For there lies your answers

Rhys avait l'impression d'être un marin en pleine tempête. Régulièrement, il se faisait pousser par le concierge tel le courant poussant un navire. En même temps, s'il arrêtait de traîner les pieds, peut-être que ce dernier serait plus concilient. Néanmoins, n'étant pas fan de ce concierge-là, le gallois prenait un malin plaisir à faire de ce moment une vraie corvée. Il fallait dire qu'en six ans, il avait eu l'occasion de connaître assez personnellement chaque concierge. Il avait presque passé plus de temps avec certains d'entre eux qu'avec ses propres professeurs. Que lui valait ce courroux ? Juste un petit règlement de compte amical entre lui et un de ses rivaux. Cependant, si de manière générale, il se moquait éperdument des punitions qu'il avait, car au moins, il avait le sentiment de se rendre utile auprès du personnel, ce qui était assez agréable, sauf quand le dit membre du personnel était un sang pur aristocrate qui se la pétait, dans le cas présent le gryffondor était moins confiant. Les serres de botaniques, ils les fuyaient comme la peste.

Il était loin le temps où il prenait cette discipline de haut. Une fois, en première année, il avait osé dire que la botanique devrait se renommer potager... Après avoir vu un filet du diable d'un peu trop près, il s'était ravisé. Courageux certes, téméraire aussi, mais pas suicidaire. Depuis, il avait traité la discipline avec un certain respect, mais une distance tout aussi respectueuse. Ce qui ne l'avait pas empêche d'obtenir un Troll en première année. Une fois qu'on lui expliqua que Botanique faisait partie des matières sur lesquelles il serait jugé peu importait son orientation, il grimpa à Effort Exceptionnel, ce qui exaspéra son ancien professeur de botanique. Ceci étant dit, le professeur avait changé. Or, si la botanique avait désormais une aura assez inquiétante pour le garçon, la professeure avait une aura qui collait parfaitement à tout ce qu'il redoutait. Dure, elle n'hésitait pas à mettre les élèves en dangers, du moins c'était ce que l'on disait. Autant le danger avait un côté excitant, quand on parlait d'un dragon, d'un mage noir ou d'affronter la mort elle-même.

Par contre, affronter une plante de cinq mètres de haut capable de gober un être humain et de le dissoudre à coup d'acide pendant des heures sans qu'il ne puisse se défendre, ce n'était pas excitant. C'était beaucoup chose, mais pas ça. Heureusement, cette professeure avait un point positif, sur lequel le garçon s'attardait plus que de raison afin de lui trouver un aspect sympathique. Elle avait un nom gallois, ce qui était assez rare pour être apprécié. Même s'il essayait de ne pas trop penser à sa famille, il était fier de ses origines galloises, Ddraig signifiant Dragon. Il s'était d'ailleurs amusé à apprendre quelques mots de Gallois et travailler son accent quand il était plus jeune.

« Madame Cynfeirdd ! Toujours un plaisir de vous voir. »

Ne se laissant pas déstabiliser par la petite tape dans le dos, Rhys adoptait son sourire charmant d'innocent aux mains pleines. En somme, un sourire d'escroc, surtout quand on savait à quel point il avait peu côtoyé la professeure. D'ailleurs, vu comment elle scrutait son âme de fond en comble, l'aura inquiétant qu'il lui prêtait ne faisait que se renforcer malgré sa petite bravade. Ou alors qu'elle essayait de le scanner. Pourvu qu'elle ne puisse pas voir à travers ses vêtements, il n'avait pas bien accordé son caleçon avec sa paire de chaussettes. Il aurait bien fait un commentaire sur la bienveillance affichée de la professeure, mais son instinct de survie commença à résonner dans sa tête. Or ce dernier était assez peu développé pour que quand il se déclenchait, le gallois le respect dans plus d'histoire. Prenant la paire de gants tendue par la professeure, il la remercia rapidement en écoutant ses consignes.

Ne pouvant s'en empêcher, il ricana en entendant la menace de la professeure. Un mélange de nervosité, mais aussi de désinvolture. Ce mélange si paradoxal s'expliquait par le fait que d'une part, il ne voulait pas passer plus de temps que nécessaire, surtout le soir, à la serre de botanique, mais que d'autre part, elle n'était pas la première à lui faire ce coup. Avant de commenter, il se mit en face d'elle.

