allait pas bouder son plaisir.

feat. l'incroyable  @Yara Morães De Carvalho   

L’attitude de Yara le dérangeait. En règle générale, elle l’amusait, elle lui donnait du fil à retordre et c’était quelque chose qu’il appréciait, mais ce soir, son attitude, sa façon de le jauger, de le toiser, l’agaçait. Il glissa sa main sur la table, tapotant du bout de l’index sur le bois, alors qu’elle lui mentait.
Au moins, dans un premier temps, car elle sembla vouloir noyer le poisson aussitôt après, avec ses phrases toutes faites qu’un sourd aurait aimé ne pas entendre.

Mort, mon cul, aurait-il aimé grogner, au lieu de ça il la scruta, comme s’il se demandait si elle ne savait pas qu’il la cherchait partout, comme un demeuré. Au point d’aller voir @Tyler Argyros – qui était une source d’informations précieuse, il est vrai, mais Tyler c’était aussi la mère de son fils. Et si @Eugène Fogg finissait de faire le rapprochement entre Tyler et Jack, qu’est-ce qu’il en serait de Jayson ?

Son doigt tapota plus fort la table, alors qu’elle approchait, venant s’asseoir.

La discussion n’était donc qu’à son début.

« Je ne pensais pas que tu viendrais » commenta-t-il, la laissant commander sa tournée.

C'est qu'il avait été directif, et Yara appréciait trop sa liberté pour se laisser dicter quoi que ce soit. Le fait qu'elle soit malgré tout venu aurait pu être une agréable surprise, d'autant vu la confiance qu'elle lui offrait en venant dans ce genre d'endroit sans savoir en même temps ce qu'il attendait d'elle. C'aurait pu, si seulement il avait été de meilleure humeur.

Il inspira profondément, comme pour se détendre, mais ça ne marchait pas.

Si Eugène Fogg mordait son gosse, il n’aurait d’autre choix que de lui coller une balle dans le crâne. Ça ne lui ferait aucun mal, il ne la sentirait même pas à vraie dire, mais Jack Deschain n’avait aucune envie de faire ça. Prendre la vie de Yara était une chose – et même ça, il commençait à se dire que s’il s’employait à ce point à la protéger et à la suivre, c’est qu’il y avait peut-être une raison sous-jacente – mais prendre la vie d’un gamin avec qui il avait partagé deux ou trois malheureux jours, ce n'était pas quelque chose qu’il pouvait supporter.

Pas encore une défaite.

Lentement, et mollement, Jack reposa son dos dans la banquette, s’enfonçant dedans. C’était agréable pour les reins, c’était au moins ça de bien. Son bras s’étendit sur le haut de la banquette, alors que son autre main continuait de temps en temps à tapoter la surface de la table. Il ne fallait en revanche pas se tromper : ça ne trahissait par la nervosité de Jack, mais plutôt, c’était la preuve qu’il contenait sa colère.

« Tu sais très bien que ma question sous-entendait plus que ça » grogna-t-il, « un mort qui parle et qui marche, c’est pas vraiment un mort. A moins que ça ne soit ça, ta définition, auquel cas j’ai dû faire une erreur en signant notre pacte avec mon sang… »

Car lui comptait bien lui ôter la vie, purement et simplement, le jour où elle ne serait plus vraiment Yara la chasseuse, mais Yara la louve. Il ignorait si ce jour-là elle viendrait se lover contre lui pour réclamer sa mort ou s’il devrait lui courir après, dans tous les cas, il n’aurait plus que le silence comme compagnon une fois qu’il en aurait fini avec elle.

« Ton Eugène était là lors de l’attaque de Pré-au-Lard. Il était si concentré sur toi, à te demander de te sauver, que j’ai réussi à le toucher avec un sectumsempra. J’ai cru qu’il était mort, mais j’imagine qu’un loup s’est chargé de lui. Et avec un peu de chance, ça pourrait bien être cette petite pute d’Ellie » grinça-t-il des dents, sans cacher sa frustration et sa haine.
« Pourquoi je sais qu’il vit ? Parce qu’il semblerait qu’il te cherche, et qu’il paye pour ça… Pas pour te tuer, mais pour te parler, y semblerait. »

Le rideau s’ouvrit à ce moment-là, déposant les boissons sur le plateau, avant de se refermer aussitôt après.

Jack ne loupa pas l’occasion et ponctua :

« Si c’est pas romantique », d’un air méprisant.

ft. @Jack Deschain

Moi non plus je ne pensais pas que je viendrais.

Et pourtant, elle était bien là. Ses vêtements près du corps, noirs comme la mort, ses hautes bottes de cuir aux pieds, sa lame d'argent bien cachée à hauteur de sa cuisse. Elle était là et comme à son habitude, elle faisait mine de se foutre de tout. À commencer par lui. Elle devait faire semblant que tout lui passait à des kilomètres au-dessus quand la vérité était tout simplement inadmissible : tout avait pris de l'importance depuis que sa condition lui avait été révélée à son insu. Sa vengeance, sa vie. Lui. Pourquoi l'idée que quelqu'un d'autre qu'elle puisse faire couler son sang devant ses yeux lui était devenue intolérable ? Pourquoi la vue du liquide vermeil quittant ses veines l'avait-elle fait trembler ?

