Amend

feat. @Luke Korrigan 


Sortir du Marché aux Trolls n’était pas dans ses habitudes, mais Maddox sentait que @Céleste Delacroix souffrait dans son petit taudis enchanté. Il avait bien essayé de lui offrir tout ce qu’il aimait du Marché, à commencer par des mets variés et succulents, et des habits extravagants, mais la petite française n’avait fait que regarder d’un air un peu méprisant chaque tentative. Il ne pouvait guère lui en vouloir puisqu’elle était toujours attachée à ce pauvre lit, et s’il est vrai qu’ils échangeaient quelques mots depuis quelques jours, ça n’en restait pas moins des balbutiements de ce que Maddox désirait vraiment.

Ô il ne s’attendait pas à être aimé comme un homme, ni d’un amour passionnel ou inconditionnel, mais il aurait aimé qu’elle apprenne à l’aimer, tout comme le premier des Lord Grey s’était fait aimer de sa femme, enfermée dans une poivrière. Il aurait aimé qu’elle apprenne à le connaître, à connaître ce garçon qu’il façonnait pour elle, alors qu’il se tordait à se faire le plus agréable possible.

Mais rien n’y faisait, alors Maddox s’était dit que si Céleste avait besoin d’un peu du monde d’au-dessus, il n’avait qu’à le lui ramener.

Le jeune Crookhaven dépensait avec parcimonie. De l’argent qu’il avait pourtant volé, jamais gagné honnêtement, même tout gamin déjà. Sa bourse était celle de ceux qui ont manqué – même si sa mère l’aurait tué si elle l’entendait penser ça.
Un sourire ourla ses lèvres à l’idée, car en réalité, il n’avait pas d’autre excuse que celle d’être né au Marché. S’il était né hors de la fange, Maddox aurait pu briller, car il était de ses grands esprits bénis par l’intellect et la créativité. Mais au lieu de ça, son imagination faisait en grande parti la beauté de ses casses. Et désormais, d’un kidnapping vulgaire du plus beau joyau de France.

« A quelle adresse je vous fais parvenir vos achats ? »

La voix de Brent Graham (@Vicky G. Graham) sortit Maddox de ses pensées. Il cligna des yeux, retirant son regard curieux d’une dondaine qui avait sur elle bien trop de couches de vêtements, à croire que sa graisse et le tissu faisaient un concours. Le jeune homme, habillé sobrement – pour ne pas dire en quelques haillons, venait pourtant d’acheter pas moins de quinze belles robes de chez Tissard et Brodette, autant de sous-vêtements neufs, de petites chaussettes (si jamais Céleste avait froid), deux écharpes larges et enfin, six pyjamas.

Chose étant, tout était conjugué au féminin, et force était de constater que Maddox était parfaitement un homme.

Brent Graham, professionnel, ne se permit aucun jugement, pas même un sourcillement. Il se garderait bien de tout commentaire car au solde du compte du Crook, il pouvait espérer une commission généreuse, et peut-être même quelques félicitations de la part de sa mère, Alberta Graham, qui zyeutait depuis le début le manège.

« Aucune adresse, je vais prendre tout ça dans mon havre-sac » commenta Maddox.

« A combien s’élève la note ? » continua le jeune voleur, en ouvrant justement le sac.

« Nous préférons généralement faire une livraison » commenta Brent, en jetant un regard curieux sur les pièces que commençaient à sortir par poignet le gamin qui ne devait pas avoir plus que son âge.
C’était une façon polie de dire qu’il ne voulait pas se risquer à accepter de l’or de farfadet en guise de paiement.

« Vous pouvez lancer un Revelio si vous le désirez, je ne le prendrais pas mal » commenta simplement Maddox, pas sûr de pouvoir autant de manière. Au Marché, cela aurait fait longtemps qu’on l’aurait secoué pour voir si les pièces étaient bien sonnantes et trébuchantes, mais il semblait que Graham tentait de faire le moins de vague possible avec lui.

« Dans ce cas... » commenta doucement Brent, jetant un regard à Alberta qui se déplaça sobrement, quoi qu’il devinât que son œil brillait.

Maddox les observa sans sourciller, alors qu’Alberta ne prit pas moins d’une quinzaine de gallion pour échantillon et les passa, un à un, sous sa baguette pointue. Il ne moufta pas, car les sortilèges du Marché étaient autrement plus difficiles à détecter et à lever, mais surtout car cet argent était vrai. Durement gagné, à la sueur de son front, à rendre des services à la Reine Tyrell, à se vendre.