« Je savais que je devais être l'élève préféré d'un des professeurs ! »

Il dit cela sans même la regarder préférant observer son milieu de travail. Quand il disait que ça ne lui posait pas de problème le travail d'intérêt général, c'était effectivement parce que ça ne le dérangeait pas d'aider en faisant bien les choses. Sa colère avait tendance à l'emmener dans des problèmes, il était juste qu'il répare les pots cassés. Enfin, si là il pouvait éviter d'en casser de nouveaux pots, ça l'arrangerait. Surtout vu la tronche de certaines plantes, il préférait ne pas faire long feu ici. Et surtout ne pas regretter le fait de souhaiter ne pas faire long feu. Le Ciel avait tendance à lui accorder ses vœux de manière un peu trop littérales ces derniers temps.

« Mais vous savez professeure, si vous voulez tant me voir que ça, il suffisait de le demander... Juste pas le soir de préférence... Je devrai peut-être arrêter l'humour en fait. Alors alors... Rosée de lune... Que je me souvienne... Oui, excusez-moi, je sais que vous n'avez pas toute la soirée, mais quitte à faire, autant bien faire... Surtout qu'elle me dit quelque chose... Rosée de lune... On l'étudie cette conn... Euh, je veux dire majestueuse plante... En première année, je crois, pour mon rattrapage... Hum... Étonnant, je n'aurai pas pensé qu'on la cultivait dans les serres à Poudlard. »

En effet, le garçon n'en voyait pas l'utilité, surtout qu'on pouvait en trouver dans la forêt interdite. D'ailleurs... On s'en servait pour les potions. Certes, la potion de beauté, ça, c'était sûr, mais il y en avait une autre, perplexe, il observa la plante. Mince, il avait sur le bout de la langue, mais il n'arrivait pas encore à s'en souvenir, bon ça lui reviendrait. Prenant un air plus sérieux, il commença à travailler avant de commencer son histoire.

« J'ai fait un duel avec un... Sang pur. »

Même en se contrôlant, il avait du mal à cacher son animosité. Le sang ne voulait pas toujours dire quelque chose, la préfète de serpentard en avait été un bon exemple, Apolline aussi ou le directeur. Mais dans le cas de Cloven, il incarnait tout ce qu'il détestait d'un sang pur.

« On a eu un différent en début d'année où il m'a... Malmené avec quatre de ses copains en début d'année. J'ai promis de me venger ce jour-là... Donc je l'ai défié en duel. Et j'ai... Perdu. »

Le dernier mot coûtait au gryffondor, mais c'était un fait. Il n'y avait pas eu de triche, il n'avait pas d'excuses. Cloven avait été meilleur que lui, ce qui enrageait un peu plus le gallois. Pourtant, il ne s'étendit pas plus, acceptant ce résultat. Bien sûr, il continuerait d'essayer de l'affronter jusqu'à ce qu'il lui fasse mordre la poussière, mais pour le moment, ce n'était pas le cas.

« Le concierge m'a retrouvé, il y avait des traces de sortilèges dans toute la pièce... Ce qui est normal quand un duel dure plus d'une quinzaine de minutes. Il savait donc ce qu'il s'était passé. Il m'a demandé de donner le nom du deuxième élève pour alléger ma peine. J'ai refusé. »

Le visage du garçon devenait de plus en plus fermé alors qu'il cherchait à suivre un rythme constant sur la mise en terre des petits pots d'argile rouge. Le duel était passé, il ne s'agissait pas de s'emporter et de bâcler le travail. Se comportant comme l'élève modèle qu'il savait être en classe, finalement, seule restée la haine dans le ton du lionceau.

« Il a gagné le duel... Chercher à le pénaliser, alors que nous étions tous les deux d'accord, aurait juste été... Déshonorant ? Ça n'aurait pas été un lot de consolation. »

Pourtant, le gryffondor savait bien que si les rôles avaient été inversés, Cloven l'aurait dénoncé. Il n'était pas idiot. Il était fort probable qu'après l'avoir sutpéfixié, c'était Cloven lui-même qui avait dénoncé le duel, prétendant avoir entendu des bruits. Peut-être que le concierge était énervé que Rhys ne se soit pas sauvé lui-même. Mais s'il ne s'en tenait pas à un certain code, en quoi serait-il différent de ce sang-pur ? Même si parfois, il lui arrivait de se demander s'il ne valait mieux pas faire table rase de certaines familles consanguines.

« Madame Miller en a tant besoin que ça pour que vous en cultiviez tant ? »

Maintenant qu'il avait fini son histoire, il espérait continuer à maintenir une certaine conversation. Faire passer le temps ? Oui, il y avait ça aussi, mais c'était surtout pour oublier la pointe d'angoisse que lui procurait ce lieu, à cette heure, avec cette personne.