Pourquoi ?

Face à l'adversité et à ces questions qui ne trouvaient pas de réponse immédiate, c'était tout ce qu'elle savait faire pour se protéger ; garder ses distances, rester détachée. Le contraire signifiait se faire dépouiller, déposséder et ça n'avait jamais été une option. Sa stratégie était éprouvée depuis bien des années et avait même déjà porté ses fruits auparavant. La preuve : @Eugène Fogg s'en était allé, Glenn Yard avait fuit le territoire... Et Yara restait seule derrière. Rester seule, c'était garder le contrôle. Et contrôler, c'était se posséder. Le reste ne comptait pas et c'était tout ce qui comptait.

Elle ne lui répondit rien, cependant. Partager ses doutes, c'était s'offrir une deuxième fois quand il avait déjà sa vie entre ses mains. Or Jack Deschain était un gars qui en voulait toujours plus quand il ne se rendait déjà pas compte de ce qu'elle venait de lui céder ; un secret, le plus gros de son existence, un droit de vie et de mort, mais surtout, sa confiance. Elle la lui avait juste donnée et lui ne réalisait pas sa valeur. Sinon, il ne serait pas là, avec ses doutes et ses interrogations à la con. Il se satisferait de ce qu'elle lui avait déjà offert, car c'était son cadeau à elle et aucun ne le surpasserait jamais.

« Oui, t'as fait une erreur, Deschain » lança-t-elle, le visage fermé sans sourire, en appuyant brusquement le haut de son corps sur la table pour s'approcher de Jack. Ses seins reposaient sur ses mains. « Mais t'inquiètes pas. On est deux. Moi aussi j'en ai fait une. Si ce connard de Dagoniat avait répondu à ma lettre...
»

... On en serait pas là.

Le reste de sa phrase resta en suspens. Sa mâchoire trop serrée l'empêcha d'en dire plus, comme soucieuse de ne pas la laisser aller plus loin. Yara avait toujours su garder son sang-froid, mais Jack avait définitivement le don de la faire sortir de ses gonds. Et c'était le début d'un cercle sans fin.

Elle regagna son dossier, attendant patiemment la suite de sa tirade les bras croisés sur sa poitrine. Ton Eugène. Il flirtait avec ses limites, parce qu'au fond il connaissait déjà la vérité. Eugène Fogg était l'un des loups qu'elle n'avait jamais réussi à tuer. La raison ? Sans équivoque. Sous sa carcasse de guerrière, il y avait plus que ce qu'elle voulait bien montrer.

Et c'était exactement ce que Jack cherchait à lui faire dire.

Il y avait trop d'égoïsme dans sa personne pour lui permettre de voir que le monde ne tournait pas autour de ses seules préoccupations.

Une force mystique la retint de sauter à la gorge de ce dernier quand il usa de son regard condescendant sur elle. Aveuglée par la colère, elle ne remarqua pas même pas le verre plein devant elle. C'était donc ça, que ça faisait, de se faire détailler de haut en bas comme si on était la pire des merdes en ce monde ? Jamais personne ne l'avait regardée comme ça. D'habitude, c'était son truc à elle. Quelle arme redoutable.

« Éclaire-moi Deschain... Où tu veux en venir, au juste ? Et qu'est-ce que ça peut bien te foutre, hm ? », riposta-t-elle, amère, le dos toujours appuyé sur la banquette, les bras toujours croisés comme un enfant boudeur. Son regard ne quittait pas le sien. « C'est mon problème s'il me cherche. Pas le tien. » Un silence, le temps de trouver le dernier mot. « Au contraire, c'est parfait. Qu'il me trouve. Il n'aura pas de seconde chance. »

Le collier autour de son cou trahissait sans doute une brusque accélération des battements de son cœur.

Yara vivante, ça n'aurait jamais du se produire. Si Eugène était en vie, à l'image de toute la famille Yard d'ailleurs, c'était un bug dans la matrice.

Le genre d'erreur qui finissait tôt ou tard par revenir dans la gueule de celui qui l'avait commise, un peu à la manière d'un boomerang incontrôlable et incontrôlé.

Un juste retour de bâton.

feat. l'incroyable  @Yara Morães De Carvalho   

« Parce que je n’étais pas ton premier choix ? »

Jack crut qu’il avait dit ça avec humour, avec un sourire moqueur. Il avait essayé, mais il avait échoué lamentablement. La phrase était sortie plus tranchante que prévue. Ça n’aurait pas dû l’étonner – Jack n’était rien pour Yara – mais sur le moment, ça le piquait au vif. Piquait au vif de se dire qu’il mettait en risque sa famille pour une nana qui ne tenait visiblement pas tant que ça à lui. Être un second choix ne le blessait pas ; ça l’enrageait.

Il passa sa main sur son visage, tentant de garder son calme et d’apprivoiser sa respiration qui s’était faite plus lourde, moins contenue. Il passa cette fois ses deux mains dans ses cheveux, les tirant en arrière.