Du véritable argent, qu’il dépensait pour une sorcière qui refusait un jour sur deux de lui parler.

Si @Eynaelle Sanderson voyait ça, elle se moquerait à coup sûr.

« C’est bon » conclut Alberta, après avoir pioché une quinzaine d’autres pièces pour échantillon.

« Nous nous excusons pour la gêne occasionnée » reprit Brent, aussi servile mais ferme que possible. Il n’en pensait pas un traitre mot, mais Maddox n’en avait pas grand-chose à faire.

On lui laissa enfin rempiler la marchandise, avec qu’un sourire sincère ourlait ses lèvres à l’idée de voir peut-être Céleste s’ouvrir un peu à lui.

Il fit quelques pas sur l’Allée de Londres, en profitant pour prendre un peu l’air. Il se faisait déjà des plans quant à la manière d’amener la chose à Céleste. La dernière fois ça avait été un fiasco. Il n’avait pas l’art et la manière avec les femmes, et pourtant il avait grandi au milieu d’elles, ce qui faisait de lui une très belle ironie…

Un petit soupir s’échappa de ses lèvres, juste au moment où il posa son regard sur une vitrine magnifique. Un magasin spécialisé dans la Métamorphose proposait des ouvrages qu’il n’avait encore jamais vu, sur des catalyseurs magiques, sur un lien avec la mécamagie ou plus simplement, ces cubes de métal qui ne cessaient de changer de forme selon les sentiments.

Le legilimens eut un sourire, et se faisant la réflexion qu’il pouvait bien profiter pour s’acheter quelque chose, il poussa la porte de la petite boutique.

D’un pas nonchalant, avec son éternel flegme, le garçon fit le tour des rayonnages, jetant ici et là de petits regards curieux, avant de finalement tomber sur un livre un peu plus épais, signé justement @Luke Korrigan, sur l’utilisation des runes dans l’art de la métamorphose.

Une petite grimace passa sur le visage du gamin.

« C’est une blague… » marmonna Maddox.

Il le poursuivait jusqu’ici…

feat. @Luke Korrigan 

Maddox était surpris. Il ne le montra pas – même pas un petit haussement d’épaule ou une pupille dilatée, rien. Il resta là, comme s’il savait qu’il était là depuis tout ce temps, même si ce n’était pas vrai. Son petit cœur avait raté deux ou trois battements, mais puisqu’il n’avait pas quitté sa posture pensive, on se dirait seulement qu’il n’écoutait pas.

Ne perdant pas de temps alors que le Directeur déblatérait, à croire que personne ne lui avait appris à économiser sa salive, le regard vif du Crookhaven s’attardait déjà à repérer les sorties potentielles. Il pouvait toujours casser dans un transplanage d’urgence la vitrine, mais ce n’était pas très élégant. Ça serait peut-être la solution aujourd’hui.

Il tourna lentement le visage, alors que Korrigan lui tendait le livre.

« Un traité simple ? Ce n’est plus simple à ce niveau-là, ça devrait s’appeler la Métamorphose pour les nuls » maugréa doucement Maddox, tentant de faire un petit pas en arrière pour se repositionner dans le couloir étroit entre les deux rayons, malheureusement pas dans la direction où il l’aurait souhaité, « et on juge mon charlatanisme, mais vu le prix de ce bouquin, c’est culotté. »

Les yeux vifs du garçon observèrent Luke s’appuyer sur une étagère, lui coupant toute sortie ou retraite de ce côté-là. Autant dire qu’il ne lui restait vraiment plus que le transplanage d’urgence à ce niveau…

Les sourcils du Vert Galant se froncèrent alors que Luke Korrigan lui rappelait leur première rencontre, et cette histoire de magie des elfes. Il n’avait pas besoin de lire ses pensées pour comprendre où il allait en venir et recula un pied, l’air sérieux soudainement, comme si sa vie en dépendait soudainement.

S’il savait la vérité, que ferait-il ? Il l’ignorait. Korrigan n’avait pas l’air d’un mauvais bougre, mais Maddox ne pouvait pas lui pardonner. Pas ça, pas comme ça, pas ici, pas maintenant, jamais.

De toute façon, il n’y avait pas de vérité.

Juste un semblant de mensonge.

Un petit grognement s’échappa des lippes du Crookhaven alors qu’il s’approchait. Son regard suivit la main qui lui prit l’épaule, et il se dégagea presque aussi sec, cette fois dans un geste brutal, ne laissant aucunement la possibilité à Luke de continuer à le tenir.