Il y avait une chose à laquelle le garçon ne s'était pas attendu, c'était voir la professeure de botanique sourire. D'un côté, cela mettait en valeur son visage qui gardait une certaine jeunesse, de l'autre... Il faisait un peu froid dans le dos par la malice qui se cachait derrière. Était-elle vraiment directrice de serdaigle ? Là, comme ça, il aurait plus parié sur Serpentard. Cependant, le garçon n'était pas au bout de sa peine, car le petit commentaire qu'elle plaça lui arracha un sourire, comme s'il avait trouvait un partenaire de jeu... Un partenaire de jeu aussi effrayant qu'un troll qui cachait la férocité d'un dragon, mais un partenaire tout de même.

« Vous venez de me faire réaliser à quel point les serres étaient sous-estimées ! Maintenant, que vous le dîtes comme ça... C'est mon lieu préféré de Poudlard ! Après la bibliothèque, salle de duel, salle commune, terrain de quidditch, le lac, les salles de cours, la grande salle... Mais bref, après ces quelques lieux, vraiment, mon lieu préféré ! Nul besoin d'aller à la forêt interdite ! »

Reprenant le cour de sa réflexion sur la plante, ça l'embêtait assez d'avoir oublié quelque chose d'aussi important que son rattrapage de première année, lui qui pensait avoir une bonne mémoire. On parlait tout de même d'un élève qui avait eu en notre minimale à ses BUSE et ASPIC aucune note sous l'Effort Exceptionnel, avec un nombre assez important d'opitmal. Comme aimait plaisanter le garçon à ce sujet, la plupart des élèves obtenaient optimal parce que c'était tout ce dont ils étaient capables, lui n'obtenait cette note que parce que c'était tout ce qu'il y avait à obtenir. À cette pensée, il se demanda s'il n'était peut-être pas mal placé pour juger l'inadéquation de la professeure avec sa maison. Éloignant cette pensée, il n'aimait jamais se dire qu'il aurait fait sans doute un bon Serpentard, il se lança dans son récit. Son visage essayait d'être neutre, mais on disait souvent que le regard était le miroir de l'âme. Or, à cet égard, les yeux du garçon brûlaient de rancœur et de haine, cachant presque son désir de reconnaissance.

La professeure semblait écouter d'une oreille distraite. Certains se seraient offusqués, mais Rhys ne faisait pas partie de ce genre de personne. Parfois, il se disait qu'il n'avait aucune personnalité, mimant l'attitude qu'il avait face à lui. Quand on lui servait le mépris, il répondait par la colère. Quand on lui servait patience et écoute, il servait calme et réflexion. C'était le bon contexte pour réussir à réaliser sa punition. Même si la compagnie de la professeure se faisait plus légère que ce à quoi il s'était attendu, une onzième heure serait sans doute de trop. Finalement, il eut même le droit à une réponse à son interrogation. Bon, une réponse avec une autre question qui fit toussoter Rhys. Une des rares fois qu'il gardait une remarque pour lui. Pourtant, dans son esprit résonnait la saillie suivante :" je dois être trop vert pour admirer la beauté de l'expérience"... Non, car madame Miller avait bien des qualités et malgré son sang, le gryffondor avait un minimum de respect pour sa directrice de maison, mais elle avait tout de même plus de quarante ans...

Pourtant cette petite moquerie intérieure dont même son auteur reconnaissait sa bassesse, fut vite écartée par la suite de la réponse de la botaniste. Mais bien sûr, le filtre de mort vivante ! Cela faisait sens. Sachant désormais l'utilité et l'importance de ce qu'il faisait, du moins le croyait-il, il s'appliqua encore un peu plus à la tâche traitant avec plus de respect chaque pousse qu'il mettait en terre. C'était une chose d'avoir des ingrédients de qualité, s'en était une autre de vouloir faire de la recherche qui pouvait aider des patients atteints de certaines maladies. Après tout, si elle découvrait une utilité anesthésiante pour cette fleur, elle arriverait sans doute à trouver de nouvelles anesthésie moins invasive ou de nouveau traitements pour des maladies encore incurables. D'ailleurs, cela faisait sens, il ne s'était jamais posé la question jusque-là, mais comment un ingrédient pouvait être commun entre la potion de beauté et le philtre de la mort ? Sans doute parce que la potion de beauté fonctionnait en lissant les traits du visage, détendant les muscles. Or tout remède devenait un poison à trop forte dose et à trop détendre des muscles, trop interférer avec le travail nerveux, il devait entraîner la mort. C'était logique non ? Du moins dans la tête du gryffondor. Il n'avait gardé ni botanique ni potion, mais cela ne l'empêchait pas de trouver certaines questions liées à ces matières passionnantes, tant qu'on le tenait éloigné d'un filet du diable.