C’était sans doute cette rage qui fit que ses mots dépassaient sa pensée. Un venin inutile, celui du désert où il était né. Red Dust était un homme de peu de mots, de beaucoup d’actions, mais Yara le poussait dans des retranchements non familiers. Le voilà qui parlait plus qu’il n’agissait, là où il aurait dû prendre sa jolie petite bouille et l’écrasait contre la table. Lui collait une balle dans l’oreille et éclaboussait le bois de sa cervelle. Ça lui aurait fait plaisir sur le moment. Ce qui lui aurait fait plaisir aussi, c’est que Yara soit moins Yara, moins piquante, moins sauvage.

Une putain de louve – voilà ce qu’il avait en face de lui, voilà ce qu’il avait sauvé.

Une putain de louve, et il n’arrivait pas à trouver le courage de lui faire fermer sa putain de gueule, quitte à enfoncer jusque dans le fond de son œsophage son calibre.

Rester à savoir duquel il parlait.

Ce que ça peut me foutre ? Un sourire mesquin ourla la lippe du chasseur. Il aurait pu lui expliquer. Lui révélait l’existence du gamin. De ce que ça signifiait pour lui. Un chasseur qui tue les gosses, mais qui en a un. Ça ne faisait aucun sens.

Aussi Jack ne répondit pas.
Au lieu de ça, son index continua de tapoter la table, son autre poing se serra sur le rebord de la banquette. Son abdomen entièrement découvert, Deschain indiquait qu’il ne craignait pas d’être poignardé ou attaqué. Il était assez en confiance pour se permettre ses menaces et ses grognements, mais pas assez pour la croire sur tous les points.

Sa mâchoire se crispa quand elle lui sortit que c’était seulement son problème. Il ne put retenir un énième « bullshit » d’un air méprisant, levant ostensiblement les yeux au ciel. Seulement son problème ? Et le pacte, alors ? Et le gamin qui pouvait servir d’appât, pour lui ou pour elle ?

Son cœur s’emballa au rythme du sien, sans qu’il ne sache si c’était à cause de l’enchantement ou si c’était la situation qui le rendait aussi fébrile.

De nouveau il se passa une main sur le visage, l’œil braqué sur le visage boudeur de Yara.

La brésilienne marquait malgré tout un point.

Qu’est-ce que ça pouvait bien lui foutre, à lui, qu’un loup en particulier, amant ou non, courre après elle ? Des loups-garous qui voulaient leur revanche, il y en avait plein dans les rues. Des dizaines qui n’attendaient qu’une erreur pour se venger.

Et Jack savait pertinemment ce qui le mettait le plus dans cet état – c’était de ne pas savoir si ce qui l’inquiétait le plus c’était la vie de son fils, ou celle de Yara.

« J’ai aucune envie d’être mêlé à une télénovela. Tes histoires de cul ne r’gardent que toi, mais j’ai aucune envie de me faire voler ta mort par un loup-garou qui s’trouve être ton ex petit ami. Ce qui me sidère d’ailleurs, c’est que tu puisses t’être faite un loup » commenta-t-il, l’air un peu outré.

Lui avait bien rejeté Ellie Yard sur le seul principe que c’était une louve après tout. Quelqu’un qui les détestait à ce point, pourquoi ne l’avait-elle simplement pas dépecé ? Avec l’avantage du cœur, elle aurait dû pouvoir le faire. Il se serait sans doute laisser faire, à voir le désespoir dans sa voix l’autre jour à Pré-au-Lard…

Plus calmement, plus froidement aussi, Jack fit glisser sa main jusqu’à son verre, reprenant :

« Il te cherche, et moi, ça me met en danger. Je n’aime pas être pisté personnellement, alors je vais le tuer. » Son regard observa Yara, cherchant à lire en elle une réaction, même quelconque. Est-ce qu’elle l’en empêcherait ? Lui sentait le besoin d’être clair avec elle. « Je vais chercher activement Eugène Fogg… »

… et je te ramènerais sa tête, Yara.

Et si tu pleures, peut-être que je banderais un peu.

ft. @Jack Deschain

L'obscure salle portait bien son nom. Tout comme le bar qui l'abritait. De confession en révélation, leur échange prenait peu à peu des airs de scène de ménage. Mais pour être un ménage, il fallait être un couple, et pour être un couple, il fallait pouvoir se faire confiance et s'aimer. Or, ces deux-là ne savaient faire ni l'un ni l'autre. Tout juste bons à s'aboyer dessus comme deux chiens affamés qui cherchaient toujours la surenchère pour mieux se faire entendre.

En retombant contre son dossier, Yara ne répondit pas. Au lieu de ça, elle souffla du nez effrontément, comme un faux rire, sans quitter son regard. Aucun mot n'était nécessaire pour confirmer ce que Jack venait tout juste de comprendre. Elle avait déjà suffisamment la rage, parce qu'elle avait eu la conviction qu'@Aslak Dagoniat n'aurait pas cherché à la préserver de quoi que ce soit, lui. Il se serait contenté de lui trancher la gorge, de lui arracher ses tripes, et au moins, ils ne seraient pas là à s'écharper comme deux imbéciles quand ils avaient chacun bien mieux à faire de leur temps.

