Shopping et potins # Aphrodite

06.01

L'invitation aux fiançailles de Lord Goldworthy ne s'était pas faite attendre. Émanation directe des succès et pêches infructueuses du Bal de Yule, les familles McSwann et Goldsworthy avaient trouvé une entente tout à fait... délicieuse. Il allait sans dire que toute la bonne société était conviée et il aurait été de mauvais goût de figurer absent. Aphrodite Longerbane n'avait pourtant que peu d'affection pour le fiancé et encore moins d'atome crochu avec la fiancée. Mais ce que cette invitation avait de bien, c'était qu'elle allait lui permettre de passer un peu plus de temps avec sa belle-soeur. Atreus avait la fâcheuse habitude de l'accaparer loin de l'aimable société des autres Longerbane. Elle savait bien pourquoi mais quand Chelsea lui avait fait proposé ce rendez-vous, elle avait intérieurement tiré la langue à son aîné (de quelques minutes), ravie de cette opportunité.

Mais voilà, la délicieuse Miss Aphrodite commençait à sentir qu'Atreus avait encore retenu Chelsea. L'idée lui tira un doux sourire. Comment lui en vouloir. Il était si rare qu'Atreus se montre passionné et déraisonnable. Sa fiancée en devenir avait ce talent miraculeux de le sortir de son carcan de perfection et c'était un bien. Il avait beau démentir, elle le voyait bien, elle. Cela avait la saveur de l'amour naissant. Drapée dans une tenue choisie par Miss Krépine pour mieux passer inaperçu dans le Londres Moldu, Aphrodite attendait depuis un petit quart d'heure quand la ravissante blonde la rejoignit.

Aux excuses qu'elle lui présenta, Aphrodite eut un charmant et discret rire. Elle voyait très bien ce que Chelsea entendait par là, pour autant, elle se fendit d'un étonnant jeu de transparence :

« Pas vraiment, je le crains. », avoua-t-elle sans craindre un instant que Chelsea ne se moque de son innocence toute fraîche. L'éducation qu'elle avait reçu ne laisser de toute manière aucune place au doute : Aphrodite ne pouvait qu'être innocente. Cela ne la rendait pas complètement ingénue pour autant. Elle avait tout de même deux frères et quelques amies moins chaperonnées qu'elle. Dans son regard, ce petit éclat pétillant et espiègle, large de sous-entendus, répondait à merveille à la remarque de Chelsea, « En tout cas, [tu es rayonnante, comme toujours. », un autre sourire en coin puis elle balaya le sujet pour ne pas paraître non plus indiscrète.

« Pouvoir n'est pas devoir. Très sincèrement si je puis me fendre d'une recommandation, je ne gagerai pas que Mr Goldsworthy se rassasie d'une seule femme. Mieux vaudrait ne pas lui donner une trop large idée de ce qu'il peut s'autoriser à rêver si tu veux mon avis. Mais tout de même, faisons en sorte que nos fiancés rougissent d'orgueil quand nous entrerons à leur bras. », elle ne se voyait pas s'enlaidir pour fuir les appétits répugnants de leur hôte, « Je te suis, c'est la première fois que je mets les pieds dans le Londres moldu ! », annonça-t-elle, gaie comme un pinçon.

06.01

A l'expression de Chelsea, qui la dévisageait de ses deux immenses yeux effarés, Aphrodite eut un petit rire. Elle n'était pas du genre à se cacher de ses défauts ou lacunes. Elle n'en avait d'ailleurs pas honte, raison pour laquelle elle avait livré ce petit détail avec tant d'espièglerie, qui plus était, à une jeune femme qui elle, avait déjà l’expérience de la chose.

« Ne prends pas cet air effaré. », se moqua la jolie rousse sans se départir de son regard facétieux, « Il n'y a rien de choquant à ce que  @Xris Andērson soit ma première relation. Et je compte bien qu'il soit aussi la dernière, ne te déplaise. »

Elle savait le désamour qui régnait entre ces deux-là. Si au tout départ, les remarques de Chelsea l'avaient piquées, elle avait su réviser son jugement. Aphrodite avait pris le parti de le prendre avec humour. Elle ne boudait d'ailleurs jamais son plaisir à rappeler à l'un comme à l'autre, qu'ils seraient bientôt de la même famille.

