[Septembre 2023] Blood & Anger

La rentrée battait son plein et pour la première fois, Rhys se sentait léger. Le directeur avait été assez gentil pour l'autoriser à faire son double cursus, ce qui n'était pas permis à tout le monde. Cela allait représenter beaucoup de travail, mais finalement, qu'était-ce deux ans de sacrifices pour toute une vie à en récolter les fruits ? Bien sûr, malgré le beau temps, il y avait toujours des nuages. À quoi bon faire un double cursus s'il n'avait aucune responsabilité ? Les résultats scolaires étaient importants, mais s'il n'avait aucun poste de préfet, capitaine ou président de club, cela risquait de nuire à son CV.

Au fond, il en avait conscience, mais il savait aussi qu'il n'avait pas le comportement pour que l'on lui accorde facilement des responsabilités au sein du château. Une chose à la fois, il aurait tout le temps de se concentrer sur ça pour sa dernière année. De ce fait, il avait fait une nouvelle résolution : se montrer exemplaire. Cela avait été certes le souhait du directeur, mais en plus de ça, c'était une nécessité pour embellir son CV trop vide à son goût. Mû par cette nouvelle dynamique, le gallois ne se privait pas de montrer sa nouvelle joie alors qu'il déambulait dans les couloirs tout en regardant sa liste de cours. Malheureusement, il n'aurait plus métamorphose, mais il gardait tout de même l'Histoire de la Magie et les Défenses contre les Forces du mal, deux matières qu'il affectionnait particulièrement.

En revanche, devoir continuer à se coltiner l'étude des moldu agaçait au plus haut point le gryffondor qui entendait encore les commentaires des sangs purs comme quoi il était avantagé... Avantagé peut-être, mais ayant un esprit de contradiction, c'était la matière où il avait le plus de difficulté à exceller. D'ailleurs, cet agencement de matière avait fait naître un léger doute chez lui avec la Sécurité magique.

Néanmoins, le métier d'auror ne l'intéressait pas réellement. Se battre était certes une seconde nature, mais se battre uniquement par les armes et non pas sur le terrain politique et juridique condamné le né-moldu à une vie sans reconnaissance. Non, lui ce qu'il voulait, selon ses propres mots, c'était la gloire. Que se cachait-il derrière ce rêve de gloire ? Sans doute une quête de reconnaissance et s'il était plus honnête avec lui-même, d'amour sous toutes ses formes.

Perdu dans ses pensées essayant de réfléchir à son calendrier chargé, il percuta un élève.

« Désolé... »

Les petits ricanements qu'il eut en réponse lui firent lever le nez de sa feuille. Finalement, il n'était pas si désolé que ça. En face de lui, il un petit groupe de Serpentard. Un connard. Deux connards. Trois connards. Quatre connards. Cinq connards. Ça faisait beaucoup de connards dans un si petit espace. Bien sûr, tous les Serpentard n'étaient pas à défenestrer depuis la tour d'Astronomie, mais vu le regard qu'ils lui lançaient, eux était clairement à balancer d'un balai qui volait en direction de la lune.

« Bah alors Ddraig, on sait plus regarder devant soi ? Qu'est-ce que tu regardes comme ça ? »

Lui prenant des mains son papier le serpentard alla le lire, protégé par ses camarades de toutes les protestations du lionceau.

« Ah bah ça... Ils prennent même les sangs de bourbe en double cursus... Politique magique et Justice magique. Rien que ça, Ddraig ? Tu sais que tu n'as pas d'avenir ? Un déchet quoi toi n'a pas sa place au ministère. »

Comme pour finir son insulte, le chef de la bande lança au visage la feuille du gallois qu'il laissa glisser sur le sol. De bonnes résolutions ? Elles s’évaporaient comme chaque lendemain de la nouvelle année... Les résolutions scolaires n'échappaient pas à la règle de celles des années civiles.

« Espèce de consanguin... »

Alliant le geste à la parole, Rhys tira sa baguette, mais un des Serpentard la lui fit sauter directement des mains par un sort de désarmement. Sans perdre ses moyens, il se jeta sur celui qui avait osé lui ôter son armée préférée.

Sans perdre plus de temps, il arma son bras et le frappa au visage avec vigueur. Heureusement, connaissant l'animal, le serpentard se protégeait de son mieux. Le tout ne dura que quelques instants, car rapidement, le gallois se retrouva la tête en bas.