Elle ne bougea plus, gardant sa position jusqu'à ce qu'elle essaye de comprendre ce qu'il avait cherché en la faisant venir ici, ce qu'il attendait d'elle tout court. Yara n'avait jamais été très forte pour comprendre ce qui ne se disait pas. L'intangible, ça n'avait jamais été son truc et quand Jack parlait, trop de choses lui échappaient. Comme un couple marié depuis plus de 20 ans, ils ne se comprenaient plus, à la différence qu'ils se connaissaient depuis trois mois et que malgré leurs points communs, ils ne s'étaient jamais vraiment compris. Sauf dans la forêt, le jour où leur sang avait coulé pour ne former qu'une seule goutte aux accents vermeils. Ce jour-là, ils s'étaient bien trouvés. Mais depuis, tout leur échappait.

À commencer par la gifle que Jack reçut en plein sur la joue.

« Vai te foder. Va te faire foutre. »

C'en était trop. Non seulement il ne savait rien, mais en plus, il la jugeait sans savoir. Yara s'était levée d'un bond quand il avait sous-entendu qu'elle avait couché avec @Eugène Fogg. Elle l'avait laissé parler d'abord, et tout s'était passé très vite ensuite. Passant outre la table, elle s'était jetée sur lui, féline, pour mieux l'atteindre de ses griffes. Comment avait-il pu si mal la juger ? Elle ne lui avait jamais facilité la tâche, certes, mais de là à croire qu'elle ait pu s'offrir à l'un de ceux qu'elle haïssait du plus profond de son âme...

La paume de sa main rougissait à vue d’œil. Elle avait perdu le contrôle.

Voilà ce qu'il se passait quand on donnait trop d'importance à quelqu'un.

« Tu ne le tueras pas parce que c'est moi qui vais m'en charger. Je veux être le dernier visage qu'il verra avant de crever. Tu m'entends Deschain ? Eugène Fogg est à moi ! Comme les Yard, le jour où ils remettront un seul pied ici : cette pute d'Ellie et le reste de sa famille, ils sont à moi ! »

Et Leandro, aussi. Mais ça, c'était la touche finale, la cerise sur le gâteau.

Une pause pour retrouver son souffle. La colère l'empêchait de respirer comme ses poumons le réclamaient. Elle fut forcée de ralentir le rythme de ses paroles, comme celui de son cœur. Sans quoi, c'était l'explosion assurée.

« Je le lui ai juré que je le tuerai, dans les yeux, comme je t'ai juré que je te protègerai et qu'aucun loup ne te mordrait jamais. Putain mais qu'est-ce que tu veux de plus ? »

Une nouvelle pause. Sa poitrine se soulevait au gré de son souffle. Elle mourrait de chaud dans son col roulé, et leurs corps étaient à nouveau suffisamment proches pour qu'il sente sa peau brûler de l'autre côté du tissu.

Surtout son dos. Les marques violacées s'embrasaient à chaque mouvement inconfortable et elle dut se faire violence pour ne pas laisser son visage témoigner de la douleur suscitée par la Malédiction de la Peeira.

« C'est quoi ton putain de problème, Jack ? »

feat. l'incroyable  @Yara Morães De Carvalho   

La gifle fut mordante. Sa peau le brûlait, mais Jack n’avait pas cillé, comme ce jour où la lame de la chasseuse lui avait arraché le visage. Qu’est-ce qui lui prenait, à ce grand con, de se laisser malmener par Yara comme ça ? Un grognement rauque et sauvage fila sur les lèvres de Jack qui se tendit sous ses vêtements. La chaleur de l’alcool était en train de lui montrer dans tout le corps, ou peut-être celle du club, ou peut-être celle de la louve. Il ne savait pas. Il ne savait plus.

La mâchoire crispée, Jack la laissa pourtant parler sans l’interrompre alors qu’il mourrait d’envie de lui rendre la pareille.

Un ricanement sarcastique accueillit les promesses de Yara. Elle voulait s’en charger, et pourtant elle était là, avec lui. Qu’avait-elle fait toutes ses années ? Allait-elle encore attendre, encore et toujours ? Jack roula des yeux alors que sa propre respiration s’accéléra dans sa poitrine. L’alcool se ruait dans ses veines.

Qu’est-ce que je veux de plus ? Il ne savait pas. Il ne comprenait pas. L’agacement était total. Plus exactement, il savait pertinemment, et ça commençait à le rendre fou. Il n’avait jamais été esclave de son corps, jamais esclave de ses pulsions. Un chasseur doit être froid, réfléchi, calculateur. Et en réalité, il n’était rien de ça là tout de suite.

« C’est toi mon putain de problème ! » gueula-t-il en retour.

Sa main vint accrocher la gorge de la fille-louve, serrant fermement alors qu’il la repoussait loin de lui, brutalement. Le box n’était pas si grand que ça, aussi Yara se retrouva dos sur la table de bois par la force des choses. Jack s’était redressé, maintenant la pression sur sa gorge, et ce même si elle finissait par lui griffer les avant-bras. Il pressa son bassin contre le sien, évitant tout coup de pieds, tout débat même les plus acrobatiques.

« Tu… »

Le myocarde du Chasseur lui échappait en contrôle.

Quoi dire ? Il n’avait jamais eu ce genre de problème avant.

Avec Mercy, les choses avaient été simples, presque trop. Il était venu plusieurs fois pour commander à son bar. Faire des sourires, lui payer un verre, l’emmener au cinéma. Il avait essayé d’être un bon gars, de faire les choses de la bonne façon.