« Tu m'imaginai emmener mes prétendants à tour de rôle dans nos jardins des Ombes-Moires le soir de Yule ? Certainement pas. Je n'ai pas eu beaucoup d'occasions de fauter depuis l'adolescence. Lady Antonia y a veillé personnellement. »

Et c'était la plus sincère vérité. Certes, elle ne pouvait pas tout dire de cette petite réclusion. Les craintes de Lady Antonia quant à leur naissance, l'avait tout simplement portée à ne prendre aucun risque. Mais l'adolescence était passée, sans heurt, et désormais, elle s'autorisait à leur laisser plus de mou. Dire que ses frères avaient contourné les interdits à mille reprises, même Ares avec son petit air fleur bleue innocent. Mais à elle, la seule fille au milieu de ces messieurs, on n'avait rien lâché du tout. Elle n'avait de toute manière pas le tempérament désinvolte de ses frères qui moquaient sans cesse sa naïveté et ses idéaux romantiques.

La jeune Longerbane eut un sourire un peu pâle, pensant à cet avenir sans nuage que contemplait Chelsea. Des nuages, elle, en voyait beaucoup à l'horizon mais elle s'efforçait de faire confiance aux personnes qu'ils avaient choisies d'avoir à leurs côtés. Elle espérait juste qu'ils aient devant eux assez de temps pour parler, bien qu'elle fut jusqu'alors la seule à l'envisager. Un jour où l'autre, le triste dessin d'Astoria leur tomberait dessus. En attendant, le ciel était effectivement sans nuage. A quelques exceptions près :

« Des regards ? », pouffa-t-elle, « S'il avait eu le tact de s'en tenir là. Quelque part je plains Desideria McSwann. Passer une vie avec un homme pareil : mais pitié quel enfer ! Il va passer son temps à la presser comme un citron pour avoir des héritiers, sans parler de son aversion manifeste pour les femmes instruites ou un tant soit peu passionnées. Comment a-t-il dit déjà ? Ah oui : Ne cherchez pas une femme qui a de l'esprit... vous vous en rendrez vite compte, la qualité première d'une bonne épouse ça n'est pas la cervelle !. Le jardinage : ah ah ah comme c'est charmant ! Nous avons des domestiques pour ça ! Grrrr... »

L'imitation était hilarante, quand bien même, Aphrodite n'y mettait pas toutes les grimaces qu'une autre, moins bien élevée qu'elle, aurait pu y glisser. Et Chelsea de rebondir sur une comparaison flatteuse pour Xris. Aphrodite retourna ostensiblement la tête vers elle, la gratifiant d'un regard appuyé. Aussitôt, la jolie blonde réagit.

« C'est très tentant je dois le reconnaître. Tu finiras bien par le lui avouer toi-même. », répondit Aphrodite d'une petite voix chantante, sous entendant que leur inimitié ne pourrait pas durer éternellement.

Elle continuait de suivre Chelsea dans les rues du Londres moldu. Une grande première pour elle mais sa belle-sœur semblait savoir ce qu'elle faisait. Ses yeux curieux se promenait sur les bâtiments, admirant en silence les curiosités de l'architecture moldue. Elles finirent pas entrer dans une boutique dont l'enseigne indiquait Browns.

« Ça me va. » conclut-elle tandis que Chelsea hélait les employés de la boutique comme s'il s'était agi de son petit personnel. Evidemment, les principaux intéressés rappliquèrent et la conversation reprit comme s'ils n'étaient pas là. Aphrodite venait à peine de jeter son dévolu sur une robe de cocktail argentée dans laquelle elle s'imaginait parfaitement bien Chelsea, quand celle-ci lui coupa la chique.

Elle rougit. Ses lèvres se pressèrent l'une contre l'autre dans un pli gourmand alors qu'elle s'efforçait de réprimer un sourire. Elle s'éclaircit la voix devinant d'avance qu'il était inutile de chercher à détourner la conversation. Dans son trop long silence, on pouvait déjà deviner qu'y songer était déjà un plaisir en soi.

« Oui et c'était... intense, tendre, grisant, je ne sais pas : tout cela à la fois ! Je crois bien que je ne pourrais jamais dire non à ça. Toi je ne te pose pas la question, je sais très bien comment est mon frère... mais dis le moi quand même. Est-ce que ça te fait le même effet ? »

Sa voix était très légèrement montée dans les aiguës, poussée par cette dynamique très girly qui s'installait entre elles à l'insu d'Aphrodite.