Pendant ce bref instant de réflexion, le regard de Rhys luisait d'une nouvelle étincelle. La haine et le mépris avaient laissé place à de l'intérêt, trahissant sa réflexion sur le sujet. Quitte à être ici à aider, autant comprendre ce qu'il faisait, non ? Il fallait bien rentabiliser son temps. Or rares étaient les punitions qu'il n'arrivait pas à rentabiliser. Néanmoins, cette lueur disparut quand la professeure parla d’imbécillité et il se rembrunit quand elle parla de l'importance du dossier. Bien sûr, le dossier était peut-être plus important qu'à son époque, mais y avait-il eu un Ministre de la Magie né moldu qui avait duré et marqué le monde magique ces dernières années ? Les né-moldu étaient-ils représentés au Magenmagot et au Ministère ? Si c'était marginalement le cas, ce n'était en rien comparable aux sangs-purs. Alors que le garçon menaçait de se refermer sur lui-même, il fut totalement pris de court par l'évocation de la vengeance. Ça non plus il ne s'était pas attendu à cela de la part de la professeure. Levant la tête vers elle, un sourcil levé, il finit par suivre son regard vers les mandragores. Finalement, avait-il vraiment envie de savoir ce à quoi elle pensait ? Non, il y avait des portes qu'il valait mieux éviter d'ouvrir et il préféra donc remettre toute son attention sur la mise en terre des pots. Puis arriva la question qui fit s'arrêter le garçon le temps de réflexion. Cela ne dura que quelques instants, quelques secondes. Voulant être sûr de la réponse, il finit par répondre.

« Oui... Et non à la fois... La méthode, bien sûr que je la recommencerais les yeux fermées... C'est le résultat que je voudrais changer. »

Claquant la langue, il savait qu'il n'aidait pas son cas en faisant cette confession, mais elle ne semblait pas le juger personnellement. Même si quelques-unes de ses réflexions le heurtaient, jamais elle n'avait employé un ton moralisateur, comme si pour elle la fin justifiait les moyens. Or, à cet égard, Rhys n'avait pas été très bon.

« Bien sûr, je pourrai me venger autrement... Plus discrètement... Mais je n'arriverai pas à ce, je veux. »

Il avait déjà fait des vendettas discrètes, notamment quand ça concernait son amie Apolline, mais quand ça touchait au né-moldu, il voulait que le combat soit connu de tous.

« Les sangs-purs sont persuadés d'être supérieurs à un né-moldu... Quand ils perdent un duel... C'est cette fierté que je leur enlève... Je leur retire cette certitude... Et puis... Généralement, les punitions sont relativement souples puisque je ne franchis jamais de ligne rouge... »

Jamais il n'avait envoyé un de ces enfants consanguins à Saint Mangouste. Pourtant, il en avait envie, cette simple idée se voyait sur le coin de ses lèvres qu'il essayait de cacher. Par Merlin ce que Cloven méritait d'aller à Saint Mangouste. Une chirurgie ne lui ferait pas de mal pour lui retirer son sourire satisfait.

« Je veux dire, certes, c'est une habitude d'être puni... Depuis la primaire... Erm... Mais quand la punition, c'est d'aider les autres, est-ce vraiment une punition ? Certes, j'aurai eu d'autres projets ce soir, comme réviser, m'entraîner au duel... Mais... Je peux bien prendre dix heures de ma vie à vous aider pour vos recherches. Il est rare qu'un professeur ou membre du personnel m'ait demandé quelque chose que je n'aurai pas fait sans punition... »

Ce n'était pas comme s'il devait recopier des lignes encore et encore, là, il aurait sans doute essayé d'esquiver. Mais si Rhys était réputé pour être un cancre, il était un cancre qui avait toujours assumé ses punitions sans aucune plainte. Du moins pas pendant ces dernières.

« Donc oui, professeure... Je le referai espérant un autre résultat. Car le dossier ne compte pas tant que ça. Regardez le ministère et le magenmagot. Ces postes sont encore difficiles d'accès pour un né moldu... Alors... Quand ce qu'on vous reproche, c'est votre existence même, quel autre choix avez vous si ce n'est de vous battre ? S'ils ne peuvent m'accorder leur respect... Il ne me reste plus qu'à arracher leur fierté. »

Rien de ce qu'il fera ne changera le fait qu'il était un né-moldu. La seule chose qu'il pouvait faire, c'était être assez fort pour surpasser tout sang-pur qu'il voudrait le rabaisser.