Yara, elle, excitait en lui tout ce qu’il détestait de sa personnalité. Elle le menait par le bout du nez, lui faisait croire des choses tout en les lui retirant de sous son nez. Elle s’offrait à lui, mais désirait un autre. Elle s’était faite chasseuse, mais avait aimé un loup. Et lui dans tout ça, qu’était-il ? Un instrument ? Un simple outil ? Un vulgaire putain de pion ?

Les yeux rivés sur elle, sur ce corps souple et athlétique, il sentait que la situation lui échappait.
Que sa raison s’évaporait.

Sa main, jusque-là dur sur sa gorge, mourant d’envie de lui enfoncer la glotte dans les amygdales, se fit plus souple, plus douce. Son pouce glissa jusqu’au pendentif qu’il pouvait sentir sous le tissu trop proche du corps. Il sentait jusqu’au plus profond de lui-même les battements synchronisés de leurs deux corps, mais aussi les sentiments, l’envie, la fureur.

« Tu… tu me rends dingue… » murmura-t-il, fébrile. Dans sa bouche, et avec cette intonation, ça ne sonnait pas positif du tout.

Sa main glissa serpenta jusqu’à son ventre, effleurant du bout de l’index le harnais qui ceinturait ses hanches fines. Son autre main lissa ses cheveux en arrière, alors qu’il penchait la tête sur le côté en la fixant d’en haut.

Pourquoi est-ce qu’elle lui soufflait toujours le chaud et le froid ?

Il grogna tout bas.

« Est-ce que tu aurais préféré que ce soit Dagoniat ? »

Il scruta son visage.

« Tu regrettes ? »

Son souffle était lourd et profond. Il en connaissait un de Dagoniat qui n’aurait pas hésité, puisqu’il l’avait fait avec sa propre femme. Une balle, c’est tout ce que ça prenait.

« Tu regrettes que je ne t’ai pas ouverte en deux comme tu le voulais ? »

Les doigts du Chasseur prirent la forme d’un flingue, qu’il planta au niveau du nombril de Yara. Assez enfoncé pour qu’elle le sente, mais pas assez pour lui faire vraiment mal. Lui avait toujours mal à la joue. Il la sentait brûlante.

Il fit remonter lentement ses doigts, tirant au passage vers le haut – et ce malgré le harnais – le col roulé pour dévoiler une toute partie de ses hanches.

« C’est pour ça que tu me fuis ? »

Sous ses pieds, le crissement du verre cassé - ils n'avaient rien bu, et maintenant il avait soif.

ft. @Jack Deschain

Ses joues rosies par l’intensité de la chaleur ambiante attendaient leur dû. C'était tout ce qu'elles méritaient, après tout. Jack aurait eu raison de lui rendre la pareille devant l'accès de violence injustifiée qu'il venait de subir. Le deuxième, déjà.

Un nombre incalculable d'options s'offraient à lui dès lors. Il aurait pu la réduire en charpie. Lui tordre le cou. L'assommer d'un unique coup bien placé. Il avait la force physique en plus d'un réel motif pour appuyer sa décision. Et qu’importait par quel moyen il décidait de la tuer — Yara ne pourrait pas lui en vouloir.

Comme il ne pouvait pas lui en vouloir de n'avoir jamais appris à exprimer ses émotions autrement que par la violence. C'était ainsi qu'elle avait grandi, et maintenant qu'elle savait, elle comprenait mieux pourquoi. Lui ne l'avait peut-être pas encore suffisamment bien cernée pour comprendre, mais la louve à l'intérieur d'elle n'avait eu de cesse de grandir au fil des années et commençait à manquer cruellement de place. À chaque coup de la vie, qu'il soit dur ou de sang, elle enrageait silencieusement sans pouvoir s'exprimer pleinement. Yara se consumait de l'intérieur et l'incendie continuait langoureusement sa progression.

Face à Jack, la température de son corps ne baissait pas, mais restait encore à savoir laquelle de ses émotions en était réellement à l'origine sur ce coup-là. Car sans pleinement s'en rendre compte, il venait d'ajouter quelques litres d'essence dans ce grand chaos intérieur.

L'écho de sa voix d'abord, puis sa prise à la gorge ne firent rien pour arranger ça. Mais elle le laissa faire, espérant un instant qu'elle avait cette fois-ci suffisamment titillé ses limites pour le voir succomber. Le coup de grâce était là, tout près, dans le bout de ses doigts chauds. Elle pouvait le sentir, aussi fort que ce parfum qui la hantait et qui se faisait plus enivrant encore maintenant qu'il la touchait.

Le cœur de Yara battait si vite que c'était à se demander s'il n'allait pas bientôt lâcher. Au fond, elle avait confiance en ses capacités mais Jack balayait d'un seul geste toutes ses certitudes, comme il venait de le faire avec son corps maintenant à sa merci. Mais elle ne fit rien pour inverser les rapports de force.

Son regard ancré dans le sien l'incitait à aller plus loin. Il se faisait sauvage, sombre comme celui d'un félin non domestiqué. Une énième provocation pour tenter d'oublier ce jour maudit où elle s'était donnée à lui, ce jour qui avait tout changé. Un seul geste de sa part, une poigne un peu plus serrée, et ils pourraient enfin tirer un trait sur tout ça. Allez, Jack un petit effort, t’y es presque. Et sans rancune, hein ? Ou peut-être juste un peu.