« Toucher des jeunes hommes sans leur consentement, c’est du harcèlement sexuel, Monsieur » gronda-t-il assez fort pour faire se retourner une ou deux mégères qui ajustèrent aussitôt leurs lunettes sur leur nez.

« Et je sais pas ce que vous entendez par sang de leprechaun, mais ma mère est irlandaise, alors nécessairement… »

Il recula d’un nouveau pas, s’éloignant de la sortie.

« Pour autant, ça ne vous donne absolument pas le droit de me toucher de cette façon. Je ne vous ai pas peloté que je sache, la dernière fois qu’on s’est vu ? », de nouveau cette fois, sa voix se fit forte, et continua crescendo : « et franchement, ce n’est pas parce que je suis pauvre qu’il faut croire que je fais ce genre de chose, Monsieur Korrigan. A force de me toucher, vous pourriez attraper des maladies. »

Cette fois le gérant du magasin – qui connaissait bien Luke mais qui aimait tout autant le fait que l’argent rentre dans sa petite caisse enregistreuse – pencha la tête par-dessus son comptoir, se râclant la gorge.

Une demi-seconde plus tard, Maddox attrapait un livre dans la bibliothèque, le lançait par-dessus la tête de Luke, comme si de rien n’était, et frappa dans ses mains pour attirer l’attention sur lui.

D’une exécution fluide et sans accroc, dont on sentait qu’il y avait de l’expertise et des années à mettre au point le tour de passe-passe, Maddox était toujours là, soudainement le livre qu’il avait balancé dans les mains, et un double de lui sortait à la va vite du magasin.

Luke n’aurait le temps de regarder qu’à deux fois pour se rendre compte que le Maddox qui se tenait face à lui avait disparu, faisant s’écraser au sol l’ouvrage, alors que l’autre prenait la tangente, embourbé dans la foule qui l’empêchait de transplaner sereinement.

feat. @Luke Korrigan 

Un sifflement agacé passa les lèvres du jeune sorcier en voyant apparaître soudainement Luke Korrigan, en chair et en os. Le visage agacé, furieux même. Il devait avouer, celle-ci il ne l’avait pas vu venir. Quel niveau de magie c’était, de se transformer en vapeur ou en fumée ? Il n’avait encore jamais lu là-dessus et pencha la tête, alors même qu’il sentait la baguette contre son torse.

Toujours assuré, Maddox continuait de mettre une pièce sur le fait que Luke n’en ferait rien. Il ne pouvait pas lire en lui, mais il le sentait, et jusqu’à maintenant, il ne s’était jamais trompé. Son don - son instinct comme il disait - était aussi impénétrable que puissant. Une arme pour un gamin du Marché, même face au grand Directeur de Poudlard.

« Une réponse, ça peut coûter cher » commenta simplement le garçon, détendu, malgré le fait qu’il s’était fait choppé comme un bleu. Une moue ennuyée sur le visage, il fixait Korrigan.

Un petit pouffement lui échappa du nez alors que Luke semblait, honnêtement, croire qu’il serait en mesure de cambrioler un secret de famille. C’est que pour ainsi dire, il avait quand même réussi quelques casses prestigieux, et alors la disparition de Céleste Delacroix c’était un peu la cerise sur le gâteau - mais ça, Maddox se garderait bien de le dire.

Un sourire fendit son visage, lui donnant une certaine gouaille, un petit air gavroche.

Luke Korrigan commençait à toucher doucement, à effleurer la solution. La réponse qui était là, depuis le début. Maddox n’était pas étonné, tout était assez évident quand on mettait les pièces l’une après l’autre. Il ne pouvait s’en prendre qu’à lui-même d’ailleurs : s’il n’était jamais allé embêter ce cher directeur, son existence aurait pu se dérouler sans vague, sans de nouveaux problèmes familiaux. Non, vraiment, tout ça était de sa faute.

Il ne savait même pas comment l’annoncer à sa mère. Elle ne le prendrait sans doute pas mal, pas forcément bien non plus. C’était le genre de chose que Eibhleann remettrait entre ses mains volontiers. Une façon de se dédouaner. C’est que la Charmeresse avait bien des avis sur ce qu’était une famille, et pour elle, ce n’était pas le sang que cela résidait, quand bien même leur petit noyau de femmes partageait une essence commune. Pour elles toutes, nées et élevées dans le bordel de Madame Carmilla, un père, ce n’était jamais qu’un outil, un pion tout au plus. Un épiphénomène, dans la toile de fond.

Maddox fixa quelques longues secondes Luke Korrigan en gardant le silence.