Le Gallois écoutait patiemment ce que la professeure de botanique disait. Elle avait toujours ce quelque chose d'effrayant, notamment quand elle souriait. Il ne saurait expliquer pourquoi, mais il y avait comme un danger dans son regard, une tension dans sa malice. Elle avait beau être directrice de Serdaigle, il avait l'impression d'être face à la plus noble des Serpentard. Sa voix était douce, rien ne trahissait une quelconque agitation, elle était sage, mais il y avait une chose qui trahissait sa ruse dans sa façon de sourire. Ceci dit, Rhys commençait à être à l'aise avec cet aspect-là de la professeure. Pourquoi ? Car que pourrait bien lui vouloir de mal une enseignante ?

Ce n'était pas comme s'il pouvait être utile à des intrigues personnelles entre membres du corps enseignant. Non définitivement, même si elle faisait peur, c'était une peur qu'il commençait à apprivoiser. C'était d'autant plus vrai quand il se concentrait davantage sur ce qu'elle disait que sur ce que son visage trahissait. Il y avait une grande sagesse dans ses propos... Plus qu'il ne voulait bien l'admettre. D'ailleurs, il n'était pas sûr de ce qu'il voulait bien admettre ou non. Heureusement, elle ne semblait pas attendre de réponse. Les choses étaient si compliquées. D'une part, les résultats importaient plus que les moyens. Il voulait bien être un monstre si à la fin il gagnait. Néanmoins, parfois, les fins passaient par les moyens. Si on voulait une fin heureuse, alors il valait mieux éviter de verser du sang, par exemple. Le Gallois était encore immature, car malgré tous les combats dans lesquels il s'était engagé, malgré le fait qu'il ait dû s'assumer dès qu'il fut adulte, il n'arrivait pas à voir le monde au travers d'un regard adulte. Il oscillait entre cynisme et idéalisme sans jamais trouver le juste milieu du pragmatisme. La voie de la paix n'était pas possible, il y avait trop d'exemples pour montrer à quel point il était impossible de vaincre la violence par la paix. Même les héros des sorciers s'étaient illustrés en combattant. Souvent, en combattant noblement, c'était vrai, mais en combattant tout de même.

Pourtant, il ne pouvait se résoudre à emprunter entièrement la voie que lui présentait la professeure. En effet, la voie de la violence qu'elle décrivait n'était pas celle à laquelle il aspirait. La destruction totale n'était pas une solution. Certes, en tuant tous les sangs purs, en tuant tous ceux qui n'appartenaient pas à ceux qu'il jugeait digne, il purifierait la société et mettrait fin au racisme d'une certaine façon. Sauf que Rhys était assez malin pour savoir à quel point, ce serait idiot. Ce ne serait qu'une solution de court terme, car une fois les sangs-purs détruits, les né-moldus ainsi que les sangs-mêlés, deviendraient à leur tour une élite qui toiserait les nouveaux arrivants qui n'auraient pas eu à se battre. Et puis, il y avait des sangs-purs qu'il ne voulait ni détruire, ni spolié de leur honneur. Apolline, Circé, Finn, Lheina, autant de noms qui n'étaient rien d'autre que des chaînes qui arriveraient à contenir marginalement la haine et la rancœur du Gallois. Finalement, une partie de Rhys était arrivée à une conclusion qu'il ne voulait pas embrasser. Ni les résultats ni les moyens comptaient.

On pouvait chercher à changer les résultats comme lui avec son duel, mais si le résultat importait tant que ça, ce n'était pas en le combattant honorablement qu'il l'emporterait, du moins pas encore. Ce qui importait réellement s'étaient les choix et les conséquences. La vie n'était faite que de ça, il n'existait rien d'autre. On ne pouvait que prier des résultats des choix que l'on faisait, mais on en choisissait rarement les conséquences. Et ceux qui n'étaient pas prêts à assumer les conséquences feraient mieux de vivre gouvernés par les autres. Sur ça, la professeure de botanique semblait être en adéquation avec l'élève face à elle. En revanche, alors qu'il buvait ses paroles, y réfléchissant, tiraillé par ses propres débats, il reçut une remarque qui s’apparenta plus à un couteau en plein cœur qu'à un constat. Comment ça, il manquait de confiance en lui et d'amour-propre ? Offusqué, il ouvrit la bouche pour conteste avec rage et hargne, mais les mots lui manquaient, comme désarmés par la sincérité du sourire face à lui. Après tout, il ne pouvait pas louer sa sagesse pour après se rebiffer dès que quelque chose lui déplaisait. Et puis une question hantait le garçon. Avait-elle fondamentalement tort ? Avait-il vraiment envie de répondre à cette question ?