La voix du chasseur reprit ensuite une tonalité plus basse. Ce moment de basculement était loin de lui être inconnu pour l'avoir déjà vécu lors de leur dernière entrevue sur la plage. Mais cette fois-ci, Yara n'était pas sûre d'avoir suffisamment de volonté pour ne pas plier à tout ce qu’il créait à l’intérieur d’elle. Il l'attirait à lui comme un aimant. Et le pire dans tout ça, c'était probablement qu'il s'imaginait tout le contraire. Ses mots ne faisaient que le confirmer.

Son mutisme tentait de passer sous silence le feu qui l'irradiait de part et d'autre de son corps, et plus précisément celui dans son dos qui la tuait à petits coups d’incendies ponctuels mais lancinants. Au vu de la douleur engendrée par la position, il devait avoir des allures de voie lactée désormais. Mais son attention était entièrement tournée vers Jack. Ses aveux hésitants, à demi-mot. La main dans ses cheveux de jais, l’autre en train de s’affairer à dévoiler sa peau.

Il n’y avait rien d’autre.

Alors, profitant de sa liberté de mouvements partiellement retrouvée sur le haut de son corps, elle se redressait pour toujours lui faire face mais de plus près, ses pieds dans le vide, oubliant la douleur, son dos qui tiraillait, n’écoutant que son instinct. Le plus primaire de tous, l’infime partie d’elle qui s’exprimait librement et qui ne s’intéressait pas aux conséquences de ses actes.

Est-ce qu’elle regrettait ?

Un autre instinct, plus teigneux mais aussi plus prudent, se serait contenté de mentir pour garder la vérité sous silence. Pour se protéger, comme elle l’avait toujours fait. Non, aurait-elle alors dit. Pour regretter, il faudrait que tout ça ait une importance et tu n’en as aucune. Tu n’es rien pour moi.

Mais c’était faux.

Et la pièce dans laquelle ils se trouvaient demandait de la sincérité. Elle ne pouvait pas mentir.

« Oui. »

Heureusement pour Yara, le mot était court, sans appel, sans quoi Jack aurait probablement senti que sa voix s’était voilée.

« Oui, je regrette. Mais pas pour les raisons que tu imagines. » Sa salive difficilement avalée descendit dans sa gorge et pendant un instant, il n’y eut que ce bruit pour briser le silence. Son buste lui faisant face, une infime partie de sa peau respirait toujours à l’air libre quand le reste étouffait sous le tissu du col roulé. Son visage à quelques centimètres du sien, elle résistait encore à l’envie de faire glisser sa main sur sa joue marquée. « Je regrette qu’Aslak Dagoniat n’ait pas répondu à ma lettre, qu’il n’ait pas logé une balle d’argent dans ma tête parce s’il l’avait fait… » Elle succombait, ses doigts s’aventurant finalement sur sa mâchoire dans un geste tendre qui ne lui ressemblait pas. Ses yeux d’ambre toisaient attentivement le mouvement de ses doigts en contact avec sa peau, comme bercés par la douceur de cet instant. Puis s’interrompit soudainement, peu coutumière de ce genre d’exercices. Elle reprit, tentant de reprendre un semblant de contenance. «… s’il l’avait fait, tu ne m’aurais pas sauvée. Et le monde aurait continué de tourner. Ta vie n’en aurait pas été impactée. Tu n’aurais pas de problème à gérer. En tout cas pas celui-là. »

Le pendentif dans le creux de son cou n’en finissait plus de la brûler, confirmant ainsi toutes ses craintes. Mais la sensation, étrange, n’avait rien de désagréable contrairement à celle dans son dos. Aussi, elle poursuivait :

« Je regrette parce que j’aurais préféré que tu sois une ordure, une raclure, un moins que rien. Ça aurait été tellement plus facile parce que si ça avait été le cas… je ne serais plus là. »

Une pause. Sa poitrine se soulevait de moins en moins régulièrement mais de plus en plus haut. Son souffle se calmait, mais devenait plus profond sous l’effet de cette tension ambiante.

« Je regrette, parce que tu n’es rien de tout ça. »

Un silence.

« Et toi ? »

Elle n’aurait su dire pourquoi, mais la réponse importait plus que sa voix ne le laissait entendre.

feat. l'incroyable  @Yara Morães De Carvalho   

Oui.

Ça lui fit mal. Il ne savait pas qu’il pouvait encore avoir mal, mais la piqûre était là, comme une épine près du cœur. Jack baissa les yeux sur la bouche de Yara, qui lui disait ça tout en tressaillant. Pourquoi ? Une nouvelle fois, sa main lissa ses cheveux en arrière, confus, fébrile. L’envie de s’arracher à elle, de s’enfuir, d’oublier. Ce pacte ne signifiait rien si eux-mêmes ne signifiaient rien l’un pour l’autre, au final. La conclusion était amère, mais légitime. Il aurait dû y penser avant de le lui proposer.