06.01

« Il n'y a pas qu'une façon de se faire une idée Chelsea. Je ne me permettrais pas de juger de ce que je ne connais pas mais en ce qui me concerne, s'il y a quelque part quelqu'un dont j'apprécie autant les silences que la conversation, quelqu'un dont le regard me porte au meilleur de moi-même et si cette personne est là quand j'ai besoin d'elle, alors tout est dit. Les autres m'importent peu, je ne les remarquerai sans doute même pas. », elle savait ce qu'en dirait Chelsea. Cela faisait partie de ces choses qu'elle ne pouvait pas comprendre. Ce genre d'attachement n'était pas de ce monde et il passerait au mieux pour naïf. C'était ainsi que l'aurait qualifié Atreus avant qu'elle ne rencontre  @Xris Andērson. Et justement parlant de Xris, « Chelsea ! », s'étrangla Miss Longerbane alors que sa belle-soeur ramenait encore sur la table l'impressionnant tableau de chasse du fruit qu'elle avait décidé de pourrir jusqu'au bout, « Ça m'est égal si c'est du passé. Ca ne me regarde même pas à vrai dire. Et toi non plus ! », se récria Aphrodite, s'efforçant d'ignorer cette pointe de  jalousie qui la piquait juste là où ça faisait mal. Elle n'avait jamais eu d'occasions d'être vraiment jalouse et elle ne doutait pas encore, à ce stade, qu'elle n'en n'aurait pas plus à l'avenir.

Les joues encore empourprées, elle suivit sa belle-soeur dans le magasin où les vendeurs leur faisaient des ronds de jambes autant qu'ils le pouvaient. Cette jolie teinte commençaient à peine à s'estomper quand Chelsea jugea bon de pousser encore un peu plus loin. Cette fois-ci Miss Longerbane manqua s'étouffer.

« Je me sens salie rien qu'à l'idée... », réfuta-t-elle. Des parties de jambes en l'air. Un affreux frisson lui courut dans le dos. Cela ne faisait pas partie de son monde de soi à elle. « J'ai probablement une vision trop romantique de la chose : rien que l'idée d'une telle profusion d'expériences me révulse. », et d'ailleurs, au petit frisson involontaire sur son épaule, on ne pouvait que croire à cette affirmation, « Je ne sais pas comment toi tu peux l'admettre. Cela va de pair avec ton histoire de fruit j'imagine. Le mien se doit d'être unique, qu'importe si cela fixe la barre trop haut. » Tout à coup, elle s'imaginait Chelsea engloutissant des quantités de grappes de raison, lascivement abandonnée à la table d'un dîner à la romaine comme certaines familles de sang pur s'amusaient à en organiser. Une petite grimace chiffonna son joli minois. Dans le même temps, elle se demandait ce que Xris penserait de tout cela. Peut-être allait-il fuir devant la liste de ses attentes à elle ? Du moins si tous les jeunes gens de leur âge nourrissaient les mêmes opinions que Chelsea à ce sujet... c'était en tout cas sans doute l'opinion de Goldsworthy qui avait tant de belles choses à dire des femmes, « Je crois bien que Miss Desideria ne regard qu'à faire un mariage au-dessus de sa condition. Une jeune femme dispendieuse à ce que l'on raconte... »

Le choix du mot était curieux mais, à en juger au bonheur affiché de son père de se débarrasser de cette demoiselle-ci, Aphrodite n'avait pas jugé bon d'en changer pour un qualificatif moins avilissant.

Revenant à cette ridicule querelle entre Chelsea et Xris, la blondinette se défendait de jamais faire le premier pas :

« Est-ce si important ? Le fait que tu tentes de m'inciter à faire mes propres expériences remet largement les compteurs à zéro à mon avis. Et puis, tu seras bien contente que tes enfants aillent prendre l'air chez leur oncle Xris pour que toi et Atreus... preniez du temps pour vous. », elle en rougissait encore.

Se faufilant dans la cabine d'essayage avec quelques robes très printanières, Aphrodite commença à faire les essayages, tout en essayant de chasser de sa tête les entremises de Chelsea. Elle eut une pensée plus tendre pour Xris. Ils n'en étaient pas à ce stade de leur relation quand bien même, elle ne l'avouerait jamais à sa belle-soeur, il lui arrivait d'y songer plus souvent qu'à son tour. Particulièrement quand ils se quittaient sur un baiser suave et sans fin.