« Levicorpus. Alors Ddraig ? On fait moins le malin ? Je vais être généreux et t'apprendre quelque chose... Un sorcier ça se bat avec sa baguette... Enfin... Pas étonnant pour un sang de bourbe de ne pas comprendre le principe. »

Essayant de combattre le maléfice par sa seule volonté, Rhys se résigna à le subir.

« Bordel de merde. En plus d'être moche, vous êtes lâches. Viens m'affronter en duel et tu vas voir si je ne sais pas me servir de ma baguette sombre bouse de sombral ! »

Pour seule réponse, il eut le droit à des éclats de rire, ce qui l'énerva encore plus.

« Un duel ? Avec toi ? Non, tu ne mérites pas notre attention. Mais ne t'en fais pas Ddraig, tu vas avoir ton utilité. Messieurs, voici un mannequin tout indiqué pour vos sortilèges... »

Enrageant un peu plus, le gryffondor chercha tout autour de lui quelque chose pour se défendre. Foutu château, les pierres étaient trop solides pour être détachés des murs. Il avait juste gratté à s'en faire mal aux ongles, sans aucun résulta. Trois des Serpentard le repoussaient contre le mur à coup de Flipendo.

Si Poudlard était connu pour une chose, en plus des rixes qu'il pouvait y avoir, des mauvaises farces, des grands escaliers tentaculaires et... Bref, une des particularités du château, c'étaient ses armures, parfois animées par magie. Tendant le bras, il vola un gantelet d'acier à l'armure la plus proche de sa droite pour la lancer à la figure du chef.

« Allez, venez... Même comme ça, je vous mets K.O. Bande de dégénérés ! Quand ta tante, c'est aussi ta sœur, pas étonnant que tu sois aussi débile ! »

Le gantelet et la phrase firent mouche. Écartant ses amis, le chef de la bande pointa le bout de sa baguette.

« Chien... Tu vas apprendre l'obéissance. Sectum... »

La suite du sort était évidente, mais même Rhys était étonné d'entendre le début de ce sort... Car même lui n'aurait pas osé s'en servir contre un autre élève...

D'une certaine façon, Rhys était fier d'avoir poussé son adversaire aussi loin. D'un autre côté, la mort était une chose assez dérangeante en raison de son côté assez définitive. De ce fait, malgré ce soupçon d'orgueil, c'était plus la crainte qui pouvait se lire sur le visage du gryffondor qui s'apprêtait à se faire frapper par un Sectumsempra. Pourtant, il ne ferma pas les yeux, ne supplia pas, il affrontait le sort droit dans les yeux. En raison de cette bravoure, même s'il n'avait pas fait attention au bruit sourd des livres qui s'écrasaient contre la pierre, il vit bien la chevelure de feu de son héroïne se poser devant lui.

« Non ! »

Son premier réflexe, loin d'être le soulagement, fut l'inquiétude que quelqu'un d'autre souffre de son affrontement. Sa bêtise était une chose, mais il ne voulait pas qu'elle soit contagieuse. Heureusement, l'altruisme n'était pas toujours désarmé et le Protego fit s'écraser le maléfice. Écoutant la scène, la joie de voir cette fille le défendre s'évapora. Certes, il y avait la satisfaction d’apercevoir du coin de l’œil la bande de dégénérés rentrer chez eux la queue entre les jambes, mais avait-il bien attendu ? Il avait fait perdre cinq points à Gryffondor ? Et pourquoi ? Parce qu'il s'était fait passer à tabac ? Non-peut-être, qu'il aurait dû tendre l'autre joue et, à chaque Flipendo réussi sur sa personne, déclarer à quel point il était sous le charme d'une telle expertise dans l'acharnement.

Voilà, la prochaine fois qu'on menacerait de le blesser, il ferait un câlin. Que pouvait-il mal se passer ? À part un séjour plus ou moins long à l'infirmerie. Le soulagement laissa place peu à peu à la rancœur et à un esprit révolté qui lui fit presque oublier que la demoiselle l'avait sauvé.

Alors qu'il était prêt à lui cracher un venin digne des plus beaux cobras, il fut déconcerté par la grâce des mouvements de cette dernière qui attendait visiblement des explications. Presque ensorcelé par ce charme, il eut besoin de quelques secondes avant que la rancœur, bien qu'adoucie, ne reprenne sa place.