À défaut de réponse, il se contenta d'écouter la suite, frustré. Cette perturbation le fit abîmer une des pousses. Il essaya de rattraper son erreur, mais il était loin d'être un expert. Et puis une chose attira son attention le détournant un peu plus de sa tâche. Ce labyrinthe... S'il réussissait et que c'était connu, plus personne ne viendrait remettre en question sa place dans le monde sorcier, ses talents et son ingéniosité. Cela se tentait. Définitivement, cela pouvait même être marrant ! Le danger ? On y était toujours confronté un jour ou l'autre. S'il le fuyait autant renoncer à toute ambition en politique ou son stage chez les aurors. Bref, de toute façon, avant de creuser, il devait finir son travail ici.

« Oui... J'ai fini, mais comme vous avez vu... J'ai fait une petite erreur avec une des boutures... Je suppose que je suis bon pour une onzième heure de colle ? »

Cela avait été demandé sans plaisir, sans aucune trace de flagornerie. Mais une mission était une mission. Elle l'avait prévenu de ce qui arriverait s'il maltraitait une des plantes. Il l'avait fait, il était normal qu'il en subisse les conséquences. Toujours droit dans ses bottes, du moins il aimait se rassurer avec cette phrase, il préférait montrer patte blanche. Et puis d'une certaine façon, il pouvait s'estimer heureux. Vue la quantité de plantes qu'il devait plantait, un échec, c'était plutôt excellent.

« Pour ce qui est de cette histoire de labyrinthe ? Vous pourriez m'indiquer où c'est ? Même si la fin n'est pas intéressante... Les défis sont plus fait pour mesurer sa propre force qu'avoir... Enfin, vous savez... Une récompense... Vous allez trouver ça sans doute puéril... Mais on ne progresse pas sans se mettre en danger. »

C'était le principe même de l'évolution... On ne la provoquait pas dans le confort d'un château. On évoluait seulement en traversant des crises et des tempêtes. Il avait évolué comme combattant pas seulement au travers des entraînements, mais aussi des rixes. Quel sorcier serait-il devenu si ces combats avaient mis sa vie en jeu ? Mort sans doute, vu son nombre de défaites. Cependant, il était peu probable que le danger soit réellement mortel si c'était une professeure qui le proposait.

« Et concernant la voie de la paix ou de la violence... Je ne vous ai pas répondu car... Je me disais que vous n'attendiez pas de réponse... Mais je voudrais juste être clair sur un point... Je ne suis pas extrémiste... J'ai des amis sangs-purs... Je sais que ça fait excuse dit comme ça... Sauf que c'est vrai. Parmi les gens que j'aime le plus ici, il y a des sangs-purs... Ils sont gentils... Ils me disent qu'eux ne prennent pas en compte le sang... »

Rhys eut un rire amer... Ce qui devait être au départ une façon de montrer qu'il était nuancé, prouvait simplement que même dans ses sentiments les plus nobles l'arbre de la rancœur y avait plongé ses racines,

« C'est facile de ne pas prendre en compte le sang quand on est sang-pur... Je sais qu'ils le pensent... Et je les respecte pour ça. Mais ne pas prendre en compte quelque chose ne veut pas dire comprendre. C'est comme si je disais... Non mais ce n'est pas grave que tu sois un loup-garou, ça n'a pas d'importance pour moi... Sauf que ce n'est pas moi qui risque de perdre mon emploi et être jugé par l’entièreté de la société... Vivre avec la peur au ventre dès que la lune est trop pleine... Enfin... Tout ça pour dire que je sais que tous les sangs-purs ne méritent pas d'être violentés, ni même humiliés... Mais la voie de la paix n'est pas possible... Du moins pas à elle seule... Il faut savoir tendre la main à ceux qui veulent la prendre, même s'ils ne peuvent pas comprendre, et l'utiliser autrement pour ceux qui ne comprennent pas... C'est pour ça que je veux faire de la politique... Après tout, quand on parle de violence... Elle n'est jamais purement physique. Et celle-là permet de mieux cibler ses ennemis que juste agiter sa baguette dans tout le château.»

Se raillant lui-même, Rhys s'empressa de reprendre le sujet de conversation pour ne pas trop parler du cas hybride. En substance, il disait clairement qu'il avait conscience que les hybrides étaient bien plus mal traité. Certains lui avaient dit ça comme si ça devait l'aider à relativiser sa situation. Par Merlin, qu'il trouvait ça idiot. Au contraire, ça le révoltait encore plus. Nul ne devrait connaître ça. Sauf qu'il n'était pas très légal de critiquer la politique du ministère. Ce petit écart, qu'il n'aurait fait normalement qu'auprès de Monsieur Korrigan lui prouva une chose...