« Peut-être une taille en dessous s'il vous plait. Vous pouvez reprendre celle-ci... »

Pendant ce temps, Chelsea répondait à sa question sur son couple avec Atreus. Comment pouvait-on ne pas être tendre avec sa moitié ? Aphrodite fronça les sourcils, se référant à la littérature et les quelques commérages surpris à la volée qui, seuls, avaient nourris son imagination sur le sujet. Mieux valait ne pas poser la question.

Il y eut un très long silence derrière la déclaration de Chelsea. Plusieurs expériences c'était une chose. Mais des hommes. Des femmes. Les deux en même temps. Aphrodite dans l'intimité de la cabine d'essayage se sentit vaguement la nausée.

« Tout va bien mademoiselle ? »
« Très bien je vous remercie... je n'aime pas cette coupe finalement. »

Il allait lui falloir cinq minutes pour se laver l'imagination des ébats scandaleux de sa belle-soeur. Une petite conversation toute en subtilité avec son frère s'imposerait dès que possible. Quoiqu'en son for intérieur, elle savait Chelsea suffisamment intelligente pour ne rien lui révéler qu'elle n'avait pas déjà confié à Atreus. Quelque part, c'était que lui ne devait pas trop s'émouvoir du curriculum de sa future fiancée.

Elle attrapa la tenue choisie par une toute petite ouverture du rideau.

« Charmant. »,fit-elle d'une voix pâle.

Parlait-elle de la tenue ou de la conversation.

« Qu'en penses-tu ? », fit-elle, se révélant finalement après avoir repris un peu de couleur, « Tu as essayé ma tenue ? »

06.01

Un silence s'était installé qu'Aphrodite ne savait pas comment dissiper sans maladresse. A ce jeu-là, Chelsea elle, ne s'embarrassait guère de trop de réflexion, avertissant purement et simplement qu'elle arrivait. Miss Longerbane, peu habituée à ce genre de familiarités enfila à la hâte une robe à chemisier trapèze noire et écru qui s'enorgueillissait d'un décolleté aussi profond que pudique. L'association des deux était improbable mais seyait parfaitement à la jolie rousse. Le tissu épais retombait à mi mollet avec un porté tout à fait princier. D'ailleurs, à l'entrebâillement du rideau, le vendeur eut un petit soupir de ravissement et laissa échapper un commentaire ému à l'attention de ses collègues. Kate Middleton born again. C'est sur ces entrefaites qu'une Chelsea en toute petite tenue se faufila dans la cabinet qui sembla tout à coup très petite. On pouvait seulement se féliciter du fait que Miss Waldorf fut une jeune femme et non point un jeune homme. Or cela, rien ne pouvait être sauvé de la bienséance ni de la bonne éducation des Longerbane. Pourtant... derrière tous ces accrocs à l'étiquette, elle ne fit aucune remarque désagréable.

La mention de ce triste statut de fille unique dont Atreus lui avait rapidement parlé la toucha au coeur. Elle savait bien ce que Chelsea ne disait pas et, pour elle qui avait grandi entourée de l'amour inconditionnel de ses frères, il n'y avait sans doute pas plus destructeur que l'inimitié d'une sœur jumelle. Quelles qu'en fussent les raisons.

Lui accorder le bénéfice du doute pour @Xris Andērson tira un sourire léger à Aphrodite. Bien sûr qu'il n'était pas le crétin inconséquent que Chelsea tentait de lui dépeindre presque à chaque fois qu'elles se voyaient. A ce petit jeu, Aphrodite avait décidé de fermer les yeux, supposant qu'un jour, faute d'argument, tout ceci cesserait.

« Chelsea, je n'ai pas non plus à juger de quoi que ce soit. Si Atreus n'y trouve rien à redire, alors je n'ai rien à redire. Nous apprendrons de l'une l'autre comme deux soeurs devraient toujours le faire et j'espère, que dans un avenir proche nous seront une famille solide et heureuse. », elle la gratifia d'un sourire sincère, un sourire de princesse, « Et ne t'inquiète pas. J'ai deux frères, je peux essuyer quelques critiques sans trop de mal. Par exemple, je parie que cette robe va passer un sale quart d'heure sous l’œil avisé de Miss Chelsea Waldorf. »

Et pour détendre l'atmosphère, elle sortit de la cabine et fit un tour sur elle-même, sans trop d'emphase, juste de quoi donner de l'allant à la coupe amidonnée de sa robe. Les vendeurs, eux, étaient conquis.