Un nouveau grognement lui échappa, aussitôt qu’elle lui disait l’inverse et son contraire. Il pencha la tête, serrant sa tignasse noire dans son poing jusqu’à en faire blanchir les jointures. Tension incompréhensible. La brûlure qu’il ressentait au fond de la poitrine n’était rien comparée à celle que ses doigts lui laissèrent sur la joue, alors qu’elle caressait tendrement sa peau.
Le souffle du Chasseur se fit plus profond, plus rauque, alors qu’il la fixait en retour.

La proximité de son corps et du sien était une torture. La chaleur commençait à le prendre, lentement mais sûrement. Jack Deschain n’avait jamais été un homme faible, pour ne pas dire qu’il était lent à la détente (pour plein de bonnes raisons – il valait mieux faire attention quand on chasse des succubes), mais Yara s’était infiltrée par toutes les fissures de son âme. Sa main laissait sur sa joue une griffure profonde, que même sa lame n’avait su lui donner.

Quelque chose qui faisait que Jack perdait de sa contenance et de sa retenue habituelle.

Lentement, ses mains se posèrent sur la table, mouillée d’alcool et de quelques bris de verre. Il n’y avait pas fait attention avant, et n’y fit pas plus attention lorsqu’il serra le plateau pour détendre la tension accumulée dans ses épaules.

« Je ne regrette pas » commença Jack tout bas, sentant que son regard courrait de ses yeux à sa bouche, jusqu’aux courbes agréables que le col roulé laissait à l’imagination.

« Mais j’ai du mal à savoir… pourquoi j’ai fait ça » souffla-t-il.

Un petit mouvement d’épaule, Jack retira la veste de cuir qui lui collait depuis trop longtemps à la peau, dévoilant un simple t-shirt ample et noir en dessous. Celle-ci tomba sur le sol dans un bruit lourd, trahissant le poids des écailles de dragon.

Ses doigts frôlèrent les cuisses de la Chasseuse, alors qu’il se penchait légèrement en avant, vers elle. Son visage effleura le sien – son nez, ses lèvres – dans cette volonté de la scruter de si près qu’il pourrait voir le moindre de ses défauts. Mais Yara n’avait guère de défaut.

En dehors d’être à moitié louve.

« J’ai du mal avec… la place que tu prends… »

Son visage se détourna doucement, pour venir humer le parfum agréable qui se dégageait de la gorge de Yara. La chaleur grimpait continuellement, et diable qu’elle était désagréable parce qu’elle le ramenait à son état d’homme, et seulement d’homme.

Jack s’était approché, son torse touchant celui de Yara comme il semblait qu’il voulait entièrement la couvrir, la cacher du reste du monde. La protéger était devenu une priorité, mais cette volonté de la protéger se conjuguait avec une possessivité qu’il se découvrait.

« J’ai du mal… avec ce que je ressens… J’ai du mal à savoir si c’est le pacte, toi, ou moi… »

Sa main droite serpenta le long du corps de Yara. Quelques bouts de verre s’étaient enfoncés dans sa paume – de sa faute, de son inattention – mais Jack n’avait pas mal. Quelques gouttes de sang perlaient seulement, alors qu’il déposa ses doigts sur sa gorge, sentant pulser contre ses phalanges un instant la carotide. Le myocarde semblait défaillir, et cela tombait bien car le sien n’allait pas tarder à éclater sous la pression.

Son pouce se posa sur le menton de la Chasseuse, l’obligeant gentiment à pencher la tête pour lui dévoiler sa gorge.

Il déposa simplement un baiser sur la toute petite partie de peau que le col roulé offrait à ses lèvres, avant de lécher bien plus vulgairement le début de sa clavicule gauche, non sans un petit grognement frustré.

« L’idée qu’un autre puisse chercher à te vouloir, d’une quelconque façon », morte ou vivante importait peu, « me donne des envies de meurtre… C’est irrationnel. Je suis pas comme ça » avoua-t-il, « je suis pas… dans une chasse personnelle… Je tue car je ne sais faire que ça. Jamais parce que j’en ai eu… vraiment envie… »

Ou plutôt, une seule fois avait-il eu vraiment envie de tuer, et Bolton n’était pas mort, car la mort était une grâce qu’il n’avait pas mérité.

ft. @Jack Deschain

Assise sur la table, son corps toujours collé au sien comme s'il ne savait plus comment faire pour s'en détacher, Yara ne se risquait même plus à bouger. Pendant plusieurs secondes qui parurent durer des heures, la chasseuse se figea dans l'attente d'une réponse qui avait déjà mis trop de temps à arriver à partir du moment où la question lui fut posée.

Et, finalement, sous l'impulsion d'une négation espérée, l'air entra à nouveau dans ses poumons. Un second souffle, une délivrance, au moins temporaire.

Campée dans sa position, immobile autant que possible, son attitude aurait pu laisser croire que Jack était aussi fragile que du verre. Qu'au moindre mouvement brusque, elle pouvait le briser comme du cristal. Qu'elle ne pouvait plus le toucher, au-cas où tout ça volerait en éclat.

Jack n'avait rien de fragile. Il lui avait prouvé à plusieurs reprises tout le contraire. Mais ça ne l'empêchait pas de perdre le fil de ses précautions à chaque murmure près de son oreille, à chaque regard qu'il lui lançait d'un peu trop près. À chaque râle que sa voix laissait partir contre son gré.