Il le sentait, son envie irrésistible de ne pas y croire, de repousser ce qui était l’évidence, mais c’était sans doute préférable de croire un court instant que c’était faux, que quelqu’un d’autre avait fait une erreur, mais surtout pas lui. Peur de s’ajouter une difficulté ? Peur de se retrouver avec une nouvelle épine ?

Maddox leva lentement la main, ses doigts entourant calmement la baguette, qu’il repoussa gentiment. Être à l’autre bout de ce petit bout de bois dangereux ne lui inspirait rien, et encore moins quand son père était de l’autre côté, à le mettre en joue, comme s’il était un criminel.

Oui il en était un, mais il n’était pas responsable de sa naissance ou de son existence.

« Pour lui demander quoi ? La vérité ? Mais tu la connais déjà. »

La voix de Maddox était plus tranchante, plus sérieuse. Luke Korrigan savait depuis l’incident de l’elfe. Il le savait, Maddox le savait, tout le monde savait.

« Et elle a l'air de t'écorcher la gueule » continua-t-il, alimenté par les sentiments confus et distordus de l’homme en face de lui. De son géniteur. Pas un père - un père, ce n’était pas ça. Maddox n’en avait pas beaucoup vu sur le marché, mais il avait parlé avec Risha, et son père à elle l’avait élevé et formé. Lui n’avait fait que marcher dans des traces fantomatiques - non, dans des fantasmes même.

L’enfant prodigue, doué en magie, qui retrouve son géniteur après plus de vingt ans.

Qu’est-ce qu’il était sensé dire ?

« J’ai vraiment besoin de rentrer là tout de suite. J’ai quelqu’un qui m’attends » lâcha le gosse finalement, avec une certaine sincérité.

Sa seule envie, c’était de retrouver Céleste. Si seulement Céleste était un peu plus douce, un peu plus tendre, il aurait pu lui raconter un peu son histoire, mais comment le prendrait-elle ? Non, il ne dirait rien. Il rentrerait, lui montrerait ses achats, et puis il irait se coucher dans un petit coin de la pièce.

Il ne penserait à rien d’autre qu’à demain, et certainement pas à ce père.

feat. @Luke Korrigan 

Le flot incompréhensible des émotions de Luke Korrigan submergea tout entier la psyché de Maddox. Le gamin s’était toujours demandé ce qu’il adviendrait un jour s’il avait cette conversation, cette révélation même, avec son père. Qu’est-ce qu’il penserait de lui exactement ? Est-ce qu’il le prendrait dans ses bras tout en regrettant amèrement les années ? Ou est-ce qu’il le regarderait avec ce regard perdu, incapable de savoir quoi faire de cet enfant apparu de nulle part ?

Maddox savait désormais. Il savait avec précision, avec certitude, ce que Luke Korrigan ressentait à cet instant précis. Et lui resta là, les bras ballants, le visage fermé mais une certaine peine dans le fond des yeux.

La baguette de Luke était entre ses doigts mais il n’en voulait pas.

Il ne voulait pas de lui. Pas être son fils. Pas avoir dit quoi que ce soit à son sujet.

Par empathie, mais sans doute aussi parce que ses propres sentiments se faisaient l’écho tout entier de ce que son père était en train de ressentir de plein fouet, Maddox se fit la réflexion qu’il aurait préféré ne rien avoir dit.

Ses bras au bout des bras, son esprit n’arrivait pas à sortir de la spirale.

Il lui en voulait autant que Luke regrettait.
Il lui en voulait pour autant de fois que ses pensées se mortifièrent.
Il lui en voulait car la première pensée de Luke alla à son fils, à Finn, qui lui n’était pas une surprise, mais une évidence.

SI Luke Korrigan était maudit, qu’était-il, lui ?

Maddox se rendit compte qu’il avait cessé de reprendre son souffle au moment où Luke avait tourné les talons pour s’éloigner de lui. Pour le fuir, d’une certaine façon. Fuir la vérité.

Le jeune homme le fixa longuement, et puis quand enfin il disparut de sa vision, le gosse tourna à son tour les talons. Une partie de lui voulait aller chercher Korrigan, ne serait-ce que pour lui rendre sa baguette, ou pour s’assurer qu’il allait bien. Il savait pertinemment qu’il ne se sentait pas bien.
Mais une partie de lui, plus puérile, plus adolescente, préférait encore enterrer entièrement l’idée.

Si Luke Korrigan voulait retrouver sa baguette, il serait bien obligé de revenir le voir.
Et peut être que cette prochaine discussion serait plus… constructive.