« Oh pardon... Cela aurait été plus correct si j'avais remplacé sœur par cousine ? J'ai un peu de mal avec la généalogie sang-pur... Peut-être parce qu'elle ressemble plus à un cercle qu'à un arbre... »

Faisant des mouvements de tête comme s'il était en pleine réflexion, il dut rapidement s'arrêter en raison du sang qui lui montait au cerveau. Un élève intelligent aurait menti, disant que ce n'était pas lui, que c'était un autre élève... Pas Rhys. Il avait bien des défauts, mais il était prêt à assumer ce qu'il disait.

« Aïe. Bref, désolé, je dois avouer que l'insulte m'est venue plus rapidement que le compliment quand je suis désarmé, tête en bas, face à cinq individus contre moi. Mais la prochaine fois, je garderai des fleurs sur moi pour leur offrir. Peut-être que ce serait une attitude plus acceptable ? Ou alors peut-être que j'aurai même dû les aider dans leur perfectionnement de leur Flipendo. Ils manquaient un peu d'énergie, ils ne faisaient pas assez mal ! »

Le sarcasme était une chose qu'il avait appris à développer. Pourquoi ? Car les saillies verbales lui permettaient d'éviter d'avoir envie de cogner tout ce qui le contrariait. D'ailleurs, cela faisait aussi que la personne en face le cognait en premier, donc ce qu'il lui faisait n'était rien d'autre que de la légitime défense. Bref, le Ddraig était un habitué des problèmes et des rixes. C'était presque une habitude les combat avec les Serpentard. Ce n'était pas tant la maison son problème que sa forte concentration en sang pur. Remarquant à ce propos les couleurs de la rousse ainsi que son insigne, le gryffondor se rembrunit un peu plus.

« Belle justice d'ailleurs. Six points en moins chacun pour une agression et cinq pour une insulte d'un élève désarmé et... » Maltraité ? Soumis ? Pathétique ? Sans défense ? Impuissant ? Il y avait une phrase que lui avait dite un jour un de ses amis... À force d'être trop têtu, Rhys finirait buté. Le jeu de mot amusait le garçon, même si visiblement, il n'en avait pas vraiment appliqué le conseil. « Malmené. Il faudra leur dire de venir plus nombreux si les préfets font des tarifs de groupe ! »

Rhys incarnait en ce moment-même l'ingratitude à l'état pur. Le pire était qu'il en avait lui-même conscience et il affichait désormais davantage les traits d'un garçon boudeur que la harpie qu'il était face au club des cinq. Essayant de nouveau de se défaire du sortilège par sa seule volonté, il n'eut pour seul résultat que des mouvements inutiles n'ayant eux-mêmes pour seule conséquence que le faire de tourner sur lui-même, ce qui rajoutait au pathétique de la situation. Cela n'améliora d'ailleurs pas son humeur, il avait l'impression qu'il pouvait voir sa dignité le fuir comme si elle coulait au sol depuis ses poches renversées. Alors que son visage faisait désormais face au mur dans une nouvelle rotation, il soupira et se contenta d'ajouter.

« Je suis sans doute un peu injuste dans le fond... Enfin, je pense ce que je dis... Mais c'est sans doute ingrat de ne pas te remercier de m'avoir défendu... Même si la décision est injuste... Sans toi, je serai à l'infirmerie... Donc... Merci. »

Désormais, son visage était de nouveau face à la jeune femme. Profondément agacé, il regarda vers sa baguette. S'il avait été malin ou tout du moins un peu plus humble, il aurait demandé de l'aide à la préfète de le libérer. Pourtant, ce qu'il demande fut tout autre.

« Du coup... Tu pourrais me donner ma baguette pour que je me libère du maléfice ? Je ne dis pas... Le sang qui irrigue le cerveau ça fait du bien... Mais là, il est en train de l’inonder. »

Il était passé d'une tempête furieuse et corrosive à un simple comique qui avait pour principal tort de se trouver drôle.