Yara était un oiseau de nuit qui aimait passer les siennes en dehors de son nid. Pour chasser, pour tuer, pour traquer, et puis aussi pour assouvir ses instincts les plus primaires. Mais ça faisait des années qu'elle n'avait pas ressenti aussi fort l'envie d'un homme. À bien y penser, d'aucun ne lui avait jamais donné envie de lui comme ça. Elle non plus ne comprenait pas. Cette sensation était détestable à bien des égards dans son monde où tout se devait d’être toujours sous contrôle — dans un sens, ça la rassurait que Jack ne comprenne pas non plus.

Alors, elle ne bougeait toujours pas, laissant au chasseur le soin de superviser la rencontre de leurs épidermes. Elle ne bougeait toujours pas, certainement parce qu'une partie d'elle avait conscience que chaque seconde qui s'écoulait pouvait tout faire basculer. Elle était comme un funambule suspendu sur un fil, à des kilomètres de hauteur. Son équilibre était précaire et il ne fallait surtout pas tomber. Ce qui l'attendait en bas n'avait rien de réjouissant à première vue, mais tout en Jack lui donnait envie d'y jeter un œil malgré tout. Juste pour voir...

Juste pour voir ce qu’il y avait sous ce manteau lourd dont il venait de se débarrasser. Juste pour voir ce qui se cachait sous ce large haut qu'il lui présentait. Juste pour voir quel goût pouvaient avoir ses lèvres et quelles arômes elle trouverait au nouveau parfum qui naitrait au creux de son cou ou de ses reins quand le sien fusionnerait avec sa peau. Si elle donnait l'impression de se foutre du monde entier — c'était souvent le cas — avec Jack, elle devenait curieuse, intéressée. Jusqu'ici, elle avait juste fait semblant. Pour son bien, et puis pour le sien aussi. Mais ses mains, ses lèvres aventureuses dans son cou mêlées à l'odeur de son sang faisaient réagir tout son corps. Impossible de mentir. Bientôt, s'il continuait dans sa lancée, Jack s'en rendrait compte par lui-même et il n’y aurait plus aucune échappatoire.

Bientôt, s'il continuait dans sa lancée, Jack verrait ses plus lourds secrets. Mais ceux-là, pour le moment, Yara semblait les avoir complètement oubliés.

Sa voix avait changé. Subtile arrangement, mais qui se remarquait même à travers ses murmures bien plus lascifs, nettement moins violents et pour qui y était suffisamment vigilant, d’une douceur rare qui rappelait la caresse passée de sa joue.

« Je n’appartiens à personne », chuchota-t-elle en ramenant sa bouche près de l’oreille du chasseur, les yeux bien ouverts, s’arrêtant un instant sur le néon rouge qui les observait ironiquement.

Elle s’était doutée qu’après la confession de Jack, celle-ci le tendrait. Par instinct, ses jambes resserrèrent leur étau autour de lui pour ne pas qu’il s’éloigne au cas-où l’envie lui prendrait. Aussi, sa joue collée à la sienne, elle ajouta sa vraie confession :

« C’est ce que j’aurais dit en temps normal. » Une pause après laquelle s’enchaînait un murmure encore plus bas. L’odeur de son parfum la poussa à fermer les yeux cette fois. Son souffle s’intensifiait sous la chaleur de l’excitation. « Mais toi, Jack Deschain… toi, tu n’es pas personne. Et rien de tout ça n’est normal… »

Il avait sa vie, sa mort entre les mains. Pouvait-on réellement posséder quelqu’un sans ça ?

Pour ne pas s’interrompre dans sa lancée, le visage de Yara s’arrêta à l’arrière de son cou, au niveau de son muscle angulaire. Là, elle y déposa ses lèvres, puis les laissa glisser jusqu’à la naissance de son épaule.

Un frisson de plaisir l’envahit, lui donnant subitement envie d’en voir plus sans toutefois prendre le risque d’accélérer le temps. Ils étaient toujours à flux tendu et comme dans toute bonne partie de chasse, la moindre erreur pouvait être fatale. Ses mains, jusqu’à présent posées sur l’arrête de la table, se débarrassèrent des quelques morceaux de verre qu’elles avaient attrapées dans son inattention avant de glisser sous son tee-shirt noir. Elles trouvèrent leur chemin sans aucune difficulté et laissèrent dans leur sillage quelques traînées d’un liquide vermeil. Là, ses paumes prirent tout le temps de s’imprégner de la chaleur du corps qu’elles découvraient, gardant jalousement pour elles la vision qui s’offraient à elle. Elles sentaient tout ce que l’œil ambre de Yara ne pouvait encore voir : les muscles de Jack, le parfum de sa peau… mais la Brésilienne ne résista pas longtemps à l’envie de plus. Et tout ce qu’elle voulait dans la vie, elle avait l’habitude de le prendre. Alors, elle souleva à mi-hauteur ce tee-shirt qui la gênait, laissant à Jack le soin de terminer le travail.

Elle s’attachait déjà à défaire avec grand soin les lanières de cuir sur le haut de son buste pour en faciliter l’accès. Sans plus s’intéresser à ce qu’elles gardaient férocement.