« Vous savez Madame... Vous me faites un peu peur... Je veux dire... Votre sourire est encore plus menaçant que les crises de colère du concierge... Mais... J'apprécie de passer du temps avec vous. C'est agréable. Même si j'avoue ne pas trop aimer les heures de colle, finalement, je suis content d'être tombé sur vous. »

« Ce qui était annoncé, c'était qu'à chaque bouture que je casserai, j'aurai une heure de colle supplémentaire. Si vous estimez qu'elle était cassée, il est normal que je fasse la onzième heure, en effet. »

Le ton du garçon n'était pas celui d'un élève qui contestait indirectement la décision. Il rappelait juste le cadre exact de la promesse. Après tout, quand on faisait une promesse ou une menace, les mots choisis étaient plus importants que l'intention qui se cachait derrière. Après tout, l'importance dans ce qu'on disait n'était jamais ce que l'on pensait, mais ce que l'autre comprenait. C'était ainsi que l'on pouvait manipuler les gens sans se sentir coupable. Cependant, Rhys se l'interdisait et enfermait cette partie de lui au plus profond de son âme. D'ailleurs, il se gardait aussi d'être celui qui jugerait la limite entre cassée et abîmée... Si de son œil néophyte la bouture n'était que légèrement abîmée, l'expertise de botaniste devait savoir ce qu'entraînerait cette légère blessure à la plante. Au lieu de ça, il se contenta d'écouter sa mise en garde. Pour la première fois, elle était un peu plus dure, cassante, sans doute... Enfin, en tout cas, il y avait eu un changement de ton.

« Vous dites cela comme si le danger était une mauvaise chose. »

Là, comme ça, on aurait pu croire que c'était de l'insouciance à l'état pur. Ça l'était sans doute. Du moins en partie. Car Rhys était bien alerte que les blessures et la mort n'étaient pas que de grands mots. Il avait ressenti déjà parfois le frisson froid dans son dos lors de ses plans les plus foireux et il avait senti dans sa chair qu'il n'était pas immortel au cours de certaines rixes qui avaient particulièrement mal tourné. Un Sectusempra qu'il avait eu n'avait toujours pas pleinement guéri et avait laissé quelques griffures sur son flanc, un rappel constant que la magie ne pouvait pas guérir. Pourtant, il était prêt à mettre sa vie en danger. Certains disaient qu'on mesurait la vie à ce pour quoi on était prêt à la sacrifier. En ce sens, beaucoup de choses donnaient du sens à son existence. Le Gallois préférait une autre vision. La valeur d'une vie se mesurait à ce qui nous maintenait en vie, en ce sens, il n'avait pas beaucoup de valeur.

« La vie est pleine de danger... Ceux que l'on connaît sont toujours plus acceptables que ceux qui nous sont inconnus. D'ailleurs, vous avez parlé de danger, pas de fatalité. Si vous m'aviez dit de plonger dans le lac les pieds attachés à un bloc de pierre, il est possible que je trouve ça suicidaire... Mais le danger n'est rien d'autre qu'un partenaire de vie qu'il faut apprendre à côtoyer. »

Ce n'était pas tant qu'il ne considérait pas le danger, mais comme un potionniste devait vivre avec le poison, celui qui visait la gloire ne pouvait s'attendre à la sécurité. Après tout, la gloire n'avait pour seul prix que de marcher auprès de sa propre mort.

« Et puis... Vous savez ce qu'on dit. À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. Je ne suis pas le genre de personne à refuser de payer l'addition de ce qu'il désire. Le monde n'est pas juste, mais il faut tout de même assumer les conséquences de ses choix. Si je voulais être en sécurité, au chaud, avec vie heureuse accompagnée d'une personne aimée et dont la vie paisible se terminerait auprès de tous ceux qui ont compté pour lui, je m'orienterais vers une autre voie. En revanche, je note votre précision et j'éviterai autant que possible d'impliquer qui que ce soit d'autre... »

Là encore, il parlait de cela avec un certain calme. Il n'y avait pas d'arrogance, juste un simple état de fait. Si être célèbre et aimé de tous était facile, tout le monde le ferait... Or, s'il voulait le faire, il devait accepter la difficulté. C'était, d'une certaine façon, triste qu'il soit prêt à tant sacrifier pour un succès éphémère et des applaudissements hypocrites. Pourtant, il y avait ce vide dans son cœur qui ne cherchait qu'à être comblé, toujours un peu plus. C'était sans doute dans ce vide que prenait racine son ambition et son infamie. Si les sirènes du premier le séduisaient, il arrivait encore à résister au deuxième, mais pour combien de temps ? C'était une peur grandissante, celle de devenir un monstre et d'incarner ce qu'il combattait. Cependant, Rhys n'eut pas vraiment le temps de se torturer un peu plus sur ses craintes, car arriva le sujet qui déchirait le monde sorcier.