Plutôt que de s'excuser platement de son ingratitude, non, il avait fallu qu'il creuse dans son sarcasme et dans son numéro. D'ailleurs, cela ne semblait pas faire réagir la rousse. Certes, elle n'était pas ravie, mais elle ne lui avait toujours pas crié dessus, ni ne l'avait menacé. Cela renforça un peu plus la pointe de culpabilité qui s'enfonçait peu à peu dans le cœur du lionceau. Pourquoi avait-il fallu qu'encore une fois sa colère s'épanche sur un tiers qui n'avait que peu à voir avec l'objet de cette dernière ? Il en venait presque à croire que le Ciel avait décidé de s'acharner sur lui pour lui rappeler que la justice d'une colère ne dépendait que de sa capacité à la maîtriser, exercice dans lequel il était encore plus que défaillant. Acceptant de le libérer, ce dernier tomba au sol, poussant un léger cri de surprise.

Évidemment, encore la tête dans la confrontation, il avait oublié qu'annuler le sort, c'était de nouveau faire l'objet des lois de la gravité. Formidable, le reste de sa dignité venait de fuir dans un trou de souris dans le mur opposé. De tous les matins, c'était sans doute un des pires qu'il avait vécu. Pourtant, il en avait connu des matins sonnés soit par l'alcool soit par les combats de la veille. Que faire ? S'excuser de nouveau ? Non, cela sonnerait creux. Se relevant péniblement, il récupéra sa baguette non sans arquer un sourcil à la remarque de la Serpentard. Pourquoi l'aurait-il attaqué ?

« Merci... »

Il regarda un instant sa baguette. De loin, on aurait pu croire qu'il hésitait, mais il ne comprenait juste pas la logique. Certes, elle avait été injuste dans sa décision, mais elle l'avait sauvé, elle ne l'avait pas insulté malgré son ingratitude. Définitivement... Elle le prenait pas une brute sans cervelle ? Visiblement. Difficile de dire si c'était la honte ou l'orgueil blessait qui rugissaient le plus dans les coffins de son âme. Toujours perplexe, il la rangea à sa place avant de rejoindre la demoiselle pour participer à la récupération de ses livres. C'était pour le secourir qu'elle les avait laissé tomber sur le sol, l'aider semblait donc la moindre des politesses.

Alors qu'il soufflait sur la saleté qui avait recouvert le seul livre qu'il avait eu le temps de ramasser, elle commença sa tirade. Un juste retour des choses ? Sans doute pour le commun des mortels. Sang-pur, hein ? Cela figea sur place le Gryffondor, dont le regard se ferma. Pourquoi fallait-il qu'ils poussent comme des champignons ? C'était la première pensée qui lui traversa l'esprit. Il avait l'impression que peu importe où il irait pisser, il y aurait toujours un consanguin au détour d'un couloir pour lui rappeler le déchet qu'il était aux yeux de la société sorcière.

Rhys ne savait pas encore quoi penser de cette tirade. Le fait qu'elle soit sang-pur n'était pas si gênant que ça. Après tout, Apolline l'était aussi... En revanche, tout son argumentaire heurtait le lionceau qui essayait de ne pas remonter sur ses sombrals. Il ouvrit la bouche comme pour répliquer, mais ce fut à ce moment qu'il réalisa la main qu'elle lui tendait. L'hésitation dura quelques secondes, mais ces secondes avaient semblaient durer des heures dans l'esprit du gallois. Or durant ces heures, il se déchira avec lui-même, déchiré entre sa fierté, sa culpabilité, sa reconnaissance et sa rancœur...

Pourquoi ne pas la lui serrer ? La réponse était évidente. Ce n'était pas à cause de l'injustice des points. Ce n'était pas non plus à cause de sa tirade, mais simplement à cause de son sang. Car même s'il avait des proches qui étaient de sang pur... Ils étaient proches malgré leur sang. Finalement, au fond de son cœur, Rhys avait conscience d'une réalité qu'il refusait d'accepter. Des deux actuellement, il était celui qui entretenait le racisme et cette simple évidence était si violente qu'il préférait la rejeter, la rousse avec. Cependant, le charme surnaturel de la demoiselle aidant sans doute, il finit par lui prendre la main.

« Je vois... »

Rendant partiellement les armes, il chercha à ne pas rentrer dans un débat, mais ses lèvres qui ne vivaient désormais que pour agacer ne purent s'empêcher de laisser échapper.

« Vous semblez confondre agresseur et agressé, princesse. Contre les forces du mal, on apprend qu'il faut se battre, pas seulement se montrer réfléchi et constructif. Il en va de même contre certaines... Pratiques. »

Il n'alla pas plus loin sur le sujet.

Elle avait cherché à le provoquer en dévoilant son origine d'une telle manière... Manière qu'elle appuya avec la symbolique de la main tendue... Il ne l'avait pas rejeté, mais il était trop difficile de ne pas se comporter comme un enfant à la vouvoyer et la traiter comme une noble des contes de fées. C'était sa manière de rentrer dans son jeu de manière assez désinvolte. Lâchant finalement sa main avec un petit sourire le gryffondor ajouta d'une voix plus douce.

« Je vous dois des excuses par deux fois... La première pour mon ingratitude quand vous m'avez sauvé. La deuxième pour l'insulte involontaire à votre encontre... Comment puis-je me rattraper ? »

Ce n'était pas la première fois qu'il devait baisser la tête en raison de son emportement. Bien sûr, on aurait pu croire qu'il aurait appris à force, mais il répétait chaque fois la même erreur, de mille et une façon différente. Le seul point positif était que malgré cette répétition, il n'avait jamais cessé de reconnaître, après un certain laps de temps et après avoir aggravé son cas le plus souvent, le tort qu'il avait commis.

« Nous aurons tout le loisir de régler le problème des points après... Vous en vouloir pour une chose ne veut pas dire que je ne peux pas vous être reconnaissant pour d'autres. »

Continuant le petit jeu du gueux et de la princesse qu'il appuyait assez pour que cela en soi ridicule... Non sérieusement, qui pouvait avoir un nom aussi long et pompeux ? Le sien était simple, six lettres contre trois noms complets... Définitivement, ils ne vivaient pas dans le même monde. D'ailleurs comment ils faisaient en primaire ? Quand ils apprenaient à écrire cela devait être compliqué de retenir autant de lettres. Bref, ce n'était pas vraiment le sujet et il finit par lui tendre le livre.

« J'allais oublier, ceci est à vous princesse... Ne m'en voulez pas si je ne donne pas votre titre complet, mais je risquerai d'écorcher un de vos précieux noms... »

Ne finissant pas sa tirade, il essaya d'étouffer quelques gloussements, malheureusement sans grand succès. D'accord, c'était mal parti pour se rattraper, mais ça ne l'empêcher pas d'être sincère. La bêtise n'allait pas à l'encontre de la sincérité. Surtout que l'humour était un bon moyen pour faire baisser en tension les situations, quand ce dernier était bien fait. Était-ce le cas avec Son Altesse ? Le doute était permis. D'ailleurs Gavalagh-Korrigan Almadovar, il avait déjà entendu ça quelque part... Mais où ?

Il n'avait pas fallu longtemps au gryffondor pour comprendre qu'il avait merdé. Comment un seul mot avait pu autant rembrunir une fille qui semblait ouverte à lui faire la morale ? Il n'en avait aucune idée. Sa première réaction alors qu'elle lui arracha le livre des mains fut de se dire que c'était tant mieux d'être débarrassé d'une fille avec un caractère encore pire qu'un Scroutt à pétard... L'orgueil encore une fois fut la première réponse, mais rapidement, la voyant s'éloigner, il ne put s'empêcher de soupirer. Peut-être y avait-il une raison à cette hostilité soudaine. Non, bien sûr qu'il y avait une raison, mais peut-être que c'était plus qu'un simple orgueil froissé. À cette idée, plusieurs théories se bousculèrent dans l'esprit du gryffondor. Peut-être avait-elle était harcelée, car effectivement, elle avait du sang royal d'un autre pays ? Peut-être qu'elle avait souffert d'être traitée comme une princesse, mais dans une version péjorative... Ou peut-être n'était-elle pas si proche que cela de ses parents et le fait de rire de ce besoin de donner le nom complet était malvenu. D'ailleurs, même si aucune de ces hypothèses n'était vraie, allait-il la laisser partir blessée juste parce qu'il considérait qu'il n'avait rien fait de mal ? Était-il si hypocrite pour finalement ne pas vouloir s'excuser comme il le prétendait ? La simple idée de cette duplicité dans sa personnalité l’écœura et le fit marcher derrière la préfère.