Il avait parlé, beaucoup parlé. Certains disaient qu'il aimait s'écouter, mais il aimait aussi écouter les autres. Alors il se contenta d'accorder toute son attention à la professeure. Il ne cacha pas sa surprise en réalisant qu'elle ne parlait sans doute pas d'une autre personne qu'elle. Par les temps qui courraient, c'était une chose assez importante que d'avouer toute forme d'hybridité. Pourtant elle le faisait devant l'étudiant encore incertain de bien comprendre. La surprise était pure, ce n'était ni du jugement ce qu'il entendait, ni même de la gêne d'avoir osé parler d'un sujet qu'il ne maîtrisait pas. Après tout, il ne pouvait pas savoir. Si ça se trouvait, elle ne parlait pas d'elle-même. D'ailleurs, était-ce important ? Ça l'était sans aucun doute pour sa professeure, mais est-ce que ça changerait le regard qu'il avait d'elle ? Est-ce que ça alimenterait cette peur qu'elle lui disait normale et presque saine ? Non. Que répondre à cette presque confession ? Rien, car elle n'attendait pas de réponse. Il n'y avait aucune parole qu'il pouvait dire. Comme il l'avait expliqué, il ne pouvait pas comprendre. Il ne chercherait pas l'hypocrisie... Il n'y avait qu'une chose qui lui venait du plus profond de son cœur... Des mots si sincères qu'ils en échappaient à la censure du bon sens.

« Je regrette de ne jamais vous avoir eu comme professeure. »

Son hybridité n'était pas la cause de ses mots. C'était plus sa façon de parler, énigmatique, bienveillante mais aussi tranchante que la lame de Gryffondor. La seule chose qu'il pouvait faire, c'était montrer qu'il appréciait sa compagnie à défaut de pouvoir offrir un autre témoignage de discrimination. D'ailleurs, elle lui offrit un avertissement, notamment contre les chasseurs. À cette simple évocation, le regard du Gallois changea. Ce n'était pas un terme anodin surtout depuis son rendez-vous avec @Thalia Böhm. Elle incarnait pour lui ce mot si bien que quand il l'entendit, c'est à elle qu'il pensa. Cherchant à réprimer cette pensée, il ne fit que luire son regard un peu plus. On pouvait y voir son mépris et en même temps son affection refoulée pour la chasseuse... Regard accentué par un tremblement au niveau de ses lèvres. Il aurait tant aimé pouvoir mettre les choses au clair avec la demoiselle, mais elle ne devait être qu'une vipère qui l'avait manipulé pour le plus grand plaisir de la princesse Waldorf. Se mordant la lèvre inférieure, il secoua la tête pour écouter la fin du discours de sa professeure, notamment sur l'importance de sa discrétion. Maintenant, qu'il avait chassé la Serpentard de son esprit, Rhys devenait sérieux, calculateur, trahissant un peu l'image du Gryffondor incapable d'une once de réflexion face au danger qu'il avait montré juste avant.

« Si le tableau n'y est plus, je doute qu'ils aient parfaitement condamné le passage, ils devaient avoir d'autres priorités à l'époque... Mais par acquis de conscience à quoi ressemblait ce tableau ? Je suppose que Révélio me sera utile, mais si les directeurs ne veulent plus d'étudiants là-bas, il n'est pas impossible qu'ils aient masqués la chose par des sorts... Ceci dit, le relief du mur, les courant d'air, les traces au sol trahiront sans doute un ancien passage secret. Le bois ainsi que la pierre ont cet avantage de garder en eux les marques malgré le temps. De plus, si c'est un labyrinthe... Je suppose que le passage doit descendre sous Poudlard, ce qui suppose un espace suffisant pour y descendre. C'est rare les passages secrets avec des échelles ou une corde pour y accéder... Oh et pourquoi le directeur serait si hostile à la réouverture de ce labyrinthe ? Non, car il y a la forêt interdite juste à côté du château qui cause quand même quelques soucis assez importants chaque année. Quelle différence entre un aventurier de la forêt et du labyrinthe ? »