« Écoute... »

Troisième essai, peut-être, serait-il le bon. Après tout, qu'avait-il à perdre. Elle ne lui avait fait aucun tort. Enfin... Il y avait bien cette histoire de point, mais à côté du racisme dont avaient fait preuve ses camarades, cette préoccupation matérielle était presque négligeable, du moins pour le moment. Le problème était qu'il avait beau l'avoir interpellé, il n'était toujours pas sûr sur la procédure à adopter. Tant pis, il parlerait avec le cœur, qu'est-ce qui pourrait mal se passer ? Ce n'était pas comme s'il empirait la situation chaque fois qu'il parlait sans réfléchir.

Finissant par trottiner pour se mettre sur le chemin de la serpentard, il écarta les bras comme pour lui bloquer le passage. Là encore, la tentative était osée et sans doute même idiote, mais perdu pour perdu, autant se lancer dans une ultime tentative.

« Oui, je suis un mufle. Mais je n'avais aucune envie de te charger... Ou pour reprendre ta métaphore... Te chier sur les bottes. Mais même si je suis parfois injuste... Impulsif aussi... Je n'avais pas envie de te... Heurter ? Donc s'il te plaît... Juste un monologue d'explication et si tu veux ne plus entendre parler de moi... Soit... Je n'insisterai pas plus. Je veux juste une chance de faire en sorte de ne pas t'avoir blessé malgré moi. »

Même si le retrait des points était toujours injuste. Néanmoins, faire une fixette dessus n'allait pas l'aider. Les bras s'étaient d'ailleurs repliés pour que ses mains se rejoignent. Ce n'était pas tellement une prière, mais plus à la manière des Italiens.

« Donc si c'est le mot princesse qui t'a vexé, je ne voulais pas te blesser avec... C'est juste... »

Que c'était un idiot avec parfois une bonne volonté, mais une maladresse humaine qui faisait douter son entourage le moins proche de son intelligence... Pourtant, académiquement, on ne pouvait rien dire à ses capacités. Le problème était réellement humain. Il avait ses raisons, mais ici, ce ne serait rien d'autre que des justifications. Or, s'il avait arrêté la demoiselle, c'était pour s'expliquer et non se justifier. Qu'elle trouve ses explications pertinentes ou non, cela lui appartenait.

« Je suis un mufle, mais aussi un clown. J'aime le sarcasme, j'aime l'humour... Y compris sur moi. Je sais déjà que la préfète en chef va me passer un savon et que je vais désamorcer en me moquant de moi-même à affronter cinq personnes alors que je suis seul... Ce qui n'est pas l'idée du siècle. Donc si je voulais rire, ce n'était pas pour me moquer... Juste essayer de rire avec toi et montrer que... Je n'étais pas juste un mec qui aimait se battre et cracher sa rancœur... »

Il avait encore du mal avec ça, pourtant cela faisait six ans qu'il essayait. Depuis que ses parents l'avaient traité de monstre, tous les efforts lui semblaient plus difficiles ou futiles. Néanmoins, sa tragédie personnelle n'était pas une excuse, cela, il l'avait compris dès ses premiers jours. Le problème était que, à l'instar des cours de sortilèges, il y avait un monde entre la compréhension et l'application.

« Si j'ai voulu rire de princesse... C'est parce que justement, un nom veut dire quelque chose... Non, je m'explique, si après tu veux me mettre une baffe, tu peux... Mais juste... Laisse-moi aller au bout de mon idée... »

Agitant de nouveau les mains jointes, la tête toujours haute, l'attitude du gryffondor s'était métamorphosé. Passant du cancre au clown, il présentait désormais le visage de l'élève studieux, capable d'avoir une pensée autre que celle de la violence verbale ou magique.

« Je m'appelle Rhys Ddraig. Dix lettres... Tu as trois noms de familles... Qui, chacun, fait presque la taille combinée de mon prénom et de mon nom de famille... Les noms composés et l'utilisation d'un nom maternel est marqué socialement... Et d'ailleurs, le marquage social va souvent avec une position économique ou de sang... Si tu prends dix personnes avec un nom aussi long que le tient dans le monde magique... Peut-être que huit ou sept minimums viennent d'une forme d'élite, que ce soit de sang ou économique. Ce n'est pas un problème hein ! J'explique juste le décalage. Je suis admiratif. Moi, j'aurai eu des difficultés à l'école au moment de mon apprentissage à l'écrit si j'avais dû retenir tout ça... Non, il faut que j'arrête l'humour, je sens qu'aujourd'hui ce n'est pas ma journée pour ça. »

Ses mains se délièrent et il se gratta la tête. Bien maintenant qu'il avait dit ça, qu'est-ce que ça pouvait lui faire qu'il était juste un idiot incapable de faire preuve d'un minimum d'empathie ?

« Enfin même en disant ça, même si les noms voulaient dire quelque chose sur la position... La position ne dit pas tout sur l'individu... Mais les mots utilisés, les regards... Eux, ils ont une signification. Rarement, un sang-mêlé m'a traité de sang de bourbe. Et plus rare sont ceux qui l'ont fait sans que cela n'ait été murmuré par un sang pur avant. Et ça, ce n'est pas depuis ma première année à Poudlard, mais depuis mes huit ans. »

Il se mordit la lèvre à cette dernière phrase, allant trop loin dans son explication, non sa justification. Comme s'il avait besoin qu'on lui dise qu'il avait raison. Cependant, même s'il connaissait son nom, elle restait une inconnue. Elle n'avait pas à connaître tous les détails de sa vie.

« Bref, ce n'est pas le moment pour me justifier... Juste c'était pour expliquer... Je ne voulais pas rire de toi, mais avec toi... Désolé, si ce n'était pas partagé, mais j'étais sincère quand je disais que je voulais me rattraper. Je te devais des excuses par deux fois, maintenant par trois. Et même si je me prends comme un mufle, ça n'empêche pas la sincérité... »

Car même s'il lui était incapable de culpabiliser d'avoir blessé ces Serpentard, il ne pouvait s'empêcher de la faire concernant le fait de l'avoir blessé elle. Une personne qui n'avait rien fait ne devrait pas avoir à payer les torts de ses congénères. Le principal défaut de sa pensée était qu'il ne voyait pas qu'en cherchant à toujours se vengeant de ceux qui l'offensaient, il allait forcément blesser les gens proches de ces personnes, qui eux étaient innocents. Loin de cette considération, un peu plus penaud qu'au départ de son discours, Rhys leva la main pour la tendre vers la préfète.

« Donc... Tout ça pour dire... Est-ce que je peux faire quoi que ce soit pour rattraper le tort que je t'ai causé, Siobhán Gavalagh-Korrigan Almadovar ? »

Sa langue avait fourché au milieu, et il remercia toutes les divinités possibles qu'elle ne lui ait pas données ses autres prénoms, mais espérant tout de même que la main tendue serait prise. Sinon, même s'il ne changerait pas le tort causé, au moins il aurait essayé. Il ne pouvait se demander plus que ça.

Même si elle ne semblait pas au départ vouloir de ses explications, il était rassuré de la voir s'arrêter alors qu'il lui barrait la route. Certes, on aurait pu se dire que c'était naturel de s'arrêter quand quelqu'un nous barrait la route. Cependant, il existait un monde où le Gallois finissait avec sa masculinité écrasée s'il ne se dépêchait pas de montrer un meilleur visage. Ce qu'il fit, non sans difficulté. Ce n'était pas son orgueil qui lui compliquait tant la vie, après tout, il était capable de l'écarter dès qu'il voyait qu'il se montrait injuste. En revanche, réussir à trouver les bons mots qui étoufferaient son mépris et sa haine contre une caste qu'il abhorrait, cela était plus difficile. Néanmoins, cela sembla suffire, ne serait-ce que partiellement à la demoiselle puisqu'elle finit par lui serrer la main.

Cela réchauffa le cœur de Rhys qui eut un sourire qui rayonnait de sincérité. Il avait toujours été expressif au niveau de son visage avec ce genre de choses. Bien sûr, il aurait eu tant à répondre... Par exemple, quand elle disait qu'elle ne portait pas d'intérêt au sang... Ce n'était pas vraiment la question. C'était génial que des gens ne portent pas d'intérêt à ça, mais cela ne changeait pas que beaucoup le faisaient au point que ça restait un problème social. Donc demander à quelqu'un de ranger sa rancœur sous prétexte qu'on n'était pas comme les autres, c'était un peu délicat. Après tout, il n'irait pas voir un loup-garou pour lui dire qu'il n'avait pas d'intérêt dans son problème de fourrure. Oui, effectivement, mais cela ne changeait pas qu'il ne pourrait jamais comprendre cette peur de la pleine lune, cette terreur à l'idée de se transformer en meurtrier, la douleur de sentir son corps changer ni même pas persécution sociale face à l'honnêteté ou le poids du secret. Enfin, il avait aussi conscience que finalement, à bien des égards, son sort était préférable aux hybrides.

Après tout, le sort des né-moldu s'améliorait et ce qu'il restait de discrimination n'était plus aussi violent. D'ailleurs, il n'y avait pas des personnes spécialisées dans la chasse aux moldu. Ceci étant dit, même si cela aurait dû le calmer, cela ne faisait que le révolter encore plus. Enfin... Elle n'y était pour rien. Même si son discours n'était pas parfait, il avait le mérite d'alléger l'humeur du Gryffondor, libéré du poids de la culpabilité. Surtout que le sien était loin d'être parfait aussi, vu qu'à bien des égards, il ressemblait à ce qu'il critiquait.

« J'apprécie tes excuses... Même si je sais que tu n'y es pour rien. Pour ce qui est des choix... Le problème, c'est que nous décidons de l'option que nous prenons, mais nous décidons rarement entièrement des options que nous avons. C'est en ce sens que... Enfin pas de politique ! Je t'ai assez ennuyé avec ça ! Et puis ce n'est pas vraiment le sujet ! »

De toute façon, il semblait incapable de rester longtemps énervé contre elle. Siobhán avait en elle un charme ensorcelant... Oh, ce n'était rien comparé à Lheina qui était capable d'améliorer le moral du lion avec un seul regard, c'était plus diffus chez la préfète. Et ce n'était rien comparé au charme de Finn qui plus d'une fois l'avait fait douter de sa sexualité. D'ailleurs... Finn... Tel un éclair, le Gryffondor écarquilla les yeux avec un mélange de surprise et d'horreur.

« Gavalagh-Korrigan ! Je me souviens où j'ai entendu ce nom à rallonge ! Sans vouloir t'offenser. T'es la sœur de Finn ? Le meilleur coureur de... Erm... Le meilleur pote de soirée possible ?! Mais il fallait le dire tout de suite ! »

Même si le sourire d'avant avait été sincère, celui qu'il abhorrait, une fois la surprise passée, respirait le bonheur. Le simple souvenir de cet escroc de Finn achevait de le faire oublier pour un temps l'altercation avec les consanguins. S'il était étonnant de voir le garçon être aussi heureux celui qui méprisait les sangs purs à la simple évocation de l'un d'entre eux, Rhys ne voyait pas le paradoxe, bienheureux les simples d'esprit et les hypocrites.

« Comment il va d'ailleurs ? J'ai cru comprendre qu'il partait à l'étranger pour le semestre ? Tu sais, d'une certaine façon notre relation commence mieux qu'avec lui. Le premier échange réel qu'on a eu, c'était moi qui voulais lui casser le nez. Ça a fini en excellent pote de soirée. »

Le Gallois eut un rire semblable à un rugissement qui rappelait pourquoi il était dans la maison de rouge et d'or. Cet épisode avait cimenté une belle amitié, bien que superficiel. Ni lui, ni Finn ne parlaient des soucis qu'ils cherchaient à oublier les quelques fois où le Gryffondor s'accordait du temps pour des soirées.

« Et du sais pour le nom, je te taquine, mais mon... »

Père, c'était le mot qu'allait dire le garçon, pourtant, plutôt que de le dire, il se mordit la lèvre inférieure avec une certaine force. Il ne parlait pas de ce genre de sujet et quand cela lui échappait, il s'en voulait terriblement. La légèreté et le bonheur désertant son visage, il finit par se reprendre après une courte pause.

« Disons que ma famille est assez fière du nom Ddraig... Il n'a rien de noble, mais selon eux ça viendrait de Pen Ddraig, soit Pendragon... Donc on aime bien se la raconter façon chevalier Arthurien. Enfin bref... Cela te tente un verre après les cours ? Pour que je finisse de me faire pardonner pour la gêne ? Et pour que je te soudoie afin d'oublier cette histoire de cinq points en moins... Je n'ai pas envie de me faire taper. »